Notes d'allocution
de l'honorable Lucienne Robillard
Présidente du Conseil privé de la reine pour le Canada et Ministre des
Affaires intergouvernementales
Ottawa
Mercredi le 26 octobre, 2005
Madame la Présidente-directrice générale,
Mesdames,
Messieurs,
C’est avec plaisir que j’ai accepté votre
invitation à venir vous rencontrer dans le cadre de l’assemblée annuelle de l’AUCC,
cette association qui joue un rôle si important pour la cohésion de
l’enseignement supérieur au Canada. J’ai même plusieurs raisons de me sentir
ici chez moi. D’abord, comme ministre de l’Enseignement supérieur et de la
Science du Québec, j’ai eu l’occasion de
m’entretenir et d’échanger avec vous lors d’une assemblée antérieure
-c’était en 1992, à Vancouver, une expérience dont je garde un très bon
souvenir. Et puis, votre présidente-directrice générale, Claire Morris, que je
salue très amicalement, a été sous-ministre aux Affaires intergouvernementales,
au ministère dont j’assume actuellement la direction politique. Il m’est
également toujours agréable de rencontrer les chefs d’établissements
post-secondaires. Il y a ici des figures nouvelles pour moi, mais je retrouve
plusieurs personnes qui me rappellent ces belles années où j’étais
quotidiennement aux affaires de l’enseignement supérieur et où j’ai eu avec
elles des collaborations très fructueuses.
En m’invitant aujourd’hui, vous saviez que je
ne serais pas porteuse d’annonces gouvernementales particulières, les dossiers
de la formation et de l’enseignement supérieur étant du mandat de ma collègue
des Ressources humaines et du Développement des compétences, l’Honorable
Belinda Stronach. Je ne suis pas davantage porteuse de messages nouveaux ou
particuliers sur les relations intergouvernementales en matière d’enseignement
supérieur. J’entends plutôt partager avec vous un certain nombre de convictions sur l’enseignement supérieur
au Canada. Vous dire aussi très simplement quelques-unes des préoccupations, voire des
perplexités, qui accompagnent ces convictions. Je vous laisserai ainsi, comme
on peut le faire entre amis et comme y autorise le fait de s’entendre sur les
choses essentielles, quelques questions
dont l’exploration me semblerait utile pour faire avancer les consensus
canadiens en matière d’enseignement supérieur.
C’est essentiellement trois
convictions personnelles que je veux partager avec vous aujourd’hui. Je
dis « personnelles », parce qu’elles expriment vraiment ce que je pense, à la
lumière de mon expérience aussi bien que des valeurs auxquelles je tiens. Mais
il s’agit aussi d’objets de consensus en train de s’affermir à travers le
Canada. Si certaines ont l’air d’évidences, ne nous y trompons pas : s’aligner
sur les choses fondamentales n’est jamais anodin. Cela permet plutôt de
s’assurer qu’on s’entend sur l’essentiel, qu’on fait les mêmes lectures de la
réalité et qu’on nourrit des visées convergentes. Cela seul peut nous aider à
avancer dans l’aménagement des voies à prendre pour passer à l’action, le choix
des moyens faisant rarement l’unanimité.
Ces trois convictions sont les suivantes -je les énonce d’abord sommairement : 1) l’enseignement supérieur est devenu un
enjeu central pour l’avenir des citoyennes et des citoyens du Canada; 2) il faut absolument accroître les
ressources qui sont consacrées à l’enseignement supérieur au Canada; 3) les intervenants responsables ou
intéressés sont nombreux dans l’enseignement supérieur au Canada et doivent dès
lors collaborer et se concerter comme de vrais partenaires. Permettez-moi
maintenant d’expliciter brièvement chacune de ces affirmations, d’identifier
les interrogations qu’elles soulèvent et –parce que j’ai bien l’intention de
vous laisser un « devoir »!- de formuler quelques questions à votre intention.
