« Les communautés francophones hors-Québec : au coeur de l'idéal canadien »

Notes pour une allocution devant
l'Institut franco-ontarien

Sudbury (Ontario)

le 13 décembre 1996


Introduction

La dualité linguistique a bâti notre pays. Elle a permis, au fil de notre histoire, de construire des ponts entre les Canadiens. Elle a aidé notre fédération à devenir un exemple universel de tolérance, d'ouverture et de générosité.

Je veux vous entretenir de cette dualité linguistique : de la grande richesse qu'elle représente, des avantages qu'elle procure à tous les Canadiens, de la tolérance qu'elle engendre et de la nécessité de renforcer cette tolérance. Je veux examiner avec vous la situation actuelle des minorités francophones hors-Québec, sans lesquelles notre dualité linguistique n'aurait plus le même sens. Nous ferons un examen qui, je l'espère, ne sera ni complaisant, ni défaitiste. Nous dresserons la liste des réalités avec lesquelles vous devez composer et des atouts dont vous disposez.

Je suis particulièrement heureux de discuter, aujourd'hui, de l'importance de l'avenir de notre dualité linguistique, avec des membres de la communauté franco-ontarienne, communauté qui regroupe la plus forte minorité de langue française au pays. L'Institut franco-ontarien, qui fête ses 20 ans, est à l'image de votre communauté : courageux, déterminé, un exemple pour tous les Canadiens.

La dualité linguistique : source de dialogue et de tolérance

Une force du Canada, nos langues officielles comptent parmi les langues les plus parlées au monde. Elles contribuent pour une part importante au succès que connaît le Canada tant sur les plans économique, social et culturel que sur la scène internationale.

Le français et l'anglais sont des langues reconnues aux Nations Unies et à l'OTAN. Le français est la langue officielle de pas moins de 33 pays et l'anglais, de 56. Dans le monde, 800 millions de personnes parlent l'anglais et 180 millions, le français. Le Canada fait partie de la Francophonie, organisation qui regroupe 49 pays et gouvernements, et du Commonwealth, organisation anglophone équivalente, qui compte 50 pays. En cette ère de mondialisation des marchés, le caractère bilingue du Canada facilite les liens commerciaux avec tous ces pays. Une main-d'oeuvre bilingue est un atout qui peut faire toute la différence dans un marché fortement concurrentiel.

Selon Jean Laponce, professeur de science politique à l'Université de la Colombie-Britannique et à l'Université d'Ottawa :

« La prédominance des langues anglaise et française confère au Canada une place privilégiée parmi les États démocratiques industrialisés qui sont au coeur même du réseau mondial de communications » [Traduction libre].

La dualité linguistique ne contribue pas uniquement à créer une richesse économique. Elle jette également les bases d'une société tolérante. La dualité linguistique nous a grandement aidés à devenir plus solidaires et ouverts à la diversité. Cet esprit de tolérance, que nous chérissons tous aujourd'hui, est né précisément de l'obligation dans laquelle les Anglais et les Français se sont trouvés de tirer parti à la fois de leurs identités respectives et de la complémentarité de leurs cultures. Cela n'a pas toujours été facile, il y a eu des pages sombres dans notre histoire et de nombreuses injustices ont été commises à l'égard de certaines communautés, telle de triste mémoire, l'adoption, en Ontario, du Règlement 17 en 1912.

Mais il faut juger les débuts de l'histoire de notre Confédération à l'aune des attitudes qui prévalaient ailleurs au XIXe siècle. Le linguiste Jacques Leclerc dressait en 1986 une fresque qui décrivait la réalité linguistique à travers le monde, fresque basée sur l'analyse de quelque 6 000 langues et de 170 États souverains. Il notait ce qui suit :

« L'autoritarisme centralisateur qui consiste à imposer unilatéralement une seule langue partout sur le territoire en ignorant le pluralisme linguistique [...] allait de soi au XIXe siècle ».

