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Archives - Salle de presse

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« Les défis de l'union économique canadienne »

Notes pour une allocution devant
l'Association canadienne des fabricants
de produits chimiques

Ottawa (Ontario)

le 20 novembre 1996


À bien des égards, l'industrie que vous représentez est à l'image de la fédération canadienne. Elle a grandi en tirant ses forces des ressources naturelles dispersées dans différentes régions; elle a surmonté les obstacles liés à la distance et aux conditions climatiques et a étendu ses réseaux de transformation et de distribution à la grandeur du pays pour servir la multitude d'industries qui fabriquent des produits à base d'hydrocarbures et de ressources minérales. De par sa nature, cette industrie est porteuse d'une grande valeur ajoutée aux matériaux bruts à travers les phases successives de transformation jusqu'à ce que le produit se retrouve dans les mains du consommateur. Il est difficile d'imaginer notre vie de tous les jours sans la présence des milliers d'objets qui sont fabriqués à partir des matériaux pétrochimiques ou minéraux.

L'industrie de la chimie occupe une place importante dans notre économie; elle se retrouve aujourd'hui parmi les cinq premiers secteurs industriels et manufacturiers, et aussi parmi les grandes créatrices d'emplois compte tenu de la diversité de secteurs qu'elle alimente directement ou indirectement. Mais elle ne s'est pas mérité cette place de choix sans avoir relevé de grands défis, que ce soit la crise de l'énergie, l'éveil de la conscience environnementale, la pénétration de produits concurrents, la mondialisation des économies et des marchés. Ces pressions internes et externes lui ont imposé une importante restructuration, de gros investissements dans la technologie, dans la recherche et le développement et dans la formation. Compte tenu de son fort coefficient de capital, son avenir et sa place dans le prochain siècle passent immanquablement par une recherche d'un meilleur rendement de ses investissements et par un renforcement de sa capacité concurrentielle.

Vous êtes donc bien placés, comme chefs d'entreprise oeuvrant dans l'industrie de la chimie et des produits chimiques, pour comprendre que la fédération canadienne suit un cheminement similaire et qu'il n'en tient qu'à nous de la rendre plus efficace pour qu'elle puisse encore mieux servir les Canadiens et les milieux socio-économiques. Notre fédération a démontré sa capacité et sa souplesse d'ajustement à l'évolution des grands enjeux et aux besoins nouveaux qu'ils ont générés. Nous avons des difficultés, bien sûr, que nous ne pouvons pas ignorer; elles sont reliées principalement au risque d'une sécession et à l'incertitude socio-politique qu'elle engendre. Mais je suis convaincu que nous les surmonterons, parce que nous avons la capacité et la volonté de le faire, en travaillant tous ensemble -- pas seulement le gouvernement et l'administration publique, mais aussi le secteur privé et toute la société civile -- pour convaincre tous les Canadiens que c'est en s'appuyant sur les forces de notre fédération et en remédiant à ses faiblesses qu'ils se garantiront le meilleur avenir possible. Et nous les convaincrons en apportant des changements porteurs de résultats concrets, de prospérité et d'espoir. C'est pourquoi je crois à l'avenir de notre fédération et de notre pays autant que je crois à l'avenir d'une industrie comme la vôtre.

Il ne suffit pas de dire que notre fédération est promise à un bel avenir; il faut mettre toutes les chances de notre côté pour que cet avenir se réalise. Pour cela, il faut regarder ce que le Canada est devenu aujourd'hui, à quoi nous devons son succès, quelles sont ses forces, quels sont les défis qu'il doit relever et ce que nous pouvons faire pour améliorer notre fédération et garder notre pays uni.