1. L’enseignement
supérieur est un enjeu central pour l’avenir des citoyennes et des citoyens du
Canada
Ici comme
ailleurs, de plus en plus de gens sont conscients que le savoir et la
compétence constituent désormais la clef de l’accès à la prospérité et à la
réussite. « Société du savoir », proclamons-nous, avec la conviction que les
connaissances et ceux qui les maîtrisent ou qui les créent sont désormais la
ressource par excellence, la seule capable de nous ménager une position
avantageuse dans un monde globalisé et férocement compétitif. Dans les
enseignements actuels en économie, on parle maintenant couramment, et avec
raison, de « capital humain », justement parce que c’est de lui qu’on attend
les plus grands dividendes économiques et sociaux. Ce sont les personnes,
n’est-ce pas, qui sont aux commandes de l’innovation, de la productivité et de
la croissance. C’est donc sur elles qu’il faut miser. Et, dans le contexte de
l’évolution démographique que nous connaissons et qui est marquée par le
vieillissement de la population, cet impératif incontournable invite à
accroître la participation des groupes actuellement sous-représentées et à
capitaliser sur les nouveaux immigrants.
Cette préoccupation économique fonde pour une large part l’intérêt du
gouvernement canadien pour l’enseignement post-secondaire et le développement
des compétences. Mais elle n’en épuise évidemment pas les motifs. Car une participation
généralisée à des formations de niveaux supérieurs génère aussi des bénéfices
sociaux substantiels. On sait, par exemple, qu’il y a des liens directs entre
les niveaux de formation et des réalités majeures comme les taux de pauvreté,
la dépendance par rapport aux aides
gouvernementales, l’incidence de la criminalité, l’amélioration de la santé;
bref, tout ce qui fait la qualité de vie. On comprend toujours mieux jusqu’à
quel point les niveaux de formation et de scolarisation ont des répercussions
sur de multiples aspects de la vie des personnes et des communautés. En regard
de la création et de la répartition de la richesse, il n’y a vraiment pas de
meilleur investissement que l’éducation et l’enseignement supérieur. C’est pour
cela qu’il faut s’assurer que ce bien si précieux soit accessible à tous les
Canadiens et partout au Canada. Il y a là une exigence liée à la vie en
fédération et c’est aussi pour cela que le gouvernement canadien accorde une
très haute importance au développement de l’enseignement supérieur.
Ces perspectives économiques et sociales, que nous sommes fondés de
mettre en valeur, ne doivent évidemment pas nous faire perdre de vue les
retombées proprement culturelles, personnelles et collectives, de toute
démarche de formation réussie. Pour ma part, j’ai toujours pensé que
l’éducation en général et l’enseignement supérieur en particulier n’avaient pas
à être gênés d’être ce qu’ils sont, c’est-à-dire une entreprise essentiellement
éducative. En dernière analyse, la finalité de l’éducation, n’est-ce pas la
personne même qui est engagée dans une démarche d’apprentissage? N’est-ce pas
son développement, son accès à la compétence, sa capacité de vivre une vie
pleine et consciente, sa participation réfléchie à la vie démocratique, son
insertion professionnelle, sa contribution à l’ensemble de la vie en société?
Et puis, la joie de connaître et de comprendre, ce n’est pas rien! C’est pour toutes ces raisons que les
établissements que vous dirigez trouvent dans le développement et les
apprentissages des étudiantes et des étudiants qui les fréquentent leur
première raison d’être. John Newman le répétait à juste titre : il n’y a pas
d’université sans les étudiants. J’en suis, pour ma part, intimement
convaincue.
Si l’importance de l’enseignement supérieur pour la vie et pour l’avenir
des Canadiens semble faire l’objet de larges consensus dans notre pays, on ne
peut pas en dire tout à fait autant des argumentations mises de l’avant pour la
démontrer et l’établir. Les argumentations de type socio-économique, qui sont
beaucoup celles des gouvernements et des entreprises, celles de beaucoup de
dirigeants universitaires aussi, ne rallient manifestement pas tout le monde
sur vos campus. Au sein de vos communautés, plusieurs se demandent si, en épousant
les discours dominants, l’enseignement supérieur n’est pas menacé de dévier de
sa mission propre et de glisser dans des conceptions « marchandes » de
l’enseignement et de la recherche universitaires. Certains reprochent même
parfois à des dirigeants universitaires de « vendre leur âme » -et pas assez
cher, d’ailleurs!
