Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Discours prononcé dans le cadre d’un
colloque portant sur la création du réseau de
santé en français pour la Nouvelle-Écosse
Dartmouth (Nouvelle-Écosse)
le 23 mai 2003
L’allocution prononcée fait foi
Au nom du Premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien, et de ma collègue la ministre de la Santé, l’honorable Anne McLellan, je tiens à vous dire que l’événement que nous soulignons aujourd’hui revêt une grande importance pour le gouvernement du Canada. Je remercie M. Stan Surette de m’y avoir invité. C’est en effet un privilège pour moi d’assister à l’inauguration du réseau pour la santé en français de la Nouvelle - Écosse.
Je suis fier de pouvoir dire que le gouvernement du Canada a collaboré à la création de ce réseau grâce à des contributions de Santé Canada et du programme Partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle (PICLO) de Patrimoine canadien totalisant 25 000 $.
Mais la mise en place de ce réseau est le fruit d’une collaboration avec l’Association des Acadiennes de la Nouvelle - Écosse, le Regroupement des aînées et aînés de la Nouvelle - Écosse, le Collège de l’Acadie et l’Université Sainte-Anne. La Fédération acadienne de la Nouvelle - Écosse (FANE) a aussi joué un rôle important. C’est elle qui a coordonné ce projet d’envergure, depuis les consultations régionales en mai 2002, en passant par le Forum provincial Santé en français tenu les 15 et 16 juin 2002 jusqu’au dépôt du rapport intitulé Les services de santé en Nouvelle-Écosse le 21 septembre 2002. La ministre fédérale de la Santé, l’honorable Anne McLellan, et l’honorable Jamie Muir, alors ministre de la Santé de la Nouvelle - Écosse, ont accueilli de façon très positive vos efforts visant à prendre en main le dossier de la santé dans vos communautés.
La participation présente et future du gouvernement du Canada à votre nouveau réseau de santé, comme à ceux des autres provinces, s’inscrit dans l’important volet santé du Plan d’action pour les langues officielles que le Premier ministre Jean Chrétien a rendu public le 12 mars dernier à la Cité collégiale d’Ottawa.
Je vais vous faire l’historique de la préparation de ce volet santé. Il mérite d’être connu, car il témoigne d’une collaboration exemplaire entre le gouvernement du Canada et des citoyens dévoués à la cause du français, à leurs communautés et à notre pays. Exemplaire, parce que la démarche que nous avons suivie en a été une de consultation étroite et de travail acharné de part et d’autre. Exemplaire aussi, parce que le résultat permettra de répondre à un besoin réel et pressant.
1. Une collaboration exemplaire
L’histoire commence en juin 1998, lorsque la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada annonce qu’elle commande une étude sur le dossier de la santé chez les francophones et les Acadiens. À l’écoute de ses membres, la FCFA perçoit bien que l’accès à des services de santé en français est un problème important. Les événements liés à l’hôpital Montfort contribuent à cette prise de conscience.
L’étude paraît en 1998, sous le titre Gardons notre santé : Étude sur le dossier de la santé chez les francophones et Acadiens. Son auteur, M. Paul Charbonneau, trace un portrait des services disponibles en français dans les communautés en situation minoritaire qui n’a rien de réjouissant. Il y a pénurie de professionnels de la santé dans de nombreuses communautés, absence de politique des services en français dans plusieurs provinces et des différences marquées entre les communautés selon leur situation démographique et sociale, le niveau de scolarisation de leur population et leur histoire.
Cette première étude recommande d’approfondir l’analyse et d’obtenir une description plus précise de la situation. En février 2000, la FCFA annonce qu’elle entreprend une deuxième étude. Celle-ci sera publiée en juin 2001. Intitulée Pour un meilleur accès à des services de santé en français, l’étude pose le problème en termes non équivoques, faisant état de :
«...difficultés dans le recrutement et la rétention du personnel en milieux ruraux ou éloignés, absence presque totale de données fiables sur les conditions des populations desservies, intégration parfois difficile des services en français dans l’ensemble du système de santé, faible appropriation par les communautés du dossier de la santé et sous - utilisation des nouvelles technologies. »1
Le 4 avril 2000, l’honorable Allan Rock, alors ministre fédéral de la Santé, annonce la mise sur pied du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire. Le mandat de ce comité est de fournir des avis au Ministre et de l’aider à mieux orienter les politiques et les programmes de Santé Canada. La présidence de ce comité est confiée à deux personnes, dont la sous-ministre déléguée à Santé Canada, Mme. Marie Fortier, et le président-directeur général de l’Hôpital général de Saint - Boniface, M. Hubert Gauthier. La contribution de M. Gauthier et de son équipe sera décisive et remarquable, et nous pouvons tous les applaudir, lui et tous les membres de son comité.
