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Archives - Jean Chrétien

Archives - Jean Chrétien

À la Conférence Canada '99 en l'honneur du cinquantième anniversaire de l'entrée de Terre-Neuve dans la Conféderation


Le 31 mars 1999
St. John's (Terre-Neuve)

C'est à la fois un honneur et un motif de fierté pour moi, à titre de Premier ministre du Canada, de me joindre à vous aujourd'hui pour célébrer le cinquantenaire de l'union de Terre-Neuve et du Canada.

L'union de deux peuples libres et démocratiques, possédant chacun sa propre histoire et ses propres traditions. Une union librement décidée après avoir été débattue à fond dans le cadre d'un processus franc et ouvert. Une union négociée entre les représentants habiles désignés par les deux États souverains. Tous se sont montrés à la hauteur de cette tâche historique.

Ils ont vu dans la Confédération une occasion d'unir nos forces. De léguer à leurs enfants et aux nôtres un héritage meilleur.

Notre devoir à nous, à la veille du nouveau millénaire, consiste à continuer d'aller de l'avant ensemble et à répondre aux besoins et aux préoccupations de demain en s'appuyant sur les solides fondements qu'ils ont posés.

Les années de 1945 à 1949 ont été mémorables pour les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador. Ces années ont été marquées par des changements d'une ampleur sans précédent. Les « premières » se sont succédé pendant cette période. La Convention nationale elle-même représentait une innovation historique. Elle fut la première entité du genre à être constituée dans toute l'étendue des terres et territoires ayant prêté allégeance à la Couronne britannique.

Au cours de l'été de 1948, pour la première fois dans l'histoire du régime démocratique de tradition britannique, les citoyens ont reçu le pouvoir de déterminer leur avenir au scrutin secret lors des deux référendums qui ont suivi la Convention. En plus, l'élection de la délégation à la Convention nationale de 1946 fut la première occasion donnée aux résidents du Labrador – autant les Autochtones que les colons – d'élire des représentants à leur parlement national.

L'union fut l'oeuvre de nombreuses personnes – de dirigeants remarquables. Et le résultat fut à la mesure de leurs efforts.

Trois premiers ministres du Canada se sont engagés à fond dans la matérialisation du rêve d'union. William Lyon MacKenzie King a accepté de négocier l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération. Louis St-Laurent a aidé à négocier les Conditions de l'union et a persuadé le Parlement de les approuver. De plus, le hasard a voulu qu'il soit premier ministre à cette date il y a cinquante ans. Lester Pearson, qui allait me confier ma première charge de ministre, a joué un rôle clé au sein de la solide équipe de fonctionnaires canadiens qui ont secondé les ministres.

Mitchell Sharp, mon cher ami et guide, a travaillé de près avec M. Pearson. Il y avait aussi Jack Pickersgill, le seul et unique. Où que Jack soit aujourd'hui, je sais qu'il sourit et qu'il agite l'unifolié de toutes ses forces.

Les porte-parole de Terre-Neuve et du Labrador à cette époque étaient tout aussi remarquables et dignes d'être honorés. Quarante-cinq personnes ont été élues membres de la délégation à la Convention. Deux d'entre elles, Alfred Watton et William Banfield, sont toujours vivantes. Une troisième, Michael Harrington, est décédé il y a seulement quelques jours. Bon nombre des membres de la Convention ont joué par la suite un rôle de premier plan dans la vie publique à Terre-Neuve et au Canada. Trois d'entre eux ont été élus à la Chambre des communes en 1949. Sept ont été élus à la Chambre d'assemblée.

L'un d'entre eux n'était autre que l'incomparable Joey Smallwood, qui allait être une figure centrale de la politique à Terre-Neuve pendant ses 25 premières années au sein de la Confédération.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner aussi la contribution de Gordon Winter. Son travail comme membre de la délégation de Terre-Neuve a marqué le début d'une carrière distinguée au service de ses concitoyens, dont le point culminant fut son mandat à titre de Lieutenant-Gouverneur. Je vous invite à saluer sa présence parmi nous aujourd'hui.

Mesdames et messieurs, bâtir un pays, c'est un travail colossal. Il faut du courage, de la vision et de la persévérance. Les bâtisseurs doivent avoir une vision de l'avenir et l'éloquence nécessaire pour la traduire en mots. Il faut avoir le courage de tenir tête à ceux qui s'opposent au changement – certains parce qu'ils sont profondément et sincèrement attachés au passé; d'autres parce qu'ils craignent l'inconnu.