Les valeurs de tolérance qui nous apparaissent donc aujourd'hui comme essentielles, ne l'étaient tout simplement pas alors. Plusieurs pays, dont la France et les États-Unis, par exemple, avaient à cette époque, des politiques actives d'assimilation culturelle, au moyen notamment de l'instruction obligatoire conçue comme un moule unique. Heureusement, le Canada a rejeté le moule unique, et nous voyons aujourd'hui combien notre dualité linguistique nous donne un avantage évident, comme êtres humains, en comparaison des citoyens de pays unilingues. Le voisinage d'une autre langue nous encourage à nous ouvrir à tout un univers culturel. La langue est un vecteur de transmission de valeurs culturelles et sociales. L'apprentissage de la langue seconde -- du français par exemple -- permettra à un anglophone d'intégrer des valeurs et des éléments culturels d'ailleurs, de la Suisse, d'Haïti ou du Cameroun. Comme le dit si bien Antonine Maillet :

« La langue est la clé qui permet de découvrir un autre aspect, une autre vision du monde, de la vie, de l'humanité. C'est une source d'enrichissement. Apprendre une autre langue permet de grandir, d'élargir ses horizons ».

La cohabitation de nos deux communautés linguistiques nous a aidés à accueillir avec plus de tolérance et d'ouverture nos concitoyens venus de tous les continents. C'est en cela que le bilinguisme et le multiculturalisme canadiens, loin de s'opposer, se complètent et se renforcent mutuellement. C'est pourquoi il serait infiniment regrettable que le Canada se brise sur la dimension linguistique, celle-là même qui l'a tant aidé à devenir un modèle d'ouverture célébré à travers le monde.

Nous devons préserver cet esprit de tolérance et ne jamais cesser de l'améliorer. Car si l'intolérance devait triompher aujourd'hui de cette dimension essentielle de notre pays qu'est notre dualité linguistique, elle frapperait demain notre composante multiculturelle. Nous perdrions alors l'âme du Canada.

C'est d'ailleurs pour préserver la tolérance et l'ouverture que je m'oppose tant à la sécession, dont la dynamique est source de division. La sécession est ce genre d'enjeu diviseur qui peut plonger les populations les plus tolérantes dans l'intolérance. La menace de sécession crée non seulement un clivage malsain entre Québécois francophones et Québécois anglophones, elle accentue également les tensions entre les Canadiens anglophones et les francophones hors-Québec. Certains d'entre vous en ont peut-être fait l'expérience. La sécession aurait des conséquences sérieuses non seulement pour les communautés minoritaires de langue française qui seraient coupées de la seule société francophone majoritaire en Amérique du Nord, mais également pour tous les Canadiens.

La situation du français hors-Québec

Évidemment, le fait que les francophones hors-Québec ne représentent que 3,6 % de la population canadienne globale ne leur facilite pas la tâche. Des esprits chagrins en déduisent qu'il n'y a plus d'avenir et que l'assimilation est inévitable. À l'appui de leur pessimisme, ils présentent toujours la même série de statistiques touchant la comparaison entre la langue maternelle et la langue d'usage. En effet, les données de Statistique Canada révèlent que chez les Canadiens hors-Québec, le français est la langue parlée le plus souvent à la maison par 3,2 % de la population alors que 4,8 % de la population est de langue maternelle française. En Ontario, on observe la même situation : alors que la population d'origine francophone représente 5 % de la population de cette province, 3,2 % de la population utilise le français comme langue parlée le plus souvent à la maison. Il faut remettre ces chiffres dans leur contexte! À lui seul, l'indice de la langue le plus souvent parlée à la maison ne permet pas de conclure à l'assimilation. Une personne qui vit dans une ville anglophone et qui a un conjoint anglophone est encline à utiliser plus souvent l'anglais à la maison. Cela ne signifie pas pour autant que cette personne n'utilise plus le français ou qu'elle ne transmet pas cette langue à ses enfants.

