« Pourquoi l'immersion occupe une place de choix dans le Plan d'action pour les langues officielles »

 

Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales

 

École secondaire Hugh McRoberts
Richmond (Colombie-Britannique)

Le 14 mars 2003

L'allocution prononcée fait foi


 

Quel plaisir de me trouver aujourd’hui à l’école Hugh McRoberts en cette semaine de l’immersion française dans votre province. J’ai beaucoup entendu parler, de façon fort élogieuse, de votre programme d’immersion française. Je dois vous dire que, déjà, je suis frappé par la qualité du français des étudiants et des étudiantes avec lesquels j’ai eu l’occasion de m’entretenir.

Je suis venu ici aujourd’hui car je tiens à vous dire que l’immersion, cette forme d’enseignement que vous privilégiez comme parents, comme élèves, comme enseignants, constitue l’une des grandes priorités du gouvernement du Canada. C’est pourquoi nous lui avons accordé une place de choix dans notre Plan d’action pour les langues officielles.

Ce Plan d’action a été dévoilé par le Premier ministre du Canada ce mercredi. Il constitue le nouvel élan donné aux langues officielles de notre pays. Il sera le prochain acte, celui qui fait suite à la Loi sur les langues officielles de 1969 – qui a été révisée en 1988 – et à la Charte canadienne des droits et libertés de 1982. Nous allons maintenant travailler tous ensemble pour donner ce nouvel élan à notre dualité linguistique.

Le Plan d’action présente trois axes de développement : l’éducation, l’appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire et la fonction publique fédérale. Afin de le mettre en œuvre, le gouvernement investira, dans la promotion de nos deux langues officielles, 751 millions de dollars en fonds additionnels, répartis sur cinq ans : un investissement considérable dans une cause à laquelle nous croyons tous.

Notre Plan d’action prévoit que l’enseignement de la langue seconde – qui comprend les programmes d’immersion – aura son propre fonds de 137 millions de dollars répartis sur cinq ans. Il s’agit d’un financement additionnel qui vient s’ajouter aux 42 millions de dollars par année que notre gouvernement consacre déjà à l’enseignement du français et de l’anglais comme langues secondes. On peut évaluer qu’en 2007-2008, dernière année du Plan d’action, le gouvernement du Canada consacrera à l’apprentissage des langues officielles un budget qui sera de 90 % supérieur à ce qu’il était jusqu’à l’annonce d’aujourd’hui.

C’est beaucoup d’argent, mais en soi l’argent ne suffit pas. Il faut un plan qui fasse en sorte que toutes les mesures qui portent sur la dualité linguistique s’appuient les unes sur les autres. C’est ce que le Plan d’action pour les langues officielles permet de faire.

Plusieurs des mesures énergiques prévues dans le Plan d’action vont permettre de donner un élan formidable à l’enseignement par immersion. Plus d’enseignants, l’amélioration de la qualité de l’enseignement, du matériel didactique plus accessible et de meilleure qualité, plus d’emplois d’été, plus de programmes d’échanges, plus de possibilités pour les élèves de poursuivre des études postsecondaires dans leur langue seconde, autant d’éléments que l’on retrouve dans le Plan d’action. Il nous sera alors possible de répondre de façon plus adéquate au désir des parents et des étudiants d’avoir accès à des programmes d’immersion de grande qualité.

Le Plan d’action prévoit d’ailleurs une campagne de promotion de cette forme d’enseignement, pour informer tant les jeunes que leurs parents de ses avantages et, au besoin, de son existence même.

Le gouvernement du Canada travaillera de près avec les provinces et les territoires pour mettre en œuvre ce Plan d’action, car ce sont ces gouvernements qui ont la compétence constitutionnelle dans le domaine de l’éducation. Ils nous ont indiqué qu’ils ne demandent que cela : renforcer notre partenariat pour l’immersion. M. Richard Stewart, ici présent, député responsable pour les affaires francophones au gouvernement de la Colombie-Britannique, est un champion de la cause du français. Il y a tout lieu de croire que nos deux gouvernements, représentés notamment par Richard, par la ministre de Patrimoine canadien, l’honorable Sheila Copps, et, par votre ministre de l’Éducation, l’honorable Christy Clark, réussiront à s’entendre pour renforcer l’enseignement du français langue seconde et les programmes d’immersion française offerts en Colombie-Britannique. Le gouvernement du Canada appuiera les initiatives du gouvernement de la Colombie-Britannique – comme d’ailleurs celles des autres provinces et territoires – visant à ouvrir de nouvelles classes et à moderniser les méthodes d’enseignement.

Afin d’accroître le nombre d’enseignants qualifiés pour enseigner nos langues officielles, le gouvernement appuiera aussi les initiatives des provinces et des territoires visant à recruter de futurs spécialistes, à les former et à leur offrir des possibilités de perfectionnement. De plus, dans le cadre d’emplois d’été et de programmes d’échanges, on fera valoir aux jeunes Canadiens les avantages concrets de la connaissance de nos deux langues officielles.

