III

Les gens d’abord

Les gens sont au cœur d’une réforme réussie dans le secteur public

Les gens sont au cœur d’une réforme réussie dans le secteur public. À l’extérieur, cela signifie que les citoyens et leurs représentants élus deviennent le point de mire. À l’intérieur, cela veut dire qu’on cible les réformes sur les employés du secteur public, ces hommes et ces femmes dont la vie professionnelle est consacrée à servir l’intérêt public, et sur ceux qui leur succéderont à l’avenir.

Les employés du secteur public sont au service de l’intérêt public; ils aspirent à mettre leurs talents et leurs compétences au service d’une noble cause. Leurs compétences sont recherchées à l’extérieur de la fonction publique et pourraient être mises à contribution dans bon nombre d’organisations. Leur décision de se joindre à la fonction publique et d’y poursuivre une carrière requiert des possibilités d’épanouissement et des conditions de travail satisfaisantes.

Les personnes qui choisissent une carrière dans la fonction publique s’attendent à recevoir un salaire juste et raisonnable, mais leur attachement à la fonction publique dépend d’autres facteurs intangibles, par exemple :

  • la fierté face au rôle du secteur public dans la société;
  • la possibilité de servir les Canadiens et d’apporter une contribution importante au Canada;

  • le respect pour l’institution et pour leur contribution professionnelle;

  • la chance d’exploiter leur potentiel, d’apprendre et de relever des défis.

Pour que le Canada puisse continuer à compter sur une des meilleures fonctions publiques au monde, il faut :

  • la confiance des Canadiens à l’endroit de leurs institutions publiques;

  • la vision des parlementaires quant au rôle du secteur public dans la société;

  • le respect des élus et des employés du secteur public les uns pour les autres, et une solide compréhension de leur contribution et de leurs rôles respectifs;

  • un partenariat entre le secteur public, le secteur privé, les organisations sans but lucratif et le secteur bénévole.

La Relève

Dans mon dernier rapport annuel, je mentionnais qu’une « crise tranquille » sévissait dans la fonction publique du Canada.  Il devenait difficile de garder en poste, de motiver et d’attirer les personnes essentielles au travail de la fonction publique. Cette situation résultait d’une combinaison de facteurs : réductions d’effectifs et gel salarial pendant plusieurs années, critiques, recrutement insuffisant et départ prématuré de fonctionnaires expérimentés. Je parlais de « crise tranquille » parce que peu de gens consentaient à parler ouvertement du problème, et encore moins étaient prêts à poser des gestes pour la résoudre.

Un an plus tard, bien que les symptômes demeurent, la crise n’est plus « tranquille ». La Relève a permis de crever l’abcès et a amené les employés du secteur public à prendre la situation en main et à mettre de l’avant un ambitieux programme de réformes. Après 12 mois, il faut constater que le cercle des personnes déterminées à poser des gestes s’élargit dans tous les ministères et à tous les niveaux.

Dans le rapport de l’an dernier, La Relève était ainsi décrite :

  • « Le défi de bâtir une institution moderne et dynamique capable de tirer pleinement profit des aptitudes de ses employés;

  • l’engagement des fonctionnaires de tout mettre en œuvre, sur le plan individuel et collectif, pour faire de la fonction publique une organisation moderne et dynamique aujourd’hui et demain;

  • l’obligation, en tant que gardiens de l’institution, de léguer à nos successeurs une organisation dotée de personnes compétentes et dévouées capables de relever les défis de leur temps. »

Enfin, La Relève invitait les fonctionnaires à manifester un parti pris pour l’action.

Sous l’égide de La Relève, on a accordé une attention sans précédent à l’élément humain de la fonction publique du Canada

Les nombreuses initiatives mises de l’avant par les ministères, les groupes fonctionnels (comme ceux des politiques, des communications, et des sciences et de la technologie) et les conseils régionaux pour relever ce défi sont résumées dans le document publié en octobre 1997 intitulé La Relève : Un parti pris pour l’action. Aujourd’hui, un premier rapport d’étape en deux volets accompagne le présent rapport. On y voit que sous l’égide de La Relève, on a accordé une attention sans précédent à l’élément humain de la fonction publique du Canada. Au cours des prochaines années, les ministères et organismes présenteront d’autres rapports d’étape au Parlement dans le cadre de leurs plans d’activités annuels.