Il est vrai que le poids relatif des francophones hors-Québec diminue : il est passé de 7,3 % en 1951 à 4,8 % en 1991 pour l'ensemble du Canada moins le Québec et de 7,4 % à 5 % en Ontario pour la même période. Cette diminution est attribuable en grande partie à la baisse du taux de natalité et à la force d'attraction de l'anglais pour les immigrants. Mais malgré cette diminution du poids relatif des francophones hors-Québec et malgré les tenants du « Hors du Québec, point de salut », le nombre total de francophones hors-Québec -- basé sur la langue maternelle -- est passé de 721 000 à plus de 976 000 entre 1951 et 1991, ce qui représente une augmentation de 35,4 %. En Ontario, par exemple, le nombre brut de francophones continue également d'augmenter : entre 1951 et 1991, il est passé de 341 000 à plus de 503 000, ce qui représente une augmentation de 47,5 %; en comparaison, les anglophones du Québec, eux, ont vu leur représentation n'augmenter que de 12,2 % pour la même période. Cette augmentation est particulièrement visible dans les régions urbaines où Statistique Canada constate une progression des francophones hors-Québec dans 19 des 20 régions métropolitaines de recensement au Canada entre 1986 et 1991.

Mais au-delà des données de Statistique Canada et des indicateurs quantitatifs, la preuve vibrante de la vitalité de vos communautés francophones, c'est leur vitalité justement. Partout -- que ce soit en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Alberta ou ailleurs au pays -- vos communautés font preuve d'un dynamisme remarquable et d'une grande détermination comme en témoignent vos institutions culturelles, sociales et économiques. Votre contribution au Canada est inestimable.

N'en déplaise à l'écrivain Yves Beauchemin, la communauté franco-ontarienne et les francophones hors-Québec sont loin d'être des « cadavres encore chauds »! La réalité est tout autre. On n'a qu'à penser à votre institut, créé par une poignée d'idéalistes il y a 20 ans, qui est un havre pour la recherche franco-ontarienne. Témoignent de votre vitalité les nombreux prix littéraires remportés par des oeuvres franco-ontariennes : en 1996, la poétesse Andrée Lacelle remporte le Prix littéraire Trillium pour son recueil de poésie, Tant de vie s'égare; François Paré, avec les Littératures de l'exiguïté, obtient en 1993 le Prix du Gouverneur général et le Prix du signet d'or de Radio-Québec; Daniel Poliquin se mérite le Signet d'or avec L'écureuil noir; le dramaturge Jean-Marc Dalpé remporte le Prix du Gouverneur général en 1988 avec la pièce Le Chien et Michel Ouellette avec Frenchtown en 1994. Sans oublier les Patrice Desbiens, Andrée Christensen, Roger Levac, Paul Savoie... De plus en plus d'auteurs, d'écrivains, de poètes, de nouvellistes, de dramaturges franco-ontariens sont connus non seulement en Ontario et ailleurs au Canada mais aussi outre-frontière.

Le Salon du livre de Toronto accumule les succès depuis 1992. Les maisons d'édition sont de plus en plus nombreuses : Prise de Parole (Sudbury), Les Éditions du Nordir (Hearst et Ottawa), Les Éditions du Vermillon (Ottawa), Les Éditions David (Orléans). Pensons aussi aux compagnies de théâtre professionnel, au centre théâtral francophone de Sudbury, au Théâtre du Nouvel Ontario fondé ici-même à Sudbury qui fête présentement ses 25 ans, aux nombreux festivals francophones dont le festival franco-ontarien d'Ottawa, LeFranco, qui est devenu le premier événement culturel francophone en son genre en Amérique du Nord.

