Le 11 avril 2002
Addis Abeba (Éthiopie)
J’ai toujours été convaincu que le devoir primordial de tout gouvernement
envers la population qu’il sert est d’inspirer l’optimisme, la confiance
et l’espoir; l’optimisme à l’égard de leurs perspectives et celles de
leurs enfants; la confiance nécessaire pour poursuivre et vivre leurs rêves; l’espoir,
toujours, de lendemains meilleurs.
En disant cela, je suis conscient de la dure réalité de l’Afrique où l’optimisme,
la confiance et l’espoir sont depuis trop longtemps des denrées rares.
Pauvreté grandissante. Famine. Maladie. Guerre. Dette publique. Corruption. Ce
sont là les boulets que traîne l’Afrique. Une succession de crises en
cascade a relégué les populations africaines aux marges de la mondialisation.
Je n’ai pas besoin de vous réciter les chiffres. Vous les vivez, jour
après jour.
Mesdames et Messieurs, je n’ai pas une réputation de rêveur ni d’idéaliste.
Je préfère l’action à la rhétorique. Voilà pourquoi je suis heureux de me
présenter devant vous aujourd’hui pour parler de la renaissance d’un espoir
véritable pour l’Afrique. Une renaissance conçue par des Africains pour les
Africains et qui donne la priorité aux besoins des gens. Elle est animée par
une vision et des valeurs progressistes de même que par un partenariat mondial.
Et si sa mise en oeuvre est complète, elle transformera la relation entre les
Africains et entre ce continent et le monde.
Je veux parler, bien sûr, du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique.
Un document historique que des dirigeants africains progressistes ont conçu et
travaillent à promouvoir.
Il arrive rarement, sinon jamais, que l’on tente, au moyen d’une seule
initiative politique, de transformer un continent tout entier. Il arrive
rarement, sinon jamais, qu’un tel plan reçoive l’appui entier des chefs de
gouvernement d’une région, y compris des 53 États membres de l’OUA. Et il
arrive rarement, sinon jamais, de voir un tel engagement de la part des
dirigeants de se tenir mutuellement responsables de sa pleine mise en oeuvre.
Le plan ébauché dans le NPDA traduit une vision extraordinaire. Mais aussi
un immense réalisme. Il reconnaît le potentiel, la créativité et le
dynamisme énormes des Africains. Il a été façonné par leur expérience
personnelle de l’histoire douloureuse de l’Afrique. Et il reconnaît que la
paix, la sécurité, la démocratie, la bonne gouvernance, les droits de la
personne et une saine gestion économique sont les conditions préalables de la
démarginalisation économique du continent.
Il prévoit un nouveau partenariat avec la communauté internationale. Mais,
surtout, il repose sur le principe fondamental selon lequel ce sont les
Africains eux-mêmes qui détiennent la clé du progrès en Afrique.
Dans toute l’Afrique, on voit des signes que les principes à la base du
NPDA prennent racine. Ainsi, un règlement durable de la guerre civile qui ne
semblait pas vouloir finir en Angola semble près de survenir. Et il semble que
la paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée soit vraiment en voie de se
consolider.
La démocratie est l’héritage auquel tous les peuples ont droit. Et la
transition démocratique devient la norme en Afrique. En même temps, la
tolérance à l’égard des atteintes à la démocratie s’évapore. La
suspension du Zimbabwe par le Commonwealth à la suite du rapport des
observateurs des élections nous en offre un récent exemple digne de mention.
Le président et le convocateur du comité de mise en oeuvre du NPDA étaient
membres de la troïka du Commonwealth qui a recommandé la suspension. Leur
décision traduit bien les principes de gouvernance au coeur du NPDA.
Les principes du Nouveau Partenariat n’ont pas été choisis au hasard, pas
plus que la nouvelle forme de partenariat qu’il propose avec les pays
industrialisés. Nous serons des partenaires dans tous les sens du terme. Les
deux parties y trouveront leur compte grâce à des obligations réciproques et
intégrées.
