RAPPORT SOMMAIRE
6 octobre 2003
Représentants des communautés anglophones
Le lundi 6 octobre 2003, les ministres Stéphane Dion, Lucienne Robillard, Jane Stewart, Allan Rock et Claudette Bradshaw se sont entretenus avec les représentants des communautés anglophones en situation minoritaire. Le député Mauril Bélanger, président du Comité permanent des langues officielles, était présent. Cette séance a eu lieu dans le contexte de l’engagement du gouvernement à tenir des consultations annuelles avec les communautés minoritaires de langue officielle, en vertu de l’article 36 du cadre d’imputabilité et de coordination du Plan d’action pour les langues officielles.
Ouverture de la séance
L’honorable Stéphane Dion a ouvert la séance en assurant les participants que l’engagement à l’égard des consultations ministérielles annuelles ne visait pas à remplacer les réunions bilatérales entre les groupes communautaires et les ministères fédéraux. Ces consultations constituent un important point de contact additionnel pour les chefs de file communautaires et permettront de gagner du terrain à l’étape de mise en œuvre du Plan d’action.
Développement des ressources humaines Canada
L’honorable Jane Stewart a été la première à prendre la parole durant la séance de la soirée. La ministre a rassuré les représentants communautaires quant aux engagements du Plan d’action, en mentionnant que leur mise en œuvre était en cours grâce aux soins attentifs de l’honorable Stéphane Dion. Le ministère du Développement des ressources humaines (DRHC) se concentre principalement sur le développement des capacités au sein des communautés. La coordination des activités du ministère en matière de langues officielles est assurée par son Secrétariat, dont le mandat consiste à renforcer l’appui au développement des capacités, notamment en facilitant l’accès des programmes aux anglophones du Québec. Des millions de dollars ont d’ailleurs été investis à cette fin. À l’échelle locale, DRHC continue à travailler de concert avec huit instances du développement économique communautaire, en particulier dans le domaine de l’emploi.
L’honorable Claudette Bradshaw a réitéré son désir de connaître les préoccupations des représentants anglophones, notamment en ce qui concerne les sans-abri et la façon dont cette question a été traitée dans leur communauté linguistique.
Interventions communautaires
Le président du Quebec Community Groups Network (QCGN), M. Martin Murphy, s’est dit favorable à l’exercice de consultation entre le gouvernment et les « représentants nationaux des communautés de langue officielle du Canada ». Cet organisme a fait un compte rendu bref et direct des questions qui préoccupent la communauté anglophone du Québec. M. Murphy a présenté diverses statistiques pour parler du déclin de la population d’expression anglaise de cette province, en particulier dans la région de Montréal. Il a également indiqué que la communauté anglophone était plus hétérogène qu’avant, comme on peut le constater dans les écoles, et a fait état du niveau de chômage croissant chez les anglophones.
M. Murphy a réaffirmé l’objectif global du QCGN, qui est de préserver la capacité de la communauté anglophone de vivre dans la langue officielle de son choix. Cela s’accompagne toutefois d’inquiétudes de toutes sortes. Par exemple, la question « du financement représentatif », c’est-à-dire un financement équitable et non un financement égal, pour les groupes anglophones par rapport aux groupes francophones demeure préoccupante. C’est là une question qui continuera d’être soulevée et qu’il faudra résoudre avant longtemps, selon le QCGN.
Industrie Canada
L’honorable Allan Rock, ministre de l’Industrie, a précisé que le mandat d’Industrie Canada en matière de langues officielles était de veiller à ce que l’information sur les occasions d’affaires soit accessible dans les deux langues. Le site Web « Strategis » du ministère est l’un des principaux outils conçus à cet effet. Il procure des renseignements sur les services, les possibilités et les programmes du gouvernement dans les deux langues officielles. On est toutefois conscient, à Industrie Canada, que l’accès aux services pose un défi de taille pour les petites collectivités du Québec et que les services d’approche pour les communautés éloignées doivent être améliorés. C’est pourquoi Industrie canada est déterminé à travailler avec les associations communautaires en vue de rendre accessibles les programmes pertinents dans autant de régions que possible.