Au niveau économique, cette même vitalité est présente. Les francophones possèdent plus de 7 500 entreprises, sociétés et commerces ontariens. Les gens d'affaires francophones s'unissent : pensons à la Chambre économique de l'Ontario, créée il y a quatre ans, qui relie non seulement les gens d'affaires de la province entre eux, mais favorise les contacts avec les autres regroupements francophones du Québec et des autres provinces. Récemment se tenait le premier Forum national des gens d'affaires et des élus municipaux francophones du Canada en Beauce, au Québec, qui regroupait plus de 200 représentants venus de partout au pays pour discuter des façons de maximiser les possibilités d'affaires en français au Canada et à l'étranger. L'entreprenariat francophone hors-Québec compte 348 coopératives avec 3,9 milliards de dollars d'actif, 327 millions de dollars d'investissement ainsi que 20 000 entrepreneurs.

Les réalités avec lesquelles vous devez composer et les atouts dont vous disposez

Vibrantes et dynamiques, les communautés francophones hors-Québec doivent l'être car les réalités d'aujourd'hui leur posent un grand défi :

Devant ces réalités, vous n'êtes pas démunis. Il y a d'abord et avant tout, je l'ai dit, l'extraordinaire vitalité dont vous faites preuve. Mais vous comptez aussi sur les valeurs de tolérance et de respect que vous avez su développer aux côtés de la majorité anglophone. Ces valeurs sont certes mises en cause aujourd'hui, par tout le ressentiment que la menace sécessionniste génère au pays. Mais la grande majorité de vos concitoyens anglophones veulent vous aider et sont fiers de la dimension francophone de leur pays.

Lorsqu'on fait appel à leur coeur, à leurs sentiments nobles, les Canadiens sont des gens généreux. Selon un nouveau livre d'Angus Reid, Shakedown: How the New Economy is Changing Our Lives, 85 % des Canadiens croient que les Canadiens français et les Canadiens anglais peuvent vivre harmonieusement sous un même drapeau. Un autre sondage (Compas - mai 1995) indique que trois Canadiens anglophones sur quatre veulent que leurs enfants apprennent le français.

Un second atout est le fait que vos concitoyens anglophones parlent le français plus que jamais dans l'histoire de notre confédération. En 1995, selon Statistique Canada, près de 2,8 millions de jeunes Canadiens étaient inscrits au programme de français ou d'anglais comme langue seconde dont 77,2 % au programme de français. Ces classes donnent des résultats concrets puisque le pourcentage de jeunes de 15 à 25 ans qui sont aujourd'hui bilingues est passé de 16 à 23 % de 1981 à 1991. C'est chez les jeunes anglophones des groupes d'âge de 10 à 14 ans et de 15 à 19 ans que l'on retrouve le plus fort taux de bilinguisme : 14,8 % et 16,7 %, respectivement. Alors qu'en 1977, on comptait 38 000 jeunes anglophones canadiens à l'école d'immersion française, cette année il y en a 313 000, un nombre record. Cela signifie qu'il y a aujourd'hui dix fois plus d'étudiants en classe d'immersion française qu'il y a 20 ans!

Un troisième atout dont vous disposez est celui des chartes. Jamais vos droits n'ont été mieux établis que depuis l'introduction de la Loi sur les langues officielles, la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi constitutionnelle de 1982. Depuis la Loi constitutionnelle de 1982, les services scolaires en français sont davantage disponibles. La gestion scolaire francophone est en place au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba ainsi qu'au Yukon, et en voie de l'être en Nouvelle-Écosse. Il est dommage que dans certaines provinces, les communautés francophones doivent se rendre devant les tribunaux pour faire respecter leurs droits. Le gouvernement fédéral continuera à appuyer la pleine mise en oeuvre de vos droits dans toutes les provinces et tous les territoires.

Enfin, vous avez un autre atout, qui est l'appui du gouvernement fédéral. Ce n'est pas à dire que les provinces ne doivent pas vous aider mais vous savez que le Premier ministre du Canada et le gouvernement fédéral auront toujours une responsabilité particulière envers les minorités de langues officielles de ce pays. Bien sûr, il y a les compressions budgétaires qui vous font mal souvent. Afin de réduire le déficit qui atteignait un niveau record et pour mettre de l'ordre dans nos finances, nous avons eu à prendre des décisions difficiles mais nécessaires. Tous les ministères et les organismes du gouvernement fédéral ont dû composer avec des compressions budgétaires. Il est impossible d'épargner les francophones hors-Québec, mais nous avons toujours voulu nous assurer que l'appui accordé à vos communautés est équitable.

