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Archives - Jean Chrétien

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Allocution du Premier ministre Jean Chrétien à l'auditorium de Verdun


Le 24 octobre 1995
Verdun (Québec)

Je me présente devant vous ce soir parce que, comme vous, fier Québécois et fier Canadien, je crois de toute mon âme et de tout mon coeur en notre grand pays. À titre de Premier ministre du Canada, je porte une lourde responsabilité, une responsabilité que nous partageons tous, en fait.

Mes amis, l'avenir de notre pays se jouera dans moins d'une semaine. Lundi, nous aurons à décider si le Canada que nous, Québécois, avons bâti ensemble continuera d'évoluer ou sera brisé. Nous aurons à choisir entre l'espoir et l'abandon, entre continuer ou décrocher. Rester ou partir, voilà l'enjeu du référendum. Serons-nous encore des Canadiens? Un choix lourd de conséquences. Pensez-y bien avant d'aller voter.

Le choix qui nous est proposé n'est pas celui d'un gouvernement ou d'un Premier ministre dont on pourra se défaire dans quatre ans. Ce n'est pas un concours de popularité où l'on préfère certains individus plutôt que d'autres.

C'est le choix fondamental et irréversible d'un pays. D'un côté, les tenants de la séparation proposent un Québec qui rejette le Canada. De l'autre, nous proposons un Québec ouvert et fort dans un Canada uni.

Pour nous, tout est possible, nous ne rejetons qu'une chose : la séparation. Mes amis, c'est le Canada et notre héritage qui sont en jeu. Pensez-y bien avant d'aller voter.

Pour préserver notre pays au cours des jours qui viennent, nous aurons besoin d'autant de courage et de détermination que nos ancêtres en ont mis à le bâtir.

Nous devons donner le meilleur de nous-mêmes pour nous assurer que chacun comprend l'enjeu et les conséquences de ce référendum.

Aujourd'hui, partout au Québec, les gens réfléchissent, ils pensent à leur avenir, à celui de leurs enfants et de leurs familles. Ils pensent à l'importance cruciale de la décision qu'ils ont à prendre et se posent des questions légitimes :

Pouvons-nous mieux réaliser nos espoirs et nos rêves en bâtissant le Canada ou en le détruisant?

Pouvons-nous mieux réaliser des changements positifs et réalistes en bâtissant le Canada ou en le détruisant?

Il n'y a qu'une réponse à ces questions, c'est de continuer à bâtir le Canada.

Je sais que certains s'apprêtent à voter OUI à une question ambiguë, parce qu'ils pensent que c'est la meilleure façon d'amener des changements au Canada. Ils pensent qu'un nouveau rapport de force serait établi de cette façon.

Ils pensent que tout ce que cherchent les séparatistes, c'est un mandat pour négocier à l'intérieur du Canada. Je leur dis qu'ils se trompent.

À ceux qui pensent que l'ont peut voter OUI et rester dans le Canada, je vous demande d'écouter attentivement ce que disent MM. Parizeau et Bouchard. Il n'est pas question pour eux de renouveler le fédéralisme ou d'obtenir la reconnaissance du Québec comme société distincte.

Ce qu'ils veulent, c'est un pays séparé. Le pays qu'ils préparent, ce n'est pas un Canada amélioré, c'est un Québec séparé. Pensez-y bien avant d'aller voter.

Depuis le début de cette campagne, nous demandons aux séparatistes de nous dire ce qu'il y aurait à gagner de la dissolution de notre pays?

Cela affectera profondément la vie de chacun d'entre nous, celle de nos enfants et de nos petits-enfants. C'est le devoir des gens responsables d'en parler.

Comment notre niveau et notre qualité de vie seraient-ils affectés? Quelles seraient les conséquences de la séparation sur l'emploi et la croissance économique? Comment les familles qui dépendent de ces emplois seraient-elles affectées? Toutes ces questions ont été rejetées du revers de la main. Pourquoi? Pensez-y bien avant d'aller voter.

