« VERS UN CANADA ENCORE MEILLEUR :
UNE COLLABORATION AXÉE SUR LE CITOYEN »


Notes pour une allocution
de l’honorable Lucienne Robillard
Présidente du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales


À L’OCCASION DE L’OUVERTURE DU CONGRÈS ANNUEL DE L’INSTITUT D’ADMINISTRATION PUBLIQUE DU CANADA


Vancouver (Colombie-Britannique)


Le 30 août 2004


L’allocution prononcée fait foi


Madame la lieutenante-gouverneure de la Colombie-Britannique,

Monsieur le chef Leonard George de la Nation Tsleil-Waututh,

Madame la présidente nationale de l’IAPC,

Mesdames et messieurs,


Il m’est particulièrement agréable de me retrouver à Vancouver aujourd’hui, à l’occasion de ce Congrès national 2004 de l’Institut d’administration publique du Canada. Je ne crois pas me tromper en affirmant que la beauté spectaculaire de cette ville et la chaleur de ses résidants font l’orgueil de tous les Canadiens et Canadiennes, même s’ils ont vu le jour dans d’autres régions du pays.


J’aimerais d’abord vous remercier tout particulièrement de votre invitation d’aujourd’hui. Comme ministre des Affaires intergouvernementales, je me sens interpellée au premier chef par des discussions que vous avez bien voulu faire porter sur les défis du XXIe siècle, dans une optique de renouveau d’un Canada intergouvernemental. Ce thème, je vous félicite d’autant plus de l’avoir choisi car il répond à une préoccupation de nos gouvernements : comment peut-on renouveler ensemble les relations intergouvernementales et adopter dans ce domaine une nouvelle approche, pour le mieux-être des citoyens?


Votre réflexion sur ces questions nous sera utile à plus d’un titre. Ce défi, auquel je viens de faire allusion, c’est ensemble que nous sommes appelés à le relever.


[Les fondements d’une réussite humaine : Le Canada]

Quand on se projette vers l’avenir, il est essentiel de considérer d’abord et avant tout les fondements de l’expérience canadienne. Notre identité canadienne repose sur un ensemble de valeurs qui nous valent une réputation plus qu’enviable sur la scène internationale. Je veux parler notamment de la primauté des droits et des libertés, de la tolérance, de l’égalité des chances, de la démocratie, de la justice sociale, du droit à la différence et du respect de la diversité qui se situent au cœur d’une réussite humaine : le Canada. Ces valeurs sont à l’origine même de notre esprit collectif et le pluralisme est à la base même de notre pays.


Dès ses débuts, le Canada s’est voulu un appel lancé à la solidarité de citoyens issus des horizons les plus diversifiés, que ce soit sur le plan culturel, linguistique, géographique ou religieux, et venus enrichir notre identité canadienne. Notre fédération est née en réponse à ce pluralisme contrairement aux pays qui ont choisi l’uniformisation par la création d’un État unitaire. Ainsi, le fonctionnement du système fédéral mis en place comportait deux aspects principaux : d’une part, fondre en un courant d’unité une volonté partagée de réaliser des objectifs nationaux; d’autre part, assurer le rayonnement de la spécificité propre à chacune des cultures et des régions de la fédération. De tout temps, cet équilibre imprègne la dynamique des relations entre nos gouvernements. En outre, il met en relief une nécessité de premier plan : le profond respect dû aux réalités provinciales, qui constitue une donnée incontournable de notre paysage politique. Le choix d’une union fédérale faisait en sorte que le succès de ce nouveau pays serait intimement lié à la capacité des différents ordres de gouvernement de concourir conjointement à la poursuite d’objectifs communs et à la prospérité des citoyens. Cette dynamique a transcendé notre cheminement dans le temps et elle s’impose à nous avec tout autant d’acuité en 2004.


[Apprendrede nos expériences : quelques exemples]

Nos expériences passées et présentes sont là pour paver la voie de l’avenir. Nos succès et nos échecs ont influencé l’état actuel de nos relations intergouvernementales.