Le Canada : un modèle de réalisation humaine

Si on s'arrête à mesurer le chemin parcouru depuis la Confédération, il y a 129 ans, on s'aperçoit que le Canada est devenu une des plus belles réalisations humaines de notre siècle. Vous connaissez comme moi les indicateurs de l'ONU et de la Banque mondiale, qui en disent long sur notre richesse collective et qui placent notre pays en tête du palmarès de 174 pays dans différentes dimensions de l'activité socio-économique : nous sommes au premier rang pour la qualité de vie, au cinquième rang des pays industrialisés pour le revenu par habitant, au huitième rang pour l'espérance de vie; notre taux d'inflation est le deuxième plus bas des pays du G-7 depuis trois ans; le Forum économique mondial nous classe huitième parmi les 48 pays les plus compétitifs, tandis qu'une étude de la firme KPMG démontre qu'il est possible de faire des affaires dans les villes canadiennes à un coût moindre que dans les villes américaines. Et ce n'est pas le seul avantage de nos villes par rapport à nos voisins du Sud puisque, dans une enquête internationale menée par l'organisme suisse Corporate Resources Group, qui a comparé 118 villes du monde sur la base de 42 indices économiques, sociaux et environnementaux, on retrouvera dans le peloton de tête Vancouver au 2e rang, Toronto au 4e rang, Montréal au 7e rang et Calgary au 12e rang. Nos métropoles canadiennes ont leurs difficultés, et de grands défis les attendent; mais elles ont su devenir des modèles de coexistence culturelle et elles offrent à leurs habitants une sécurité et une qualité de vie difficiles à retrouver ailleurs.

Tous ces succès, nous ne les devons pas seulement à nos ressources, à notre climat de paix et de stabilité, à notre proximité des plus gros marchés du monde, à nos traditions de démocratie et de respect de la primauté du droit. Nous les devons aussi à la synergie de nos institutions, à notre solidarité sociale, à notre union économique, à notre cohabitation harmonieuse des cultures au sein d'une citoyenneté commune. C'est ça la fédération canadienne, c'est ça le Canada.

Il est vrai que nous sommes encore vulnérables dans plusieurs domaines. Nos taux de chômage sont encore trop élevés, nous avons trop de pauvreté. Nous n'avons pas de quoi être fiers, nous qui habitons l'un des pays les plus riches, de nous voir classés au rang des pires pays de l'OCDE en termes de pauvreté chez les enfants. Nous avons encore du travail à faire pour relever les défis qui secouent les sociétés et les économies de tous les pays, et aussi pour récupérer les exclus de la croissance économique en les aidant à participer activement à notre marche collective vers la prospérité.

Mais en situant les choses en perspective, on peut difficilement nier que le Canada se compare favorablement aux autres pays riches et qu'il répond toujours aux aspirations et aux ambitions de millions de gens du Québec, des autres régions du Canada, et même de l'étranger. Le Canada répond aussi aux besoins des industries même les plus mobiles, que ce soit en termes d'environnement socio-économique et culturel, d'accès aux ressources et aux grands marchés du monde, de capital humain, ou d'autres facteurs de compétitivité.

Les grandes forces de la fédération canadienne

On a toujours fait valoir que les grandes forces du Canada résidaient dans l'abondance de ses ressources naturelles, dans sa mobilité sociale hors du commun et dans son économie pacifiste. Dans un contexte d'ouverture des marchés, de recul des frontières et d'entrée d'un nombre croissant de pays dans le circuit économique mondial, nous devons reconnaître que ces forces, même si elles sont toujours présentes, nous sont peut-être moins exclusives.

Avec les moyens et les infrastructures de transport que nous avons aujourd'hui, les ressources naturelles ne représentent plus un avantage économique dominant. D'autre part, vous êtes bien placés pour le savoir, les matériaux et les produits modernes sont tellement composites qu'il est à peu près impossible pour un producteur d'avoir à proximité toutes les ressources naturelles dont il a besoin. Il peut en avoir certaines, sur lesquelles il pourra toujours compter, comme l'électricité, l'énergie; mais pour le reste, il doit de plus en plus se les procurer dans différentes régions du monde. Donc le fait pour le Canada d'avoir des ressources naturelles demeure toujours un avantage, et il faut continuer à investir dans nos ressources, mais il faut bien se rendre compte que cet avantage n'a plus la même force.

La mobilité sociale est un facteur important parce qu'elle donne accès à un bassin plus vaste et plus riche de ressources humaines. C'est un avantage dont les sociétés traditionnelles, en Europe notamment, n'ont pas bénéficié pendant très longtemps en raison des barrières de classe qui empêchaient une grande partie des talents de s'exprimer; ce qui n'était pas le cas sur le continent américain, où les sociétés étaient beaucoup moins hiérarchisées. Aujourd'hui, les sociologues nous démontrent que cette mobilité sociale n'est plus particulière à notre continent et que ce n'est donc plus une des variables qui jouent en notre faveur.

Quant à notre choix d'investir dans une économie civile pacifiste plutôt que militaire, on observe la même tendance ailleurs. Nombreux sont les pays qui prennent conscience aujourd'hui que l'utilisation véritablement productive des ressources disponibles, aussi maigres soient-elles, passe par un déplacement des dépenses militaires vers les infrastructures de développement économique et humain.

