« Renforcer la dualité linguistique au bénéfice de tous les Canadiens »

Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales

Discours prononcé dans le cadre de la 27e assemblée
générale annuelle de la Fédération des communautés
francophones et acadienne du Canada

Whitehorse (Yukon)

le 22 juin 2002

L'allocution prononcée fait foi


 

Dans le discours du Trône de janvier 2001, le Premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien, a pris l’engagement formel de faire de la promotion de la dualité linguistique canadienne l’une des priorités de son mandat. Le 25 avril 2001, il m’a demandé de coordonner la politique des langues officielles du gouvernement, de présider un groupe de référence de ministres sur cette question et, dans les mots du Premier ministre, « d’envisager de nouvelles mesures énergiques pour continuer d’assurer l’épanouissement des collectivités de langue officielle en situation minoritaire »1. Ces mesures énergiques doivent aussi faire en sorte « que les langues officielles du Canada soient mieux reflétées dans la culture de la fonction publique fédérale »2.

Après une année de consultations et de dialogue avec vous, membres actifs de différentes communautés francophones, j’ai l’honneur d’être votre invité aujourd’hui, ici, à Whitehorse, à l’Assemblée générale annuelle de la Fédération des communautés francophones et acadienne. C’est pour moi l’occasion de vous dire à quel point il est important que le plan d’action que le gouvernement du Canada prépare s’inspire des grandes orientations que vous nous avez communiquées, vous comme vos partenaires des communautés anglophones du Québec. Ce plan d’action, que je devrais être en mesure de dévoiler dès cet automne, donnera un nouvel élan à notre politique des langues officielles à un moment crucial pour la dualité linguistique canadienne.

Après avoir dressé le bilan de cette année de consultations, j’indiquerai l’orientation générale du plan d’action en préparation. Celui-ci sera élaboré suivant trois axes : l’éducation, le développement communautaire et la fonction publique fédérale.

Forts de cet échange que nous aurons aujourd’hui, et dont je compte pour ma part profiter au maximum, vous pourrez, au cours des prochaines semaines et des prochains mois, continuer à me communiquer, ainsi qu’à mes collègues et au Premier ministre, toutes vos idées en vue de concevoir un plan d’action qui soit le plus efficace et le plus réaliste possible et qui témoigne de notre volonté d’agir de façon responsable.

 

1. Une année de consultations

Il y a un an, quand le Premier ministre m’a demandé de préparer ce plan d’action, j’ai senti s’exercer une forte pression pour l’annoncer au plus tôt. Cependant, cette pression pour une action hâtive ne venait ni du Premier ministre ni des communautés comme telles. Elle émanait de certains milieux politiques et médiatiques. Vous, leaders d’expérience, m’avez incité à bien vous écouter. Vous avez demandé qu’on vous donne le temps de préparer de solides dossiers afin de mieux guider le gouvernement dans ses réflexions.

C’est ainsi qu’au fil des mois, mes collègues et moi-même avons reçu de votre part quantité de renseignements, de documents de réflexion et d’analyses qui nous seront d’une aide inestimable. Ces informations ont été transmises par différentes voies : les rencontres avec vous et les membres de vos communautés, la lecture des documents que vous nous avez fait parvenir, ou encore vos témoignages devant le Comité mixte permanent des langues officielles coprésidé par l’infatigable Mauril Bélanger et ma collègue de Saint-Laurent-Cartierville, Mme le sénateur Shirley Maheu. J’ai aussi personnellement beaucoup profité de mes entretiens avec des députés et des sénateurs. J’ai discuté avec plusieurs universitaires. J’ai eu de fructueux échanges avec mes homologues provinciaux. Nous avons beaucoup débattu ces questions entre ministres, notamment au sein du Groupe de référence ministériel sur les langues officielles. Les sous-ministres en ont fait autant au sein de leur propre comité.

Ces consultations intenses étaient nécessaires, car ce n’est pas une mince tâche que d’identifier l’approche générale la plus apte à répondre aux besoins particuliers des différentes communautés. La situation des anglophones du Québec est sur plusieurs plans différente de la vôtre. Par exemple, les francophones du Québec sont majoritaires dans leur province, mais minoritaires au Canada. Ceux du Nouveau-Brunswick constituent un tiers de la population de leur province alors qu’ailleurs, les francophones comptent pour moins de 6 % de la population. Les Franco-Manitobains bénéficient d’une concentration de population que l’on ne retrouve pas dans les autres provinces de l’Ouest. La situation des francophones dans la région d’Ottawa est différente de ceux du nord de l’Ontario. La communauté francophone du Yukon qui nous accueille aujourd’hui en aurait long à dire sur les enjeux qui lui sont propres.

La plus substantielle de vos contributions à ce processus de consultations est peut-être contenue dans le document préparé par votre fédération, intitulé Des communautés en action, que vous m’avez soumis le mois dernier. Aurais-je voulu agir trop vite que j’aurais privé le gouvernement des analyses que contient ce document. Je tiens à vous remercier, et en particulier votre président, M. Georges Arès, pour tous les efforts que vous déployez afin d’aider le gouvernement du Canada à élaborer le plan d’action le plus judicieux qui soit.

À la lecture de votre document, il est frappant de constater à quel point vous insistez sur la mise en place d’un cadre d’imputabilité. Je tiens à confirmer aujourd’hui que vous nous avez convaincus : le plan d’action du gouvernement comportera effectivement un cadre d’imputabilité qui rappellera de façon constante aux ministres et aux fonctionnaires que la dualité linguistique est une priorité. Sans vous dire aujourd’hui la forme exacte qu’il prendra, je vous en tracerai tout de même les contours plus tard dans ce discours.

