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Archives - Paul Martin

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Allocution du Premier ministre Paul Martin à l’occasion de l’ouverture du Dixième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage

Novembre 26, 2004
Ouagadougou (Burkina Faso)

DISCOURS DU PREMIER MINISTRE

Monsieur le Président,

Messieurs les chefs d’État et de gouvernement

Monsieur le Secrétaire général

Chers amis

Je suis très heureux d’être en Afrique aujourd’hui, pour mon premier Sommet de la Francophonie. La chaleur de l’accueil burkinabé est extraordinaire et je remercie le Président Compaoré pour toutes ses attentions à notre égard.

Je salue la “Patrie des personnes intègres, courageuses et dignes de respect”. C’est le nom de votre pays dans vos deux premières langues nationales, le Mossi et le Jula. Représentant un pays bilingue et multiculturel, je rends hommage à la diversité culturelle du pays qui nous accueille ainsi qu’à son attachement à la Francophonie qui nous réunit aujourd’hui.

Je salue aussi la présence de nouveaux membres et des pays observateurs, candidats à l’admission au sein de la Francophonie, notamment des pays d’Europe de l’Est et du Centre. Vous êtes les témoins de la vitalité de notre organisation.

Le Canada célèbre cette année le 400e anniversaire de l’implantation des premiers explorateurs français en terre acadienne, en 1604, par Samuel de Champlain et Pierre Dugas-Demons. Ce fut le véritable acte fondateur du Canada et point de départ de la Francophonie canadienne.

Nous avons fait du chemin depuis l’arrivée d’une poignée d’intrépides voyageurs en terre d’Amérique, sur “quelques arpents de neige”. Le fait français au Canada n’a jamais cessé de se développer. C’est au courage des Acadiens et à tous les francophones partout au Canada que je pense aujourd’hui quand j’exprime la fierté de diriger un pays moderne, bilingue et multiculturel.

Notre engagement en francophonie est un élément essentiel de la présence du Canada sur la scène internationale. Je salue la mémoire des présidents africains Senghor, Bourguiba et Diori à qui nous devons la création des grandes institutions de la Francophonie. Le Canada s’y est associé dès les premières heures.

Aujourd’hui, après 40 ans d’existence, la Francophonie est à la croisée des chemins. Au moment où un courant de réforme se fait sentir dans le monde multilatéral, à commencer par les Nations Unies, notre Communauté doit affirmer son caractère de forum politique d’importance mondiale.

Nous avons d’ailleurs fait beaucoup de progrès. Nous avons adopté la Charte de la Francophonie à Hanoi, la Déclaration de Luxembourg sur les Femmes, et l’importante déclaration de Bamako sur la paix, la démocratie, les droits de la personne et la bonne gouvernance, qui marque une étape fondamentale de notre regroupement. Citons aussi la consécration, au Sommet de Beyrouth, du rôle moteur joué par la Francophonie pour l’adoption par l’UNESCO d’une convention internationale pour la protection de la diversité culturelle. Le Canada vient de déposer officiellement ses commentaires sur le projet de convention et nous devrions nous féliciter de la qualité et de l’unité du travail en francophonie sur ce projet fondamental. Je demande instamment à tous ceux ici qui ne l’ont pas fait encore de déposer leurs commentaires à l’UNESCO dans les meilleurs délais

Aujourd’hui, la Francophonie, qui s’est beaucoup investie, doit mieux définir ses priorités, préciser où elle veut être visible, renforcer son efficacité et, plus fondamentalement, cibler sa vision et son action. Comme organisation internationale significative, elle doit être au diapason de ses consœurs et avoir le courage de mettre en œuvre les principes qui l’animent.

Le cadre stratégique que la Francophonie va adopter lors de ce Sommet saura donner une plus grande cohérence à ses actions à venir en fonction de nos quatre missions:
- promouvoir le français et la diversité culturelle;
- promouvoir la paix, la démocratie et la bonne gouvernance;
- lutter contre la pauvreté pour un développement durable, et
- appuyer l'éducation, la formation et l'enseignement supérieur.