Il nous faut donc garder à l'esprit le fait que d'autres pays disposent des mêmes avantages; des douzaines de pays comme le Canada sont maintenant en mesure de faire profiter le reste du monde de leurs ressources naturelles, bénéficient d'une mobilité sociale comparable et profitent des retombées positives d'une économie civile. Et tous ces pays, qu'ils soient sur un continent ou sur un autre, font face aujourd'hui, peut-être à des degrés divers, aux mêmes enjeux socio-économiques, aux mêmes forces incontournables de la mondialisation et de l'interdépendance; et dans ce contexte, chaque pays a ses défis propres à relever et doit s'appuyer avant tout sur ses forces stratégiques pour relever ces défis avec succès.

Une des grandes forces du Canada sur laquelle nous devons nous appuyer, et que d'autres pays recherchent de plus en plus dans le contexte socio-économique d'aujourd'hui, c'est le fait d'être une fédération. Plus que jamais nous avons besoin de concilier le global et le local, et les régimes fédéraux répondent à cette exigence. Les fédérations ont aussi l'avantage d'être plus compétitives que les régimes unitaires, où souvent le centre étouffe sous les responsabilités. Ce n'est pas un hasard si quatre des cinq pays les plus riches au monde sont des fédérations : le Canada, les États-Unis, l'Allemagne et la Suisse. Tout en étant généreuse et solidaire, la fédération canadienne, qui est une des plus décentralisées au monde, s'appuie sur ses forces locales, sur l'adaptation aux besoins de chaque région, de chaque province du pays. Il y a trois ans, toutes les provinces étaient en situation de déficit budgétaire. Chacune s'est attaquée à ce problème à sa façon, avec ses propres forces et sa propre culture. La méthode du premier ministre conservateur Klein n'a pas été nécessairement celle du premier ministre néo-démocrate Romanow ni celle du premier ministre libéral McKenna. Aujourd'hui, sept provinces ont atteint l'équilibre budgétaire ou font des surplus. L'Ontario et le Québec travaillent elles aussi activement au redressement de leurs finances publiques, chacune à sa manière.

C'est grâce au travail discipliné, au courage des citoyens du Canada et de leurs gouvernements provinciaux et fédéral que nous sommes maintenant en mesure d'affronter les grands défis sur des bases solides, avec des taux d'intérêt qui n'ont jamais été aussi bas, un taux d'inflation quasi inexistant, des finances publiques qui sont maîtrisées, le dollar canadien qui reprend de la valeur. Nous savions que toute mesure visant à préserver nos acquis et nos programmes sociaux serait vaine si nous ne remettions pas de l'ordre dans nos finances publiques, et c'est ce que nous avons fait, comme vous l'a abondamment illustré le sous-ministre de l'Industrie, M. Kevin Lynch.

Et les prévisions pour l'an prochain sont tout aussi encourageantes. Selon la Banque du Canada, « l'économie canadienne dispose d'une marge de capacités inutilisées suffisante pour que l'activité et l'emploi enregistrent une forte croissance au cours de 1997 ». L'OCDE et l'Organisation mondiale du commerce ont donné de très bonnes notes au Canada pour ses réformes qui ont permis d'améliorer la performance de l'économie canadienne, au niveau notamment de la diminution du taux d'inflation et de la réduction du déficit, ce qui s'est traduit par des baisses successives des taux d'intérêt et par une amélioration sensible de la compétitivité internationale du Canada. L'OCDE prévoit pour le Canada une croissance de 3 % en 1997, et une moyenne de 3,4 % entre 1997 et 2002.

Évidemment, ces pronostics encourageants supposent que nous continuions d'améliorer notre fédération en nous appuyant de plus en plus sur nos forces et sur notre potentiel. C'est ce à quoi le gouvernement fédéral s'active en mettant en oeuvre son plan de réforme annoncé dans le discours du Trône de février dernier, un plan qui vise à clarifier les rôles entre les deux ordres de gouvernement, avec les réformes qu'on a pu voir dans des domaines aussi variés que les mines, les forêts, le logement social, la main-d'oeuvre et l'utilisation du pouvoir fédéral de dépenser. Ce que nous devons rechercher avant tout, c'est un gouvernement fédéral fort dans ses champs de compétence, des provinces fortes dans les leurs et un fort partenariat entre tous.