Vous savez tout cela mieux que moi, mais je trouve important d’en
parler, parce que les tâches relatives à l’enseignement supérieur sont trop
cruciales et trop exigeantes pour que nous ne soyons pas au clair sur les buts
que nous poursuivons. Les uns et les autres, nous devons nous assurer de
comprendre et de partager des visions convergentes, les seules qui soient
capables de mobiliser les énergies et les ressources. Dans cette perspective,
ne serait-il pas utile que les dirigeants universitaires, davantage encore que
maintenant, se fassent entendre sur les finalités de l’enseignement supérieur,
son rôle, son importance? Dans les
démonstrations dont nous avons besoin pour convaincre encore plus de citoyens
du rôle central de l’enseignement supérieur et de ses multiples retombées sur
leur vie personnelle et collective, il est sûr que les premiers responsables
ont des points de vue qui leur sont propres. Il serait dommage que les universitaires
eux-mêmes laissent dans l’ombre certains aspects d’une mission que nul n’est
mieux placé qu’eux pour promouvoir et expliquer. L’adhésion de vos communautés,
aussi bien qu’une compréhension mieux équilibrée des enjeux, pourrait bien
exiger un tel engagement des premiers responsables des établissements.
Je vous laisse donc cette première
question, qui est aussi une invitation. Jugerez-vous indiqué de
contribuer davantage aux consensus émergents concernant l’importance de
l’enseignement supérieur en en faisant vous-mêmes une démonstration à la fois
vigoureuse et enracinée dans votre propre lecture de la mission qui est la
vôtre? Je le souhaite vivement, pour ma part.
2. Il faut accroître les
ressources allouées à l’enseignement supérieur au Canada
Nous avons, au Canada, un très solide enseignement post-secondaire. Les
établissements canadiens jouissent d’une excellente réputation dans le monde et
auprès des organismes internationaux. Et cette réputation est tout à fait
fondée. Les données du G-8 et de l’OCDE indiquent, par exemple, que nous avons
le plus haut taux de fréquentation des établissements d’enseignement
post-secondaire et d’obtention de grades. Le Canada fait également partie des
pays de l’OCDE qui dépensent le plus en éducation, tant par étudiant qu’en
pourcentage du PIB. Il est également en tête de liste des pays du G-7 quant à
la recherche-développement réalisée dans les établissements d’enseignement
supérieur, 25% de sa capacité de recherche étant située dans les universités.
C’est une proportion supérieure à celle de la plupart des autres pays et ce
n’est pas à vous que j’expliquerai en quoi cela crée un excellent environnement
pour la recherche.
Tels sont les faits mesurables et quantifiables, qui ne doivent pas nous
faire oublier les dimensions plus qualitatives de nos performances. Ainsi, nos
diplômés sont reconnus et accueillis dans les meilleures universités et les
plus grandes entreprises technologiques du monde, nos professeurs et nos
chercheurs sont hautement respectés et sont souvent même convoités. Et il ne
faut pas beaucoup circuler à l’étranger pour constater l’estime dont jouissent
les établissements canadiens et l’attrait qu’ils exercent. Nous devons saluer
ces acquis et ces réalisations et en savoir gré à tous ceux qui y contribuent.
Pourtant, au Canada, on n’investit pas dans l’enseignement supérieur au
même rythme que chez nos voisins américains
-et nous savons qu’il est important de nous comparer d’abord à ceux qui
partagent le même environnement nord-américain. Les données de l’AUCC indiquent
que, aux États-Unis, les gouvernements investissent 5000 dollars canadiens de
plus par étudiant universitaire que les gouvernements au Canada. Les revenus
tirés des droits de scolarité permettent aux établissements américains de
disposer d’un montant additionnel de 3000 dollars canadiens par étudiant, en
comparaison des revenus nets obtenus des droits de scolarité par les
universités canadiennes. Cela veut dire que les établissements américains sont,
sur le plan des ressources disponibles, globalement avantagés de plus de 8000
dollars canadiens par étudiant. L’écart est très important et signifie que les
universités américaines peuvent allouer plus de ressources à l’amélioration de
la qualité de l’enseignement et des services offerts à leurs étudiantes et à
leurs étudiants.