Notre objectif, ambitieux mais réaliste, est de doubler la proportion de jeunes Canadiens diplômés du secondaire qui maîtrisent nos deux langues officielles. Actuellement, 24 % des jeunes Canadiens âgés de 15 à 19 ans connaissent l’autre langue officielle. Il faut porter cette proportion à 50 % d’ici 2013. Le gouvernement fédéral offre son appui aux provinces et aux territoires, aux parents, aux enseignants et à leurs écoles, ainsi qu’à cette association admirable qu’est Canadian Parents for French, pour atteindre cet objectif, lequel, je le répète, est tout à fait réaliste.

L’expérience démontre de façon éloquente qu’il est possible d’accroître le bilinguisme chez les jeunes. La moitié des Québécois anglophones âgés de 15 à 24 ans maîtrisaient le français en 1971, alors qu’en 2001 huit sur dix y parvenaient. La proportion de Québécois francophones du même âge maîtrisant l’anglais est passée de 30 % à 38 % entre 1981 et 1991. En quinze ans, de 1981 à 1996, la proportion de jeunes Canadiens anglophones vivant à l’extérieur du Québec en mesure de s’exprimer efficacement en français a presque doublé, passant de 8 % à 15 %.

Nous avons appris de nos expériences passées : nos méthodes d’enseignement sont plus perfectionnées et nous savons mieux comment enseigner les langues. De plus, c’est la première fois qu’un tel objectif est ainsi proposé aux Canadiens, ce qui représente en soi une motivation.

Oui, il est possible de faire en sorte que, dans dix ans, un jeune Canadien sur deux maîtrise nos deux langues officielles.

Pour y parvenir, l’immersion sera une forme clé d’enseignement. À l’heure actuelle, 324 000 élèves sont inscrits en immersion française au Canada. C’est un nombre impressionnant. Selon le communiqué1 du 6 mars dernier émis par le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, dans votre province seulement, 32 000 étudiants fréquentant 228 écoles sont inscrits en immersion française.

L’immersion gagne en popularité dans votre province, comme l’indique ce communiqué : « Même si le nombre d’élèves inscrits dans les écoles de la Colombie-Britannique est à la baisse, le taux d’inscription aux programmes d’immersion française a augmenté de 7 % au cours des dix dernières années. »2 [traduction]

Toutefois, la situation est moins encourageante pour l’ensemble du pays. Un plafond a été atteint : à l’échelle canadienne, le taux d’inscription aux programmes d’immersion française n’a pas augmenté depuis dix ans, oscillant autour de 7 % des inscriptions totales chez les anglophones. Depuis la hausse de la fin des années 1970 et des années 1980, l’apprentissage des langues secondes ne progresse plus dans l’ensemble du Canada. Pour atteindre notre objectif, il faut donc relancer l’immersion.

Pourquoi investir dans l’apprentissage de nos deux langues officielles et plus particulièrement dans l’immersion? Pourquoi doubler la proportion de nos jeunes en mesure de maîtriser l’anglais et le français? D’abord parce que les Canadiens nous le demandent. D’après le sondage annuel d’Environics effectué pour le compte du Centre de recherche et d’information sur le Canada à l’automne 20013, 86 % des Canadiens (y compris 82 % d’anglophones) croient qu’il est important que leurs enfants apprennent une deuxième langue et 75 % de ces anglophones sont d’avis que cette autre langue devrait être le français. Par ailleurs, 90 % des francophones qui désirent que leurs enfants soient bilingues favorisent l’anglais comme langue seconde. Un autre sondage, rendu public cette semaine, indique que 65 % des Canadiens seraient d’accord pour que « des cours de français soient obligatoires à l’école primaire et secondaire au Canada ».4

Il nous paraît inconcevable que l’on ne puisse répondre à la demande qui existe manifestement dans tous les coins du pays pour que l’enseignement de la langue seconde et en particulier l’immersion française soient davantage accessibles à tous.

D’ailleurs, les Canadiens ont raison de demander à leurs gouvernements davantage d’accès à l’apprentissage de leurs deux langues officielles. Comme l’a déclaré votre ministre de l’Éducation, l’honorable Christy Clark, « l’immersion française est très populaire parce qu’elle stimule le développement intellectuel et augmente les possibilités de carrière ».5 [traduction]

Il nous faut aussi tenir compte du fait que le français est la langue maternelle de près du quart des Canadiens. Comme le dit si bien Richard : « L’immersion en français aide à resserrer les liens et accroître la compréhension entre les communautés francophones et anglophones du Canada ».6 [traduction]

L’augmentation du bilinguisme chez nos jeunes est un enjeu d’autant plus important que l’intérêt pour les langues étrangères est en hausse ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis7 et en Europe. Les Canadiens anglophones sont actuellement moins bilingues que les Britanniques, eux-mêmes les moins bilingues des Européens8. C’est là une réalité qui met en jeu notre compétitivité.