Surtout, il faut avoir la force et la persévérance de faire avancer sa cause. Joey Smallwood et Gordon Bradley et les milliers d'hommes et de femmes qui ont travaillé avec eux à édifier un nouveau Canada englobant Terre-Neuve et le Labrador possédaient ces qualités en abondance. Leur oeuvre a résisté au temps, tout comme le Canada lui-même.

Je ne contredirai pas ceux qui affirment que la Confédération n'a pas apporté un bonheur sans bornes à Terre-Neuve ni au Canada. Et je sais bien que certains, bénéficiant du recul de l'histoire, veulent se servir de la vue d'ensemble que nous avons en 1999 pour tenter de démolir les réalisations de 1949.

Mais je suis persuadé que la population de Terre-Neuve et du Labrador voterait quasi unanimement pour le Canada si un autre référendum avait lieu aujourd'hui. Et je suis tout aussi persuadé que la population du Canada accueillerait encore plus chaleureusement Terre-Neuve et le Labrador aujourd'hui qu'elle ne l'a fait il y a 50 ans.

La vision d'une union entre Terre-Neuve et le Canada est née en même temps que celle de la Confédération. Deux Terre-Neuviens – sir Frederick Carter et sir Ambrose Shea – ont représenté leur pays à la Conférence de Québec en 1864. Les résolutions adoptées à cette conférence et à celle de Westminster deux ans plus tard sont le fondement de notre constitution.

En effet, même s'il s'agissait d'une loi impériale, adoptée par le parlement britannique, nous ne devons jamais oublier que les principes essentiels de la Constitution du Canada ont été définis par les Canadiens eux-mêmes il y a plus de 130 ans.

Le Canada que George Brown, Georges Étienne Cartier et John A. Macdonald ont voulu créer comprenait Terre-Neuve. Le parlement britannique a consacré cette vision dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Même si Terre-Neuve allait décider de ne pas se joindre aux quatre provinces fondatrices, les pères de la Confédération lui ont quand même fait une place.

Leur vision était claire. Cependant, il a fallu beaucoup de temps avant que la population de Terre- Neuve n'acquière la conviction que son destin était lié à celui du Canada. La durée normale d'une vie humaine, selon la Bible, est de soixante-dix ans. Était-ce une coïncidence si c'est le délai qui s'est écoulé avant que le Canada ne devienne le pays rêvé par ses fondateurs?

Les Terre-Neuviens tiraient et continuent de tirer une légitime fierté de leur patrimoine en tant que peuple indépendant de la plus ancienne colonie britannique, ainsi qu'ils le proclamaient fièrement. Ils chérissaient leur indépendance, car elle symbolisait pour eux le rude combat mené pour se bâtir un foyer décent dans cette île farouche et sur les côtes tout aussi farouches du Labrador. Quiconque a lu l'histoire de Terre-Neuve et du Labrador ne peut qu'admirer leur courage et leur ténacité et rendre hommage à ce qu'ils ont accompli.

La décision de s'unir au Canada a été âprement disputée parce que Terre-Neuve allait se fondre dans un pays plus grand. Beaucoup de Terre-Neuviens étaient sincèrement convaincus qu'ils y sacrifieraient leur indépendance et leur patrimoine.

Cinquante années d'union ont dissipé ces craintes. Les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador sont tout aussi indépendants, tout aussi fiers et tout aussi fidèles à leur patrimoine que leurs ancêtres avant eux.

Je suis fier d'être Canadien. Les raisons de cette fierté sont innombrables. Tout d'abord, je suis convaincu – en fait, j'ai la certitude – qu'il est possible d'être à la fois un fier Canadien et un fier citoyen de Terre-Neuve et du Labrador, du Québec ou de la Colombie-Britannique. Cette double appartenance ne nous affaiblit pas. Elle fait notre force. C'est là tout le génie du Canada.

Mesdames et messieurs, voilà justement la mesure du succès de l'union entre Terre-Neuve et le Canada que nous célébrons avec tant de joie aujourd'hui. La culture unique par laquelle les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador expriment leur identité, leurs espoirs et leurs réalisations est aujourd'hui encore plus rayonnante que celle de leurs parents et grands-parents, il y a un demi-siècle et plus.

