« L'Équilibre fiscal au Canada »
Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Discours prononcé dans le cadre de la
Conférence sur les Affaires gouvernementales et législatives
Teamsters Canada
Ottawa (Ontario)
le 30 octobre 2002
L'allocution prononcée fait foi
Présentation (PDF)
Les surplus budgétaires fédéraux des cinq dernières années ne sont pas la
preuve qu'il existe un déséquilibre fiscal structurel dont les provinces
seraient les victimes. Ils sont plutôt le fruit d'un redressement économique
que les Canadiens ont trop difficilement obtenu pour qu'on le tienne pour acquis
[Tableau 1].
Le gouvernement du Canada ne nage pas dans l'argent. Il faut garder en tête que l'endettement fédéral de 536 milliards de dollars est plus de deux fois supérieur à celui des provinces [Tableau 2]. Le surplus du gouvernement du Canada, qui se chiffre à 8,9 milliards de dollars pour la dernière année budgétaire complétée, peut paraître important, mais il fondrait comme neige au soleil si nous relâchions notre prudence budgétaire.
Nous n'aurions pas dégagé un tel surplus si le Canada avait connu le ralentissement économique que lui annonçaient les économistes du secteur privé au moment du dernier budget fédéral en décembre 2001. Alors qu'ils entrevoyaient une croissance du PIB de 1,1 % pour le Canada en 2002, celle-ci sera de 3,4 % selon le Fonds monétaire international (FMI) [Tableau 3]. Cette performance inattendue de l'économie canadienne est tout à fait exceptionnelle dans les circonstances. La croissance ne sera que de 1,4 % en moyenne pour les pays du G7 en 2002, toujours selon le FMI [Tableau 4].
Les effets de balancier en matière budgétaire sont considérables et commandent la plus grande prudence. Regardons la situation d'autres pays. Le Congressionnal Budget Office américain anticipait, en janvier 2001, un surplus de 313 milliards de dollars US pour le gouvernement fédéral en 2002; il prévoit maintenant un déficit de 165 milliards de dollars US [Tableau 5]. En Europe, la France, l'Italie, l'Allemagne et le Portugal ont des problèmes importants de trésorerie.
Le Canada abandonnerait la prudence budgétaire qui l'a si bien servi si le gouvernement fédéral et ceux des provinces basaient leurs politiques budgétaires des prochaines années sur une méthodologie aussi peu fiable que celle qui a été retenue dans le rapport de la Commission Séguin. Si, il y a cinq ans, on avait essayé de prévoir les budgets de cette année en utilisant la méthode Séguin, cela aurait donné un surplus de 60 milliards de dollars pour le gouvernement du Canada et un surplus de 12 milliards de dollars pour le gouvernement du Québec [Tableau 6]! Les conclusions du rapport Séguin ne sont pas réalistes [Tableau 7].
Dans ces circonstances, le gouvernement du Canada appuie les gouvernements provinciaux du mieux qu'il le peut. Les transferts fédéraux aux provinces augmenteront annuellement de 6 % au cours des prochaines années alors que la hausse annuelle des revenus du gouvernement fédéral ne devrait être que de 2 % [Tableau 8]. Le gouvernement du Canada a dit, et répète, que, s'il trouve la marge de manœuvre pour faire plus à l'occasion du prochain budget, il le fera [Tableau 9]. Plutôt qu'une question de déséquilibre fiscal, c'est une question de responsabilité fédérale. Alors que les transferts fédéraux aux provinces ont été restaurés à leur niveau de 1995, les baisses d'impôt des provinces leur occasionnent un manque à gagner de plus de 22 milliards de dollars [Tableau 10]. Le gouvernement du Canada ne les critique pas pour avoir baissé leurs impôts, pas plus qu'il ne leur recommande de les augmenter. Il dit simplement que le fait que les provinces s'estiment en mesure de baisser leurs impôts est l'une des preuves de l'inexistence d'un déséquilibre fiscal.
Le gouvernement du Canada appuie les provinces en partie par les transferts, mais surtout en favorisant la bonne santé économique du pays [Tableau 11]. Si le Canada a pu échapper au ralentissement économique en ce début de décennie, c'est pour une bonne part parce que la Banque du Canada a pu baisser les taux d'intérêt au bon moment. Elle a pu le faire notamment parce que les finances publiques, autant fédérales que provinciales, étaient plus saines qu'il y a dix ou vingt ans. Après tout, le surplus fédéral est une excellente nouvelle pour tous les Canadiens. Une telle situation financière fait l'envie des citoyens des autres pays.
En somme, le gouvernement du Canada appuie ses partenaires provinciaux autant que possible et il espère pouvoir dégager des financements additionnels pour la santé, pour Kyoto, pour les infrastructures, pour les langues officielles etc. Mais il le fera tout en maintenant la prudence budgétaire qui vaut à notre pays les finances publiques les plus saines du G7 selon un rapport récent du Fonds monétaire international [Tableau 12].
Il n'y a pas de déséquilibre fiscal au Canada, il y a plutôt le devoir de s'entraider [Tableau 13].