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Archives - Salle de presse

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DÉCLARATIONS DE L'HONORABLE ANNE MCLELLAN
ET DE L'HONORABLE STÉPHANE DION


OTTAWA (ONTARIO), le 20 août 1998 – Dans le cadre des réactions à l'avis de la Cour suprême, veuillez trouver ci-joint le texte de la déclaration faite aujourd'hui par l'honorable Anne McLellan, ministre de la Justice et procureure générale du Canada, et celui de la déclaration faite aujourd'hui par l'honorable Stéphane Dion, Président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales.

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Pour informations :

Pierre Gratton
Secrétaire de presse de l'honorable Anne McLellan
(613) 992-4621

André Lamarre
Secrétaire de presse
(613) 943-1838

 

DÉCLARATION DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE
ET PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA
Mme ANNE McLELLAN EN RÉPONSE À LA DÉCISION
DE LA COUR SUPRÊME


L'avis rendu par la Cour suprême du Canada aujourd'hui fait montre d'une grande sagesse et il mérite le respect de tous les Canadiens. La décision ne vient pas seulement éclairer d'importants points de droit. Elle rappelle également à tous les principes de base qui doivent nous guider lorsque nous abordons la difficile question de la sécession.

1. Pourquoi avons-nous présenté le renvoi ?

Le gouvernement du Canada a soumis le renvoi à la Cour suprême du Canada en conséquence de la position prise par le gouvernement du Québec, qui soutenait que le doit international donne au gouvernement du Québec le droit de séparer le Québec du Canada de façon unilatérale, de faire sécession en ne tenant pas compte de l'ordre juridique canadien. Au nom du droit international, il prétendait pouvoir enlever aux Québécois le droit de participer aux avantages dont ils jouissent en tant que Canadiens. Le gouvernement du Canada croit qu'il avait une obligation, au nom de tous les Canadiens, d'obtenir des précisions sur ces questions de droit fondamentales.

2. L'avis de la Cour suprême

La Cour suprême du Canada est un tribunal impartial de juristes indépendants qui est hautement respecté au Canada comme à l'étranger. Elle a rendu une décision mesurée et mûrement réfléchie. Le gouvernement du Canada respectera cet avis et s'y conformera et nous prévoyons que tous les gouvernements et les citoyens du Canada en feront autant.

Nous avons soumis trois questions juridiques précises à la Cour suprême se rapportant à l'action unilatérale éventuelle par le gouvernement du Québec. Nous avons maintenant en main la réponse de la Cour à ces questions. La Cour a décidé que la Constitution canadienne s'applique à tout projet sécessionniste et que le droit international ne justifie aucunement de procéder unilatéralement à la sécession d'un pays démocratique comme le Canada.

Nous sommes satisfaits de constater que la Cour a reconnu la nature clairement juridique des questions posées, et qu'elle a reconnu également leur importance primordiale pour le public. Plus important encore, la Cour a souligné l'importance de la primauté du droit comme principe essentiel de toute démocratie. Elle a fait ressortir l'importance et l'interdépendance des principes constitutionnels de fédéralisme, de démocratie, de constitutionnalisme, de primauté du droit et de respect des minorités.

La décision rendue sur le renvoi n'interfère en rien avec le droit des Québécois de s'exprimer au sujet de leur avenir. Elle rehausse les droits démocratiques de tous les Canadiens en apportant des précisions sur des questions juridiques fondamentales.

L'insistance de la Cour sur la nécessité de négociations constitutionnelles pour réaliser la sécession est également conforme à la position que le gouvernement du Canada a toujours adoptée. En vertu de la Constitution, les modifications constitutionnelles permettant de faire sécession doivent être négociées.

La Cour a déclaré : «Tout projet de sécession d'une province du Canada qui n'est pas entrepris en conformité avec la Constitution du Canada est une violation de l'ordre juridique du Canada.» Il en découle une obligation constitutionnelle de négocier en respectant les principes constitutionnels énoncés par la Cour.

La Cour suprême a confirmé l'un de nos arguments clés, à savoir que le droit international ne justifie aucunement le gouvernement du Québec de procéder unilatéralement à la sécession. Elle a déclaré qu'une sécession unilatérale ne serait vraisemblablement pas acceptée en droit international, si elle est incompatible avec la Constitution d'un État existant, comme c'est le cas au Canada. Elle a conclu : «Un État dont le gouvernement représente, dans l'égalité et sans discrimination, l'ensemble du peuple ou des peuples résidant sur son territoire et qui respecte les principes de l'autodétermination dans ses arrangements internes a droit, en vertu du droit international a la protection de son intégrité territoriale.»

Pour ce qui est des minorités, notamment des peuples autochtones , nous accueillons favorablement la déclaration de la Cour selon laquelle la protection de leurs droits est le reflet d'une valeur constitutionnelle importante.