Votre document Des communautés en action propose également une démarche pour chacun des neuf secteurs identifiés comme étant prioritaires pour vos communautés : l’éducation, les arts et la culture, le développement économique et l’employabilité, le développement communautaire, la santé, la justice, les communications, l’immigration et la francophonie internationale.

Je tiens à vous dire que le plan d’action du gouvernement comportera aussi des mesures de renforcement dans ces secteurs. Je préciserai dans un moment certaines de ces mesures.

Tout ce travail de réflexion s’est déjà traduit par des gestes concrets. Le gouvernement a été très actif sur le plan des langues officielles depuis un an. Stimulé par le discours du Trône de janvier 2001, par la création du Groupe de référence ministériel sur les langues officielles, par le travail du Comité mixte permanent des langues officielles, par les observations régulières de la Commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam, et notamment par son document Cadre stratégique du gouvernement sur les langues officielles, et constamment aiguillonné par l’intensification du dialogue avec vous, le gouvernement a posé des bases solides sur lesquelles je suis sûr que vous vous appuierez pour aller de l’avant.

Je rappelle tout ce que la ministre du Patrimoine canadien, l’honorable Sheila Copps, a ajouté, depuis un an, à ce que son ministère faisait déjà. C’est impressionnant :

Voilà des aides ciblées qui vous donneront les coups de pouce nécessaires. Encore n’ai-je mentionné là que les initiatives de Mme Copps qui vous touchent directement. Pour rendre pleinement compte de l’action de cette dernière, il faudrait énumérer toutes les retombées positives que vos communautés retirent de son engagement dynamique et indéfectible dans le domaine des arts et de la culture. Je tiens à souligner ici, en tant que Québécois, que dans ma province, le gouvernement fédéral dépense plus pour la culture que le gouvernement provincial et les municipalités réunis. Cela aussi contribue à la cause du français et de la dualité linguistique canadienne.

Il y aurait beaucoup à dire aussi sur la détermination dont a fait preuve la présidente du Conseil du Trésor, l’honorable Lucienne Robillard. Je m’en tiendrai à souligner les deux initiatives les plus marquantes à mon avis, lancées en réponse à des demandes précises de votre part :

Quant à ma collègue l’honorable Jane Stewart, elle a accordé 24 millions de dollars répartis sur deux ans pour la reconduction de l’entente des deux comités nationaux de développement des ressources humaines pour les communautés de langue officielle. Le ministre de l’Industrie, l’honorable Allan Rock, a injecté 4 millions de dollars dans Francommunautés virtuelles, un programme qui, depuis sa création en 1998, facilite l’accès à l’Internet des collectivités francophones et acadiennes de tout le pays.

Je veux aussi souligner l’action de mes deux collègues qui se sont succédé au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, l’honorable Elinor Caplan et l’honorable Denis Coderre. Ils ont renforcé l’importance de la dualité linguistique dans la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et la réglementation afférente et ils ont créé un comité consultatif pour les communautés francophones et acadiennes.

Et je n’insisterai jamais assez sur l’appui devant les tribunaux de l’honorable Anne McLellan, alors procureure générale du Canada à la communauté franco-ontarienne pour empêcher la fermeture de l’hôpital Montfort.

Une autre mesure prise par le gouvernement du Canada au cours de la dernière année revêt une importance particulière à mes yeux. Je pense à la subvention de 10 millions de dollars pour la mise sur pied d’un institut de recherche sur les minorités linguistiques à l’Université de Moncton. Tout comme la Loi sur les langues officielles a été le résultat d’un vaste effort de recherche, mené dans le cadre de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme au cours des années 1960, il faut que le renforcement de la dualité linguistique au début du XXIe siècle soit guidé par les meilleures recherches dans le domaine.

Ainsi, vous pouvez constater que le gouvernement fédéral est déjà plongé dans l’action et qu’il est déterminé à en faire encore davantage. Et il veut le faire avec vous, de façon sérieuse, réaliste et responsable. Ce n’est pas toujours facile, car on sait à quel point les besoins sont criants et les attentes élevées dans bien des domaines. Mais rien ne sera possible sans une approche responsable et réaliste. Le Canada défraie encore les coûts des énormes déficits qu’il a accumulés jusqu’au milieu des années 1990. Sous le leadership de Jean Chrétien, nous avons pu remettre de l’ordre dans nos finances publiques. Le Premier ministre est déterminé à ce que jamais plus notre qualité de vie soit menacée par la spirale de l’endettement. Il veut vous aider davantage, vous n’avez pas de meilleur allié que lui, mais il le fera à sa façon, étape par étape, par des politiques et des investissements raisonnables qui donneront le maximum de résultats.

Je crois possible, à travers notre dialogue, de fournir au Premier ministre les gages de responsabilités qui sont pour lui les conditions mêmes de la bonne gouvernance. J’en veux pour preuve les immenses progrès que nous avons faits ensemble en vue de la mise en place de nouvelles initiatives dans un domaine que vos communautés considèrent comme névralgique, celui de la santé. Je ne surprendrai personne si je dis que les premières discussions et les attentes qui en ont découlé ont été perçues comme étant plutôt irréalistes par le gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Mais plutôt que de vous décourager, vous avez poursuivi un dialogue positif, de sorte que les recommandations du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire s’inscrivent maintenant dans un cadre financier réaliste qui en font une source d’inspiration valable pour le gouvernement. J’aimerais en remercier le coprésident, M. Hubert Gauthier, et tous les membres du comité.

