Allocution
du Premier ministre Jean Chrétien à l’occasion d’un débat à la Chambre des communes au sujet de l’éthique au sein du gouvernementLe 23 mai 2002
Ottawa (Ontario)
Monsieur le Président,
Je suis heureux de prendre part à cet important débat, car il me paraît essentiel de situer dans leur contexte des questions qui préoccupent à juste titre tous les députés et l’ensemble des Canadiens et Canadiennes. Il convient de modérer le ton des débats. De regarder les faits. De faire preuve de respect mutuel.
Les affaires publiques sont une vocation difficile, mais une vocation noble. Monsieur le Président, je suis sûr que nous pouvons tous reconnaître qu’aucun de nous ne siège à la Chambre des communes pour des raisons autres que le désir de servir notre pays et nos commettants de notre mieux.
Nous ne sommes certainement pas ici pour les avantages accessoires. À moins que de très longues heures de travail et de très longues semaines ne soient considérées comme des avantages. Nous ne sommes pas ici pour l’argent. La plupart d’entre nous pourrions mieux gagner notre vie dans le secteur privé. En travaillant moins et en ayant plus de temps à consacrer à notre famille. Et je crois que ce que je viens de dire à propos des députés s’applique aussi à la fonction publique du Canada.
Cela dit, aucun d’entre nous n’est parfait. Aucun n’est à l’abri de l’erreur. Nos électeurs le savent bien. Et dans mon cas, ma femme le sait bien. Et me le rappelle à tous les jours. Cependant, je crois que nos erreurs sont toutes de bonne foi. Les députés de tous les partis agissent avec les motifs les plus louables. Nous avons tous à coeur l’intérêt général, le bien du pays.
Nous pouvons ne pas être d’accord. Nous pouvons discuter. Mais tâchons de le faire d’une façon qui augmente le respect envers nos institutions démocratiques. Pas de manière à jeter le discrédit sur nos institutions.
Au sein d’une organisation de la taille du gouvernement du Canada, des erreurs se produisent à tous les jours. Il en a toujours été ainsi, et il en sera toujours ainsi. Il ne faudrait pas juger les gouvernements d’après les erreurs qui sont commises, mais d’après la manière dont les problèmes et les erreurs sont repérés et corrigés.
De ce côté-ci de la Chambre, nous avons toutes les raisons d’être fiers de notre conduite. Nous sommes fiers d’avoir autorisé le vérificateur général à présenter quatre rapports par année au lieu d’un seul. Nous sommes fiers d’avoir étendu la portée des vérifications internes dans les ministères; de les publier, de les afficher sur les sites Web, de rendre publiques les erreurs administratives et les mesures correctives prises.
Je savais que l’augmentation des activités de vérification rendrait la période des questions beaucoup plus intéressante pour les partis d’opposition et pour les médias. Mais c’est ainsi qu’agit un gouvernement intègre. Il signale publiquement les problèmes et il les corrige.
Ce n’est pas là l’essence d’un scandale. C’est l’essence d’un bon gouvernement.
Nous avons monté la barre. Et j’en suis fier.
Monsieur le Président, l’intégrité et la confiance du public sont les pierres d’assise du gouvernement démocratique. Depuis que nous avons été élus pour la première fois en 1993, nous avons adopté un Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts. Nous avons créé le poste de conseiller en éthique – le premier poste de ce genre dans un pays du Commonwealth. Et nous avons apporté d’importantes réformes à la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes – accroissant ainsi la transparence et faisant toute la lumière sur l’industrie du lobbying.
J’ai parlé souvent avec fierté dans cette chambre de la probité de la conduite des ministres et des normes d’intégrité élevées de notre gouvernement. Cependant, Monsieur le Président, ce n’est pas passé inaperçu ailleurs dans le monde non plus.
Depuis la publication de son premier rapport en 1995, Transparency International, la plus importante organisation internationale vouée à l’éradication de la corruption dans l’administration et dans le monde des affaires, a reconnu le Canada comme le pays où la corruption est perçue comme étant la moins élevée de tous les États du G7. Elle classe le Canada parmi les meilleurs pays au monde à cet égard.
Toutefois, Monsieur le Président, je ne serai pas satisfait tant que nous ne serons pas le meilleur de tous.
Est-ce que je suis fier de notre bilan? Sans aucun doute. Est-il parfait? Bien sûr que non. Avons-nous terminé le travail? Non. Il nous faut faire mieux. Et nous allons faire mieux.