Interventions communautaires
David D’Aoust, directeur exécutif, The Community Table, a fait l’éloge des séances de consultation visant les communautés de langue officielle en situation minoritaire, en disant qu’elles témoignent de la capacité de l’administration publique d’« écouter » et de l’importance que les ministères fédéraux responsables des initiatives du Plan d’action accordent à la responsabilisation. En particulier, il a fait état de l’étroite collaboration qui existe entre son organisme et DRHC, ainsi qu’avec Industrie Canada. M. D’Aoust a « rappelé » au gouvernement certains engagements du Plan d’action. Il a insisté sur la manière dont son organisme pourrait contribuer à l’atteinte de ces objectifs, y compris l’engagement du Conseil du Trésor visant à accroître le recrutement des anglophones dans la fonction publique fédérale au Québec, de même que l’utilisation de l’initiative TableNet.
Secrétariat du Conseil du Trésor
L’honorable Lucienne Robillard a débuté en disant que la fonction publique est le point de mire du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) et que la dualité linguistique est l’une des valeurs de cette fonction publique. Elle a reconnu que les anglophones étaient sous-représentés dans les bureaux du gouvernement fédéral au Québec et qu’elle entendait remédier à cette situation. Elle a d’ailleurs invité les groupes communautaires à travailler avec le SCT pour lui donner des idées sur la manière d’y arriver. Elle a également cité des études démontrant que la sensibilité des Canadiens à l’égard de la dualité linguistique diffèrent d’une région à l’autre: moins une personne a de rapports avec « l’autre langue », moins elle est sensible à la question. La ministre a également mis l’accent sur la formation linguistique. Le Plan d’action permet au SCT d’appliquer sa stratégie proactive voulant que les fonctionnaires acquièrent des compétences en langue seconde en début de carrière. Le Plan d’action prévoit aussi le renforcement du rôle de vérification du SCT, un domaine où il avait peu d’impact auparavant. À titre d’exemple, elle a mentionné les aéroports et les services téléphoniques comme étant deux secteurs où le SCT pourrait jouer un rôle important.
Patrimoine canadien
Au nom de la ministre du Patrimoine canadien, Mme Judith A. LaRocque, sous-ministre de ce ministère, a fait état de la relation de longue date avec les communautés pour ce qui touche l’enseignement dans la langue de la minorité, l’apprentissage de la langue seconde, les bourses des moniteurs, les ententes de services et l’appui à la vie communautaire. Elle a rappelé les objectifs du Plan d’action en éducation et le fait que la ministre en a discuté avec le Conseil des ministres de l’éducation (Canada). Celle-ci a entrepris des pourparlers avec les provinces et les territoires sur les fonds ciblés; les ententes de services viennent à échéance en 2004 et une évaluation est en cours. Mme LaRocque a souligné que son ministère n’est plus la seule porte d’entrée pour obtenir de l’aide à la vie communautaire; elle a ajouté que l’évaluation du programme sera rendue publique prochainement et que des séances d’information sur les grands constats seront organisées dans un avenir rapproché.
Interventions communautaires
Cindy Duncan-McMillan, présidente, Quebec Farmers Association (QFA), a applaudi aux actions entreprises par le gouvernement pour tenter de réduire les disparités rurales. Elle a fait valoir l’importance d’en apprendre davantage sur les communautés de l’autre langue officielle en situation minoritaire au pays et sur les pratiques en cours pour les aider, qu’il s’agisse d’agriculteurs, d’infirmières ou d’entrepreneurs. L’expérience de la QFA, qui représente une minorité linguistique rurale, serait bénéfique à d’autres groupes similaires dans les régions hors Québec et vice versa. La situation des producteurs agricoles (et la réalité rurale en général) est différente de celle des membres de la même minorité linguistique vivant en milieu urbain. Par conséquent, plus les informations et les expériences seront partagées, plus les parties concernées pourront en profiter.
