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Allocution du Premier ministre Jean Chrétien à 
l’occasion du débat spécial à la Chambre des 
communes à la suite des attaques terroristes 
perpétrées aux États-Unis le 11 septembre 2001

Le 17 septembre 2001
Ottawa (Ontario)

Monsieur le Président,

Je tiens à remercier les chefs de tous les partis qui siègent à la Chambre des communes, de même que l’ensemble des députés, d’avoir collaboré à l’organisation de ce débat historique. Nous avons vécu des journées tristes et éprouvantes depuis que la nouvelle des événements tragiques de New York et Washington nous est parvenue. Des journées qui nous ont donné la certitude que les sociétés civilisées de ce monde ont le devoir solennel de condamner d’une seule voix le fléau qu’est le terrorisme.

Étant donné l’urgence de la situation, les Canadiens seront heureux de constater que leurs représentants élus ont décidé, en toute solidarité, de placer ce débat en tête de notre ordre du jour parlementaire. J’accueillerai avec plaisir les points de vue des députés au sujet du rôle que le Canada devrait jouer dans la préparation d’une riposte internationale à la fois ferme et juste contre cette menace mondiale sans précédent.

Monsieur le Président,

Il existe de ces rares occasions où le temps semble s’arrêter. Où le monde entier est paralysé par un événement particulier. Il existe aussi des occasions terribles où la noirceur de l’âme humaine échappe aux contraintes de la civilisation et se révèle dans toute son horreur à un monde stupéfait.

Le mardi 11 septembre 2001, le temps s’est arrêté. Et ce jour restera à jamais gravé dans nos mémoires.

Monsieur le Président,

À la vue de ces scènes de destruction, j’ai adressé mes premières pensées et mes premiers mots aux victimes et au peuple américain. Mais il n’existe pas de mots, dans aucune langue, qui puissent rendre un hommage plus puissant, ni plus éloquent, que celui qu’ont rendu vendredi dernier, en silence, les 100 000 Canadiens rassemblés à quelques mètres d’ici à l’occasion de la Journée de deuil national.

J’étais fier d’être du nombre. Et j’étais fier des Canadiens rassemblés partout au pays pour des cérémonies semblables.

C’était une mer de tristesse et de compassion qui voulait porter ceux qui ont perdu des amis et des proches : des Américains, des Canadiens et des citoyens d’un grand nombre de pays. Mais c’était surtout une manifestation de solidarité envers notre plus proche ami et partenaire : les États-Unis d’Amérique.

Monsieur le Président,

Comme toujours, cette situation d’urgence a fait ressortir les plus belles qualités de notre peuple. Des réunions de prière et des vigiles aux légions qui ont fait la queue pour donner du sang. D’une vague de dons de la part d’individus et d’entreprises à la patience devant les retards et les dérangements. Nous avons tous été émus de voir les Canadiens ouvrir leurs coeurs et leurs foyers aux milliers de voyageurs aériens déconcertés, inquiets et en mal de destination.

Quand j’ai parlé au Président Bush la semaine dernière, il m’a demandé de remercier le peuple canadien. Et j’inviterais tous les députés à transmettre son message dans leur circonscription.

Monsieur le Président,

Le Président Bush a aussi souligné que ses propres collaborateurs lui ont parlé à maintes reprises de la collaboration et de l’aide exceptionnelle qu’ils recevaient des organismes et des ministères du gouvernement du Canada. Autant en réponse à l’urgence immédiate de l’attaque que dans le cadre de l’enquête qui permettra de traduire en justice les responsables de ce crime contre l’humanité.

Monsieur le Président, je suis fier de la vitesse et de la coordination qui ont caractérisé notre réaction :

Les ministres responsables renseigneront la Chambre en détail sur les mesures prises par leurs ministères au nom des Canadiens. Pour ma part, je tiens à exprimer ma reconnaissance à nos fonctionnaires pour les efforts qu’ils ont déployés sans relâche.

Monsieur le Président,

La Chambre doit aussi se pencher sur la menace que pose le terrorisme pour tous les peuples civilisés. Et sur le rôle que le Canada doit jouer pour l’anéantir.