Un tel dialogue responsable est essentiel au succès du plan d’action dont je vais dès maintenant esquisser les trois grands axes. Le premier est l’éducation, car c’est par elle, surtout, que se transmet la langue de génération en génération. Le second est la vie communautaire, car une langue ne peut s’épanouir si elle n’est pratiquée qu’à l’école. Le troisième est la fonction publique fédérale, car le gouvernement du Canada ne peut exercer un leadership que s’il se montre lui-même exemplaire.

 

2. L’éducation

L’objectif du gouvernement du Canada est le même que celui des parents, des conseillers scolaires, des éducateurs et des leaders des communautés : maximiser les chances de transmission de la langue de génération en génération. Nous pouvons maintenant nous appuyer sur un réseau d’écoles et de commissions scolaires presque inexistant il y a quelques décennies. Ce réseau vous est garanti par vos droits constitutionnels contenus dans la Loi constitutionnelle de 1982, mais son dynamisme et son développement dépendent de vous et des gouvernements.

Un des objectifs clés est certainement d’augmenter la proportion des étudiants admissibles des communautés minoritaires inscrits dans des écoles françaises. Cette proportion est passée de 45 % en 1986 à 54 % en 1996. La progression ne continuera que si, grâce à un partenariat accru avec les provinces et les territoires, et dans le plein respect de leurs compétences constitutionnelles, quatre cibles sont atteintes :

 

i) L’aide dès la petite enfance

L’éducation ou l’acculturation, cela se décide souvent avant l’âge scolaire. À ceux qui en douteraient, je recommande la lecture du Plan national d’appui à la petite enfance, qui m’a été présenté par la Commission nationale des parents francophones. La nécessité d’agir dès la petite enfance est démontrée dans ce mémoire. Il résume l’essentiel de la question en ces termes : « La naissance d’un enfant, surtout le premier, est pour les parents le moment de choix déterminants à long terme sur la vie de famille. Entre autres, sur l’insertion dans une communauté. En milieu minoritaire, c’est le moment ou jamais de leur offrir activement de l’appui et des services en français. »3

Dans cette optique, mes collègues Mmes Stewart et Copps sont déterminées à travailler avec leurs homologues provinciaux pour trouver les meilleures façons d’appuyer les communautés. On pourrait, par exemple :

C’est d’ailleurs dans le cadre de ce programme que j’ai l’honneur et le plaisir d’annoncer au nom de la ministre du Patrimoine canadien, l’honorable Sheila Copps, une subvention de 145 000 $ pour l’agrandissement de la Garderie du Petit cheval blanc, ici à Whitehorse, juste à côté de la très belle école Émilie-Tremblay. Les autres partenaires incluent le gouvernement du Yukon qui versera 20 000 $, l’Association franco-yukonnaise et le Conseil scolaire francophone qui contribueront chacun 5 000 $.

 

ii) La proximité des écoles

Il est compréhensible que des parents aient tendance à inscrire leurs enfants à une école anglaise si l’école française est trop éloignée. D’ailleurs, la décision de la Cour suprême dans l’affaire Arsenault-Cameron en janvier 2000 introduit une forme de droit à la proximité. La Cour a statué que lorsque le nombre d’enfants visés par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés dans une région donnée justifie la prestation de l’enseignement dans la langue de la minorité, cet enseignement doit être dispensé dans un établissement situé dans la communauté où résident ces enfants.

Cette question nécessitera l’entière collaboration de tous les partenaires – les gouvernements et les communautés.

 

iii) La qualité de l’enseignement dans la langue de la minorité

Je parle ici de l’enseignement, du matériel didactique et des activités parascolaires. Nous pouvons rendre les écoles plus invitantes pour les parents et les enfants.

Les résultats scolaires des élèves appartenant à des minorités francophones aux examens comparatifs normalisés ont révélé invariablement des lacunes en lecture et en écriture comparativement à la moyenne pancanadienne. Ces résultats s’expliquent notamment par la prédominance de l’anglais à la maison.

Si on n’améliore pas la qualité de l’enseignement dans les écoles en milieu minoritaire, les parents auront moins tendance à y inscrire leurs enfants. Mais d’un autre côté, si on améliore cette qualité et que les écoles deviennent plus invitantes pour plus de parents, cela posera des défis additionnels du point de vue de l’intégration de ces nouveaux élèves dont plusieurs auront, a priori, une compréhension plutôt limitée du français.

En effet, les élèves actuellement inscrits aux écoles françaises sont en général des enfants dont les deux parents sont francophones ou des enfants qui possèdent déjà une solide connaissance du français. Environ le tiers des ayants droit disent ne pas maîtriser assez bien le français pour soutenir une conversation4. Les écoles des minorités francophones auront besoin de ressources supplémentaires pour assurer l’intégration de ces élèves tout en améliorant la qualité de l’enseignement. Mais encore faut-il que ces ressources soient entièrement consacrées à l’atteinte des objectifs que nous nous fixerons.

Il ne sera pas facile d’améliorer la qualité de l’enseignement dans les écoles en milieu minoritaire tout en accueillant plus d’ayants droit. Il faudra bien pourtant réussir à concilier ces deux objectifs. Cela prendra de l’imagination, des efforts et des ressources.

Ces mesures destinées aux écoles doivent venir compléter les initiatives destinées à la petite enfance.

 

iv) La rétention des élèves dans le système scolaire francophone à la fin du primaire et l’amélioration de l’accès à l’enseignement postsecondaire en français

Les élèves et leurs parents sont davantage susceptibles de choisir le système scolaire de la minorité francophone ou de demeurer dans le système francophone s’ils ont la possibilité de poursuivre au niveau postsecondaire. Par exemple, selon une étude publiée par le Commissariat aux langues officielles en janvier 1999, plus de parents à Sudbury choisissent d’inscrire leurs enfants à l’école française depuis l’ouverture du Collège Boréal.