L'appui du gouvernement fédéral aux communautés minoritaires de langues officielles tient compte du contexte sociologique. Vous, les francophones hors-Québec, êtes minoritaires dans votre province, minoritaires au Canada et minoritaires dans cette Amérique du Nord anglophone.

Nos politiques visent à vous aider de quatre façons. D'abord, par le soutien à l'apprentissage aux langues officielles. Ensuite, par le soutien à vos communautés elles-mêmes, par une représentation équitable des francophones au sein de la fonction publique et des institutions fédérales et enfin, par la disponibilité des services fédéraux en français.

Depuis 1970, à la suite des recommandations de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, le gouvernement fédéral aide financièrement les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de donner aux membres des communautés minoritaires de langues officielles la possibilité d'étudier dans leur propre langue et de permettre aux jeunes Canadiens d'apprendre le français ou l'anglais comme langue seconde. Ces deux éléments -- l'enseignement dans la langue de la minorité et l'apprentissage de la langue seconde -- correspondent à notre vision du Canada. Grâce au Programme des langues officielles dans l'enseignement, près de 161 000 élèves francophones des niveaux primaire et secondaire peuvent étudier dans leur langue dans les quelque 700 écoles francophones à l'extérieur du Québec. En plus de permettre aux jeunes Canadiens d'apprendre le français ou l'anglais comme langue seconde, il a appuyé le développement d'institutions existantes comme l'Université d'Ottawa.

Le Programme a également permis d'augmenter le réseau d'établissements postsecondaires francophones. Le Collège Boréal de Sudbury, le Collège des Grands-Lacs et la Cité collégiale -- institutions qui n'existaient pas il y a quelques années -- contribueront à la progression de la connaissance et de l'usage du français chez les jeunes.

Notre gouvernement donne également un appui direct aux communautés minoritaires de langues officielles dans le cadre des ententes Canada-communauté. Ces ententes, qui ont débuté en 1988 avec les Fransaskois, permettent aux communautés de prendre des décisions qui touchent leur développement et qui reflètent les besoins de leurs membres. L'Entente Canada-communauté avec l'Ontario, la dernière à être signée, assurera plus de 18 millions de dollars à la communauté francophone de l'Ontario et lui permettra d'établir ses priorités en matière de développement. Le gouvernement fédéral, par le biais du ministère du Patrimoine canadien, appuie les médias des communautés minoritaires de langues officielles, notamment TFO, la télévision française de TV Ontario, ainsi que les hebdomadaires.

En vertu de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral a des obligations très précises, notamment en ce qui touche la participation équitable des membres des communautés de langues officielles au sein des institutions fédérales. Le gouvernement fédéral continue ses efforts afin de s'assurer que la participation des employés fédéraux reflète la présence des deux communautés linguistiques. Malgré la réduction de la taille de la fonction publique fédérale, la présence des francophones s'est maintenue. Au 31 mars 1996, 29 % des employés fédéraux étaient d'expression française et 71 % d'expression anglaise. On sait que les francophones représentent 25,2 % et les anglophones 74,3 % de la population du Canada.

