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Archives - Jean Chrétien

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Allocution du Premier ministre Jean Chrétien devant le forum national sur les relations internationales du Canada


Le 11 septembre 1995
Toronto (Ontario)

Je tiens à vous remercier tous d'être venus ici aujourd'hui ‹ ainsi que de votre engagement et de votre participation à la politique étrangère du Canada. Vous alliez une expérience et des connaissances qui constituent un des grands atouts du Canada.

J'aimerais remercier tout spécialement les deux coprésidents, Lorna Marsden et Jean Monty, ainsi que Janice Stein et son comité de programme.

À mon avis, vous ne pourriez pas avoir mieux choisi le moment de votre participation.

Dans le Livre rouge, nous avions promis un processus plus démocratique et plus transparent pour l'élaboration de la politique étrangère.

Nous avons tenu parole.

Nous avons suscité des discussions en Chambre sur les grands dossiers comme le maintien de la paix ‹ et nous avons tendu une oreille attentive et réagi lors de ces discussions.

Nous avons réservé un accueil favorable au rapport du Comité parlementaire spécial mixte. Nous y avons donné suite en publiant le Livre blanc sur la politique étrangère.

Nous rencontrons régulièrement des Canadiennes et des Canadiens ‹ y compris bon nombre d'entre vous présents ici ‹ pour discuter de dossiers particuliers : aide, commerce, droits de la personne, contrôle des armes, pour n'en nommer que quelques-uns.

Comme promis dans le Livre rouge, nous avons instauré ce forum national pour permettre à divers groupes et particuliers de participer à l'élaboration de la politique étrangère.

Nous recherchons votre collaboration parce que la nature de la politique étrangère évolue.

Partout dans le monde, les obstacles s'estompent ou se font de moins en moins nombreux. Parfois, ce sont des obstacles physiques, comme le Mur de Berlin. D'autres obstacles comme les barrières commerciales diminuent. Et puis, les technologies nous donnent des moyens d'aplanir les difficultés, moyens dont nous ne pouvions que rêver il y a quelques années.

Il est maintenant plus facile de se parler en dépit des frontières; de voyager dans des pays lointains; de vivre, de travailler et d'étudier à l'étranger.

Le résultat, c'est que les relations entre pays se retrouvent principalement entre les mains des particuliers. Le gouvernement n'est pas le seul à faire la promotion du Canada à l'étranger ‹ les Canadiennes et les Canadiens aussi s'en chargent. C'est cela la politique étrangère ‹ les millions de contacts personnels entre les Canadiens et leurs congénères partout dans le monde.

Il se forme de nouveaux réseaux qui échappent aux contrôles directs exercés par l'État et où les organisations non gouvernementales jouent un rôle important.
À mon avis, c'est une très bonne chose, parce les ONG s'acquittent parfois avec brio de leurs tâches ‹ souvent mieux que l'État ‹ par exemple fournir de l'aide ou préserver des espèces et des habitats menacés, ou sensibiliser le public aux dossiers internationaux.

Les intérêts canadiens à l'étranger reflètent la complexité du pays que nous habitons.

Personne, ni aucun État, ne peut tout faire. Personne n'a toutes les réponses.

Mais en conjuguant leurs efforts, les Canadiennes et Canadiens peuvent exercer une action efficace ‹ au Canada, et dans le monde.

Notre Livre blanc décrit les trois grands objectifs de la politique étrangère du Canada, à savoir :

€ l'emploi et la prospérité;

€ la sécurité dans un cadre mondial stable;

€ la projection des valeurs et de la culture canadiennes.

Je crois que nos efforts en vue de la réalisation de ces objectifs ont donné des résultats. Le Canada a connu une bonne année sur la scène internationale.

Comme vous le savez, la promotion du commerce est pour moi une priorité personnelle. Le Canada est, depuis toujours, une nation commerçante. Notre succès remarquable en matière d'exportation de biens et services a été un facteur clé de la reprise économique.

J'ai eu l'honneur de diriger des missions commerciales historiques en Asie et en Amérique latine. Comme nous l'avons indiqué dans le Livre rouge, l'expansion du commerce avec ces régions est prioritaire pour notre gouvernement. Et j'ai été ravi que les gens d'affaires canadiens y aient participé avec autant d'enthousiasme. Ces missions ont rapporté au Canada 11 milliards de dollars de contrats et d'ententes diverses, ainsi que des milliers de nouveaux emplois pour des Canadiennes et des Canadiens.

Au mois de juin dernier, nous avons accueilli le Sommet du G-7 à Halifax. Et je crois que les Canadiennes et les Canadiens ont été très fiers de nous voir accueillir les leaders des plus grands pays développés du monde.