Regard sur l’avenir

Ce ne sont pas les défis qui manquent et il faudra être patient. Mais si les changements et les progrès enregistrés au cours des 12 derniers mois se poursuivent, des réalisations importantes seront possibles au cours des prochaines années pour édifier une institution vivante et dynamique, capable de répondre aux besoins des Canadiens, d’attirer et de retenir les talents nécessaires, et d’offrir aux employés du secteur public des emplois valorisants et des carrières stimulantes.

Voici quelques-uns des objectifs que nous devrons tous nous efforcer d’atteindre.

1. Une institution décloisonnée

Les problèmes devenant plus globaux et plus complexes, les politiques et la prestation des services sont de plus en plus axées sur le bien de la population dans son ensemble et l’intérêt collectif global.  Le travail des employés du secteur public s’en trouve modifié.  Le travail requiert :

  • l’expertise et l’attention simultanées de plusieurs ministères ou agences;

  • des employés ayant acquis une diversité de connaissances et d’expériences.

Cela ne signifie pas pour autant de changer les structures, les cadres législatifs ou l’imputabilité. Il s’agit plutôt de réduire les obstacles aux échanges d’idées et d’information au sein de l’organisation et entre les organisations. Ces obstacles sont parfois physiques, d’autres sont inhérents à nos systèmes d’information, mais la plupart sont culturels. Ces derniers sont assurément les plus difficiles à surmonter.

Une institution décloisonnée :

  • a une vision globale et travaille à l’atteinte d’objectifs collectifs, au delà des missions individuelles;

  • favorise les échanges d’idées et d’information au sein de l’institution et avec l’extérieur;

  • soutient et encourage le travail d’équipe et la coopération entre les organisations;

  • encourage la mobilité de ses employés à l’intérieur et à l’extérieur de la fonction publique, afin de diversifier leur expérience, d’élargir leurs connaissances et de les préparer à l’avenir.

2. Une organisation axée sur l’apprentissage continu  

 

Une transformation des employés, des mentalités et du leadership sera nécessaire

La plupart des plans soumis par les ministères, les groupes fonctionnels et les conseils régionaux dans le cadre de La Relève montrent bien l’importance accordée à la formation et au perfectionnement. Toutes sortes de programmes voient le jour (perfectionnement, affectations, mentorat, formation) et fournissent une assise pour passer à un défi plus complexe.  La fonction publique du Canada doit devenir une organisation axée sur l’apprentissage continu. Cet objectif est loin d’être atteint. L’atteindre implique une transformation des employés, des mentalités et du leadership.

Une organisation axée sur l’apprentissage continu doit aller au-delà de la formation et du perfectionnement. Une telle organisation :

  • reconnaît qu’elle n’est pas parfaite — et que des erreurs seront commises, mais elle est capable de prendre des mesures d’autocorrection afin de ne pas les répéter;

  • est capable de générer des idées nouvelles et d’adopter celles qui viennent d’ailleurs pouvant le mieux contribuer à la poursuite de sa mission;

  • diffuse les connaissances et les idées afin de multiplier et d’élargir leurs champs d’applications;

  • modifie son comportement pour refléter les nouvelles connaissances et les nouvelles idées.

3. Leadership efficace

Pour en arriver à une organisation décloisonnée et axée sur l’apprentissage continu, tout le monde est appelé à changer — gestionnaires, superviseurs et employés. Il faut en plus pouvoir compter sur un leadership efficace à tous les niveaux.

Un nombre croissant d’employés du secteur public sont des travailleurs du savoir, c’est-à-dire qu’ils possèdent la ressource la plus importante de l’organisation : le savoir-faire et la capacité d’innover. Cette réalité a des conséquences pour tous les employés du secteur public.

Premièrement, cela modifie la notion traditionnelle d’employé. Autrefois, les employés évoluaient dans un environnement relativement stable avec des directives précises quant à ce que l’on attendait d’eux. Les choses ne sont pas aussi simples dans une organisation axée sur le savoir et l’apprentissage continu. Les employés doivent chercher des solutions, avancer des idées, partager des renseignements avec d’autres, innover et apporter une valeur ajoutée. De plus, ils partagent avec l’organisation qui les emploie la responsabilité de parfaire leurs connaissances, d’actualiser leur expertise et de faire avancer les connaissances des autres.

Deuxièmement, cela remet en question la notion traditionnelle de gestion. Tous les gestionnaires exercent le pouvoir et disposent d’autorité. Ils établissent des priorités, organisent le travail et sont imputables des résultats. Il continuera d’en être de même. Cependant, dans une organisation axée sur l’apprentissage continu, la façon de gérer pour obtenir des résultats et le meilleur de chacun est fort différente.

