«L'UNITÉ CANADIENNE : UN ATOUT
POUR NOS EXPORTATEURS»
NOTES POUR UNE
ALLOCUTION
DEVANT LA CHAMBRE DE COMMERCE DE SAINT-LAURENT
SAINT-LAURENT (QUÉBEC)
LE 30 MARS 1999
Voilà déjà trois ans et cinq
jours que j’ai l’honneur de représenter notre comté de Saint-Laurent-Cartierville
à la Chambre des communes. Cet honneur, je le dois à la confiance que les
électeurs de Saint-Laurent-Cartierville m’ont témoignée à deux reprises,
par des majorités... claires.
Représenter Saint-Laurent-Cartierville,
travailler avec vous tous à l’amélioration de la qualité de vie dans notre
comté, est pour moi une inspiration constante dans ma principale tâche au
gouvernement, qui est de veiller à l’amélioration de la fédération
canadienne, à la consolidation de l’unité canadienne.
En effet, c’est toute une chance
pour un ministre ayant de lourdes responsabilités en matière d’unité
canadienne que d’être le député de Saint-Laurent-Cartierville. Un peu à
cause du nom : «Saint-Laurent», «Cartier», qui renvoie au berceau du
Canada.... mais surtout parce que les trois principaux défis qui se posent à
mon comté me paraissent être aussi les trois principaux défis qui se posent
à mon pays : la diversité culturelle, la justice sociale et le progrès
économique.
La diversité culturelle. Nous
avons à Saint-Laurent-Cartierville une population très diversifiée sur les
plans linguistique, ethnique, culturel et religieux. Ces différentes
populations travaillent ensemble à la vie communautaire de cette ville, on
retrouve leurs représentants unis dans l’équipe municipale du maire Bernard
Paquet, on la voit à l’oeuvre, cette ONU condensée, dans le milieu des
affaires. Cela me frappe à chaque fois que je visite l’une de nos entreprises.
Le Canada entier vit, à grande
échelle, le même défi interculturel que Saint-Laurent. Avoir le temps, je
montrerais toute la force que représente pour notre pays d’avoir ses deux
langues officielles et sa population diversifiée quant à ses origines
et combien le Canada joue un rôle important pour la promotion de la diversité
culturelle dans le monde.
La justice sociale. Saint-Laurent-Cartierville
fait face à des défis sociaux liés au risque du développement d’une
économie à deux vitesses. Saint-Laurent compte 95 000 emplois pour quelque 74
000 habitants, mais en même temps entre 10 et 12 % de chômeurs et, selon
les chiffres de la municipalité, 14 % de sa population vit sous le seuil
de la pauvreté. Le Canada entier fait face à des défis sociaux du même ordre.
Nos gouvernements doivent travailler ensemble à améliorer la protection
sociale des Canadiens et leur insertion dans l’économie. Avoir le temps, j’expliquerais
en quoi l’entente récente sur l’union sociale pourrait constituer un levier
pour plus de justice sociale et d’égalité des chances au Canada.
Le progrès économique. Mais
c’est de progrès économique dont je veux vous parler aujourd’hui, ici,
devant la communauté des affaires de Saint-Laurent. Notre ville est un
success story économique, véritable Silicon Valley québécoise,
où se trouve concentrée une grande part de notre économie du savoir. Notre
pays aussi, le Canada, est un succès économique incontestable et je ne sens
pas particulièrement le besoin de vous en convaincre. Parmi vous, je ne suis
pas en terre de mission. Je sais que, sauf exception, les membres de la
communauté des affaires de Saint-Laurent voient dans l’appartenance du
Québec au Canada un atout économique solide.
Malgré les avantages économiques
évidents d’un Canada uni, on entend parfois soutenir le contraire. Un
argument en vogue en certains milieux veut que l’avènement du libre-échange
et, plus largement, la mondialisation des marchés rendraient la fédération
canadienne inutile, voire nuisible au Québec sur le plan économique. Je vais
vous faire valoir que c’est l’inverse qui est vrai : plus l’ouverture des
marchés et les accords internationaux sont importants pour notre économie et
notre qualité de vie en général, plus il est crucial de continuer à s’appuyer
sur un Canada uni.
Je vais faire ma démonstration en
me concentrant sur l’enjeu de loin le plus important pour notre commerce
extérieur, le marché américain, car je sais combien vous avez tous à coeur
de le percer toujours davantage. Je vais montrer combien, dans notre histoire, l’unité
canadienne nous a aidés à ouvrir le marché américain et combien il en ira
aussi de même dans l’avenir. Je soulignerai également l’importance du
marché canadien pour la réussite économique du Québec.