Évidemment, dépendant du point de vue où l’on se place, on peut avoir une perception légèrement différente de ces événements, mais une chose est certaine : le fédéralisme canadien n’est ni statique, ni sclérosé et, pour cette raison, il faut continuer à travailler ensemble. L’histoire canadienne nous a enseigné qu’un pays représente davantage que la somme de ses parties. Rien ne saurait mieux mettre en évidence ce qui vient cimenter l’esprit de solidarité qui doit animer le pays. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres pour changer ce qui doit l’être, dans un souci partagé de moderniser notre gouvernance.


Nous l’avons fait, entre autres, lorsqu’a été conclue l’Entente-cadre sur l’union sociale, le 4 février 1999. En vertu de cette entente, les gouvernements se sont engagés à mieux travailler ensemble en vue de renforcer notre système de soins de santé, d’éliminer les barrières à la mobilité, de faire participer les Canadiens à l’élaboration des politiques et des programmes sociaux, et de consolider le partenariat entre les gouvernements. Par ailleurs, ces mêmes engagements ont eu pour effet d’accroître l’obligation pour chaque ordre de gouvernement de rendre des comptes à ses citoyens en mesurant les résultats de ces programmes.


L’Entente-cadre sur l’union sociale ne marquait pas la fin d’un processus, mais le début d’une collaboration plus efficace entre les gouvernements dans les domaines de la santé, de l’aide à l’enfance, des études postsecondaires et des autres programmes sociaux. À cet égard, j’aimerais souligner que, même s’il s’agit d’une réussite intergouvernementale, il faut entretenir ce désir de faire encore mieux et d’améliorer nos façons de faire, le Québec n’ayant pas encore adhéré à l’Entente.


Un autre exemple de collaboration réussie est la mise en place, en juillet 1998, du Programme de prestation nationale pour enfants. Il s’agit d’un partenariat entre le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les Premières nations qui vise à prévenir et réduire l’étendue de la pauvreté chez les enfants, à faciliter l’intégration des parents au marché du travail et à réduire les chevauchements et dédoublements des programmes gouvernementaux.


Nous pouvons aussi parler de nos ententes sur la main-d’œuvre. Ces ententes ont été conclues depuis 1997 avec toutes les provinces, sauf l’Ontario; grâce à ces ententes, les provinces sont devenues responsables de la mise en œuvre de mesures actives d’emploi financées à même la caisse de l’assurance-emploi. Chaque entente est conçue pour répondre aux besoins spécifiques des marchés du travail de chaque partenaire provincial.


Enfin, l’Accord sur le commerce intérieur conclu avec les provinces en 1995 a permis de réduire les obstacles aux échanges économiques à l’intérieur du pays ainsi que de favoriser la mobilité des travailleurs entre les provinces et les territoires, mais nous pouvons faire encore mieux. Il nous est possible de parfaire notre entente dans ce domaine car plusieurs questions restent encore non résolues. Les provinces et les territoires ont déjà entrepris des travaux dans le cadre du Conseil de la fédération. Le gouvernement canadien se réjouit de la volonté de nos partenaires d’accroître le commerce intérieur, qui constitue l’une des conditions essentielles à la création d’emplois, ainsi qu’à notre prospérité collective.


Bref, et c’est là une évidence, le Canada est plus fort lorsque les gouvernements œuvrent ensemble à son progrès. Les partenaires de la fédération ne peuvent évoluer en vase clos. Chacun est convié à une collaboration qui se traduira, sur le plan concret, par une amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.


[Défis d’un nouvel environnement et une nouvelle approche de collaboration axée sur le citoyen]

Lorsque les historiens se pencheront sur la période que traverse actuellement le Canada, ils seront frappés, il n’y a pas lieu d’en douter, par les changements de tous ordres qui auront marqué le tournant du siècle; non seulement au sein du pays, mais aussi dans le monde considéré globalement. Cette réalité n’est pas sans exercer une incidence sur notre façon de concevoir les rapports intergouvernementaux.