Nous avons dit que nous voulions que ce soit une rencontre terre-à-terre et productive ‹ un sommet « Chevrolet ». Nous avions dit que nous chercherions surtout à raffermir les institutions internationales en prévision du XXIe siècle. Et j'ai été ravi de constater nos progrès à cet égard.

Le G-7 n'est pas un organe décideur. Nous, du Groupe des Sept, ne sommes pas habilités à réviser les règles du FMI et de la Banque mondiale. Nous pouvons par contre faire avancer les dossiers, encourager les pays du monde à se joindre à nous pour relever les défis. C'est ce que nous avons accompli à Halifax.

Depuis un an, j'ai également assisté en Europe aux cérémonies marquant le 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale ‹ la pire guerre de l'histoire. J'ai été particulièrement ému par l'immense gratitude que manifestent, encore aujourd'hui, les Européens à l'égard des Canadiens, qui ont joué un rôle important dans la libération de leurs pays il y a cinquante ans.

Ce retour en arrière a de quoi susciter la fierté des Canadiennes et des Canadiens. Nous avons fait plus que notre part pour remporter les victoires de 1945. Nous avons également joué un rôle clé dans la création de nouvelles institutions conçues pour favoriser l'établissement d'un monde meilleur dans l'après-guerre.

Cette année aussi, les Nations unies marquent leur 50e anniversaire ‹ un autre événement auquel le Canada a largement participé.

Les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont été déterminantes pour le Canada qui s'est éloigné du rôle hésitant qu'il avait joué entre les deux guerres. Nous avons débouché sur un nouveau rôle international, un rôle conçu et mis de l'avant par une remarquable génération de Canadiens, sous la direction de mon premier patron, Mike Pearson.

L'architecture fondamentale de notre système international a été conçue au cours de ces années. Depuis lors, nous avons créé un vaste réseau d'organisations, de traités et de règlements. Pas seulement les Nations unies, mais aussi le FMI, le GATT, l'OTAN et NORAD.

Nous adhérons fermement aux principes du multilatéralisme. Les guerres commerciales, les guerres chaudes et les guerres froides sont le fait de mesures arbitraires et unilatérales; nous en avons de nombreuses preuves.

Nos institutions nous ont cependant permis d'accroître la souplesse, la prévisibilité et la sécurité des relations internationales.

Elles demeurent les meilleures instances pour dégager un consensus dans certains dossiers et pour formuler les règles qui les concrétisent.

Nous avons parlé longuement des Nations unies à Halifax. Et nous avons constaté que, dans l'ensemble, nous étions d'accord sur l'importance du rôle de cet organisme sur le plan de l'ordre et de la stabilité internationales.

Il est vrai que l'ONU éprouve de nombreuses difficultés. On y éprouve souvent un sentiment de contrariété. De grandes déceptions internationales auraient pu être évitées. Nous ne sommes pas sans le savoir.
Mais nous ne devons pas perdre de vue l'essentiel.

En effet, c'est grâce aux Nations unies que les pays sont sur un pied d'égalité. Ce sont les Nations unies qui ont supervisé la décolonisation. Ce sont elles qui ont donné une voix aux femmes, aux autochtones et aux enfants.

Ce sont les organisations de la famille onusienne qui ont établi une approche mondiale de la pauvreté, des réfugiés et du développement durable. C'est grâce à l'Organisation mondiale de la santé que les Nations unies ont joué un rôle déterminant dans l'éradication de la variole. Et les programmes d'alphabétisation de l'UNICEF apportent, chaque année, un rayon d'espoir à des millions d'enfants.

Les Nations unies ont soutenu le développement du droit international. Le Canada peut être particulièrement ravi de l'évolution du droit de la mer -- et plus récemment des règles en matière de gestion des pêches.

Ce sont les Nations unies qui ont mené la lutte contre le racisme, contre l'apartheid, et défini des normes universelles en ce qui concerne les droits de la personne. À maints égards, les Nations unies sont devenues la conscience du monde.

Mais l'ONU éprouve des difficultés. Sa présence en Somalie, au Rwanda et dans l'ex-Yougoslavie a soulevé de nombreuses questions quant à sa capacité d'affronter les problèmes de l'après-guerre froide.

L'ONU doit améliorer sa gestion et éliminer le double emploi ainsi que les chevauchements qui existent dans les organisations onusiennes.

Les Nations unies traversent une crise financière. Il se pourrait que les États-Unis, son principal bailleur de fonds, abaissent considérablement leur quote-part. En outre, d'autres membres n'assument pas leur juste part du fardeau financier parce que le système d'établissement des cotisations est périmé.