1. L’accès
au marché américain : récapitulation historique
L’argument auquel je vais
répondre, et que vous avez certainement entendu à plusieurs reprises avant
aujourd’hui, va comme suit : l’axe naturel des affaires pour le Québec,
qui serait nord-sud, est contrarié et entravé dans son développement par la
fédération canadienne, avec sa géographie est-ouest. Il y aurait
contradiction entre la logique économique naturelle, nord-sud, et la structure
politique actuelle, est-ouest. On dit aussi que l’avènement du libre-échange
nord-américain a exacerbé cette contradiction au point de la rendre
insoutenable et que donc, pour libérer l’économie québécoise, il faut la
sortir de cette entrave économique que serait la fédération canadienne.
C’est le vice-premier ministre et
ministre d’État de l’Économie et des Finances du Québec, M. Bernard
Landry, qui a le mieux exprimé cet argument en le situant dans une trame
historique. M. Landry affirme que le gouvernement canadien a pratiqué depuis le
début de la Confédération une politique économique protectionniste qui nous
a coupés, nous les Québécois, «de nos liens Nord-Sud si conformes au bon
sens et à la géographie.» La «National Policy» du gouvernement fédéral,
ajoute M. Landry, a coûté au Québec «des millions d’emplois, sans compter
l’exode d’une portion monstrueuse de notre population. Laurier a voulu
changer cela en 1911 : il fut défait.» (Réponse à Alain Dubuc, La Presse,
le 4 juillet 1998).
La fédération canadienne nous
aurait coupés du marché américain? Au contraire, c’est la fédération
canadienne qui nous a permis de percer le protectionnisme américain, sans pour
autant nous faire absorber par les États-Unis et subir le sort des francophones
du Maine ou de la Louisiane.
Retraçons l’histoire de notre
commerce avec les États-Unis. Le Canada-Uni a conclu un accord de réciprocité
avec les États-Unis dès 1854, mais ces derniers l’ont abrogé en 1866.
Heureusement qu’en l’absence d’un accès adéquat au marché américain,
la Confédération en 1867 a eu entre autres bienfaits de renforcer
considérablement les échanges selon un axe est-ouest.
Les efforts répétés du Canada en
vue de négocier une nouvelle entente de réciprocité avec les États-Unis dans
les années suivant la Confédération ayant échoué, la Politique nationale a
été mise en place en 1879 pour aider au développement d’une industrie
manufacturière canadienne. Contrairement à ce que laisse entendre M. Landry,
cette politique a contribué à la croissance économique rapide qu’ont connue
le Québec et l’Ontario jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Bien sûr, cette politique nationale
n’a pas été à l’origine de «l’exode d’une portion monstrueuse de
notre population». Le mouvement migratoire vers les États-Unis avait commencé
dès le milieu du XIXe siècle, engendré par la rareté croissante
de bonnes terres agricoles dans la vallée du Saint-Laurent.
Du reste, les industriels et les
syndicats ouvriers du Québec ont été d’ardents partisans de la Politique
nationale. Laurier a été battu en 1911 en partie à cause des pressions
protectionnistes des industries manufacturières du Québec et de l’Ontario
qui s’opposaient au traité de réciprocité que les États-Unis venaient tout
juste de proposer au Canada et que Laurier voulait signer.
Que ce traité de réciprocité n’ait
pas été conclu a eu finalement peu d’effet sur notre accès au marché
américain. Dès 1913, les modifications à la politique commerciale américaine
et l’introduction d’un tarif plus avantageux pour les produits canadiens ont
fait en sorte que le Canada a bénéficié d’avantages très similaires à
ceux que lui aurait rapportés le traité de 1911.
En 1935, le Canada a signé avec les
États-Unis un traité d’une portée beaucoup plus grande que le projet de
traité de 1911. En effet, par ce traité, le Canada a obtenu le traitement de
la nation la plus favorisée. Autrement dit, les États-Unis s’engageaient à
accorder au Canada un traitement non moins favorable que celui qu’ils
accordaient aux pays tiers. La portée de ce traité fut accrue en 1938 par des
clarifications sur l’interprétation du texte et des concessions tarifaires
additionnelles.
La participation active du
gouvernement du Canada à la création du GATT en 1947 et à toutes les rondes
de libéralisation commerciale des 50 dernières années, jusqu’à la
création de l’OMC en 1995, a beaucoup contribué à ouvrir l’accès au
marché américain. Il y a eu aussi le Pacte de l’automobile en 1965, puis
bien sûr l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis de 1989, et l’ALÉNA
en 1994.