Prenons acte du nouvel environnement qui influence notre vie quotidienne. L’omniprésence des communications, l’émergence de l’internet comme fenêtre sur le monde et un niveau d’instruction accru au sein de la population font en sorte que le Canadien de 2004 est mieux au fait qu’il ne l’était auparavant des réalités qui l’entourent et ses exigences à l’endroit de ses représentants s’en trouvent d’autant plus grandes. Comment ajuster notre action au diapason de ces nouvelles attentes? Comment impliquer davantage le citoyen dans l’élaboration des politiques gouvernementales et comment mieux lui rendre compte de nos actions?


Nous savons aussi que toutes les communautés du pays, en particulier les Autochtones, désirent elles aussi participer plus activement aux affaires du pays. Comment élaborer des mécanismes de gouvernance et de coopération leur permettant de mieux profiter de notre prospérité?


Nos concitoyens habitent de plus en plus les zones urbaines, les attentes et les besoins sont grandissants et les gouvernements confient de plus en plus de responsabilités aux municipalités. Conscient de cette réalité, notre gouvernement s’est donné comme priorité de redéfinir ses relations avec les villes, qui espèrent l’avènement d’un nouveau pacte qui leur permettrait de prendre part au débat national et leur assurerait un financement à long terme, stable et durable. Dans une optique intergouvernementale, cette question pose un défi de taille : comment respecter les compétences provinciales tout en répondant aux besoins criants des instances municipales? Déjà, le gouvernement du Canada a su mettre de l’avant des façons de relever ce défi. En effet, l'engagement du gouvernement fédéral, dans son budget 2004, de remettre aux municipalités la TPS respecte les compétences provinciales tout en aidant financièrement les municipalités. Le gouvernement fédéral examine d'autres initiatives de ce genre, par exemple : la taxe fédérale sur l'essence qui pourrait être partagée avec les municipalités.


Sur le plan international, l’ouverture des frontières, la mondialisation, les questions relatives au travail, la croissance du rôle du Canada dans le monde créent une nouvelle dynamique qui, elle aussi, a des répercussions sur le citoyen et sur les rapports entre gouvernements en raison des nombreux secteurs touchés par ce mouvement de changement. En effet, si les affaires internationales continuent d’influencer des secteurs d’activités tels que la défense, la sécurité et le commerce international, leur évolution fait en sorte que d’autres aspects de notre vie, autrefois à l’abri de réalités internationales, se voient aujourd’hui directement touchés par cette redéfinition des interactions entre les pays et les continents. Je veux parler des questions culturelles, d’éducation et d’environnement qui, en partie ou en totalité, relèvent des provinces. Comment alors établir des consensus avec les provinces sur ces enjeux afin que nous parlions d’une seule et même voix, forte, sur la scène internationale?


Autre défi, et non le moindre : comment faire face aux pressions financières et fiscales qui s’exercent sur les gouvernements, tout en maintenant le principe fondamental d’égalité des chances dans le pays? Nous avons développé des moyens divers qui forment aujourd’hui un régime fiscal complexe. À la base, le régime de la péréquation a été conçu justement pour que le gouvernement fédéral puisse mettre en commun les revenus de tous les Canadiens en vue de les redistribuer aux provinces afin d’égaliser leur capacité de servir leurs citoyens. C’est là un exemple tellement représentatif des valeurs chères aux Canadiens et Canadiennes qu’on en a inscrit le principe dans la Constitution pour en assurer la pérennité. À cela s’ajoutent des transferts spécifiques qui contribuent à des objectifs nationaux bien définis comme le transfert pour la santé. Tous ces instruments ont évolué au cours des ans. En ce qui a trait à la péréquation, beaucoup de questions sont posées en ce moment non pas sur son existence ou son objectif mais sur les méthodes de calcul, les éléments dont on doit ou non tenir compte, les répercussions des cycles économiques sur les paiements, etc. Ces questions demandent qu’on s’y attarde car les enjeux sont grands pour les provinces qui ont une capacité fiscale réduite et dont les citoyens ont les mêmes besoins que ceux des provinces plus riches.