Avec l’aide financière de Santé Canada, le Comité entreprend une autre étude, encore une fois coordonnée par la FCFA. De plus grande envergure que les deux premières, cette étude, publiée en juin 2000 sous le titre La santé communautaire en français2, dresse l’inventaire des problèmes : accès limité aux services, écarts entre les provinces et les régions, population francophone plus âgée, moins présente sur le marché du travail, moins scolarisée et plus dispersée que la majorité anglophone. Surtout, l’étude souligne l’importance de la langue dans l’efficacité des soins dispensés. Se faire soigner dans sa langue est un besoin que même les plus bilingues d’entre nous ressentons. Quand nous sommes malades, c’est notre langue maternelle que nous voulons parler et entendre.
La santé communautaire en français fournit au Comité consultatif le fondement de sa réflexion. Ce dernier remet ses recommandations au ministre Allan Rock, qui les rend publiques en septembre 2001.
Le Comité retient cinq leviers d’intervention :
Ces premières propositions du Comité au ministre de la Santé sont reçues avec un certain scepticisme, non seulement par le gouvernement du Canada, mais aussi par ceux des provinces. Elles sont jugées trop ambitieuses. Même si les objectifs sont considérés comme louables et les besoins réels, le coût de leur mise en œuvre, 270 millions de dollars, semble élevé. Je me souviens notamment d’une réunion des ministres responsables des affaires francophones le 28 septembre 2001, à Edmonton, où les recommandations du Comité ont reçu un accueil plutôt froid. Votre ministre responsable des Affaires acadiennes, l’honorable Neil LeBlanc, est alors, comme moi, présent à cette réunion. L’échange entre les ministres et M. Gauthier est courtois et franc. La porte demeure ouverte, personne ne se décourage. Les membres du Comité se remettent au travail avec détermination.
Ils reformulent leur projet avec l’aide de Santé Canada. Ils changent la portée des recommandations et des initiatives envisagées, en ramenant le coût aux environs de 125 millions de dollars. Ils le soumettent à la ministre de la Santé, Anne McLellan, laquelle se montre optimiste.
Lorsque les ministres responsables des affaires francophones ont l’occasion d’examiner le nouveau projet, à St. John’s, le 4 octobre 2002, l’accueil est beaucoup plus positif qu’un an plus tôt. Les ministres qualifient de réaliste le plan qui leur est soumis.
Auparavant, dans mon discours de Whitehorse devant la FCFA, le 22 juin 2002, j’avais confirmé que la santé aurait une place de choix dans le Plan d’action pour les langues officielles. Joignant le geste à la parole, j’avais alors annoncé, au nom de ma collègue Anne McLellan, l’octroi de 1,9 million de dollars. Cette somme provenait du Fonds pour l’adaptation des soins de santé primaires, doté de 800 millions de dollars et dont la création avait été annoncée lors de la Conférence des premiers ministres en septembre 2000. Le réseau de santé pour les communautés francophones et acadienne de Nouvelle - Écosse, qui fait l’objet de ce colloque, est un résultat concret de cette mise de fonds.
Parallèlement à tout ce travail qui s’effectue du côté des communautés francophones et acadienne, les anglophones du Québec se mobilisent aussi. Santé Canada crée un comité consultatif des communautés anglophones en situation minoritaire en octobre 2000. Quoiqu’œuvrant dans un contexte différent, le Comité suivra un cheminement semblable à celui des communautés francophones en situation minoritaire et présentera à la ministre fédérale de la Santé son rapport en juillet 2002. Ce rapport propose une stratégie d’intervention globale visant l’amélioration de l’accès aux services sociaux et de santé en anglais.
Mais me voilà donc à l’automne 2002 alors que les arbitrages budgétaires commencent à se corser. Vous savez ce que c’est, la préparation d’un budget : c’est comme un entonnoir comportant de nombreux filtres : les projets fusent de partout et seuls ceux qui sont les mieux justifiés, les mieux préparés, sont retenus. S’il est alors bien accepté par le gouvernement, et en particulier par le Premier ministre et le ministre des Finances, que les langues officielles seront une priorité importante du prochain budget, encore faut-il que le Plan d’action apparaisse comme l’un de ces projets bien préparés, bien justifiés.
Je dois vous avouer que je n’ai pas eu tout ce que je voulais du ministre des Finances, l’honorable John Manley – cela n’arrive jamais –, mais j’en ai eu une grande partie, et cela, je le dois non seulement à son adhésion à la cause des langues officielles, mais aussi à tout le travail de préparation que les communautés ont fait avec mes collègues et moi - même, durant presque deux ans. Le plus bel exemple est peut-être ce que je viens de décrire à propos du volet santé : un travail de tous les instants pendant deux ans. Si nous n’avions pas fait ensemble toutes ces études, refontes et remises en question, si nous n’avions pas eu tous ces échanges, nous n’y serions pas arrivés. Le ministre des Finances aurait investi ailleurs, dans des projets mieux conçus, dont l’utilité sociale aurait été mieux démontrée.