Nous disposons d’une organisation moderne et efficace sous l’autorité du Secrétaire Général dont je veux saluer tout particulièrement l’inestimable contribution. Sous son égide et avec une stratégie ciblée, la Francophonie deviendra plus que jamais un partenaire international pertinent, recherché et crédible.

Dans le contexte de cette stratégie, le thème du Sommet, “espace solidaire pour un développement durable” m’inspire quelques réflexions.

Je veux d’abord exprimer notre fierté à tous que la Kenyane Wangari Maathai, ait été la première femme africaine à recevoir le Prix Nobel de la Paix pour sa défense de l’écologie. Ce prix symbolise tout ce qui nous réunit aujourd’hui : recherche du progrès économique de l’Afrique, poursuite du développement durable, contribution à la démocratie et à la paix, et accent sur les droits de la femme.

Le Canada préconise une démarche de développement durable qui responsabilise tant les pays donateurs que les pays récipiendaires en un partenariat véritable. La Francophonie, qui compte un grand nombre de pays parmi les plus pauvres, doit pouvoir compter sur ses membres plus fortunés afin qu’ils aident les autres pays à honorer les engagements pris dans le cadre des grandes conventions internationales, comme Doha, Monterrey, Johannesburg et le NEPAD.

La Francophonie doit présider à un pacte de solidarité entre ses membres pour protéger l'environnement, notamment en Afrique, joyau de la nature à préserver. Elle doit être partie prenante dans la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. À cet égard, le Canada souhaite favoriser l’engagement des pays du sud de la Francophonie dans les prochaines négociations sur le climat qui doivent commencer en 2005.

J’invite l’Organisation internationale de la Francophonie à organiser une conférence spéciale d’experts et de décideurs en vue de sensibiliser les leaders des États membres de la Francophonie aux enjeux des futures négociations sur le climat. L’OIF pourrait mandater l’Institut de l’Énergie et de l’Environnement de la Francophonie à poursuivre ses efforts pour expliquer aux gens d’affaires les avantages découlant du Mécanisme pour un développement propre, créé par le Protocole de Kyoto.

Monsieur le Président,

La scène internationale, plus que jamais, exige de nous, chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie, que nous examinions ensemble bon nombre de situations critiques et que nous envisagions de quelle façon accélérer leur dénouement. Nous avons une obligation de franchise. C’est par le dialogue entre nous que nous pourrons dégager des solutions.

Je commence par le continent qui nous accueille. Si je parle des crises qui secouent l’Afrique, je ne veux pas pour autant minimiser certains autres progrès accomplis en terre africaine.

Mais je ne peux passer sous silence les événements graves des dernières semaines en Côte d’Ivoire. Je veux réitérer avec force que la seule solution possible et viable est politique, et non pas militaire. Nous pensons que la Francophonie ne doit pas être en retrait par rapport aux récents efforts menés par les Nations Unies, l’Union Africaine et plusieurs chefs d’État africains. C’est une question de cohérence. Le Canada souscrit pleinement à la résolution 1572 qui nous paraît essentielle après plus de 2 ans de blocage. Nous appuyons les démarches de médiation menées par plusieurs personnalités africaines auprès des parties ivoiriennes. Dans le contexte de la Déclaration de Bamako, je me dois d’exprimer notre vive préoccupation face aux violations répétées des droits de la personne, aux appels haineux répétés et à l’impunité qui règne dans ce pays. Les responsables des actes de violence doivent être traduits en justice. Le gouvernement ivoirien a la responsabilité de protéger ses concitoyens et tous les étrangers qui habitent au pays.

La Francophonie, l’Afrique, et la communauté internationale ont besoin d’une Côte d’Ivoire en pleine possession de ses moyens, avec des institutions stables, une économie prospère et une intégrité territoriale respectée.