Les engagements du gouvernement canadien envers l’enseignement supérieur
ne datent pas d’hier, non plus que l’aide qu’il apporte aux gouvernements des
provinces et des territoires qui ont la charge d’assurer des services
d’enseignement supérieur de qualité, conformément aux compétences définies par
la Constitution canadienne. Déjà, en 1966, lors d’une rencontre des premiers
ministres, le Premier Ministre Pearson avait clairement défini les motifs de
l’intérêt du gouvernement canadien : élaborer des politiques et des mesures
pour assurer la croissance économique, le plein emploi et la prospérité;
favoriser l’égalité des chances pour toutes les Canadiennes et tous les
Canadiens, où qu’ils habitent au Canada; assurer la mobilité inter-provinciale
des étudiantes et des étudiants; préparer les jeunes à occuper des emplois
productifs. Ces motifs n’ont rien perdu de leur pertinence. Et ils continuent
de soutenir et d’inspirer les actions prises par le gouvernement canadien pour
promouvoir ces objectifs.
Vous connaissez bien les trois principaux leviers par lesquels le
gouvernement du Canada a fait et fait toujours cette promotion : les transferts
fiscaux et en espèces aux gouvernements des provinces et des territoires; l’aide
aux étudiants (prêts, mesures fiscales, subventions); le soutien direct à
divers aspects de l’enseignement post-secondaire principalement en recherche
(conseils subventionnaires, fondation canadienne pour l’innovation, programme
des chaires et des centres d’excellence, frais indirects). Quand on fait la
somme de tous ces soutiens financiers, on arrive à 25% de toutes les dépenses
faites au titre de l’enseignement post-secondaire au Canada. C’est majeur,
évidemment, et cela fait du gouvernement canadien tout le contraire d’un
spectateur ou d’un simple curieux. Le gouvernement canadien est très clairement
un partenaire de l’enseignement supérieur au Canada et il entend bien le
demeurer, convaincu que son soutien est essentiel au maintien d’un système d’enseignement
supérieur de qualité. Et il n’en fait pas mystère : il partage le consensus
grandissant qu’il faut, au Canada, investir davantage dans l’enseignement
post-secondaire.
Cela dit, la question du comment se pose très rapidement et, là, on se
retrouve en zone beaucoup moins consensuelle. Tout le monde ne s’entend pas, par exemple, sur
l’opportunité de hausser les droits de scolarité. En ce qui concerne
spécifiquement le gouvernement fédéral et le soutien qu’il accorde, il n’y a
pas unanimité non plus sur le type de soutien qu’il conviendrait de privilégier. Il y a des tenants convaincus de
la voie des paiements de transfert dans le cadre du Transfert social canadien,
essentiellement parce qu’ils seraient particulièrement respectueux des
compétences et des politiques des provinces et des territoires et permettent le
plus d’aider les provinces et les territoires à financer les services dont ils
ont la responsabilité. Il s’en trouve, par ailleurs - je sais qu’il y en a déjà eu parmi vous, en
tout cas-, pour craindre que ces transferts inconditionnels ne servent à
d’autres fins et sans qu’on puisse empêcher de tels « détournements ». D’autres
estiment que l’aide aux étudiants est le levier le plus efficace, parce qu’elle
donne, directement aux étudiants et aux familles, les moyens de surmonter les
barrières financières et d’accéder à l’enseignement supérieur, jugeant aussi
que cela respecte à la fois les compétences des provinces et des territoires et
l’objectif d’égalité des chances inhérent à l’idée même d’une fédération.