Avec tout le pouvoir et toute l’autorité au monde, on ne peut commander la créativité ni forcer l’innovation. On ne peut ordonner l’émergence de nouveaux résultats. Une nouvelle approche à la gestion s’impose. Une approche qui crée un climat de confiance, encourage la collaboration et crée un sentiment d’appartenance. Une approche qui reconnaît l’importance de partager l’exercice du pouvoir pour atteindre une plus grande responsabilisation collective. Ce modèle de gestion est beaucoup plus complexe que celui dont nous avons hérité de l’ère industrielle.

Une organisation axée sur l’apprentissage a besoin de champions et de leaders

Une organisation axée sur l’apprentissage a besoin de champions et de leaders. Un leader est la personne qui peut le mieux amener un groupe à se dépasser. Les leaders ne sont pas nécessairement des gestionnaires et ils se retrouvent à tous les niveaux. Les leaders n’ont pas besoin d’être toujours aux commandes; ils sont capables de reconnaître les compétences de leurs collègues et d’appuyer le leadership des autres. Les qualités humaines, et non le poste ou le titre, font le leader. Les signes d’un leadership exceptionnel se trouvent chez ceux qui répondent à son appel. Sans eux, on ne saurait parler de leadership.

Les leaders efficaces :

  • ont un sens de direction. Ils ont des convictions et des valeurs claires, et ils sont conscients du but de leurs actions;

  • sont au service de leurs subalternes. Ils libèrent l’énergie et le talent des autres, favorisent le jaillissement des idées, et aident les autres à réaliser et à dépasser leur potentiel;

  • libèrent le potentiel des autres. Ils comprennent que le leadership est nécessaire à tous les niveaux et dans tous les milieux de travail, et ils permettent aux autres de découvrir leur propre potentiel de leaders;

  • sont des rassembleurs. Ils encouragent les autres à participer à l’effort collectif en étant souples et ouverts d’esprit. Ils écoutent et favorisent le dialogue;

  • valorisent et soutiennent les autres. Ils reconnaissent le désir de chacun d’apporter une contribution et d’être reconnu. Les leaders aident à créer un milieu qui répond à ces besoins, qui tire profit de la diversité et qui permet à chacun de contribuer à sa pleine mesure. Les leaders reconnaissent l’apport des autres à l’atteinte des objectifs communs.

La fonction publique du Canada a toujours pu compter sur de grands leaders. Certains étaient gestionnaires et c’est en cette qualité qu’ils se sont illustrés. Beaucoup d’autres étaient des employés des secteurs professionnels, techniques, opérationnels, administratifs ou de soutien. Leurs qualités de leader leur ont permis d’obtenir des résultats que la plupart croyaient hors de portée.

Une organisation axée sur l’apprentissage continu doit comprendre l’importance du leadership à tous les niveaux et apprendre à détecter, à soutenir et à perfectionner les personnes qui manifestent ces qualités. C’est ce que visent bon nombre des initiatives annoncées dans les plans d’action ministériels dans le cadre de La Relève.

Conclusion

Au moment où le XXe siècle tire à sa fin, on reconnaît qu’un secteur public performant est une institution nationale indispensable à la performance d’un pays et au bien-être de ses citoyens.

  • Des organismes internationaux comme la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques et le Fonds monétaire international accordent de plus en plus d’importance à la qualité de la gestion et à l’existence d’une administration publique performante quand ils évaluent les conditions préalables essentielles à une croissance économique soutenue.

  • Des dirigeants d’entreprises, des universitaires et d’autres intervenants, commençent à se faire entendre sur l’importance d’un bon gouvernement et d’une administration publique compétente pour assurer la position concurrentielle internationale d’un pays.

Pour se développer et prospérer, les pays doivent pouvoir compter sur un secteur privé fort, capable de soutenir une économie de marché, un secteur bénévole et sans but lucratif solide capable d’appuyer les collectivités, et un secteur public fort, capable de soutenir la démocratie. Ces secteurs sont complémentaires et inextricablement liés.

Pour que la fonction publique du Canada joue un rôle de premier plan dans l’avenir du pays, il faut l’ouverture d’esprit pour remettre en question notre façon de travailler, et la volonté de donner suite aux conclusions que nous tirons à mesure que nous découvrons de nouvelles façons de servir les citoyens et leurs élus. En ne ménageant aucun effort et en nous employant à relever les défis décrits dans ce rapport, nous nous assurerons que la fonction publique du Canada continuera de recruter, de motiver, de récompenser et de retenir dans ses rangs les gens possédant les compétences et l’expérience dont elle a besoin pour contribuer de façon importante à l’avenir du Canada.

 

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