Pour ma part, je trouve de plus en plus irritant qu'on dénigre sans cesse les Nations unies. Et surtout quand les commentaires proviennent de ceux qui ne paient pas leur quote-part.

Aujourd'hui, les Nations unies ont besoin d'aide. Et le Canada devrait les soutenir. Nous l'avons fait et nous continuerons à le faire.

L'ONU est au centre de la politique étrangère du Canada depuis l'époque de Louis Saint-Laurent et de Lester Pearson.

Je crois que des réformes judicieuses devraient permettre de surmonter une partie de ces difficultés.

Nous savons qu'il y a des problèmes; cela ne dégage pas les États membres de leurs responsabilités. Les citoyens de tous les pays doivent assumer leur juste part du fardeau financier et verser leur quote-part, à temps et au complet, comme le fait le Canada.

Notre gouvernement est très ferme sur ce point. Nous croyons que le Canada, compte tenu de l'estime dont il jouit, peut faire valoir que la réforme et le règlement des cotisations vont de pair.

Le Canada tient à ce que s'opère la réforme, non seulement sur le plan des cotisations, mais aussi en matière de mesures novatrices nous permettant d'obtenir un meilleur rapport qualité-prix.

C'est pourquoi depuis un an le Canada réunit des experts de niveau international pour étudier les moyens d'améliorer la capacité d'intervention rapide de l'ONU. Nous sommes d'avis que les services de l'ONU dans les dossiers de la paix et de la sécurité demeurent les mieux adaptés. Plus tard ce mois-ci, André Ouellet présentera des propositions précises lors de son intervention à l'Assemblée générale à New York.

Si la fin de la guerre froide a peut-être gonflé les attentes quant à l'avenir des Nations unies, il n'y a toutefois pas de doute que cela a véritablement renouvelé les espoirs. Cela est renforcé par la diffusion des principes libéraux en matière d'économie et de politique dans les pays en développement. À plus long terme, les perspectives d'avenir des Nations unies sont probablement meilleures qu'il y a cinquante ans.

Par ailleurs, nous reconnaissons que des organisations non affiliées à l'ONU pourraient jouer un rôle accru au regard du maintien de la stabilité et de la sécurité. Ces organisations ont souvent l'expérience locale qui permet d'éviter les échecs.

À la conférence qui se tiendra à la fin du mois, le Canada accueillera des experts de la Francophonie qui se pencheront sur la perspective africaine de la prévention des conflits. Nous espérons que quelques-unes des conclusions de cette rencontre alimenteront directement le Sommet de la Francophonie, auquel j'assisterai au Bénin au mois de décembre.

Nous organisons des colloques semblables avec nos collègues de l'OEA et de l'ASEAN. Nous avons aussi fait la promotion de l'ordre du jour du Commonwealth afin d'obtenir un appui actif à l'égard de la démocratie et de la saine gestion des affaires publiques.

Voilà un exemple de réglementation multilatérale. Certains pays prennent l'initiative, formulent des propositions et encouragent la communauté internationale à les adopter.

En matière de conservation des ressources halieutiques, le Canada a notamment donné l'exemple. Dans d'autres dossiers, ce sont d'autres pays qui portent le fardeau.

Ce genre de progrès nous porte à accorder à nouveau notre confiance aux institutions internationales. Notre tâche consiste à choisir les dossiers, à formuler les propositions, à trouver des partenaires, puis à influencer d'autres nations, une tâche qui n'est pas particulièrement facile.
Malheureusement, plusieurs autres pays, même certains de nos partenaires les plus proches, ne partagent pas toujours notre point de vue quant à la valeur des institutions internationales. Aux États-Unis, on réclame avec plus d'insistance un retrait du multilatéralisme. En Europe, les priorités semblent être davantage de portée régionale. La Chine, qui siège pourtant au Conseil de sécurité et s'apprête à devenir une puissance économique, manifeste jusqu'à présent bien peu d'intérêt à apporter une contribution positive à l'établissement d'institutions internationales.

Malgré tout, je demeure optimiste. Nous devons traiter les entraves comme des défis à relever. Et pour le Canada, l'anniversaire que nous célébrons cette année devrait servir de prétexte pour promouvoir des solutions réalistes dans un monde en transition.

Les questions sur lesquelles vous vous pencherez aujourd'hui ont un lien entre elles. La stabilité, la prospérité et la sécurité se renforcent mutuellement. Je crois que plus les pays uniront leurs efforts pour atteindre les objectifs vers lesquels ils tendent, plus leurs relations seront stables. Et plus les citoyens des divers pays communiqueront entre eux par-delà les frontières, mieux ils se comprendront et s'apprécieront.

