L'HONORABLE STÉPHANE DION ILLUSTRE LE BIEN-FONDÉ
DES EXIGENCES DE LÉGALITÉ ET DE CLARTÉ PAR DES EXEMPLES D'EUROPE DU NORD
REYKJAVIK (ISLANDE), le 5 août 1999 – Devant les membres de l'Association nordique d'études canadiennes réunis à Reykjavik, l'honorable Stéphane Dion, Président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales a fait la démonstration du bien-fondé des exigences de légalité et de clarté dans les référendums portant sur la sécession et a illustré son propos à l'aide d'exemples puisés dans l'expérience des pays de l'Europe du Nord.
Le Ministre a d'abord présenté la position du gouvernement du Canada en matière de sécession. Il a précisé que, contrairement à plusieurs États parmi les plus démocratiques qui interdisent la sécession dans leur constitution, dont certains pays d'Europe du Nord, le Canada a adopté une approche qui repose sur l'adhésion volontaire de ses provinces.
M. Dion a toutefois souligné que le gouvernement du Canada juge qu'une tentative de sécession devrait être négociée à l'intérieur d'un cadre juridique établi et non être entreprise de façon unilatérale par le gouvernement d'une province. Il a rappelé que, dans son avis rendu le 20 août 1998, la Cour suprême du Canada a notamment mis de l'avant les deux grands principes de légalité et de clarté : «Les neuf juges de la Cour suprême, dont trois viennent du Québec, ont confirmé à l'unanimité qu'une sécession unilatérale n'avait pas de fondement juridique, ni en droit canadien, ni en droit international. La Cour a ajouté que l'obligation d'entamer des négociations sur la sécession n'existe que si les Québécois donnent clairement leur appui à la sécession, au moyen d'une majorité claire sur une question claire portant sur la sécession».
M. Dion a ensuite fait état de cas de sécession dans les pays de l'Europe du Nord qui à son avis illustrent le bien-fondé des principes de légalité et de clarté mis de l'avant par la Cour suprême du Canada. D'ailleurs, il a rappelé que plusieurs de ces cas ont été présentés à la Cour suprême lorsque le renvoi a été entendu.
Le Ministre a expliqué que le principe de la légalité est bien illustré par le cas des îles d'Åland. Au début des années 1920, ces îles ont tenté de se séparer de la Finlande, ce à quoi la Finlande s'opposait. Saisie de la question, la Société des Nations a créé deux commissions qui ont établi que la souveraineté de la Finlande sur les îles d'Åland était incontestable, que celles-ci ne possédaient aucun droit à la sécession, ni par plébiscite ni autrement, et que le droit à l'autodétermination n'était pas à confondre avec le droit à la sécession. Les îles d'Åland font toujours partie de la Finlande.
Le Ministre a par ailleurs souligné qu'au-delà de la légalité, il y a la pratique des États et que la communauté internationale se montre extrêmement réticente à reconnaître les sécessions unilatérales en dehors du contexte colonial. Afin d'illustrer la vive aversion de la communauté internationale envers les sécessions unilatérales, M. Dion a rappelé les cas des républiques baltes, en insistant particulièrement sur celui de la Lituanie : «Avant que son indépendance ne soit reconnue, la Lituanie dut faire face à une intervention armée, de la part de l'Union soviétique, tenir un référendum qui a clairement confirmé l'appui à l'indépendance, obtenir la reconnaissance du président de la Russie, Boris Eltsine, et attendre qu'un coup raté en Union soviétique confirme l'affaiblissement du gouvernement soviétique face à Eltsine».
Le Ministre s'est ensuite penché sur l'exigence de clarté dans un référendum : «Pour qu'un référendum puisse mener à une sécession, il faut qu'il soit l'occasion de confirmer l'existence d'un consensus en faveur de la sécession». Les cas de la Norvège, qui s'est séparée de la Suède en 1905, de l'Islande, qui a mis fin à son union avec le Danemark en 1944, ceux des républiques baltes qui ont obtenu leur indépendance de l'Union soviétique au début des années 1990, de même que celui des îles Féroé qui ont tenté de se séparer du Danemark en 1946, démontrent tous ce besoin de clarté. À l'exception de celui des îles Féroé, dans tous ces cas, la sécession s'est réalisée à la suite d'un référendum dans le cadre duquel la question soumise était claire; de plus, le pourcentage de votes valides exprimés en faveur de la sécession se situait entre 74 % et 99 %. La tentative de sécession des îles Féroé a échoué : la question référendaire était claire, mais seulement 50,72 % des votes exprimés indiquaient un appui à l'indépendance. La déclaration unilatérale d'indépendance qui suivit ce référendum ne fut pas acceptée par le gouvernement du Danemark et les îles Féroé font toujours partie du Danemark.
Après avoir affirmé qu'une question vague comme celle posée au référendum de 1995 ne permet pas de vérifier si les Québécois veulent vraiment faire sécession et qu'il serait irresponsable de s'engager dans la négociation d'une sécession sur la base d'une majorité courte, le Ministre a conclu en déclarant qu'il faut cesser de gaspiller des énergies dans des référendums à répétition et qu'ensemble les Québécois et les autres Canadiens doivent consacrer leurs efforts aux enjeux économiques, sociaux, culturels et environnementaux dont leur qualité de vie dépend. Parmi ces enjeux, M. Dion a souligné l'avenir du Nord, ce grand baromètre écologique de notre planète, un enjeu que le Canada partage avec les autres pays du Nord.
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