Nous avons également des obligations en ce qui touche la disponibilité des services fédéraux en français. La situation n'est pas parfaite. Dans son rapport annuel de 1995, le Commissaire aux langues officielles notait qu'à ce chapitre, le public ontarien éprouvait des problèmes proportionnellement plus fréquents que dans les autres provinces. Les institutions fédérales ont pris des mesures et depuis, des progrès ont été enregistrés à l'égard des trois indicateurs du service au public : le service en personne, le service au téléphone et l'offre active des services. Le Président du Conseil du Trésor faisait d'ailleurs état des améliorations dans son dernier rapport : le service en personne et au téléphone est maintenant disponible dans 98 % des bureaux qui doivent offrir des services dans les deux langues officielles, comparativement à 85 % et 88 % en 1994 et 1995 respectivement; quant à l'offre active des services, le pourcentage des bureaux répondant aux obligations est passé de 53 % à 97 %.

Autre exemple, celui des ententes sur le marché du travail qui visent le transfert aux provinces des mesures actives d'emploi. Ces ententes, dont l'une vient d'être conclue avec l'Alberta, stipuleront que chacune des provinces signataires devra offrir des services en français là où la demande est importante. Le gouvernement tient également compte, cas par cas, de la question des langues officielles dans les démarches de privatisation. Lors de privatisations majeures, les organisations privatisées ont été assujetties à certaines parties ou à l'ensemble de la Loi sur les langues officielles : c'est le cas d'Air Canada, du CN, et de la société Nav Canada. Selon la loi, les sites Internet des bureaux fédéraux doivent être conçus dans les deux langues officielles et fournir les renseignements en français et en anglais. Des lignes directrices guideront les institutions fédérales afin de faire en sorte qu'elles comprennent clairement cette exigence et la mettent en oeuvre.

Des progrès ont été accomplis mais il y a place à l'amélioration. En 1996, le gouvernement a publié les résultats de la première phase d'une vérification du service au public effectuée entre janvier et mars 1995 dans certaines régions de recensement. Le gouvernement entend poursuivre ses vérifications.

Votre gouvernement fédéral vous donne un appui, un cadre et des outils, mais votre vitalité, vous la puiserez toujours, d'abord et avant tout, en vous-mêmes.

Conclusion

Notre dualité linguistique a favorisé l'émergence d'une société tolérante qu'il nous faut renforcer. Le Canada, en soi, est un grand défi que nous ne devons jamais tenir pour acquis. Et au coeur du défi canadien, il y a vos communautés. Vous représentez l'essence même de l'idéal canadien. Il serait bien difficile de trouver l'équivalent ailleurs au monde dans ce siècle où, pour la première fois depuis l'histoire de l'humanité, le nombre de langues parlées diminue au lieu d'augmenter.

S'il n'y a plus que 20 millions d'Européens qui parlent une langue minoritaire dans leur pays alors qu'on en comptait 50 millions au début du siècle, si 20 000 Irlandais connaissent encore l'irlandais que parlaient 6 millions de leurs ancêtres au XVIIIe siècle, si les 100 000 Autrichiens qui parlaient le slovène en 1880 ne sont plus que 25 000 aujourd'hui, s'il n'y avait plus que 7 000 Allemands qui parlaient le frison en 1925 et qu'il y en a encore moins aujourd'hui, alors qu'ils étaient 52 000 il y a deux siècles, si un maigre 1 % de la population du Pays de Galles connaît le gallois alors qu'en 1840 les deux tiers de la population le parlaient, il y a et il y aura pour le prochain siècle, dans ce pays qui s'appelle le Canada, de fortes communautés francophones hors-Québec qui parleront le français. Elles exprimeront encore au prochain siècle une facette irremplaçable de la culture et de l'histoire de notre pays. Elles se renforceront parce que nous sommes le Canada, le pays de la tolérance.

Quel Canada voulons-nous voir triompher : celui du Règlement 17 ou celui de la Charte des droits et libertés, celui des communautés francophones hors-Québec laissées à elles-mêmes ou celui qui les appuie, celui du français non reconnu dans les institutions fédérales ou celui de la Loi sur les langues officielles?

Le Canada qui va triompher est celui de l'ouverture, de la tolérance, le Canada de la Charte des droits et libertés, le Canada des langues officielles et le Canada de la communauté franco-ontarienne.


Le discours prononcé fait foi.



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