LE MINISTRE DION MET EN RELIEF L'INCOMPATIBILITÉ ENTRE LE NATIONALISME CIVIQUE ET LA SÉCESSION
SHERBROOKE (QUÉBEC), le 5 avril 2001 – Devant un groupe d'étudiants en droit de l'Université de Sherbrooke, l'honorable Stéphane Dion, Président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales, a fait valoir qu'il n'existait aucun argument universel en faveur de la sécession du Québec du Canada.
Rappelant les faits marquants de l'affaire Michaud, M. Dion a affirmé que rien n'indique que les Québécois d'aujourd'hui sont en général plus xénophobes que les autres Canadiens. « Le problème dont l'affaire Michaud est un symptôme provient donc moins de la société québécoise que du projet de sécession lui-même. »
Le Ministre a affirmé que ce n'est pas le nationalisme québécois qui ne peut pas être civique, c'est le sécessionnisme. « On trouvera quantités d'arguments pouvant convaincre des êtres humains de toutes origines de devenir Québécois. On sera à court quand il s'agira de les convaincre de cesser d'être, aussi, des Canadiens. »
M. Dion a noté qu'on aurait du mal à trouver un autre enjeu que celui de la sécession qui divise les Québécois sur une base ethnique. Si l'enjeu de la sécession, lui, induit un clivage ethnique, le Ministre s'est dit d'avis que ce n'est ni parce que les francophones sont xénophobes, ni parce que les non-francophones sont mal intégrés. « C'est plutôt parce que seuls des Québécois francophones peuvent penser retirer de la sécession un pays dans lequel ils seraient majoritaires. (...) Aux autres Québécois, elle n'apporterait rien de tel. Voilà pourquoi ils sont moins susceptibles d'appuyer ce projet. »
La sécession, a fait remarquer le Ministre, ne peut reposer sur une revendication de droits universels que dans le contexte d'un État colonialiste ou totalitaire, qui dénie les droits civiques à la totalité ou à une partie de ses citoyens. « Ce n'est jamais la volonté de séparer des populations de langues, de cultures ou de religions différentes qui peut rendre ces sécessions légitimes, a affirmé M. Dion. La justification vient plutôt du fait que des citoyens sont fondés de vouloir échapper à un État qui ne les traite pas comme des citoyens. » En conséquence, de « tels arguments universels ne sont pas disponibles pour justifier la sécession dans un État démocratique. Il ne reste que les arguments particularistes liés à un groupe ethnique. » Dans le cas du Québec, l'argument particulariste est le suivant : « nous, les Québécois francophones, deviendrons majoritaires si notre pays s'arrête aux frontières du Québec plutôt que de s'étendre à l'ensemble du Canada. »
Le Ministre a alors posé la question : « devons-nous, nous, les Québécois francophones, renoncer au Canada, où nous sommes minoritaires, et former une majorité dans notre pays? » M. Dion a expliqué que parmi les raisons qui l'amenaient à répondre non à cette question, la plus fondamentale est la suivante : « l'entraide confiante de populations différentes au sein d'un même État démocratique - lequel dans notre cas s'appelle le Canada - m'apparaît un idéal plus grand et plus valable que cette opération de rupture qui consisterait à limiter notre État au territoire où notre groupe ethnique ou linguistique se trouve à être majoritaire. »
M. Dion a précisé qu'il n'oppose pas un nationalisme à un autre, le canadien au québécois. Il a maintenu que les deux se complètent très bien. « Ce que je dis plutôt, c'est qu'à la quête particulariste d'un statut majoritaire je préfère le principe universel de la solidarité entre tous les citoyens. »
En citant la phrase de Camus, « J'aime trop mon pays pour être nationaliste », le Ministre a conclu : « Moi, j'aime le Québec, j'aime le Canada, mais c'est moins un sentiment nationaliste qu'un principe universel qui m'attache à l'unité canadienne : je veux garder tous mes concitoyens. »
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André Lamarre
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