D’autres encore privilégient les actions de soutien direct –les programmes «
ciblés », comme on les appelle, surtout en recherche. Au lieu de verser dans «
un baril sans fond », entend-on souvent, on y vise des besoins spécifiques reconnus
et on apporte des solutions qui « font des différences » vérifiables et qui ne
sont pas à la merci des choix budgétaires des provinces et des territoires. En
revanche, il y en a qui pensent que cela constitue, dans les faits, des
interventions directes ayant des effets structurants qui ne correspondent pas
nécessairement aux priorités des provinces et des territoires, voire des
établissements eux-mêmes.
Ces débats vous sont familiers, j’en suis sure, et il est bien normal
qu’ils soient aussi tenus au sein du gouvernement canadien lui-même, au moment
où il cherche justement à participer davantage aux efforts nécessaires, avec un
souci d’efficacité, d’équité et d’harmonie. Mon collègue le ministre des
Finances a même affirmé que le gouvernement était peu enclin à choisir la voie
d’augmentation importante des transferts aux provinces. Je vous laisse donc cette deuxième question: quels leviers
les dirigeants de l’enseignement supérieur jugent-ils les plus appropriés pour
un éventuel soutien financier accru de la part du gouvernement fédéral?
D’ailleurs, plusieurs d’entre vous viennent à Ottawa pour exposer leurs
préoccupations et faire valoir leurs préférences. Et vous savez mieux que moi
que, si les lectures des besoins sont convergentes entre vous, on ne peut pas
en dire autant des demandes et des souhaits. Ne serait-il pas utile que l’on
sache plus nettement où logent les dirigeants des universités en cette matière?
À tout le moins, que les opinions exprimées en privé soient discutées et
confrontées entre eux? Il y a actuellement, s’agissant de la teneur des
positions des uns et des autres, un certain flou qui fragilise la mise en œuvre
d’un consensus pourtant croissant sur la nécessité d’investir davantage dans
l’enseignement supérieur au Canada.
3. Les acteurs concernés
de l’enseignement supérieur sont nombreux et doivent se concerter comme de
vrais partenaires
L’observation la plus élémentaire montre que l’enseignement supérieur se
situe aux confins de nombreux champs de responsabilité et exige dès lors
l’engagement d’acteurs tout aussi nombreux. C’est qu’on ne peut pas être au
cœur des grands enjeux et, en même temps, être à l’abri dans quelque jardin
secret. Beaucoup de groupes et d’instances s’intéressent à l’enseignement
supérieur, et tout à fait légitimement. Il y en a même tant que la liste semble
régulièrement s’allonger. Les établissements eux-mêmes, au premier chef, avec
leurs étudiants, leurs professeurs, leurs chercheurs et l’ensemble de leur
personnel; les gouvernements, selon leurs compétences propres; les familles et
les communautés; les entreprises, les corporations professionnelles, les
groupes socio-communautaires, la population en général, et tout ce qu’on désigne sous l’appellation de «
société civile » : ça fait vraiment beaucoup de monde! Il est plutôt
encourageant, par ailleurs, de voir ce concert de tous ceux qui ont des
raisons, excellentes mais de divers ordres, de s’intéresser à l’enseignement
supérieur.
L’appel à une concertation renforcée n’est pas nouveau. On peut même dire
qu’il a inspiré de multiples rassemblements, assises, sommets, rencontres
stratégiques de toute nature, où l’on a cherché à se comprendre et à se
rapprocher, parfois aussi à se positionner face à l’opinion publique ou à
quelque interlocuteur sur lequel on souhaitait faire pression. On entend
souvent s’exprimer le souhait que les gouvernements donnent eux-mêmes l’exemple
et se mettent au travail ensemble, plutôt que de se perdre en querelles sans
fin. Un souhait de même nature est aussi adressé aux universités, que l’on
voudrait voir travailler de concert
plutôt que dans la concurrence, voire dans le manque de solidarité, surtout
quand s’annoncent de nouvelles ressources. De tous côtés, on appelle à la
concertation.
Pour sa part, le gouvernement fédéral est tout à fait convaincu que,
pour le progrès de l’enseignement supérieur, il faut résolument adopter des
approches de partenariat; et il est tout disposé à s’y engager. Les principes
qui le guident en la matière sont sous le signe de la solidarité, de la
souplesse, du respect des compétences et de l’imputabilité des uns et des
autres.