Car c’est un fait que notre dualité linguistique n’est pas seulement l’une de nos racines, elle est aussi l’une des conditions de notre succès futur. Le Canada a l’immense chance d’avoir deux langues officielles qui sont des langues occupant une place de choix sur la scène internationale. Le français est une langue officielle de 24 pays du monde, l’anglais de 409. La langue la plus connue des Européens, outre leur langue maternelle, est l’anglais (chez 41 % d’entre eux), suivi du français (chez 19 %)10. L’Organisation des Nations Unies compte le français et l’anglais parmi ses six langues de travail. Quarante-huit pays appartiennent à l’Organisation internationale de la Francophonie11 et le Commonwealth en rassemble 5412. Le Canada a le privilège d’appartenir à chacun de ces forums internationaux et d’y jouer un rôle de chef de file.

D’après les estimations, il y aurait entre cent millions et deux cent cinquante millions de francophones dans le monde. Le français serait la deuxième langue en importance parmi toutes les langues enseignées. Et c’est la deuxième parmi les langues les plus utilisées sur Internet. Le français et l’anglais sont les principales langues de la diplomatie. Le français est l’une des langues officielles des Nations Unies, de la Croix-Rouge internationale, du Comité international olympique, de l’Union européenne, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et du Bureau international du Travail.

Comme le français est l’une des deux langues officielles du Canada, nous avons l’expérience et les ressources pour promouvoir l’apprentissage de cette langue. Apprendre le français dans des conditions aussi favorables peut ensuite faciliter l’apprentissage d’autres langues.

Notre savoir-faire est d’ailleurs reconnu à l’échelle internationale. Dans un rapport de décembre 2000, intitulé Foreign Language Teaching: What the United States can learn from other countries, préparé par le Center for Applied Linguistics, on pouvait lire : « L’une des expériences les mieux réussies et les plus largement étudiées en enseignement par immersion ces trois dernières décennies est celle du Canada. »13 [traduction] Nos programmes d’immersion linguistique servent de modèle dans une demi-douzaine de pays, à savoir : les États-Unis, l’Australie, la Finlande, la Chine (Hong Kong), Singapour et l’Espagne.

En conclusion, nos deux langues officielles sont les deux volets grands ouverts d’une belle fenêtre qui nous donne accès au monde. En ce début de siècle, dans ce monde de plus en plus global, où les communications revêtent une importance toujours plus grande, où l’économie est de plus en plus axée sur le savoir et l’innovation, le Canada doit prendre plus que jamais appui sur sa dualité linguistique et sur le caractère international de ses deux langues officielles.

Le Canada a l’avantage d’avoir déjà beaucoup investi dans l’apprentissage du français et de l’anglais comme langues secondes. Nous pouvons compter sur une solide infrastructure déjà en place. Il s’agit de l’élargir afin de permettre à un plus grand nombre de Canadiens de maîtriser nos deux langues officielles, les incitant par le fait même à apprendre d’autres langues.

Les Canadiens sont nombreux à réaliser que la dualité linguistique ne nous renvoie pas seulement à notre passé. Elle fait partie de l’avenir d’un Canada prospère, dans un monde où les échanges se multiplient et où la capacité de communiquer dans plusieurs langues est de plus en plus valorisée. Les Canadiens savent que la connaissance d’une autre langue donne accès à un patrimoine culturel plus vaste en même temps qu’elle constitue un facteur d’enrichissement personnel. C’est la raison pour laquelle ils tiennent tant à leur dualité linguistique. Ils veulent notamment s’appuyer sur l’immersion, ce fleuron canadien qui a inspiré tant d’autres pays. Le Plan d’action aidera les Canadiens à écrire le prochain acte de la fascinante aventure de la dualité linguistique canadienne.


  1. Colombie-Britannique, ministère de l’Éducation, French Immersion Strengthens Student Achievement, communiqué de presse, 6 mars 2003.
  2. Ibid.
  3. Centre de recherche et d'information sur le Canada, Portraits du Canada 2001, janvier 2002.
  4. Sondage Environics/Focus Canada commandé par l'Association d'études canadiennes, mars 2003.
  5. French Immersion Strengthens Student Achievement, op.cit.
  6. Ibid.
  7. Sondage Gallup, avril 2001.
  8. Commission européenne, Eurobaromètre : l'opinion publique dans la communauté européenne, Rapport numéro 54, février 2001, pp.
  9. UNESCO, Rapport mondial sur la culture : diversité culturelle et pluralisme (2000), Paris, Éditions UNESCO, 2001.
  10. Eurobaromètre, op. cit.
  11. http://www.francophonie.org/
  12. Secrétariat pour les pays du Commonwealth, Report of the Commonwealth Secretary-General 2001, Continuity and Renewal in the New Millennium, septembre 2001.
  13. Center for Applied Linguistics, Foreign Language Teaching: What the United States Can Learn from Other Countries, décembre 2000.


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