Avant de céder la parole à mon collègue, le ministre Stéphane Dion, je tiens à souligner que le principe de la primauté du droit est le cadre à l'intérieur duquel les démocraties évoluent. Il n'y a pas d'incompatibilité entre le principe de la primauté du droit et la démocratie. L'un et l'autre se renforcent et se complètent. Nous partageons tous les principes démocratiques et nous appuyons et respectons le principe de la primauté du droit. Comme la Cour l'a affirmé, la démocratie au sens plein du terme ne peut exister sans la règle de la primauté du droit. C'est la loi qui crée le cadre à l'intérieur duquel la «volonté souveraine» peut s'affirmer et s'exercer.

 

DÉCLARATION DE L'HONORABLE STÉPHANE DION EN
RÉACTION À L'AVIS DE LA COUR SUPRÊME


Il est peu de décisions plus graves en démocratie que celle qui consiste à séparer un pays, c'est-à-dire à ériger une frontière internationale entre des concitoyens qui, du coup, cessent d'être des concitoyens. Une telle décision ne doit pas être prise à partir d'informations erronées, surtout quand il est question des droits des gens.

1. Pourquoi ce recours à la Cour suprême?

Une sécession mutuellement consentie est une possibilité admise au Canada alors qu'elle ne l'est pas dans la plupart des démocraties. Dans l'éventualité très improbable où les Québécois indiqueraient clairement leur volonté de renoncer au Canada, la sécession serait négociée dans le respect de l'État de droit et de la démocratie pour tous.

Mais l'actuel gouvernement du Québec soutenait que le droit international lui donne le droit d'effectuer l'indépendance de façon unilatérale, de faire sécession en ignorant l'ordre juridique canadien. Au nom du droit international, il prétendait pouvoir nous enlever, à nous Québécois, notre plein droit d'être aussi des Canadiens et d'en retirer tous les avantages au Québec, ailleurs au Canada et partout dans le monde. C'est ce qu'il entendait faire, après nous avoir consulté à sa façon.

Le Procureur général du gouvernement du Québec a soutenu cette thèse jusque devant la Cour supérieure du Québec le 16 avril 1996, lors de la cause Bertrand c. Bégin, affirmant que le processus d'accession à l'indépendance «trouve sa sanction dans le droit international et la Cour supérieure n'a pas juridiction à cet égard.» Le gouvernement du Canada n'avait alors d'autre choix que de contester cette prétention extraordinaire, qu'il estimait fausse, en intervenant devant la Cour supérieure du Québec. Celle-ci ayant jugé la cause recevable, et le Procureur général du Québec ayant décidé de se retirer, le gouvernement du Canada a soumis la question à la Cour suprême.

Le gouvernement du Québec ne peut s'appuyer sur le droit international pour mettre fin, de façon unilatérale, aux devoirs et aux responsabilités du gouvernement du Canada envers les Québécois. Telle était l'opinion du gouvernement du Canada. Il était persuadé que, non seulement du point de vue légal, mais aussi sur le plan moral, il ne pourrait jamais mettre fin à ses responsabilités constitutionnelles envers les Québécois sans être habité lui-même de la conviction que telle est la volonté claire des Québécois. Et d'un point de vue strictement pratique, une séparation sans accord lui paraissait infaisable.

Le gouvernement du Canada était convaincu que ses responsabilités envers tous les Canadiens l'obligent à défendre les intérêts de tous les Canadiens, en toutes circonstances, même celle, extrêmement pénible, d'une sécession.

Il y avait donc deux interprétations juridiques contraires, l'une qui accordait au gouvernement du Québec le droit unilatéral de faire l'indépendance, l'autre en vertu de laquelle un tel droit n'existait pas.

Or, en démocratie, lorsqu'un désaccord survient sur une question juridique, il est de coutume de demander au pouvoir judiciaire les clarifications requises. C'est exactement ce que le gouvernement du Canada a fait.

Quoi qu'on en ait dit, le gouvernement du Canada n'a bien sûr pas demandé à la Cour de se substituer à la volonté populaire. Ce n'est pas là son rôle. Mais elle nous fournit des clarifications juridiques fondamentales à propos de la démarche unilatérale de sécession envisagée par l'actuel gouvernement du Québec.

Cet avis de la Cour suprême du Canada ne crée pas de nouveaux obstacles à l'indépendance du Québec. Immanquablement, les tribunaux auraient été saisis de ces questions si un gouvernement avait tenté de faire unilatéralement l'indépendance. En effet, peut-on imaginer qu'aucun Québécois n'aurait contesté en Cour une démarche unilatérale visant à lui faire perdre ses droits de Canadien? Il valait beaucoup mieux clarifier ces choses maintenant, dans le calme, plutôt que dans la turbulence d'une éventuelle tentative de sécession.