Qu’avons-nous obtenu, grâce à ce travail conjoint? Quel est donc ce volet santé du Plan d’action qui a obtenu l’aval de l’exigeant ministère des Finances? Permettez que je vous en présente les grandes lignes.
2. Le volet santé du Plan d’action pour les langues officielles
Ce volet santé consacre des fonds totalisant 119 millions de dollars répartis sur cinq ans aux trois priorités suivantes :
Cet investissement comprend les 89 millions de dollars annoncés dans le budget de février 2003 pour la mise en œuvre d’initiatives de formation et de maintien en poste des professionnels de la santé et pour le financement du réseautage communautaire. Il comprend également 30 millions de dollars réaffectés par Santé Canada à des initiatives liées à l’offre de soins de santé primaires en milieu minoritaire dans l’une et l’autre langue officielle.
2.1 La formation et le maintien en poste des professionnels
En vertu du Plan d’action, les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire se partageront 75 millions de dollars répartis sur cinq ans affectés à la formation et au maintien en poste des professionnels de la santé. Le Consortium francophone de formation et de recherche en santé recevra 63 millions de dollars. Cet organisme, créé en 1999, regroupe neuf établissements de niveau collégial et universitaire de la francophonie minoritaire canadienne – dont l’Université Sainte - Anne – qui offrent une formation en français dans le domaine de la santé. La communauté anglophone du Québec recevra, quant à elle, 12 millions de dollars.
L’investissement aidera à remédier à la pénurie de professionnels de la santé, augmentera la capacité de formation en santé, et permettra aux futurs praticiens de travailler dans leur langue et dans leur communauté d’origine.
Pour les professionnels de la santé francophones hors Québec, ceci se traduira :
-par un meilleur accès aux programmes disponibles partout au pays dans les
établissements d’enseignement participants grâce à des cours médiatisés
et à distance;
-par le renforcement des universités et des collèges qui servent les
communautés francophones.
Pour les professionnels de la santé anglophones du Québec, le financement entraînera :
-des mesures incitatives destinées à les encourager à déménager dans les
régions éloignées de Montréal et à y rester;
-de la formation professionnelle et linguistique, particulièrement en région.
2. 2 Le réseautage
On peut créer un réseau comme celui qui fait l’objet de votre colloque, mais encore faut - il disposer des moyens de le faire bien fonctionner. Les fonds et les mesures de réseautage prévus dans le Plan d’action vous y aideront.
Les communautés recevront 14 millions de dollars répartis sur cinq ans pour le réseautage, dix millions pour les francophones en situation minoritaire, et quatre pour les anglophones vivant au Québec. Le réseautage favorisera la création de liens solides et durables entre tous les intervenants du domaine de la santé. Il permettra de canaliser l’expertise des institutions et des professionnels de la santé de même que les forces des communautés en vue d’assurer la prestation de services de santé dans la langue officielle du patient.
2.3 Les soins de santé primaires
Enfin, le Plan d’action alloue 30 millions de dollars provenant de l’enveloppe du Fonds pour l’adaptation des soins de santé primaires réservée aux communautés minoritaires de langue officielle, dont 20 millions aux francophones en situation minoritaire et 10 millions aux anglophones du Québec. Les fonds de cette enveloppe visent, notamment, des soins de santé mieux adaptés aux réalités des régions et des communautés, ceci à l’intérieur des systèmes de soins de santé provinciaux et territoriaux. Les sommes permettront un accès élargi aux soins primaires, des services plus efficaces et une satisfaction accrue de la clientèle.
Santé Canada procédera à une évaluation des initiatives pour s’assurer qu’elles atteignent les objectifs visés et les résultats escomptés. Ces évaluations permettront de déterminer la pertinence des activités, d’effectuer des changements, au besoin, d’améliorer le rendement et de tenir compte des répercussions des initiatives dans les communautés.
Tel est donc le volet santé de notre Plan d’action, à l’origine de l’événement qui nous réunit aujourd’hui : l’inauguration du réseau pour la santé en français de la Nouvelle-Écosse.
Conclusion
Cette histoire commencée en 1998 aura permis de démontrer qu’une collaboration efficace peut mener à une initiative conçue avec les communautés, pour les communautés. Cela n’est pas facile, cela demande beaucoup de persévérance, car les gouvernements sont assaillis de toutes parts par des besoins pressants et ils n’ont pas les ressources pour répondre à tout.
Les politiciens que vous élisez et les fonctionnaires qui les secondent, avec lesquels vous travaillez depuis plusieurs années, ont à cœur de réaliser des progrès réels et durables. Continuez de les aider à vous aider. Dans le domaine de la santé, vous y êtes parvenus de façon exemplaire. Oui, vraiment, ce qui s’est produit a valeur d’exemple.