La libre circulation des idées partout dans le monde favorise les changements positifs dans les pays. Au fur et à mesure que nous réajustons des partenariats de longue date et que nous en formons de nouveaux, le monde se transforme en une communauté de nations plus intégrée. Cette transformation nous avantage tous.

Voilà donc une perspective très canadienne du monde, qui ne devrait surprendre personne. Parce que cette perspective est un reflet fidèle de notre façon d'agir. De la façon dont nous tentons d'équilibrer la diversité et l'unité, la tolérance et l'ordre, la liberté et la loyauté. De la façon dont nous cherchons à concilier les points de vue de différentes régions, de divers groupes linguistiques et de plusieurs communautés culturelles, au lieu de les isoler.

Ce qui n'est pas toujours tâche facile. Croyez-moi, j'en sais quelque chose. Mais aucun pays ne met plus d'ardeur à la tâche et aucun pays n'y réussit mieux que le Canada.

C'est pourquoi notre attachement aux valeurs canadiennes constitue la trame de notre politique étrangère.

Le Canada touche à de nombreux dossiers dans le cadre de ses relations internationales. Les autres pays nous reconnaissent cependant des aptitudes particulières pour ce que l'on qualifie parfois de « renforcement de la société civile ».

Cela est l'une de nos plus importantes contributions pour favoriser les principes démocratiques et les droits de la personne dans les autres pays.

Et nous le faisons de façon typiquement canadienne. Tranquillement et de façon compétente. Davantage soucieux des résultats que des beaux discours.

Nous savons diriger une force policière dans une société démocratique. Les membres de la GRC sont considérés comme les meilleurs formateurs de policiers du monde; ils sont constamment sollicités par des pays qui, comme Haïti, sont en voie de restaurer leur régime démocratique.

Nous avons une magistrature renommée pour son indépendance et son caractère professionnel. C'est pourquoi les juristes canadiens sont accueillis par tous les pays du Commonwealth et de la Francophonie qui cherchent à améliorer leur propre appareil judiciaire.

Nous possédons un record hors pair pour la tenue d'élections impartiales. C'est pourquoi Élections Canada a aidé des dizaines de pays à améliorer leur système électoral. C'est pourquoi les observateurs canadiens, reconnus pour leur impartialité, sont de plus en plus sollicités.

Nous savons favoriser et défendre la liberté d'expression des médias. C'est pourquoi j'ai proposé au Sommet de l'OSCE, à Budapest, que l'organisation se dote de la capacité de reconnaître les premiers signes d'abus dans les communications publiques. Nous collaborons également avec les pays de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est sur les questions relatives aux médias, parce que ces pays savent que nous possédons de l'expérience dans ce domaine.

Et, évidemment, notre réputation en matière de maintien de la paix n'est plus à faire. Aucun pays n'a contribué autant à l'effort international de maintien de la paix que le Canada. Nos casques bleus sont renommés non seulement à cause de leur excellente formation, mais aussi parce que, tout comme leurs compatriotes, ils sont tolérants et respectent le point de vue d'autrui.

La semaine dernière, j'ai eu l'honneur d'accueillir personnellement un groupe de casques bleus canadiens du Deuxième Bataillon du Royal 22e Régiment qui rentraient au pays après avoir été stationnés en Croatie.

Malgré les difficultés auxquelles nos troupes doivent faire face dans l'ancienne Yougoslavie, nous pouvons être très fiers de la contribution qu'elles apportent afin de promouvoir la fin de ce conflit.

Pour toutes ces raisons, je suis particulièrement fier, en effet, d'être le premier ministre d'un pays affichant ces valeurs qui inspirent le respect partout dans le monde.

Les Canadiennes et les Canadiens sont fiers eux aussi de la tradition honorable du Canada au plan des relations internationales. Ils savent que cette tradition est l'un des éléments qui nous distinguent en tant que pays et en tant que peuple.

C'est là un des aspects qui classent le Canada au premier rang des pays où il fait bon vivre.

Vous n'avez pas à me croire sur parole. Les Nations unies l'ont confirmé pour la deuxième année d'affilée.

Toutes les enquêtes indiquent qu'une vaste majorité des Canadiennes et des Canadiens d'un bout à l'autre du pays sont d'accord : il n'y a pas meilleur pays au monde que le Canada!

En conjuguant leurs efforts, les Canadiennes et les Canadiens ont mérité une réputation internationale exceptionnelle ‹ une réputation d'impartialité, de tolérance, de paix, de prospérité, de diversité et de compassion.

Avec votre collaboration, nous maintiendrons cette fière tradition devant les défis qu'il nous faudra relever à l'échelle internationale.

Je vous remercie.


 


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Mise à jour: 2006-07-27  Avis importants