De plus, les établissements postsecondaires ont un effet catalyseur sur le développement de l’économie locale et sur l’entrepreneuriat francophone. C’est pourquoi le gouvernement appuie déjà bon nombre de tels établissements. Ainsi, en janvier dernier, Mme Copps annonçait 8,1 millions de dollars supplémentaires destinés au financement des collèges communautaires de langue française en Ontario.

Voilà quatre cibles que nous ne devons pas rater si nous voulons appuyer la formation de nos jeunes de la petite enfance à l’université. Les parents des enfants appartenant aux communautés minoritaires ou inscrits à des programmes de langue seconde nous ont dit qu’ils voulaient que le financement actuel et tout accroissement de ce financement aient un impact réel dont les résultats se feraient sentir dans les salles de cours. Nous partageons évidemment cet objectif et c’est dans cet esprit que nous travaillerons étroitement avec nos partenaires provinciaux. Car rien n’est possible en éducation sans les provinces.

Pour répondre à la demande de votre fédération de « permettre aux élèves francophones, et donc aux écoles et aux conseils scolaires, d’être mieux outillés afin d’assurer qu’ils reçoivent une éducation de qualité égale à celles des élèves de la majorité ou, autrement dit, que la notion de gestion scolaire soit basée sur l’équivalence des résultats »5, nous entendons examiner avec nos homologues des provinces les façons de nous entendre sur des mécanismes efficaces d’affectation des ressources.

Les ententes fédérales-provinciales-territoriales sont notre principal levier dans ce domaine. Elles viennent à échéance en 2003 et doivent donc faire l’objet de renégociations. Ma collègue, l’honorable Sheila Copps, mènera ces négociations pour le gouvernement fédéral. Suivant une longue tradition de collaboration avec les autres gouvernements, nous chercherons à renforcer l’orientation du Programme des langues officielles dans l’enseignement (PLOE) vers des résultats concrets, à partir d’objectifs fixés conjointement et visant les communautés les plus directement concernées. Il faudra non seulement travailler tous ensemble mais encore investir les ressources nécessaires, et surtout nous entendre pour le faire là où nous voulons des résultats.

Il faudra aussi déployer des efforts analogues pour l’apprentissage de la langue seconde. Là aussi, il faut continuer sur notre lancée et ne rien tenir pour acquis.

Dans son approche globale pour le développement des compétences au Canada, approche soumise pour discussion en février 2002 dans le document Le savoir, clé de notre avenir – Le perfectionnement des compétences au Canada, ma collègue Jane Stewart propose comme l’un des objectifs pour le pays de doubler le nombre de diplômés bilingues au niveau secondaire.

Cet objectif, bien qu’exigeant, m’apparaît réaliste. Cela nous a pris moins de deux décennies pour doubler le pourcentage des jeunes anglophones hors Québec âgés de 15 à 19 ans en mesure de maîtriser le français. Ils étaient 16 % en 1996, alors qu’ils ne représentaient que 8 % en 19816. Pourquoi ne pas porter cette proportion à 33 % en 2010 ? Actuellement, 24 % des jeunes diplômés canadiens du secondaire connaissent les deux langues officielles. Pourquoi ne pas doubler cette proportion et faire en sorte que la moitié de nos jeunes diplômés soient en mesure de parler nos deux langues officielles en 2010 ?

L’atteinte de ces objectifs est à notre portée, mais cela ne se fera pas tout seul. Nous aurons besoin de la pleine collaboration de tous, et en particulier des gouvernements provinciaux.

Le taux d’inscription aux programmes d’apprentissage de la langue seconde n’a pas augmenté depuis dix ans, qu’il s’agisse des programmes de base dans l’une ou l’autre langue ou des programmes d’immersion en français. Outre les réductions de financement effectuées au cours des dix dernières années dans ce domaine, les lacunes dans le matériel didactique, l’absence de ressources d’appoint, une pénurie d’enseignants qualifiés et des programmes insuffisants ont nui à la qualité de l’enseignement des langues secondes. Le problème croissant de la pénurie d’enseignants au Canada est particulièrement marqué dans les secteurs spécialisés comme l’immersion en français. La demande d’enseignants de langue seconde dépasse déjà l’offre.

Afin de remédier à cette situation, on pourrait envisager, de concert avec nos partenaires provinciaux, une stratégie comprenant notamment la promotion des carrières d’enseignement de langue seconde, des bourses d’études en enseignement de langue seconde et l’expansion des programmes d’enseignement spécialisés.

Pour parvenir à doubler le nombre d’étudiants bilingues comme nous entendons le faire, il nous faudra :

 

3. Le développement des communautés

Votre mémoire Des communautés en action fait état des progrès importants dans les domaines des arts, de la culture et des communications et constate que « dans l’ensemble, le secteur artistique et culturel apparaît donc en assez bonne position aujourd’hui, même s’il reste confronté à un certain nombre de difficultés chroniques. »7 Vous nous invitez à consolider ce secteur et il faudra en effet que le plan d’action prévoie des mesures en ce sens. Car c’est grâce à la culture qu’une langue s’épanouit.

Vous nous demandez aussi de vous aider à développer d’autres secteurs de la vie communautaire. Sans en faire aujourd’hui une revue exhaustive, permettez-moi de proposer quelques pistes de réflexion.