Les questions que j’ai évoquées permettent de mesurer toute l’étendue des défis qui se posent à nous. Il est devenu un lieu commun de réclamer des changements dans les relations intergouvernementales afin de faire face à ces enjeux. Ces changements, il faut en convenir ensemble, doivent être réalisables au plan politique, ce qui signifie : tenir compte de millions d’intérêts existants dans l’ensemble du pays. Mais, avant d’arriver à destination, avant même de poursuivre l’exercice, il nous faut aborder notre parcours avec un approche différente. Il nous faut sortir des contraintes immédiates du système, changer de perspective, laisser notre imagination survoler les multiples obstacles et considérer l’aspect le plus fondamental de la dynamique intergouvernementale canadienne : les besoins des citoyens. Malgré les difficultés qui sous-tendent ces défis, une solution me semble s’imposer d’emblée : centrer notre action sur le citoyen, ses besoins et ses aspirations. C’est le citoyen qui doit guider l’élaboration et la mise en œuvre des politiques des gouvernements avec lesquels il est appelé à transiger. Ce que mon gouvernement vous propose, c’est une nouvelle approche de collaboration axée sur le citoyen.


En créant le Conseil de la fédération, en décembre dernier, les provinces et les territoires se sont pourvus d’une tribune qui était en réponse à ce besoin de changement. Cette initiative mérite d’être soulignée. Notre gouvernement est toujours prêt à envisager des façons d’améliorer les relations intergouvernementales et le dialogue entre les différents ordres de gouvernement au profit des Canadiens.


[Conclusion : le défi d’une réussite]

Dans ce contexte, la Rencontre des premiers ministres, qui débutera le 13 septembre, revêt une importance que nous ne saurions négliger. Cette réunion est avant tout une occasion de continuer notre cheminement vers un système de santé durable, innovateur et souple. Mais c’est beaucoup plus : à mes yeux, cette réunion nous offre l’occasion de regagner la confiance des Canadiens et des Canadiennes face au système de santé. Pour les gouvernements, c’est aussi l’occasion de réaliser un projet ensemble, d’aller au-delà de leurs intérêts légitimes mais parfois étroits pour mettre l’intérêt des citoyens à la première place et de pouvoir envisager une nouvelle ère de collaboration. C’est dans cet esprit que j’encourage tous mes collègues à se préparer à la Rencontre des premiers ministres et à assurer son suivi. Car il faut constater que l’évolution du système de santé et des relations intergouvernementales sont des projets qui demeurent en tout temps à l’ordre du jour des gouvernements du Canada.


Il nous faut redonner au citoyen une confiance nouvelle dans les gouvernements du pays. L’heure n’est plus aux attitudes obstinées, ni aux épreuves de force improductives, ni aux querelles stériles. Les Canadiens ne l’accepteraient pas. La Rencontre des premiers ministres nous procure une occasion privilégiée de nous donner la main, de travailler côte à côte à la poursuite d’objectifs communs, de marcher dans la même direction, bref de mettre en œuvre une nouvelle approche de collaboration axée sur le citoyen.


Invariablement, les premiers ministres représentent des partis politiques différents et ont des impératifs politiques différents. Dans une fédération, il est tout à fait normal et même sain qu’il y ait des désaccords, des divergences de vues, mais il importe que, lorsqu’il s’agit de l’intérêt national – celui du citoyen –, tous les gouvernements sachent s’élever au-dessus de ces différences, que les premiers ministres s’appuient les uns les autres pour atteindre des objectifs communs et démontrent suffisamment de flexibilité pour accommoder la diversité qui caractérise notre pays. Nous serons plus forts si nous travaillons ensemble. Nous serons plus forts si nous savons nous respecter les uns les autres. Nous serons plus forts si nous accordons la priorité au citoyen canadien.


Je vous souhaite un congrès des plus fructueux et vous remercie encore une fois de votre aimable invitation.

 



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