Cela étant dit, le chemin à prendre ne s’impose pas à l’évidence. Tout
se passe même comme si des ambiguïtés et des méfiances devaient encore être
levées pour que l’on cesse de voir trop
facilement de l’empiètement là où il y a essentiellement volonté de
concertation, ou de refus de collaborer là où il a essentiellement affirmation
légitime de l’autonomie et des compétences. Plus fondamentalement, il nous faut
trouver ensemble les lieux appropriés pour identifier les lignes communes et
convergentes de nos actions en vue du développement de l’enseignement supérieur
au Canada. Les Canadiennes et les Canadiens s’attendent naturellement à ce que
les efforts des établissements, des gouvernements et des autres intervenants
tirent dans la même direction et à ce que nous nous entendions sur la façon de
leur être imputables de nos réussites et de nos échecs.
Je connais assez le terrain de l’enseignement supérieur pour savoir que
le seul énoncé d’un tel souhait de collaboration et de concertation peut
soulever des inquiétudes chez les uns et les autres, voire certaines
suspicions. Des établissements craignent l’intrusion d’intervenants externes
qu’ils jugent encombrants ou distrayants; des instances provinciales et
territoriales se demandent si ce n’est pas là mettre le doigt dans l’engrenage
du contrôle central et de la banalisation de leurs compétences propres; des
instances fédérales se découragent de devoir « signer des chèques en blanc »
sans être capables de rendre compte aux citoyens de l’utilisation des sommes
transférées; des regroupements étudiants ou professionnels se méfient de
contraintes et de façons de faire susceptibles de bousculer des droits acquis;
des entreprises s’étonnent des modes de fonctionnement de la collégialité
universitaire et trouvent les affaires universitaires passablement « compliquées ». Et la liste pourrait s’allonger, de ces perceptions qui
finissent par embrouiller le décor et par paralyser l’action.
Ce sera la troisième question
que je veux vous laisser : ne serait-il pas utile que les dirigeants
universitaires s’expriment aussi sur la meilleure façon de promouvoir et de
réaliser ces nécessaires concertations et partenariats? Ils pourraient ainsi
s’exprimer sur la manière d’utiliser au mieux les divers forums existants pour
nous aider tous à coordonner nos activités. Ou encore identifier quel nouveau
forum ou quel nouvel événement y aurait-il lieu de créer ou de susciter pour
faire avancer les choses.
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Voilà ce que j’avais le goût de partager aujourd’hui avec vous : des
convictions, confortées par de larges consensus à travers le Canada. Mais aussi
des interrogations et des perplexités, à propos desquelles votre propre
réflexion pourrait sûrement nous aider tous, y compris mon gouvernement, à
trouver les moyens d’action les plus efficaces pour accorder à l’enseignement
supérieur les ressources dont il a absolument besoin pour affronter avec succès
les défis du présent et de l’avenir.
Vous aurez compris que, pour sa part, le gouvernement fédéral est
profondément convaincu que notre avenir passe pour beaucoup par un enseignement
post-secondaire accessible, solide et performant parmi les meilleurs. Vous
aurez aussi compris qu’il veut travailler de concert avec les gouvernements des
provinces et des territoires, les appuyer et les aider dans l’exercice de leurs
responsabilités en la matière. Les Canadiennes et les Canadiens attendent de
nous tous que, ensemble, comme des partenaires, nous travaillions en priorité à
répondre à leurs besoins et à leurs attentes.
J’invite l’AUCC à s’engager fermement dans cette voie. Sa contribution
éclairée et crédible est irremplaçable, elle qui regroupe les dirigeants des
établissements où se vivent quotidiennement l’enseignement et la recherche et
où travaillent les premiers artisans de l’apprentissage, c’est-à-dire les
étudiantes et les étudiants et tous ceux qui les accompagnent et les guident
dans leurs apprentissages.
Je vous remercie de votre accueil et de votre attention. Et je vous souhaite une bonne suite d’assemblée.