2. L’accès
au marché américain : perspectives d’avenir
Les États-Unis forment plus que
jamais notre principal partenaire commercial. En 1988, 74 % du commerce
extérieur du Canada en biens se faisait avec les États-Unis. En 1998, il est
passé à 85 %. Pour le Québec, c’est 84 % en 1998.
Aujourd’hui comme hier, et
peut-être plus encore qu’hier, la fédération canadienne constitue un
formidable atout pour ouvrir davantage ce marché américain, qui atteint près
de 300 milliards de dollars en exportations annuelles de biens et
services, et pour résister au protectionnisme des États-Unis.
Le Canada déploie d’énormes
moyens pour faire entendre sa voix aux États-Unis. En plus de notre
ambassade à Washington, qui est notre plus importante ambassade au monde et la
troisième plus importante ambassade étrangère à Washington, nous avons 14
consulats et bureaux commerciaux (New York, Los Angeles, Detroit, Chicago,
Minneapolis, Boston, Atlanta, Buffalo, Seattle, Dallas, Miami, Princeton, San
Francisco et San Jose). Environ 700 personnes y travaillent. Pour vous, gens d’affaires
de Saint-Laurent, cela veut dire des agents commerciaux, des commissaires à l’investissement,
des avocats spécialistes en droit commercial, des conseillers en sciences et
technologie à votre service. Leur mission est triple : faire la promotion
de vos intérêts commerciaux, attirer des investisseurs chez nous et ouvrir de
nouvelles possibilités d’affaires pour vous aux États-Unis. Sur le terrain,
ils travaillent en étroite collaboration avec la délégation générale du
Québec à New-York, les bureaux commerciaux du Québec à Atlanta, Chicago,
Boston et Los Angeles et son bureau de tourisme à Washington.
Permettez-moi simplement de citer
deux exemples afin d’illustrer l’importance pour vous d’une forte voix
canadienne à Washington. Lorsque le Congrès américain a adopté la loi
Helms-Burton qui permettait aux Américains d’imposer des sanctions aux
entreprises canadiennes faisant affaire à Cuba, le Canada, par le biais de
notre ambassade à Washington, est intervenu de tout son poids pour défaire
cette application extra-territoriale de la loi américaine. Imaginez un seul
instant la menace que ferait peser la généralisation d’un tel principe d’extra-territorialité
sur le climat des affaires partout dans le monde!
Lorsque le Congrès américain,
encore lui, a décidé de voter une loi imposant l’obligation d’un visa pour
tout visiteur traversant la frontière américaine afin de se prémunir contre l’immigration
illégale en provenance de la frontière mexicaine, notre ambassade s’est
engagée dans un effort de lobby sans précédent pour faire reculer le Congrès.
Imaginez un seul instant le cauchemar qu’une telle mesure créerait pour nous
Canadiens qui, l’an dernier, avons effectué plus de 42 millions de visites
aux États-Unis en voyages d’affaires ou d’agrément!
Ces exemples de nos interventions
musclées à Washington ne visent pas à critiquer le gouvernement américain
mais à démontrer l’importance pour le Canada de faire connaître ses
intérêts auprès de la multitude d’acteurs politiques chez notre voisin qui
sous-estiment parfois la portée de leurs décisions : la Maison-Blanche, la
Chambre des représentants, le Sénat, sans oublier les États.
Toutes ces ressources, mises à
votre disposition en tant que Canadiens, Québécois et gens d’affaires, sont
payées par tous les contribuables canadiens, ce qui nous vaut, à nous
Québécois comme aux autres Canadiens, une économie d’échelle importante.
Elles sont mises en branle par un pays que les États-Unis connaissent et
respectent. Si le marché américain est vital pour nous, le marché canadien
est aussi très important pour les États-Unis. Le Canada est leur premier
partenaire commercial, loin devant le Japon et presque à égalité avec
l’ensemble des pays de l’Union européenne. Nous ne sommes pourtant que 29
millions de Canadiens, mais 29 millions qui exportons chaque jour à 272
millions d’Américains près d’un milliard de dollars de biens et de
services. L’an dernier, des biens et services d’une valeur de 564
milliards de dollars canadiens se sont échangés entre les deux pays. Il s’agit
là d’une relation commerciale unique au monde et qui nous permet d’exercer
une forte influence auprès de notre grand voisin du Sud lorsque le besoin se
fait sentir.