Le poids de l'incertitude

Toutes les conditions sont réunies pour nous permettre d'envisager l'avenir du Canada et des Canadiens avec confiance. Alors que nous sommes en train de remettre notre économie sur pied, de préparer les Canadiens à entrer dans le XXIe siècle avec tous les outils dont ils ont besoin pour réussir, il est irresponsable de la part du gouvernement du Québec d'entretenir l'incertitude quant à une éventuelle sécession.

L'incertitude nuit à la bonne marche des affaires et de l'économie. Les milieux d'affaires l'ont maintes fois répété, en particulier lors du dernier Sommet socio-économique du Québec, lorsqu'il a été question de la relance de Montréal. Tout en se réjouissant du fait que certains secteurs se portent bien et que la métropole québécoise a tout pour réussir -- un esprit d'entreprise vigoureux, une main-d'oeuvre de qualité, un capital de risque abondant, un accès direct aux grands marchés -- ils ont fait valoir que Montréal était en grande difficulté en tant que seule grande ville du Canada et des États-Unis qui doit composer avec l'incertitude politique, ce qui a un impact important sur sa compétitivité et donc sur la création d'emplois.

Et ce n'est pas seulement Montréal ou le Québec qui subit cette situation. Vous-mêmes, dans votre rapport sur la compétitivité du Canada pour les industries de la chimie, vous vous basez sur les facteurs de compétitivité publiés par le Forum économique mondial, dans son rapport annuel sur la compétitivité dans le monde, c'est-à-dire l'environnement économique et fiscal, la fiabilité du milieu financier, l'infrastructure physique et humaine, l'environnement de recherche et développement, l'internationalisation, et d'autres critères de ce genre. Vous en concluez que le Canada est en très bonne position malgré le taux de change défavorable et que les gouvernements ont repris le contrôle de leurs finances publiques. Par contre, vous faites ressortir, de votre point de vue d'investisseurs, l'incertitude socio-politique qui entoure l'avenir du Québec au sein de la fédération.

Il n'y a rien de surprenant à ce que la menace d'une sécession soit une source d'incertitude. Et ce n'est pas seulement vous et nous qui craignons cette incertitude; le gouvernement indépendantiste du Québec l'a lui-même reconnu à sa façon en révélant un « Plan O » selon lequel il était prêt à puiser 19 milliards de dollars dans les économies des Québécois pour tenter d'atténuer les effets d'un vote en faveur de la sécession. Il y a fort à parier que le gouvernement Parizeau aurait échoué. Comme l'ont relevé le ministre des Finances Paul Martin et mon collègue député de l'Assemblée nationale Jean-Marc Fournier, des billions de dollars se transigent chaque jour sur le marché des devises; l'expérience des autres pays dans les mouvements de devises en situation de crise a démontré qu'une réserve de cet ordre n'aurait pas pu empêcher ni même ralentir la dévaluation du dollar. Mais ce qui est encore plus troublant, c'est que d'une part on mette en péril l'épargne des Québécois pour un projet politique, et que d'autre part, à aucun moment durant la campagne référendaire a-t-on dévoilé à la population québécoise que ses économies seraient ainsi mises en jeu. C'est peut-être la pire des fraudes intellectuelles que les leaders du OUI aient commises, et ça, nous ne devons pas l'oublier.

Malgré l'incertitude palpable que la sécession nous impose, nous continuerons à travailler en collaboration avec le gouvernement légitimement élu par les Québécois, ainsi qu'avec tous les partenaires, pour redresser l'économie du Québec. C'est ce que font notamment le ministre des Finances Paul Martin, le ministre du Développement des ressources humaines Pierre Pettigrew, le secrétaire d'État au Bureau fédéral de développement régional Martin Cauchon ainsi que le ministre de l'Industrie John Manley, qui prennent tous très à coeur la relance économique du Québec, de Montréal en particulier.

Notre investissement remboursable de 87 millions de dollars à Bombardier en est un exemple, cette entreprise montréalaise qui est un leader mondial et une force économique de première importance pour le Québec et le Canada. L'aéronautique est un secteur où les entreprises, pour rester compétitives, doivent être à la fine pointe du progrès. Et même si Bombardier fait des profits aujourd'hui, vous savez que ce n'est pas le genre d'industrie où on peut dormir sur ses lauriers; la compétition est féroce, et les autres pays soutiennent fortement leurs champions économiques, beaucoup plus que nous ne le faisons ici.