Ministère de la Justice
Yves de Montigny, premier conseiller juridique, Droit public, a parlé au nom de l’honorable Martin Cauchon. Il a donné des précisions sur des éléments du Plan d’action qui concernent le ministère de la Justice, dont l’engagement de celui-ci à l’égard des contraventions, ainsi que les initiatives visant à promouvoir l’accès à la justice dans les deux langues officielles. Quatre priorités ministérielles ont été dégagées dans l’étude intitulée État des lieux sur la situation de l’accès à la justice dans les deux langues officielles commandée par le ministère. La première priorité a trait à la mise en œuvre des dispositions linguistiques du Code criminel, qui a été jugée incomplète. Depuis, le ministère a décidé de mettre l’accent sur les projets conçus pour améliorer cette situation. La deuxième priorité concerne la base de financement pour les associations de juristes d’expression française et leur fédération nationale. La troisième priorité touche à la création d’un mécanisme de consultation auprès des associations communautaires, qui serait l’équivalent du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles, créé en 2002. Le QCGN et les représentants de la communauté juridique anglophone du Québec seront invités à siéger au comité consultatif principal et aux sous-comités. La quatrième priorité est le développement d’outils à l’intention des conseillers juridiques de Justice Canada afin de les informer sur les questions relatives aux droits linguistiques.
Interventions communautaires
Casper Bloom, coprésident, Comité sur l’accès à la justice en langue anglaise a fait valoir que l’accès à la justice en anglais est un besoin qui ne concerne pas seulement Montréal. Son intervention a surtout porté sur deux de ses projets. D’abord, en sa qualité de coprésident du Comité sur l’accès à la justice en langue anglaise, il a mis sur pied un « comité de mise en œuvre » chargé de recueillir les réactions et les impressions d’un nombre significatif d’avocats de langue anglaise de la région métropolitaine de Montréal œuvrant dans différents milieux. Le mandat de ce comité était de répondre de manière satisfaisante aux préoccupations de la communauté anglophone relatives au système de justice et à l’accessibilité à ce système. Le rapport final est présentement à l’étape de l’examen et sera présenté au ministre de la Justice du Québec au moment opportun.
Le deuxième projet a trait à la version anglaise du Code civil du Québec. À bien des égards, la version anglaise du Code était inacceptable : nombreux passages traduits de façon littérale, fautes de grammaire, mauvais choix de mots, expressions fautives, langage incompréhensif, etc. Un comité, présidé par M. Bloom, a donc été créé pour examiner la question. Les groupes qui le composent (10 équipes d’avocats, chacune étant responsable d’un livre du Code) ont maintenant achevé l’étape du « déchiffrage ». Une fois que les 10 pièces de l’ouvrage formeront un tout cohérent, il sera présenté au ministère de la Justice du Québec pour approbation, puis déposé à l’Assemblée nationale aux fins d’adoption. Puisque les versions française et anglaise sont toutes deux officielles, ce projet est perçu comme étant crucial pour les anglophones du Québec.
Ministère de la Santé
Marcel Nouvet, sous-ministre adjoint, Santé Canada, représentait la ministre Anne McLellan. À son avis, la séance de consultation est une excellente occasion d’écouter les associations communautaires et d’apprendre en même temps. Il a également reconnu que les obstacles linguistiques ont un impact négatif sur l’accès aux services de santé et, en bout de ligne, sur le bien-être des individus. Les investissements faits par Santé Canada aux termes du Plan d’action sont axés sur des domaines comme la formation et le maintien en poste des professionnels de la santé, l’établissement de réseaux et le renouvellement des soins de santé de première ligne. De manière générale, Santé Canada a établi l’ordre de priorité de ses activités et a cerné les engagements en matière de financement donnant suite aux recommandations des comités consultatifs des communautés francophones et anglophones.
