Lettre à l'Ombudsman de la SRC
Service de presse du CPM: (613) 957-5555
(TRADUCTION)
Monsieur David Bazay
Ombudsman de la CBC
C.P. 500
Succursale A
Toronto (Ontario)
M5W 1E6
Monsieur,
Je vous écris pour me plaindre officiellement de la couverture médiatique de la CBC relative à la sécurité entourant le Sommet de l'APEC l'an dernier et aux audiences de la Commission des plaintes du public contre la GRC dans cette affaire.
Plus précisément, des articles parus dans le Vancouver Sun et dans The Province ces derniers jours nous ont appris que CBC News, par l'intermédiaire du journaliste attitré Terry Milewski, pourrait avoir adopté dès le départ une position biaisée dans ce dossier. Il semble que M. Milewski ait pris parti, d'emblée, pour les plaignants, qu'il ait élaboré en secret des stratégies juridiques avec un plaignant et qu'il ait tenté de présenter le gouvernement, selon ses propres termes, comme les «Forces de l'ombre» («the Forces of Darkness»).
Le 14 octobre, le quotidien The Province a révélé que M. Milewski «conseillait un des manifestants arrêtés au cours du Sommet de l'APEC l'an dernier». Il cite un courrier électronique de Craig Jones à M. Milewski : «Hé Terry, merci pour ta note... J'ai transmis tes commentaires et tes suggestions à Arvay (l'avocat de M. Jones).» Le journal révèle aussi que M. Milewski a conseillé M. Jones et son avocat au sujet de «l'interrogatoire des témoins du gouvernement», à la condition expresse, et je le cite, qu'ils «ne mentionnent pas mon nom ni ne communiquent les renseignements à d'autres médias, bien sûr». The Vancouver Sun, pour sa part, a révélé le 15 octobre que M. Milewski a fourni des «conseils sur les témoins à appeler».
Pendant tout ce temps où M. Milewski conseillait secrètement MM. Jones et Arvay, ses reportages sur l'APEC ont reçu beaucoup d'attention sur les ondes de la CBC, sans qu'il soit fait mention de ce conflit d'intérêts flagrant.
En fait, les preuves documentaires publiées par le Vancouver Sun et The Province expriment très clairement l'intention et les buts visés par M. Milewski, sinon par la CBC. Selon l'édition du 10 octobre du Vancouver Sun, dans son courrier électronique, «M. Milewski a fourni (à M. Jones) une synthèse des renseignements qu'il a extraits d'un document confidentiel et a fait des remarques peu flatteuses au sujet de la police et des avocats fédéraux.» Le 14 octobre, The Province a publié l'extrait suivant d'un courrier de M. Milewski à M. Jones : «Merci encore pour ton aide dans cette affaire. Il n'y a pas grand-chose aux nouvelles de ce soir, malheureusement – c'est à peine si la question a été effleurée en ondes – il faudra donc attendre Jones c. les Forces de l'ombre devant les tribunaux pour tenter de nouveau de mousser cette affaire.»
Les courriers électroniques publiés dans la presse ne représenteraient qu'une fraction de la correspondance écrite par M. Milewski que possède la Commission des plaintes du public contre la GRC. Je vous encourage à vous adresser à la Commission pour obtenir le reste de ces documents.
L'enjeu ici n'est pas le côté «agressif» de la couverture. Dans le dossier de l'APEC, comme dans tout autre, il ne peut être question de se plaindre de la vigueur et de la profondeur du journalisme. Il est essentiel qu'il en soit ainsi dans une démocratie. D'ailleurs, au fil des ans, cette approche, équitable et vigilante, a été caractéristique de la CBC. De plus, le personnel de notre bureau et les membres de ce gouvernement ont entretenu et continuent d'entretenir des relations cordiales et professionnelles avec les journalistes de la CBC. Leurs normes sont parmi les plus élevées de la profession.
Il s'agit plutôt d'une campagne concertée pour mousser l'affaire de l'APEC en ne présentant qu'un seul côté de la médaille tout en travaillant secrètement avec une des parties intéressées. M. Milewski emploie lui-même l'expression «to milk the issue».
On peut supposer qu'en tant que journaliste de la CBC chargé du dossier de l'APEC, M. Milewski conseille CBC News sur l'importance relative des points soulevés pendant l'enquête et décide de la couverture à y donner. Nous estimons que cela a affecté la couverture de cette affaire.