Comme l'a dit le ministre Manley, nous ne laisserons pas tomber Montréal, non seulement parce que nous voulons aider les Montréalais et les Québécois, mais aussi parce que Montréal est un des principaux moteurs de l'économie canadienne. Cet investissement remboursable sera profitable à tout le pays, et nous sommes heureux de le faire à Montréal, une grande ville canadienne dont le développement est aussi profitable à tout le pays. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent travailler ensemble pour renforcer la confiance et l'espoir chez tous les Canadiens; le Premier ministre Jean Chrétien ne cesse de rappeler cet impératif.

Une des façons de contribuer à renforcer cette confiance et à réduire cette incertitude -- même si ce n'est pas tout le problème, c'est au moins une partie du problème -- serait de convaincre les Québécois qu'ils sont pleinement acceptés et reconnus dans leur différence au sein du Canada. Je souhaite que nous puissions convaincre les autres Canadiens d'envoyer aux Québécois ce message positif de reconnaissance en leur disant : vous êtes, avec votre culture et votre spécificité propres, une caractéristique fondamentale de notre pays.

Si nous réussissons à faire passer ce message positif de reconnaissance de la spécificité québécoise, nous aurons fait un pas important vers la réconciliation et vers la stabilité politique. Mais ce n'est pas une démarche que les gouvernements peuvent réaliser tout seuls, nous avons besoin de votre aide. Vous êtes des gens d'affaires, des leaders d'opinion; vous pouvez apporter beaucoup au processus de réconciliation nationale. Lorsque nous aurons écarté toute menace de sécession, nous jouirons des meilleures conditions possibles pour faire face aux défis qui baliseront notre entrée dans le prochain siècle.

Les défis

Ces défis sont nombreux. Je pourrais vous parler du vieillissement de la population ou de l'explosion démographique chez les communautés autochtones, et des pressions socio-économiques que ces phénomènes entraînent.

Je pourrais vous parler longuement de la nécessité grandissante d'avoir une main-d'oeuvre extrêmement qualifiée face aux technologies de pointe et à la concurrence internationale. Il y a maintenant tellement de pays en développement qui offrent de la main-d'oeuvre à bon marché que si l'on veut se donner les moyens de rester compétitifs et continuer à offrir les salaires et la qualité que nos normes canadiennes exigent, il faut former notre main-d'oeuvre en conséquence. C'est pourquoi mon collègue le ministre Doug Young a établi en mai dernier un cadre d'action que le ministre Pierre Pettigrew négocie activement avec les provinces, avec beaucoup de succès j'en suis certain.

Je pourrais vous parler également de la protection de l'environnement, qui est un enjeu mondial, non seulement pour les citoyens mais aussi pour nos industries, la vôtre en particulier. L'harmonisation environnementale est un dossier clé à cet égard, et les gouvernements fédéral et provinciaux sont en train de négocier une entente qui établira, entre autres, des mécanismes visant à assurer la protection de l'environnement. Ce qui est important, au-delà des questions de compétence, c'est que les gouvernements et les entreprises travaillent ensemble, dans un souci d'efficacité, pour que les générations présentes et futures aient accès à un niveau élevé de qualité de l'environnement.

Je pourrais élaborer davantage sur le soutien à l'exportation, que nous devons renforcer face à la mondialisation des marchés. Je sais que c'est un secteur qui vous préoccupe et qui représente une part importante de votre production. Quand il s'agit de conquérir de nouveaux marchés comme la Russie, l'Asie ou l'Amérique centrale et du Sud, les ambassades des autres pays exportateurs aident de façon très dynamique leurs entreprises. Au Canada, nous nous efforçons d'en faire autant. Si vous avez des conseils à nous donner pour que nos ambassades soient encore plus actives à cet égard, nous les accueillerons avec grand intérêt. C'est une priorité pour le gouvernement du Canada que de vous aider à exporter.

J'aurais pu m'attarder sur chacun de ces enjeux. Mais je tenais à vous parler plutôt d'un autre enjeu extrêmement important, celui de notre union économique. Et ce que je veux faire ressortir dans le temps qui me reste, c'est la nécessité d'avoir une union économique solide entre Canadiens et de diminuer les barrières interprovinciales et les obstacles que nous avons encore en ce moment malgré notre Accord sur le commerce intérieur.

Même si le commerce international croît plus rapidement que le commerce intérieur, on observe une tendance à la hausse dans les échanges interprovinciaux. Ces deux tendances sont étroitement liées en termes de compétitivité pour le Canada : pour maximiser notre potentiel d'exportation à l'étranger, il est essentiel que nous soyons compétitifs et efficaces au plan national. Pour vous donner un exemple du dynamisme de notre union économique, je citerai l'étude de John Helliwell, de l'Université de Colombie-Britannique, qui démontre qu'une province commerce en moyenne vingt fois plus avec une autre province qu'avec un État américain, une fois pris en compte les effets de la taille et de la distance.