Pour notre part, nous devrons notamment rendre notre aide au développement
plus efficace. Et faire plus d’efforts pour ouvrir nos marchés à l’Afrique.
Quant à vous, votre rôle sera de donner corps au Nouveau Partenariat. Les
pays africains qui ont fait la preuve de leur volonté de le mettre en oeuvre
dans tous ses aspects – y compris la bonne gouvernance – pourront prétendre
à un partenariat amélioré. Un partenariat qui promet de rehausser la qualité
de vie en favorisant le bon gouvernement, la démocratie et une saine politique
économique. En appuyant les initiatives africaines en matière d’éducation
et de santé, d’agriculture et d’approvisionnement en eau. Et en
encourageant le commerce et l’investissement à l’échelle régionale et
mondiale.
Grâce à ce nouveau partenariat, nous pourrons, ensemble, mettre en place
les conditions nécessaires pour attirer des ressources en Afrique à long
terme.
Si nous démontrons que l’aide au développement peut être efficace, nous
pourrons obtenir l’appui de la population des pays du G8. À l’heure
actuelle, ces derniers fournissent plus de 70 p. 100 de l’aide au
développement versée aux populations africaines.
Si nous instaurons les conditions nécessaires pour attirer et retenir les
investissements privés de sources africaines et étrangères, nous pourrons
dissiper la perception trop profondément ancrée selon laquelle il n’est pas
payant d’investir en Afrique. L’apport de capitaux qui en résulterait
serait grandement supérieur à l’aide au développement qui pourrait
vraisemblablement être consentie.
Il s’ensuit naturellement que pour permettre à l’Afrique de prospérer
réellement, nous devons ouvrir nos marchés aux produits issus de ces
investissements. C’est alors seulement que l’injection de capitaux privés
pourra contribuer efficacement à atténuer la pauvreté et à créer des
opportunités en Afrique.
J’ai promis, et je le réaffirme aujourd’hui, que le marché canadien
sera ouvert à l’Afrique. En fait, nous avons récemment amorcé des
consultations publiques sur des propositions visant à supprimer les tarifs
douaniers et les quotas applicables à la plupart des produits que nous vendent
les pays les moins avancés.
Mesdames et Messieurs, le NPDA est une proposition ambitieuse et tournée
vers l’avenir. Il met l’accent sur la nécessité de faire participer les
peuples africains. Il tient compte des leçons et des erreurs du passé. Sa
logique est élégante, et sa portée vaste. Mais il ne saurait réussir sans la
volonté et l’engagement du monde industrialisé.
À cet égard, et peut-être davantage qu’à toute autre époque récente,
nous avons toutes les raisons d’être optimistes.
J’aurai le grand honneur d’accueillir les dirigeants du G8 au Canada dans
quelques mois. En tant que président, et avec l’appui de mes homologues du
G8, j’ai placé l’Afrique au centre de nos discussions.
Le Canada est un ami de l’Afrique depuis longtemps. Ainsi, des Jésuites
canadiens ont fondé l’Université d’Addis Abeba. Et une génération
entière de Canadiens ont été inspirés par le Père Lévesque, fondateur de l’Université
du Rwanda, ainsi que par d’autres personnages qui ont incarné les liens entre
le Canada et ce continent. Ces liens, nous les cultivons au sein du Commonwealth
et de la Francophonie, et par l’entremise du million de Canadiens d’ascendance
africaine.
Ces dernières années, notre politique étrangère a été centrée en
grande partie sur des questions qui touchent les Africains de près. Elle vise
à s’attaquer aux causes économiques des conflits armés, notamment le
commerce illicite des diamants, à éradiquer les mines antipersonnel, à
protéger les civils dans les zones de conflit armé, à reconnaître le rôle
important des femmes dans la société et à mettre fin au déploiement d’enfants
soldats.
Le Canada a également envoyé des forces de maintien de la paix dans des
régions du continent déchirées par les conflits. Et il a démontré son appui
envers l’Afrique et d’autres pays en voie de développement en donnant l’exemple
à l’égard de la dette.