 

i) La santé

J’ai déjà souligné à quel point les besoins dans ce secteur ont été bien décrits dans un rapport exhaustif présenté au ministre fédéral de la Santé par le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire.

Comme le Comité consultatif l’a souligné dans son rapport, plusieurs études ont confirmé que la langue est un facteur clé dans l’efficacité de certaines formes de soins. Aussi le Comité consultatif propose-t-il, entre autres choses :

Le rapport final du Comité consultatif des communautés anglophones en situation minoritaire, coprésidé par M. Eric Maldoff, est encore à venir mais nous prévoyons des constats similaires et des recommandations concordantes.

La ministre de la Santé, l’honorable Anne McLellan, étudie sérieusement les façons de répondre à ces préoccupations. Elle tient à travailler de près avec vous et est pour cela particulièrement fière de l’aide qu’elle a apportée à votre fédération pour la tenue du forum « Santé en français », l’automne dernier à Moncton. Mme McLellan peut d’ailleurs bâtir sur des acquis.

Depuis 1999, grâce à une subvention de 10 millions de dollars du ministère du Patrimoine canadien, nous avons appuyé le Centre national de formation en santé. Coordonné par l’Université d’Ottawa, ce projet-pilote faisait appel à d’autres partenaires dont plusieurs institutions postsecondaires de la francophonie canadienne. Il a entrepris la formation de 75 nouveaux étudiants en sciences de la santé provenant des provinces autres que le Québec et l’Ontario; il a créé une équipe pluridisciplinaire de spécialistes qui animent un centre multimédia des ressources en formation clinique à l’hôpital Montfort; il a suscité le développement de ressources similaires à distance; et il a permis la formation à distance de quelque 40 autres étudiants en sciences infirmières à travers le pays.

Ces partenariats ont déjà conduit à la mise en place d’un programme de sciences infirmières au Collège universitaire de Saint-Boniface et à la mise sur pied de stages cliniques et pratiques en région.

Je sais qu’un consortium de transition est actuellement en train de planifier la deuxième phase de ce projet en vue d’en étendre les bénéfices aux autres régions du pays. Nous trouvons encourageants ses efforts en vue d’accentuer la portée nationale du projet. Le gouvernement examinera sérieusement la demande du consortium.

Le plan d’action fera de la santé une priorité. Nous ferons des progrès ensemble. Il me fait plaisir de vous en donner, aujourd’hui même, un exemple additionnel. En effet, j’ai l’honneur de confirmer, au nom de ma collègue, la ministre de la Santé, l’honorable Anne McLellan, l’investissement imminent de 1,9 million de dollars afin de permettre, en 2002-2003, la transition vers une phase de plein déploiement du réseautage, principale priorité confirmée par le Comité consultatif. Ces ressources seront affectées au maintien ou à la création de quelques réseaux, à la réalisation d’études de faisabilité ainsi qu’à la création d’un réseau national de coopération capable d’appuyer ces diverses initiatives.

 

ii) La justice

L’administration de la justice étant une responsabilité partagée, le gouvernement du Canada doit, là encore, travailler en partenariat avec les provinces et les territoires. Avec eux, nous avons déjà commencé à évaluer la situation du point de vue de l’accès à la justice dans les deux langues officielles, où que ce soit au Canada. Le ministère fédéral de la Justice a en effet complété une étude, intitulée État des lieux, qui porte sur l’accès aux services juridiques et judiciaires dans les deux langues officielles. Cet État des lieux porte sur les domaines de compétence fédérale (Code criminel, divorce et pensions alimentaires ainsi que faillite). Il a été réalisé avec la collaboration des gouvernements provinciaux et territoriaux de même que celle des juristes d’expression française regroupés en sept associations provinciales. En fait, tout l’appareil judiciaire a été mis à contribution, depuis le personnel de soutien administratif jusqu’aux juges.

Cette étude d’envergure nationale avait pour objectifs de recueillir des données quantitatives et qualitatives sur les services, de faire le relevé des obstacles liés à leur prestation, d’inventorier des pistes de solutions adaptées aux situations rencontrées, et enfin, de constituer un inventaire des pratiques existantes ou envisagées.

Les résultats de l’étude devraient être rendus publics au cours de l’été. Selon toute probabilité, ils mettront en évidence certains obstacles à l’accès à la justice dans les deux langues officielles, dont :

L’État des lieux précise également des pistes de solution et fait l’inventaire de mesures novatrices déjà mises en œuvre dans les provinces et les territoires.

 Je désire remercier tous ceux et celles qui ont contribué à cette étude. Elle aidera beaucoup le ministre de la Justice, l’honorable Martin Cauchon, ainsi que ses homologues, à élaborer des solutions novatrices, pratiques et adaptées aux différentes circonstances. Certains ont même avancé l’idée d’un fonds d’appui aux langues officielles qui offrirait la souplesse nécessaire sans pour autant devenir une panacée. Ou encore, on pourrait penser à mettre en place un guichet unique en matière de services juridiques dans les deux langues officielles. Deux projets-pilotes sont d’ailleurs en cours au Manitoba, l’un à Saint-Pierre-Jolys et l’autre à Saint-Boniface.

 

iii) L’immigration

L’immigration aussi est un domaine de compétence partagée. Le gouvernement fédéral contribue de façon importante aux investissements consacrés à l’enseignement du français et de l’anglais aux enfants des immigrants et aux autres services utilisés par les immigrants, comme les programmes liés au marché du travail et à l’intégration à la communauté.

La Commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam, a contribué à faire reconnaître explicitement dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés l’apport de l’immigration à l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. La nouvelle réglementation entourant la sélection des immigrants accorde des points supplémentaires à la connaissance de l’une ou l’autre langue officielle.