Même à l'heure de la mondialisation des marchés, les frontières ont encore de l'importance, et ce degré élevé d'intégration économique, nous le devons au fait que nous partageons des institutions publiques communes : un système bancaire intégré, une seule monnaie, un cadre régulateur commun et des relations bien établies entre les provinces, les entreprises et les individus. Et nous avons aussi quelque chose qui s'appelle la solidarité nationale.

Nous devons donc maintenir notre union politique si nous voulons garder une union économique forte. Et cette union économique doit être renforcée davantage. Les barrières commerciales qui subsistent encore entre les provinces nuisent à un des objectifs premiers de notre fédération, qui est d'assurer une libre circulation des produits, des services, de la main-d'oeuvre et des capitaux dans tout le Canada. De fait, elles affaiblissent notre union économique et notre compétitivité internationale. La Chambre de commerce du Canada estime que les obstacles au commerce intérieur coûtent au Canada 1 % du PNB par année, soit près de 7 milliards de dollars.

L'Accord sur le commerce intérieur, qui est entré en vigueur en 1995, est un des éléments clés de notre union économique et du renouvellement de la fédération canadienne; les ententes qu'il contient s'appliquent à presque tous les secteurs de l'union économique. Mais il y a encore trop d'obstacles qui en limitent l'efficacité. Par exemple, nous pouvons faire beaucoup mieux au niveau de l'harmonisation des normes partout au pays; les procédures de règlement des différends pourraient être simplifiées et améliorées; et l'application de l'Accord pourrait s'étendre davantage par l'utilisation de règles commerciales compatibles avec nos engagements internationaux existants. Pour cela, il nous faut la collaboration des provinces, et c'est dans ce sens que mon collègue le ministre Manley tente de faire activer les choses. Il y a des progrès, mais il devrait y en avoir plus et plus vite. Je sais que votre industrie, comme d'autres d'ailleurs, comptent sur une union économique encore plus forte et plus efficace pour renforcer leur compétitivité nationale et internationale.

Conclusion

Voilà donc les grands défis que nous avons à relever ensemble pour que le Canada continue de répondre aux aspirations de trente millions de Canadiens et de bien des peuples dans le monde. Si notre pays est devenu un modèle de réalisation humaine, c'est que notre fédération a démontré sa capacité de s'appuyer sur ses forces et de s'adapter à l'évolution des enjeux nationaux et globaux. Grâce au travail et à la persévérance des Canadiens et de leurs gouvernements, nous avons remis de l'ordre dans nos finances publiques, et nos entreprises peuvent maintenant compter sur un environnement économique plus sain, plus favorable à la croissance et à la création d'emplois.

Les prévisions des économistes pour les deux prochaines années sont très encourageantes, et nous pouvons envisager l'avenir du Canada avec confiance. Mais nous devons regarder au-delà de nos forces traditionnelles et explorer, tout comme vous le faites dans vos entreprises, de nouvelles voies qui vont permettre à nos institutions de mieux servir les Canadiens. Les réformes que le gouvernement fédéral est en train de mettre en oeuvre pour améliorer encore notre fédération vont dans ce sens.

Je terminerai en disant qu'il y a deux interprétations à la crise politique que nous traversons actuellement. Selon la première, l'existence d'un fort mouvement séparatiste au Québec serait la preuve que la fédération canadienne ne marche pas. Selon la deuxième, celle à laquelle j'adhère, la fédération canadienne marche bien, même si elle peut être améliorée, et elle fonctionnerait encore mieux si les Québécois et les autres Canadiens décidaient résolument d'envisager ensemble, au sein d'une grande fédération unie, les défis du prochain siècle. Nous n'aurions pas à subir les tensions et les coûts de l'incertitude politique liée à une menace de sécession. Cette menace ne disparaîtra pas d'elle-même; il faut convaincre les Québécois et les autres Canadiens de se réconcilier. C'est une démarche qui ne concerne pas seulement les gouvernements, elle vous concerne aussi, elle concerne tous les Canadiens; nous avons tous une part de responsabilité dans l'avenir de notre pays.


Le discours prononcé fait foi.
 


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Mise à jour : 1996-11-20  Avis importants