Nous avons effacé la dette d’aide au développement de presque tous les
pays pauvres très endettés. Cette mesure représente un allégement de
1,3 milliard de dollars pour les 34 pays les moins développés de l’Afrique.
Nous avons renoncé au remboursement d’autres prêts de plus de
2 milliards de dollars. Et le 1
janvier
2001, nous avons cessé de recouvrer les intérêts exigibles sur la dette
restante de huit pays pauvres très endettés de l’Afrique qui se sont
engagés en faveur de la réforme. Et je suis très fier d’affirmer que,
depuis 1986, la totalité de notre aide publique au développement est octroyée
sous forme de subventions seulement.
L’engagement envers le nouveau partenariat se manifeste également autour
de la table du G8. Ainsi que l’affirme le NPDA : « La marginalisation
continue de l'Afrique du processus de mondialisation et l'exclusion sociale de
la vaste majorité de ses peuples constituent une grave menace pour la
stabilité mondiale. » Les dirigeants du G8 sont bien conscients qu’une
Afrique unie et prospère – une Afrique promise à un meilleur avenir – est
le gage d’un monde plus prospère et plus sûr.
À Gênes l’an dernier, nous avons pris la décision d’aider les
dirigeants africains résolus à établir et à élargir un nouveau partenariat.
À cette fin, nous avons décidé d’élaborer un plan d’action concret pour
l’Afrique en réponse au NPDA. Les discussions avec les dirigeants du G8 et de
l’Afrique progressent bien, et je suis persuadé que notre Plan d’action
pour l’Afrique marquera un tournant.
Je suis optimiste quant à l’issue des délibérations du G8, mais
attention : ni le NPDA ni le Plan d’action pour l’Afrique ne doivent
être considérés comme des documents d’annonce de contributions ni comme des
solutions miracles.
Au mois de décembre, notre gouvernement a affecté une somme de 500 millions
de dollars à la mise en oeuvre du Plan d’action du G8 pour l’Afrique. De
plus, à Monterrey, j’ai annoncé que l’aide internationale du Canada
augmentera d’au moins 8 p. 100 par année au cours des années à
venir, de sorte que l’aide totale que nous consentons devrait doubler d’ici
huit ou neuf ans. Une large part de cette aide ira à l’Afrique.
Nous avons aussi eu d’autres bonnes nouvelles ces dernières semaines. En
effet, l’Union européenne et les États-Unis ont décidé d’augmenter
sensiblement les sommes qu’ils consacrent à l’aide au développement. C’est
environ 50 milliards de dollars US de plus qui iront aux pays en voie de
développement.
Encore une fois, cette aide sera destinée en grande partie à des
partenaires africains. Cependant, en tant que partenaires, nous devons rester
réalistes dans nos attentes. Malgré ces nouveaux engagements, il ne faudrait
pas que nos partenaires africains voient dans l’argent le principal intérêt
du Plan d’action du G8 pour l’Afrique. Car il promet de leur offrir beaucoup
plus que cela.
Pour notre part, les membres du G8 ne peuvent pas raisonnablement s’attendre
à voir se réaliser du jour au lendemain les changements politiques et
économiques décrits dans le NPDA.
La marginalisation économique de l’Afrique n’est pas le résultat d’une
catastrophe soudaine, mais plutôt de générations de déclin. Un déclin qui a
enseveli de grands espoirs et fait naître beaucoup de scepticisme de part et d’autre.
Mais sachez que les peuples africains seront délivrés des boulets qui les
maintiennent dans le désespoir depuis trop longtemps. Ils connaîtront des
lendemains meilleurs.
Et les dirigeants africains qui s’engageront pleinement envers le NPDA
auront la satisfaction de rendre l’espoir à leur peuple et de contribuer
concrètement à améliorer leur sort.
Mes amis, nous entreprenons un voyage historique, un voyage de renouvellement
dont nous connaissons la destination, mais non la durée. Un voyage que nous
ferons ensemble, à titre d’égaux, en toute solidarité, vers la renaissance
de ce grand continent et l’épanouissement de sa population.
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