Par exemple, dans son reportage du 8 septembre, M. Milewski a dit qu'il existait «des documents internes du gouvernement qui montrent (c'est moi qui souligne) que (le CPM et la GRC) étaient déterminés à garder les manifestations bien en main, même s'ils n'avaient aucun motif de sécurité légitime de le faire», une affirmation qui n'a jamais été prouvée.
Le 12 septembre, à l'émission The National, la CBC a informé ses auditeurs qu'elle avait obtenu des documents dont «le gouvernement n'a jamais voulu que vous connaissiez le contenu ni même l'existence». En réalité, le gouvernement lui-même avait fourni les documents en question à la Commission des plaintes du public. Pendant la même édition du téléjournal, M. Milewski a conclu son reportage par ce commentaire sarcastique et tendancieux : «Il est vrai que les documents déterrés par la Commission des plaintes ne présentent pas tous les gestes du Premier ministre sous un éclairage négatif. En fait, après le Sommet, un câblogramme diplomatique souligne qu'un proche collaborateur du Président Suharto félicitait le Canada en ces termes : "mon président était très content"...»
Le 22 septembre, l'émission The National a ouvert le téléjournal par une affirmation renversante. Elle comparait la situation du Premier ministre dans l'affaire de l'APEC à celle du président américain qui risquait de faire l'objet d'une procédure de destitution. J'insiste sur le fait que ce commentaire n'était pas présenté comme une opinion, mais comme une information factuelle. Le 23 septembre, la CBC a déclaré que des adjoints du CPM avait été «assignés à comparaître» devant la Commission des plaintes du public contre la GRC alors qu'ils ont plutôt offert de témoigner.
Ces préjugés ressortent également du recours sélectif à des tierces parties dans ces reportages. M. Wesley Pue a été présenté par la CBC comme un «professeur de droit qui suit cette affaire depuis le début» (CBC National, le 9 septembre). En réalité, d'après des documents déposés auprès de la commission d'enquête, M. Pue ne «suit» pas seulement cette affaire, il conseille les plaignants. De plus, il a publiquement demandé la démission du Premier ministre à la suite de l'affaire de l'APEC, et selon la presse (pas la CBC), il arbore le slogan «Down with the Government» (À bas le gouvernement) sur son porte-documents. M. Pue a certes droit à ses opinions. Mais la CBC a le devoir d'informer ses auditeurs de ce contexte.
Ces exemples de partialité ne sont pas les seuls. Toutefois, ils illustrent bien la couverture tendancieuse de ce dossier par la CBC. Si le bureau de l'ombudsman devait décider d'enquêter sur cette affaire, nous nous ferions un plaisir de lui fournir une analyse plus complète et détaillée.
À noter que j'ai été assez surpris de constater que la CBC, qui s'est publiquement vantée d'avoir pris l'initiative dans la couverture des questions liées à l'APEC, n'a pas mentionné le conflit d'intérêts de M. Milewski depuis qu'il a été révélé il y a près d'une semaine. L'émission The National hier soir n'a fait qu'une allusion des plus indirecte et obscure à «la correspondance de (M. Milewski) qui faisait partie du processus de préparation du reportage». Il est permis de douter que la CBC serait aussi réticente si des révélations analogues étaient faites au sujet de quelque autre personnage public.
Cette affaire est grave et très préoccupante. Les Canadiens sont en droit de s'attendre à des reportages honnêtes, équitables et équilibrés de la part de la CBC. Ces révélations indiquent que dans le dossier de l'APEC, la CBC est loin de répondre à ces attentes, et que par son manque d'objectivité, il se peut fort bien qu'elle ait violé l'intégrité journalistique et trahi la confiance des Canadiens.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous adresser à l'ombudsman de la CBC, comme tout autre citoyen canadien qui veut déposer une plainte au sujet des reportages de la CBC. D'ailleurs, notre bureau n'a nullement la prétention de bénéficier de privilèges particuliers ni d'une considération spéciale, mais seulement des mêmes droits que tous les autres Canadiens en pareilles circonstances.
Il convient à notre avis d'enquêter immédiatement sur cette affaire et d'informer la population des constatations de l'enquête. En outre, il faut réparer publiquement les torts causés et y mettre un terme.
La gravité de cette affaire va de soi. Je suis persuadé que votre bureau y accordera toute l'importance qu'elle mérite.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'assurance de ma haute considération.
Le directeur des Communications,
(Original signé par Peter Donolo)
Peter Donolo
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