Le comité consultatif mis sur pied par l’honorable Denis Coderre, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, explore déjà des façons d’attirer des nouveaux immigrants qui possèdent les compétences professionnelles et linguistiques nécessaires pour contribuer à l’essor du pays. Le comité réfléchit aux façons d’aider ces nouveaux immigrants à prendre contact avec vos communautés et éventuellement à s’y intégrer.

 

iv) Le développement économique

Le ministre de l’Industrie, l’honorable Allan Rock, est tout à fait conscient de l’importance de nos deux langues officielles pour le développement économique de notre pays. Il veut travailler de près avec vous comme avec les communautés anglophones du Québec. Il tient à ce que les programmes de son ministère soient plus accessibles aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. À cette fin, il vient d’amorcer l’examen des initiatives de son ministère et des organismes s’y rapportant. M. Rock peut compter sur le plein appui des quatre secrétaires d’État responsables du développement économique régional, soit l'honorable Stephen Owen, Diversification de l'économie de l'Ouest canadien; l'honorable Gerry Byrne, Agence de promotion économique du Canada atlantique; l'honorable Andy Mitchell, Initiative fédérale de développement économique dans le nord de l'Ontario; et l'honorable Claude Drouin, Développement économique du Canada pour les régions du Québec.

De plus, dans le cadre de l’objectif que s’est donné le gouvernement d’être le pays le plus « branché » au monde d’ici 2005, M. Rock va se pencher tout particulièrement sur l’accès à l’Internet dans les régions rurales et éloignées. Cela concerne évidemment plusieurs de vos communautés.

M. Rock porte aussi un grand intérêt aux industries de la langue. Nous avons développé au fil des ans l’une des industries les plus compétitives au monde dans ce domaine. Pensons à la compétence de nos traducteurs, de nos interprètes, des terminologues et des autres spécialistes reconnus à la grandeur du pays et au-delà de nos frontières. Mais il faut maintenir toute l’efficacité de notre industrie de la langue et assurer une relève d’une qualité maximale. Le gouvernement du Canada est déterminé à jouer son rôle à cette fin.

Le plan d’action traitera à fond de ces questions. Je vous invite aussi à communiquer vos idées sur ces sujets à mon collègue, M. Rock, notamment lors des consultations qu’il mène à travers le pays afin de déterminer la meilleure stratégie d’innovation possible pour le Canada.

 

4. Une fonction publique exemplaire

Au cours des 30 dernières années, le gouvernement du Canada a investi pour créer une fonction publique fédérale bilingue, offrir des possibilités d’emploi aux deux groupes linguistiques et servir les Canadiens dans la langue officielle de leur choix.

Aujourd’hui à 31 %, le taux de participation des francophones est plus élevé que leur représentation dans la population canadienne, qui elle, est de 25 %. Par contre, les anglophones sont sous-représentés dans la fonction publique fédérale au Québec : 7 % alors qu’ils constituent 13 % de la population. Mme Robillard est préoccupée par ce problème. Le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique travaillent en étroite collaboration pour favoriser le recrutement et assurer une meilleure intégration des anglophones au milieu de travail tout en protégeant leurs droits linguistiques. Le Quebec Community Groups Network est consulté et le Conseil des hauts fonctionnaires du Québec suit attentivement la situation.

La capacité linguistique de la fonction publique fédérale s’est améliorée depuis 30 ans mais il reste beaucoup à faire. À l’heure actuelle, près de 37 % des postes sont désignés bilingues, mais seulement 82 % des personnes qui les occupent sont réellement bilingues.

Malgré la proportion importante de francophones dans la fonction publique, le français est sous-utilisé comme langue de travail, en particulier dans les institutions à vocation scientifique et technologique ainsi que dans celles assurant l’application des lois. De plus, contrairement à la politique, les administrations centrales communiquent trop souvent en anglais avec les bureaux situés au Québec.

Durant les années 1990, les services offerts au public dans la langue officielle minoritaire sont restés stables ou ont décliné, comme l’ont révélé les rapports de la Commissaire aux langues officielles. Il faut dire que les ressources à l’appui des programmes de langues officielles au gouvernement ont été réduites considérablement. Ces compressions n’ont certes pas renforcé le message aux fonctionnaires que les langues officielles constituent une priorité. Elles ont aussi nui au partage de l’information et à la formation pertinentes. Conséquemment, l’ignorance et l’information erronée concernant les droits et les responsabilités en matière de langues officielles sont aujourd’hui très répandues.

Un changement durable, y compris un meilleur service au public et une plus grande utilisation du français comme langue de travail, ne sera possible que si la culture d’ensemble de la fonction publique change à l’égard de la langue. Aussi le Secrétariat du Conseil du Trésor mène-t-il présentement une étude sur les attitudes des fonctionnaires face à la langue, afin de mieux orienter ses programmes d’information et de communication.

Il importe d’autant plus d’agir maintenant sur la culture de la fonction publique que celle-ci va connaître un roulement de personnel élevé au cours des cinq à dix prochaines années. C’est là une occasion en or de renforcer les compétences linguistiques de la fonction publique. Il faudra multiplier les efforts pour recruter des employés bilingues et favoriser l’acquisition des compétences linguistiques en début de carrière. De plus, des efforts seront déployés pour maintenir un taux de bilinguisme élevé dans la catégorie de la gestion.