Le Canada est un allié avec lequel
les Américains doivent compter tant pour leur politique commerciale que
pour leur politique étrangère en général. Les autorités américaines le
savent : peu de pays exercent de l’influence dans autant de forums
internationaux que le Canada : le G8, le Fonds monétaire international, le
Commonwealth, la Francophonie, la Coopération économique Asie-Pacifique, l’Organisation
mondiale du commerce, l’Organisation de coopération et de développement
économiques, l’Organisation des États américains, l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe, la Banque mondiale, l’Organisation du
Traité de l’Atlantique Nord, le Conseil de sécurité des Nations Unies,
la Quadrilatérale des ministres du commerce, la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement, la Banque interaméricaine de
développement et j’en passe.
Nous avons nos difficultés avec le
protectionnisme américain et nous en aurons encore. Mais notre principal atout
pour percer le marché américain, c’est notre unité. Frapper à sa porte
dans le désordre, dans la division, c’est s’affaiblir dangereusement. Les
autorités américaines ont indiqué que si le Québec devenait un pays
indépendant, son «accession à l’ALÉNA ne serait pas automatique». (Mike
McCurry, porte-parole de la Maison-Blanche, le 25 octobre 1995).
Personne ne devrait souhaiter donner l’occasion au Congrès américain de
renégocier l’ALÉNA avec un Québec séparé et affaibli.
3. L’importance
de nos liens économiques étroits avec le reste du Canada
Ayant traité des atouts dont
dispose un Canada uni pour promouvoir nos intérêts politiques, économiques et
commerciaux aux États-Unis, permettez-moi de faire quelques commentaires sur l’importance
que représente pour le Québec sa relation économique privilégiée avec le
reste du Canada. J’ai été surpris par les récents propos que le Premier
ministre du Québec a livré en entrevue au journal Le Figaro à l’effet
que «l’avenir économique du Québec est tourné vers les États-Unis et l’Europe»
(Le Figaro, le 16 mars 1999). Une telle déclaration témoigne d’un
manque de compréhension des mécanismes à l’oeuvre dans le fonctionnement de
l’espace économique canadien, et semble révéler une volonté des ténors du
Parti québécois de constamment minimiser le degré d’intégration de l’économie
québécoise au sein de la fédération canadienne.
Il est vrai que nos échanges avec
les États-Unis croissent plus rapidement que ceux avec le reste du Canada, mais
cela tient au fait que notre économie est déjà très intégrée à l’ensemble
de l’économie canadienne. Nous avons bien plus qu’un nouveau libre-échange
au sein de l’espace économique canadien.
C’est plus de 27,5 milliards de
dollars de biens que les entreprises québécoises ont vendues en 1997 dans les
autres provinces canadiennes -- six fois plus que les exportations du Québec
vers l’Union européenne. Les flux de biens entre les provinces sont douze
fois plus importants qu’entre le Canada et les États-Unis, une fois pris en
compte les facteurs de la taille et de la distance; ces flux sont 40 fois plus
importants lorsqu’il s’agit des échanges de services. (John F. Helliwell, «How
much do national borders matter?», Brookings Institution, Washington, 1998)
Cette forte intégration de l’économie
canadienne ne tombe pas du ciel. Elle vient de ce que le Québec partage avec le
reste du Canada des institutions politiques et juridiques, une monnaie commune,
des politiques économiques et sociales harmonisées, une solidarité nationale,
autant d’éléments absents de la relation qu’entretient le Québec avec les
États-Unis et sans lesquels nous perdrions une large part de notre accès au
marché canadien. Si donc l’unité canadienne est nécessaire à l’élargissement
de notre commerce nord-sud, elle est non moins essentielle à notre commerce
est-ouest.
Conclusion
L’unité canadienne est plus qu’un
avantage économique et financier. C’est un grand projet humain, à portée
universelle, que nous Québécois voulons poursuivre toujours plus loin avec nos
concitoyens de partout au Canada.
De même, le sujet sur lequel je me
suis particulièrement arrêté, nos rapports avec les États-Unis, n’est pas
qu’un enjeu économique. C’est aussi comme chacun sait, un enjeu
culturel.
Mais j’ai voulu aujourd’hui
répondre à un argument en vogue qui, contre toute évidence, vise à nous
convaincre que le Canada, avec sa géographie est-ouest, est une entrave au
développement économique nord-sud du Québec.
Cet argument, je crois l’avoir
démontré, est erroné. Il ne résiste pas à l’examen de l’histoire. Il ne
tient pas, non plus, devant les défis de l’avenir.