La santé économique constitue une préoccupation constante des gouvernements.

Les Canadiens ont toutes les raisons d'être fiers de leur pays à cet égard. Mais, le bien-être que ressentent les Québécois et les autres Canadiens envers leur pays va bien au delà de son succès économique.

Ceux qui ont voyagé à l'étranger savent ce que représente la citoyenneté canadienne sur la scène internationale. Ils savent que le Canada symbolise la paix, la prospérité et la fraternité.

Pensez-y bien, parlez-en dans vos familles et avec vos collègues de travail. Pensez à toutes les expériences de votre vie où le nom du Canada est associé.

Pensez-y, c'est un pays qui est en jeu, et pas n'importe quel pays. Le Canada est un pays unique au monde, le meilleur. Et le Canada est ce qu'il est aujourd'hui parce que le Québec y tient une place unique.

La dissolution du Canada serait l'échec d'un rêve. Ce serait la fin d'un pays qui fait l'envie du monde entier. Ce serait l'échec d'un pays qui constitue un modèle pour ceux qui bâtissent leurs institutions.

Le Canada s'est bâtis sur des valeurs que vous connaissez bien. La tolérance, la générosité, le respect de la différence, la justice sociale et la compassion. Ces valeurs, les Québécois les partagent avec tous les autres Canadiens.

Lundi prochain, il faudra décider si nous sommes prêts à laisser tomber le pays qui les incarne comme aucun autre au monde. Pensez-y bien avant d'aller voter.
Hier, j'étais à New York aux Nations unies où le Canada s'est taillé une place et un rôle extraordinaires. J'ai eu l'occasion de parler avec des chefs de gouvernement venant de tous les coins du monde.

Aucun d'entre eux ne comprend que l'on puisse même songer à détruire le pays que les Nations unies classent au premier rang pour sa qualité de vie.

Chers amis, je suis un Québécois fier de ma langue, de ma culture et de mon héritage. Et je suis également un Canadien qui se sent chez lui partout au pays.

Nos ancêtres, les vôtres et les miens, ont bâti un pays où la langue, la culture et l'identité françaises ont pu s'épanouir et s'affirmer.

Ils ont bâti un pays où les Québécois, quelles que soient les injustices du passé, ont maintenant les instruments et le pouvoir pour se réaliser.

Ce grand pays n'est pas parfait, c'est vrai.

C'est un pays qui doit continuer à s'adapter à la réalité moderne, c'est vrai; un pays qui peut et qui doit encore s'améliorer, c'est vrai. Mais c'est un pays qui mérite qu'on se batte pour lui, qu'on fasse l'impossible pour le préserver.

Connaissez-vous une seule raison valable pour justifier qu'on lui tourne le dos? Pensez-y bien avant d'aller voter.

Pour ceux qui cherchent de bonnes raisons pour dire NON à l'inconnu, et bien regardez autour de vous. Regardez ce que vous êtes. Regardez ce que vous avez au lendemain d'un NON.

Vous avez la garantie d'un pays souverain avec la citoyenneté canadienne, le passeport canadien et la monnaie canadienne. Un pays qui nous garantit instantanément un partenariat économique et politique qui nous permet de rayonner tant sur l'Atlantique que sur le Pacifique.

Un pays concret, tangible, que nous connaissons depuis longtemps et dont la principale constante tout au long de son histoire, c'est le changement.

Pendant cette campagne, j'ai écouté mes compatriotes du Québec dire qu'ils sont profondément attachés au Canada.

Cela dit, ils ont également indiqué, qu'ils désirent voir ce pays changer et évoluer dans le sens de leurs aspirations. Ils veulent voir le Québec reconnu au sein du Canada comme une société distincte par sa langue, sa culture et ses institutions.