Non seulement la fonction publique se renouvelle-t-elle, mais ses façons de travailler sont aussi en profonde mutation. L’Internet et les initiatives comme Gouvernement en direct (GED) et Service Canada ont transformé la prestation des services aux Canadiens, avec les répercussions que l’on imagine sur la langue de travail et de communication au public. GED a accru la demande de traduction d’énormes quantités de documents. Avec l’Internet, le lieu géographique d’un bureau ne constitue plus un critère aussi déterminant, l’information gouvernementale devenant accessible à tous en un même lieu virtuel. Il importe que cette information soit disponible dans la langue de l’utilisateur potentiel.

Mme Robillard a accueilli avec ouverture le rapport que la Commissaire aux langues officielles a rendu public le 13 juin dernier sur ces sujets, qu’il s’agisse de numérisation des documents, de publication en ligne ou de communication directe avec le public.

Vous pouvez le constater, la présidente du Conseil du Trésor est déterminée à s’inspirer des meilleures pratiques pour renforcer le bilinguisme à tous les niveaux de notre fonction publique, à commencer par le sommet. Le nouveau greffier du Conseil privé, M. Alex Himelfarb, a fait des langues officielles une priorité stratégique de gestion et, pour une deuxième année consécutive, le rendement des cadres supérieurs pourra être évalué en fonction des résultats qu’ils auront atteints dans ce domaine dans leur ministère.

Mme Robillard a communiqué clairement son intention de redonner la priorité aux langues officielles. Elle a fait preuve d’un leadership remarquable et aura besoin de ressources supplémentaires pour transformer ce message en action dans l’ensemble de la fonction publique. Nous voulons l’excellence dans notre fonction publique. Nous exigeons d’avoir une fonction publique qui respecte les langues officielles et qui serve vraiment les Canadiens dans la langue officielle de leur choix. Nous voulons une fonction publique à la mesure de notre vision de l’avenir du Canada.

À cette fin, comme vous l’a décrit hier la secrétaire adjointe responsable des langues officielles au Secrétariat du Conseil du Trésor, Mme Diana Monnet, des mesures spécifiques toucheront la formation, la modernisation, le gouvernement en direct et les industries de la langue.

En fait, ce n’est pas seulement la fonction publique, mais tout le gouvernement, y compris les ministres, qui doit être toujours conscient de l’importance de la dualité linguistique. C’est d’ailleurs ce que prévoit la partie VII de la Loi sur les langues officielles, laquelle, comme vous le savez, définit un engagement politique fondamental. Cet engagement politique convie le gouvernement du Canada à faire en sorte que tous ses programmes et toutes ses politiques soient élaborés et mis en œuvre en tenant compte des besoins particuliers des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Nous sommes très conscients de vos préoccupations à l’égard de la mise en œuvre de la partie VII. Nous reconnaissons que le plein potentiel de l’article 41 n’a pas encore été réalisé, en dépit des mesures importantes qui ont été prises à ce jour.

La progression vers une plus grande transparence et une participation accrue des citoyens s’inscrit dans le vaste programme de gestion du gouvernement. En mars 2000, Mme Robillard a présenté au Parlement un document intitulé Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes : Un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada. Nous y avons pris, entre autres, l’engagement de mettre les citoyens au cœur de nos préoccupations au moment de concevoir, de mettre en œuvre et d’évaluer nos activités.

Le gouvernement, par l’entremise de différents ministères, a établi plusieurs mécanismes destinés à associer vos communautés à l’élaboration de politiques dans des secteurs clés comme la santé, l’immigration et le développement des ressources humaines. Je crois comprendre que Mme Eileen Sarkar vous décrira cet après-midi les moyens envisagés au ministère du Patrimoine canadien pour accroître la concertation entre les communautés et le gouvernement. Je suis certain que vous l’écouterez avec intérêt.

Au cours de l’année qui vient de s’écouler, j’ai travaillé avec mes collègues du Cabinet à accroître notre capacité de travailler avec les communautés. Les discussions se poursuivent sur les différentes façons d’améliorer l’imputabilité des ministères et des hauts fonctionnaires à ce chapitre. Comme je l’ai déjà dit, nous travaillons à la mise en place d’un tel cadre d’imputabilité dont les objectifs seraient :

Cela m’amène à parler de la fameuse « diligence raisonnable ». Dans le cadre de mes consultations, il n’est pas une seule communauté où je n’ai entendu des plaintes au sujet des nouvelles règles de diligence raisonnable établies par le gouvernement, notamment à l’égard du Programme d’appui aux communautés de langue officielle, qui assure un financement au réseau de 350 groupes communautaires.

Nous sommes conscients du fardeau qu’une administration tatillonne imposerait à des groupes obligés de fournir les mêmes informations détaillées à différents ministères ou agences. Mais d’un autre côté, des contrôles sont nécessaires pour que les programmes dont vous bénéficiez ne soient pas entachés par les problèmes de gestion qui ont mis en cause d’autres programmes fédéraux ces dernières années. Nous voulons rechercher avec vous et les ministères l’équilibre entre la nécessité de justifier l’allocation des fonds publics et votre capacité de vous conformer aux exigences administratives qui en découlent.

 

Conclusion

Je vous ai parlé des consultations en vue d’élaborer un nouveau plan d’action, des mesures déjà prises et de l’orientation générale de ce plan d’action en préparation. Il me reste à répondre à une question en conclusion : au fait, pourquoi un plan d’action ? Pourquoi réinvestir dans la dualité linguistique canadienne ?