J’ai aussi parlé de progrès : l’adoption de la déclaration de Dar-es-Salam, issue de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs samedi dernier en est un, dont nous nous réjouissons. Nous exhortons les signataires à mettre en œuvre ses dispositions. Nous sommes sur la bonne voie. Les Africains de cette région ravagée trop longtemps par les guerres, les pillages et des années de mauvaise gouvernance se sont appropriés eux-mêmes les solutions régionales qui permettront enfin de sortir des vases clos et de faciliter les transitions indispensables. Le dialogue et la coopération créent un climat de confiance, de sécurité et de stabilité propice à la poursuite des transitions en cours en République démocratique du Congo et au Burundi, à la normalisation des relations entre les différents acteurs, et enfin, à l’intégration régionale.

Je songe enfin au Darfour où la situation continue d’être grave. L’effort de médiation et la présence sur le terrain de la mission de l’Union africaine doivent mener à la cessation des sévices infligés à la population civile.

En faisant escale à Khartoum en route vers ce Sommet, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le Président al-Bechir. Je lui ai exprimé notre conviction que le règlement de la crise au Darfour serait grandement facilité si les pourparlers de Naivasha aboutissaient à une solution globale du contentieux au sud.

Je tiens à saluer l’apport des différents pays africains qui fournissent des contingents à la mission de l’Union africaine. Je veux souligner le rôle du Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine qui est le moteur de l’action de l’Union dans ce terrible conflit. Au besoin, le Canada s’engage à former davantage de formateurs militaires de la paix qui, à leur tour, permettront aux forces de l’Union africaine d’accomplir au mieux leur mission.

Nous devons tous aider l'Union africaine, de même que les organisations régionales pertinentes, à renforcer leurs capacités d’imposition et de maintien de la paix. La crise du Darfour est liée à la Responsabilité de Protéger, concept humanitaire à l’étude aux Nations Unies. Nous devons nous donner les moyens d’agir. À cette fin, je propose que nos ministres responsables se réunissent le plus tôt possible avant le prochain sommet et se penchent sur les problèmes de prévention des conflits et de sécurité humaine dans l’espace francophone. Nous serons heureux d’accueillir cette conférence de la Francophonie au Canada. La déclaration qui en émanera irait de pair avec nos efforts en vue de consolider la démocratie et les structures de gouvernance dans des États fragiles.

Je finirai ces remarques par Haïti, notre pays frère à tous, que j’ai visité il y a dix jours pour y renouveler la promesse d’un engagement durable du Canada. J'ai beaucoup insisté sur l'importance pour les acteurs politiques et les représentants de la société civile d'être ouverts au dialogue. J'ai souligné l'importance de la réconciliation et de la tolérance. Cette ouverture n’est possible que si la population peut s'exprimer sans contrainte sur l'avenir du pays. Il est important que la population haïtienne se tourne vers l'avenir et non vers le passé.

La paix doit revenir dans les cœurs sur l’île et la diaspora haïtienne doit parler d’une seule voix en faveur de la paix, de la stabilité et de la démocratie en Haïti.

La Francophonie est concrètement associée à l’effort de reconstruction de ce pays. Je me réjouis des discussions en cours entre le Canada, l’Union Européenne et l’Agence intergouvernementale de la Francophonie visant un appui au secteur de la justice à Haïti.

Monsieur le Président, chers amis, je suis déjà convaincu que Ouagadougou sera le Sommet de la Maturité, de la Consolidation et du Développement durable. Mais ce sera aussi un sommet de vérité, un test de leadership pour la Francophonie. Nous sommes un acteur important sur la scène internationale. Nous devons nous donner les moyens de notre capacité d’action.

Le Secrétaire Général de la Francophonie a eu l’amabilité de parler du 400e anniversaire de l’implantation acadienne en Terre d’Amérique et de la tenue du Sommet de 2008 chez nous.
Comme ce n’est plus un secret pour personne, je souhaite vous revoir tous à Québec en 2008.

Chers amis, laissez-moi conclure en vous exprimant mon espoir que les valeurs qui nous unissent contribuent à la paix et au progrès non seulement dans l’espace francophone mais aussi dans le monde entier.

Je nous souhaite un bon sommet.

Merci.  


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Mise à jour: 2006-07-27  Avis importants