Face à la puissance américaine, de
plus en plus notre principal partenaire commercial, il faut nous appuyer sur un
Canada uni. Alors que les accords internationaux touchent nos vies toujours
davantage, il faut pouvoir compter sur le prestige et l’influence de notre
pays. Face aux enjeux de la nouvelle économie, l’entraide des Québécois et
des autres Canadiens est plus nécessaire que jamais, comme l’a écrit Pierre
Pettigrew dans un livre récent.
Le Canada est fait de deux langues
officielles, qui sont des langues internationales, de provinces dont les atouts
économiques se complètent, de deux systèmes juridiques : le droit civil et la
common law, qui nous permettent de parler le langage juridique de
80 % des pays de la planète, d’une population diversifiée venue de tous
les continents, d’une géographie qui nous ouvre aux Amériques, à l’Europe
et à l’Asie. Indéniablement, nous avons su faire de notre diversité une
force dont nous aurons besoin plus que jamais.
Toutefois, ce n’est pas l’avis
de messieurs Landry et Bouchard. Le premier a tenu des propos d’une rare
intolérance le 7 octobre 1998 lorsqu’il a déclaré : «Même les hommes d’affaires
fédéralistes du Québec conviendront facilement que, dans n’importe quelle
négociation économique internationale, leurs intérêts seraient à l’évidence
mieux servis s’ils étaient représentés par Gérald Tremblay ou par votre
serviteur que par John Manley ou Sergio Marchi.» Quant à M. Bouchard, il a
répété encore récemment qu’une Ontarienne comme Sheila Copps ne pouvait
pas contribuer à la représentation des intérêts culturels des Québécois.
Plutôt que de disqualifier des
collègues parce qu’ils sont Ontariens, le Premier ministre du Québec et son
ministre des Finances feraient mieux d’apprécier tout ce que cette Ontarienne
et ces deux Ontariens ont fait pour le développement culturel et
économique du Québec. De la même façon, les Ontariens comme l’ensemble de
nos concitoyens des autres provinces et territoires peuvent apprécier ce que
trois Québécois ont fait en menant au premier rang la lutte pour le
redressement financier du Canada. J’ai nommé Jean Chrétien, Paul Martin
et Marcel Massé.
C’est ça le Canada : une synergie
de cultures qui donne d’excellents résultats. Et c’est pour ça que ça
marche, le Canada.
Les porte-parole du mouvement
indépendantiste ont annoncé qu’ils consacreraient l’année en cours
à renouveler leur réflexion sur le pourquoi et le comment de la
sécession du Québec du Canada. Ils ont dit que les enjeux de la
mondialisation seront au coeur de leur réflexion. Eh bien, nous sommes
prêts à en débattre comme je l’ai fait aujourd’hui devant vous. En fait,
la mondialisation rend plus que jamais nécessaire l’unité canadienne, l’entraide
canadienne, la solidarité canadienne. Les autres Canadiens ont besoin des
Québécois, tout comme nous les Québécois avons besoin d’eux pour faire
face à ces nouveaux défis.
De ces défis mondiaux, l’accès
au marché américain demeure de loin le plus crucial pour nous et c’est
pourquoi j’y ai consacré mon discours. Mais il y en a bien d’autres tels
que notre
capacité d’obtenir des victoires
à l’Organisation mondiale du commerce, comme cette décision qu’elle vient
de rendre en faveur de Bombardier contre son concurrent brésilien. Bombardier,
c’est passablement plus important pour l’économie québécoise que la
Catalogne.
Un autre défi, parlant de la
Catalogne, est celui de la diversité culturelle. Le Canada a obtenu la pleine
protection pour les industries culturelles dans l’Accord général sur le
commerce des services, dans l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis,
dans l’Accord de libre-échange nord-américain et dans l’Accord de
libre-échange Canada-Chili. Ce même débat a été mené, de concert avec les
gouvernements des provinces, dans le cadre des négociations de l’Accord
multilatéral sur l’investissement.
Quand notre premier ministre du
Québec affirme qu’«on n’est jamais si bien servi que par soi-même», je
suis d’accord. Nous sommes servis par nous-même parce que nous sommes le
Canada, nous les Québécois, au même titre que les autres Canadiens. Si notre
pays, le Canada, nous procure un tel poids sur la scène internationale c’est
parce que nous l’avons forgé avec les autres Canadiens. C’est notre droit
et notre intérêt de continuer à en retirer tous les avantages.
La mondialisation des marchés est
un argument additionnel en faveur d’un Canada uni. Voilà ce que je tenais à
dire devant l’une des communauté des affaires les plus bilingues,
multiculturelles et ouvertes au monde : j’ai nommé la communauté des
affaires de Saint-Laurent, si profondément québécoise et si profondément
canadienne.
L'allocution prononcée fait
foi.
|