Interventions communautaires
James Carter, coordonnateur, Réseau communautaire de services de santé et de services sociaux, a dit appuyer l’engagement de Santé Canada qui favorise la participation des communautés à l’établissement de ses priorités. Il a fait remarquer que les mesures prises par le ministère sont le reflet les priorités établies par le Comité consultatif des communautés minoritaires anglophones en situation minoritaire qui ont été présentées à la ministre de la Santé en juillet 2002. M. Carter était heureux d’affirmer que le Plan d’action illustre fidèlement le travail concerté entre l’organe consultatif et les fonctionnaires de Santé Canada. Il était aussi très fier de parler d’un projet soumis par l’Université McGill en vue d’améliorer l’aptitude des professionnels d’expression française au service de la population anglophone en région de communiquer en anglais. Dans l’ensemble, la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux au chapitre de l’application des mesures contenues dans le Plan d’action est très encourageante pour la communauté anglophone. Le Réseau a bon espoir que le Plan sera couronné de succès, mais pense qu’il sera essentiel que les deux ordres de gouvernement renforcent leur collaboration afin d’atteindre leurs objectifs.
Discussion générale
- L’honorable Warren Allmand a lancé le débat libre en soulevant un point associé à l’immigration. Il a demandé ce que le gouvernement entendait faire concernant la baisse importante de la population anglophone du Québec. Selon les statistiques, la proportion d’anglophones est passée de 13,1 % à 8,3 % de la population totale du Québec de 1986 à 2001.
(Note : On a demandé à Citoyenneté et Immigration Canada de préparer une réponse écrite.)
- James Carter a parlé du retrait de Santé Canada de certains programmes et projets. Il voulait avoir l’assurance que d’autres programmes ne feraient pas l’objet de compressions semblables, notamment le Partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle (PICLO) qui, d’après ce qu’il a entendu, serait supprimé lui aussi.
Judith LaRocque, Sous-ministre de Patrimoine canadien, a répondu que le PICLO ne serait pas coupé étant donné l’accueil qu’il a reçu et l’usage qu’on en a fait partout au pays. Cependant, le point de mire de ce programme pourrait être modifié afin de favoriser les projets à plus « vaste incidence ». Ce changement de cap est attribuable au fait que de nombreux groupes ont maintenant leurs propres sources de financement par le biais du Plan et qu’il n’est plus nécessaire de recourir au PICLO pour tous les projets proposés, larges et petits. Le PICLO peut servir principalement, mais pas exclusivement, pour les projets de grande envergure, et les groupes communautaires peuvent se concentrer sur les projets plus modestes.
- Martin Murphy a dit que des fonds additionnels étaient nécessaires pour permettre au QCGN d’embaucher plus de personnel à temps plein. Afin de recevoir sa « juste part » du financement pour les langues officielles, le QCGN doit être informé de la façon d’accéder aux sources de financement. Le QCGN compte 900 000 membres, mais n’a qu’un seul directeur exécutif rémunéré, ce qui nuit à ses activités de lobbying et l’empêche de bien représenter tous ses membres.
- Jane Needles (Fédération d’art dramatique du Québec) a parlé en faveur de la communauté des arts dramatiques, en mentionnant que le PICLO est une source de revenu majeure pour cette communauté et que ce programme doit rester bien vivant.
Judith LaRocque a répété que le PICLO ne serait pas supprimé.
- Cindy Duncan-McMillan a demandé comment les choses allaient se passer dorénavant. Par exemple, que se passera-t-il lorsqu’elle sollicitera un dialogue avec d’autres groupes similaires de langue officielle en situation minoritaire de l’extérieur du Québec?
L’honorable Stéphane Dion a soutenu que le dialogue avec des groupes de même tendance est important et que les fonctionnaires feraient un suivi de cette question.
- John Trent a repris le point soulevé par Martin Murphy un peu plus tôt quant au besoin pour le QCGN d’avoir plus de ressources financières. On a alors indiqué que si les ressources ne sont pas disponibles sous peu, l’aide que le QCGN pourra apporter dans la mise en œuvre du Plan d’action sera très limitée.
Clôture de la séance
L’honorable Stéphane Dion a clos la discussion en remerciant tous les participants des idées échangées et de l’information mise de l’avant. Le grand message qui ressort du processus de consultation se résume à ceci : « Qu’est-ce que nous [le gouvernement] peut faire pour vous aider? » Il a ajouté qu’il attendrait avec impatience les résultats de la séance de consultation entre les groupes communautaires et les représentants du gouvernement qui aura lieu au printemps 2004.