La réponse à cette question, c’est encore vous qui l’avez fourni de la façon la plus claire. Je fais référence au document intitulé Agrandir l’espace francophone au Manitoba émis par la Société franco-manitobaine en octobre 2001. On y lit que « pour occuper un plus grand espace démographique, social, culturel et économique, la communauté franco-manitobaine entend insérer le projet francophone dans le projet social de la province dans son ensemble. »8

Ce qui est valable pour le Manitoba l’est aussi pour l’ensemble du Canada : il faut insérer la dualité linguistique dans le projet social du Canada dans son ensemble.

Si on porte notre regard au-delà du Canada, on constate que l’humanité entière est à un point tournant en ce qui a trait à la question des langues. Du fait de l’explosion des communications, les échanges se font de plus en plus intenses entre les cultures. Rares sont celles qui sont encore à l’abri des contacts avec les autres. Ce choc des cultures amène deux pressions contradictoires. D’une part, les forces de l’assimilation sont décuplées et plusieurs langues et façons de vivre disparaissent. Mais d’autre part, les humains voient de plus en plus leur intérêt à développer leurs compétences langagières afin de diversifier leurs capacités de communication.

C’est ainsi que les pressions assimilatrices s’accentuent alors même que le pluralisme linguistique est plus que jamais valorisé.

Les langues disparaissent à un rythme qui s’accélère. Selon l’Atlas des langues en péril dans le monde de l’Unesco9, la moitié des 6000 langues parlées sont en danger. Un dernier utilisateur d’une de ces langues décède à toutes les deux semaines. En même temps, les pays les plus modernes multiplient les efforts pour aider leurs populations à acquérir la maîtrise de plusieurs langues.

Il y a bien sûr un engouement pour l’anglais, la langue dominante dans tant de domaines d’activité humaine. Mais le français ne s’en sort pas trop mal non plus. Selon l’enquête Eurobaromètre 200110, la langue la plus fréquemment connue par les Européens, en plus de leur langue maternelle, est l’anglais (41 %), suivi par le français (19 %), l’allemand (10 %), l’espagnol (7 %) et l’italien (3 %). Donc, près du cinquième des Européens non francophones disent connaître le français.

Le Canada est l’un des rares pays qui a la chance de pouvoir compter sur deux langues internationales comme langues officielles. Les Canadiens sentent bien que c’est là un atout qu’ils ne doivent pas perdre malgré la force assimilatrice de l’anglais. Selon un sondage Environics de février 2002, 82 % des Canadiens, dont 91 % des jeunes de 18 à 24 ans, appuient la politique fédérale des langues officielles.

Voilà pourquoi le Canada a besoin d’un plan d’action visant à renforcer sa dualité linguistique, voilà pourquoi il a besoin de vous, communautés de langue officielle. Vous ramenez le Canada non seulement à l’un des fondements de son histoire, mais vous représentez aussi un élément essentiel de son avenir et de sa modernité. La vision de Pierre Elliott Trudeau est plus d’actualité que jamais, comme l’a dit M. Chrétien après le décès de l’ancien Premier ministre.

« À l'ère de la concurrence mondiale [...], », a écrit Mme Jane Stewart dans son document Le savoir, clé de notre avenir, « [...] les jeunes Canadiens qui apprennent à parler les deux langues officielles du pays augmentent leur compétitivité sur les marchés de l'emploi, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Sur le plan culturel, le bilinguisme ouvre les portes d'une vision différente du monde. Sur le plan économique, la capacité de communiquer dans les deux langues augmente l'accès aux marchés et aux emplois et facilite la mobilité des Canadiens ».11

Que le gouvernement du Canada lie l’avenir du pays à la promotion de notre dualité linguistique ne surprendra pas étant donné le leadership qu’il exerce dans ce secteur depuis des décennies. Mais quand c’est le Fredericton Daily Gleaner qui acclame la nouvelle Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, votée à l’unanimité par l’Assemblée législative de cette province, on voit bien qu’une prise de conscience fondamentale traverse le Canada. « Les avantages pour le bilinguisme sont manifestes », écrit-on, ajoutant que « Ces avantages sont la clé du succès au sein d’une économie très compétitive et de plus en plus mondiale. »12 [traduction]

Alors oui, il nous faut préparer un plan d’action efficace, réaliste et raisonnable pour renforcer la dualité linguistique canadienne. Oui, il nous faut des communautés en action, pour elles-mêmes comme pour le Canada en entier. Ensemble, nous pouvons et nous devons faire mieux. Nous allons faire mieux.

 


  1. Communiqué du Premier ministre du Canada, 25 avril 2001.
  2. Ibid.
  3. La Commission nationale des parents francophones, Plan national d’appui à la petite enfance, document non publié, janvier 2002.
  4. Angéline Martel, Droits, écoles et communautés en milieu minoritaire 1986-2002, Étude réalisée pour le Commissariat aux langues officielles, 2002.
  5. Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Des communautés en action : politique du développement global à l’égard des communautés francophones et acadiennes en milieu minoritaire, document non publié, mai 2002, p. 50.
  6. Stacy Churchill, Nouvelles perspectives canadiennes, Patrimoine canadien, 1998.
  7. Des communautés en action, op. cit., p. 18.
  8. Société franco-manitobaine, De génération en génération : Agrandir l’espace francophone au Manitoba, octobre 2001, p. 1.
  9. Stephen A. Wurm, Atlas of the World’s Languages in Danger of Disappearing, UNESCO Publishing, 2001.
  10. Commission européenne, Eurobaromètre : l’opinion publique dans la communauté européenne, Rapport numéro 54, février 2001, pp. 1 et 2.
  11. Gouvernement du Canada, Le savoir, clé de notre avenir : le perfectionnement des compétences au Canada, 2002, p. 20.
  12. The Fredericton Daily Gleaner, 7 juin 2002.


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