2. Les conséquences de ce renvoi

La Cour a fait connaître son avis aujourd'hui. Elle confirme que notre Constitution tout comme le droit international permettent l'indépendance du Québec, mais que le gouvernement du Québec n'a pas le pouvoir constitutionnel ni le droit, en droit international, d'effectuer unilatéralement l'indépendance. Cela signifie que le gouvernement du Québec ne saurait imposer à lui seul le processus et les termes de la rupture du Canada. Il n'a pas le droit de prendre sur lui de nous retirer, à nous Québécois, notre pleine appartenance au Canada. L'avis de la Cour à cet égard ne saurait être plus clair.

En même temps, la Cour établit, comme le gouvernement du Canada l'a toujours prétendu, l'obligation de négocier la sécession en cas de «rejet clairement exprimé par le peuple du Québec de l'ordre constitutionnel existant.» Ces négociations, précise la Cour, toucheraient bien plus que les seuls détails logistiques de la sécession : «Les négociations devraient traiter des intérêts des autres provinces, du gouvernement fédéral, du Québec et, en fait, des droits de tous les Canadiens à l'intérieur et à l'extérieur du Québec, et plus particulièrement des droits des minorités.» C'est là la position que défendait le gouvernement du Canada devant la Cour, et celle que j'ai exposée dans mes lettres au Premier ministre Bouchard et à ses ministres.

Les citoyens sont les grands gagnants. Les citoyens du Québec se voient confirmer le droit de rester dans le Canada tant qu'ils n'auront pas clairement indiqué leur volonté d'en sortir. De plus, ils ont obtenu l'assurance que jamais ils ne seront retenus dans le Canada contre leur volonté clairement exprimée.

L'actuel gouvernement du Québec doit respecter l'avis de la Cour et exclure en conséquence la déclaration unilatérale comme moyen pour accéder à l'indépendance. Agir autrement serait irresponsable de sa part. Il lui faut admettre l'évidence, à savoir qu'une sécession unilatérale est non seulement illégale mais également impraticable. Elle placerait les Québécois devant des choix impossibles et pourrait nous plonger dans le désordre.

Nous savons maintenant que si, après une procédure de consultation populaire établie et interprétée par lui seul, le gouvernement du Québec s'autoproclamait, unilatéralement, gouvernement d'un État indépendant, les citoyens et les gouvernements seraient en droit de ne pas le considérer comme tel. Voilà qui créerait un problème grave entre le gouvernement du Québec et l'ensemble du Canada, mais surtout un problème beaucoup plus grave entre le gouvernement du Québec et de nombreux Québécois.

Il faut lui demander, à l'actuel gouvernement du Québec, comment il pourrait, par une démarche contraire au droit, enlever le Canada à des millions de Québécois qui se considéreraient toujours Canadiens. Devant quel tribunal poursuivrait-il les citoyens qui refuseraient de se plier à certaines de ses lois en invoquant le motif qu'elles ne seraient pas conformes à la Constitution canadienne? Il est peu de choses plus dangereuses en démocratie qu'un gouvernement qui se place lui-même au-dessus des lois et néanmoins continue d'exiger l'obéissance des citoyens.

Il faut garder en mémoire certaines déclarations passées du gouvernement péquiste quant à la nécessité de respecter le droit en toutes circonstances. Ainsi celle de l'ancien Premier ministre du Québec, M. Jacques Parizeau :

«Nous sommes un État de droit. Le Canada, le Québec ne sont pas des républiques de bananes. Il y a le droit. Il y a la Constitution. Il y a le droit international. Et nous avons tous été élus pour défendre le droit. Comme législateurs, dit-on, nous avons comme rôle de défendre le droit tel qu'il existe et de le modifier si on juge utile de le modifier. Mais nous appartenons à un État de droit.» (Débats de l'Assemblée nationale, 19 mai 1994)

Ou encore celle de l'actuel Premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard :

«Je crois que dans une société de droit, s'agissant en particulier de Premier ministre, il est tout à fait inconcevable qu'on puisse laisser planer la menace d'une intervention brutale à l'encontre du droit.» (Point de presse, 21 septembre 1996)

Une sécession unilatérale n'aurait pas davantage l'appui de la communauté internationale, laquelle a toujours montré la plus grande réticence envers ce genre de comportement déstabilisateur. On le voit bien : une sécession unilatérale est impraticable. Même envisagée dans le cadre du droit, la sécession est déjà un geste extrême, entraînant un cortège d'incertitudes.

Le gouvernement du Canada est persuadé que jamais les Québécois ne renonceront au Canada. Mais quoi qu'il en soit, nous devons tous poursuivre ce débat en respectant l'avis de la Cour. Nous devrons en convenir au Canada, y compris au Québec, que l'on soit pour l'unité canadienne ou pour l'indépendance du Québec.

L'avis que vient de rendre la Cour suprême est pro-démocratie. Il doit être respecté par tous ceux qui ont à coeur les intérêts des Québécois
 


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Mise à jour : 1998-08-20  Avis importants