En fait, dans deux semaines, je présenterai un plan d’action énergique en huit points. J’aimerais dès aujourd’hui vous annoncer les principaux éléments du plan que nous préparons.
Ce plan d’action vise à mieux servir la population. Mais replaçons les choses dans leur contexte.
Nous avons passé des semaines et des mois dans cette Chambre, au début de l’année 2000, à débattre d’une vérification interne au ministère du Développement des ressources humaines. Oui, nous avons trouvé des dossiers mal tenus et de la mauvaise administration. Mais nous avons aussi trouvé de profondes divergences de principes quant au rôle du gouvernement à l’égard de la promotion de l’alphabétisation, de l’aide aux groupes défavorisés et aux personnes handicapées, des efforts pour aider les étudiants à trouver un emploi d’été.
Mais, en dépit des excès de langage, il n’y avait aucun scandale. Pas de « Shovel-gate ». Il y avait des erreurs administratives qui ont été corrigées. Les fonds publics ont été utilisés à bon escient.
Aujourd’hui, nous débattons d’un programme de commandites.
S’il y a eu des erreurs, nous allons les corriger. Si des fonds ont été mal dépensés, nous allons tenter de les récupérer. Si quelqu’un a enfreint la loi ou les règles, les mesures nécessaires seront prises.
En fait, j’ai demandé à la présidente du Conseil du Trésor, avant même que la vérificatrice générale ne présente son rapport sur le passé, de faire des recommandations pour l’avenir sur la manière la plus rentable de gérer les programmes de commandites, de publicité et de sondages. Et je lui ai demandé de faire ces recommandations avant la reprise des travaux de la Chambre en septembre.
Mais, j’aimerais parler de la raison d’être de ces programmes.
Bien franchement, nous avons frôlé la catastrophe au référendum de 1995. Et tout de suite après le référendum, nous avons pris des mesures urgentes sur de nombreux fronts. Nous avons adopté une résolution sur la société distincte. Nous avons adopté une loi sur les vetos constitutionnels. Nous avons transféré la responsabilité de la formation de la main-d’oeuvre aux provinces. Je suis allé cherché de nouveaux ministres au Québec. Nous avons fait un renvoi à la Cour suprême sur la question de la sécession. Nous avons adopté la loi sur la clarté.
Et, c’est vrai, Monsieur le Président, nous avons entrepris d’augmenter la visibilité du gouvernement du Canada au Québec.
La situation était urgente. Nous avons agi avec un sentiment d’urgence. Et quand des mesures sont prises d’urgence, des erreurs peuvent se produire. Il semble que des erreurs aient été commises. Mais nous sommes bien décidés à les corriger.
Mais, tout bien considéré, Monsieur le Président, je crois qu’il est juste de dire que grâce à l’ensemble des mesures que nous avons prises, le Canada est un pays beaucoup plus uni aujourd’hui qu’il ne l’était en octobre 1995. Et un pays beaucoup plus solide sur le plan économique. Demandez-le à l’agence Moody’s, qui nous a accordé sa meilleure cote sur la foi de la force de notre unité et de notre économie.
Monsieur le Président, les Canadiens sont très fiers de notre réputation dans le monde. Nous sommes renommés dans le monde entier pour l’intégrité de nos gouvernements. Pour l’intégrité de nos entreprises privées. Pour l’intégrité de nos citoyens. Nous avons clairement monté la barre. Les Canadiens s’attendent à recevoir le meilleur de nous. Ils l’exigent. Tâchons maintenant de travailler ensemble pour placer la barre encore plus haut.
Winston Churchill a dit un jour que la démocratie est la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes les autres. Je suis ouvert aux débats. Je suis ouvert aux contestations. Je suis fier de défendre notre conduite. J’ai assez d’humilité pour reconnaître que des erreurs ont été commises. Et assez de détermination pour les corriger.
Mais je demande à chacun et chacune, au sein de l’opposition, du gouvernement et de la presse, de modérer le ton. Reconnaissons nos divergences, mais respectons nos intentions.
De cette façon, nous pourrons tous nous occuper de ce qui compte vraiment, des questions qui préoccupent les Canadiens : la croissance économique, une société inclusive, des communautés sûres, la place du Canada sur la scène mondiale, et un pays fort et uni.
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