Leur identité canadienne n'a diminué en rien leur identité distincte. Au contraire, elle a rehaussé leur fierté débordante d'appartenir à Terre-Neuve et au Labrador.

Ils entonnent l'Ô Canada avec autant de ferveur que leur propre Ode to Newfoundland. La fière promesse exprimée dans la version anglaise de l'Ô Canada de se tenir prêts à défendre la force et la liberté du Nord trouve un écho dans l'Ode, qui claironne la fidélité aux traditions des aïeux et la promesse de se tenir là où eux se sont tenus.

Proclamons donc ensemble le bonheur que nous apporte l'union, le bonheur d'être à la fois du Canada et de Terre-Neuve et du Labrador.

Le travail des architectes de la Confédération a donné de meilleurs résultats qu'ils ne le pensaient eux- mêmes. Le Canada est un meilleur pays grâce à l'adhésion de Terre-Neuve, et les Canadiens sont meilleurs parce que les Terre-Neuviens sont des nôtres. Terre-Neuve est encore meilleure depuis qu'elle fait partie du Canada, et les Terre-Neuviens sont encore meilleurs depuis qu'ils sont Canadiens.

Il est vrai que le Canada, par l'entremise du gouvernement du Canada et avec l'appui de toutes les autres provinces, a tendu une main secourable à Terre-Neuve de temps à autre au fil des ans. Il est également vrai que le gouvernement du Canada, encore une fois avec l'appui de toutes les provinces y compris Terre-Neuve, a fait de même à l'égard des autres Canadiens.

C'est ce qui fait la force de notre pays. Des liens d'affection et de respect à toute épreuve se sont tissés entre nous. Ils sont enracinés dans nos valeurs communes et dans notre volonté partagée de bâtir un pays où nous et nos enfants et petits-enfants pourront s'épanouir pleinement.

Mesdames et messieurs, Terre-Neuve et le Canada se sont apportés les moyens de réaliser leurs rêves.

C'est en bâtisseur de la nation que Louis St-Laurent s'est adressé avec beaucoup d'éloquence au Parlement du Canada lorsqu'il a présenté la loi donnant effet aux Conditions de l'union en février 1949. En des termes qu'approuveraient tous les Canadiens, et qu'en fait les députés de tous les partis ont approuvés, il a présenté cette mesure en disant qu'elle faisait époque dans notre histoire. Il a invité le Parlement à accomplir « la tâche historique d'étudier l'adjonction au Canada de la dernière région que comportait le plan primitif des pères de la Confédération ».

Il a terminé son discours par ces mots bien sentis :

« [Les peuples de Terre-Neuve et du Canada] ne sont pas étrangers l'un à l'autre; ils remontent aux mêmes souches. Ils ont évolué sous le même régime de gouvernement responsable, d'amour de la liberté individuelle, de respect de l'être humain à qui ils reconnaissent plus d'importance qu'à l'État. Ils ont assimilé l'idée que l'État existe pour l'individu et non l'individu pour l'État. [...] en vue de favoriser les intérêts de nos deux peuples et de démontrer à l'univers ce que peuvent accomplir des hommes de bonne volonté, il convient de conclure l'union du Canada et de Terre-Neuve. »

De même que c'est la bonne volonté qui nous a unis, de même c'est la bonne volonté qui a préservé notre union à travers les épreuves. Et ce sont des hommes et des femmes de bonne volonté – parmi les personnes présentes aujourd'hui et dans toutes les régions de ce grand pays – qui travaillent aujourd'hui à bâtir un avenir encore meilleur.

La devise du Canada est l'expression biblique a mari usque ad mare, « d'un océan à l'autre ». C'était la vision qui animait John A. Macdonald et les pères de la Confédération en 1867. L'entrée de Terre- Neuve dans la Confédération a concrétisé cette ambitieuse vision.

Rendons hommage, si vous le voulez bien, à ceux qui ont rendu cette grande aventure possible. Ceux qui ont osé rêver de tout ce que nous pourrions accomplir une fois unis. Ceux qui ont su inspirer nos peuples à partager ce rêve.

Ceux qui ont réalisé l'union de Terre-Neuve et du Canada, sur le coup de minuit, il y a 50 ans jour pour jour.

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Mise à jour: 2006-07-27  Avis importants