Je l'ai dit et je le répète : je suis d'accord. J'ai appuyé cette position dans le passé, je l'appuie aujourd'hui et je l'appuierai dans l'avenir, en toute circonstance.
En 1960, il y avait une extraordinaire volonté de changement au Québec. Ce fut la révolution tranquille qui a débouché sur 35 années de changement sans interruption au Québec. Tout cela s'est fait dans la continuité, sans rupture, sans déchirement, et à l'intérieur du Canada.

À l'aube du 21e siècle, au Canada, comme partout dans le monde, des changements sans précédent se profilent à l'horizon.

Des changements économiques en raison de la mondialisation des marchés. Et des changements politiques découlant de la volonté des citoyens d'exercer plus de pouvoir au niveau local.

Tous les Canadiens veulent que leur pays change en profondeur pour répondre à leurs aspirations. De fait, le Canada bouge et change de manière à maintenir et améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.

C'est ainsi que nous faisons des changements pour stimuler la création d'emplois et la croissance économique;

Des changements pour assainir nos finances publiques et protéger nos programmes sociaux pour les générations à venir;

Des changements pour s'assurer que ce pays qui s'est construit sur des principes d'équité et de justice sociale continue de protéger à l'avenir ceux de notre société qui en ont le plus besoin.

Des changements pour promouvoir le commerce international, ce qui se traduit par des emplois pour les gens d'ici.

Des changements pour promouvoir l'investissement, ce qui se traduit également par des emplois pour les gens d'ici.

Des changements pour donner plus de flexibilité à notre fédération et bâtir une coopération efficace entre les gouvernements.

Partout dans les pays les plus industrialisés, les citoyens expriment leur volonté d'exercer plus d'influence sur les décisions qui affectent leur vie de tous les jours. Tous les niveaux de gouvernement doivent trouver les moyens de rapprocher la prise de décision des citoyens.

Ce désir des citoyens pour une plus grande décentralisation est un défi auquel tous nos gouvernements, fédéral et provinciaux, doivent s'attaquer. Cette réalité est encore plus pressante à cause des contraintes budgétaires des gouvernements.

Il faut voir si les services sont dispensés au bon niveau de gouvernement. Il faut également évaluer si certains services ne seraient pas mieux livrés par le secteur privé.

J'espère d'ailleurs que dès le lendemain du référendum, le gouvernement de M. Parizeau acceptera enfin de s'asseoir avec nous pour travailler à éliminer les chevauchements et les dédoublements de nos services. Des dix provinces, Québec est la seule qui ait refusé de procéder à cet exercice nécessaire pour éviter le gaspillage.

Pour assurer le changement et la modernisation du Canada, aucun moyen n'est exclu. Ce qui compte, c'est que ces changements soient réalistes et correspondent à la volonté des citoyens.

En votant NON, nous rejetons l'option de la séparation. Un NON n'équivaut pas à renoncer à quelque position que ce soit relative à la constitution canadienne.

Nous garderons ouvertes toutes les autres voies de changement, y compris les voies administrative et constitutionnelle. Tout changement des compétences constitutionnelles du Québec ne se fera qu'avec le consentement des Québécois.

Ce qui importe, c'est que nous pourrons réaliser nos aspirations d'aujourd'hui et celles des générations à venir de façon pratique et réaliste.

Nous pouvons déployer toutes nos énergies pour continuer à relever les défis d'aujourd'hui et de demain dans le Canada que nous connaissons, et où le Québec tient une place essentielle : ça, c'est l'espoir.

Ou nous pouvons orienter nos efforts vers le démembrement d'un pays qui représente l'une des grandes puissances industrielles les plus avancées du monde moderne. Ça, je l'avoue, c'est désespérant. Pensez-y bien avant d'aller voter.

Je pense que c'est très clair, un Non ne signifie qu'une chose: le rejet du projet séparatiste de démantèlement du Canada. Un geste aux conséquences incalculables

Et je répète avec fierté les mots prononcés il y a 15 ans par Jean Lesage, le père de la Révolution tranquille: « Le Canada c'est mon pays, le Québec c'est ma patrie. »
 


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Mise à jour: 2006-07-27  Avis importants