Les enjeux sont grands. Pour les comprendre, il suffit de penser au symbolisme des tours du World Trade Center. Selon l’architecte qui les a conçues, les tours étaient « la représentation de notre foi dans l’humanité, de notre besoin de dignité individuelle. De notre foi dans la coopération – et à travers la coopération – dans notre capacité de grandeur. »

Soyons clairs. Cette attaque ne visait pas seulement les États-Unis. Les tueurs ont agi de sang-froid et porté un coup aux valeurs et aux convictions des peuples libres et civilisés de la terre entière.

Le monde a subi une attaque. Le monde doit riposter. Car nous sommes en guerre contre le terrorisme. Et le Canada – un pays fondé sur un idéal de liberté, de justice et de tolérance – participera à cette riposte.

Les terroristes ne sont pas fixés dans un seul pays. Le terrorisme est une menace à l’échelle du globe. Les auteurs de ces actes ont démontré qu’ils peuvent se déplacer facilement d’un pays à l’autre. D’un endroit à l’autre. Qu’ils savent exploiter la liberté et l’ouverture des victimes auxquelles ils veulent s’attaquer. La même liberté et la même ouverture que nous chérissons tous et que nous protégerons.

Ils acceptent, et même souhaitent, de trouver la mort en commettant leurs crimes. Et d’utiliser d’innocents civils comme boucliers et comme instruments.

Nous devons nous préparer – et préparer les Canadiens – à une longue lutte. Une lutte sans réponses faciles. Une lutte où il faudra absolument faire preuve de patience et de sagesse.

Monsieur le Président, il ne faut pas se leurrer quant à la nature de la menace qui pèse sur nous. Il ne faut pas croire que la victoire sera simple ou facile. Qu’il suffira de porter un grand coup. Il nous faut agir en fonction de résultats à long terme plutôt qu’en fonction d’une satisfaction immédiate.

Monsieur le Président,

Nos actions seront commandées par la détermination. Et non par la peur.

S’il nous faut changer nos lois, nous le ferons. Si nous devons accroître les mesures de sécurité pour protéger les Canadiens, nous le ferons aussi. Nous allons demeurer vigilants.

Mais nous ne céderons pas à la tentation de resserrer rapidement la sécurité au prix des valeurs qui nous tiennent à coeur. Et qui ont fait du Canada un flambeau de l’espoir, de la liberté et de la tolérance dans le monde. Nous ne nous laisserons pas bousculer dans l’espoir – assurément voué à l’échec – de faire du Canada une forteresse contre le monde.

Enfin, Monsieur le Président, je voudrais faire ressortir un dernier point très, très important.

L’immigration est au coeur de l’expérience et de l’identité canadiennes. Nous avons accueilli des gens de partout dans le monde. Des gens de toutes origines, de toutes couleurs et de toutes religions. Notre pays est ainsi fait. Soyons donc clairs. Le Canada ne laissera personne le contraindre à sacrifier ses valeurs et ses traditions sous prétexte qu’il faut agir d’urgence. Nous continuerons à accueillir des gens de partout dans le monde. Nous continuerons à offrir un havre à ceux qui sont persécutés.

Je le répète, personne n’y mettra fin!

J’ai été attristé par le fait que les attaques terroristes de mardi dernier aient provoqué des manifestations contre des Canadiens de religion musulmane et d’autres minorités du Canada. C’est tout à fait inacceptable. C’est une victoire pour les terroristes quand ils réussissent à exporter leur haine. Les auteurs de ces actes d’horreur ne représentent aucune communauté et aucune religion. Ils sont les apôtres du Mal et rien d’autre.

Comme je l’ai dit, c’est contre le terrorisme que nous luttons. Et non contre une communauté ou une religion. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons réaffirmer les valeurs fondamentales de notre Charte des droits et libertés : l’égalité de toutes les races, de toutes les couleurs, de toutes les religions et de toutes les origines ethniques.

Monsieur le Président, nous sommes tous des Canadiens!

Nous sommes un peuple juste et généreux. Quand nous voyons les images déchirantes d’épouses et de pères, de soeurs et de frères – dont un grand nombre de Canadiens – qui errent dans les rues de New York à la recherche de proches disparus, nous savons ce que le devoir nous commande de faire.

Nous n’avons jamais assisté passivement au combat pour la justice dans le monde. Nous ferons front avec les Américains. Ce sont nos voisins, nos amis, des membres de notre famille. Et nous ferons front avec nos alliés. Nous ferons le nécessaire pour vaincre le terrorisme.

Laissons-nous cependant guider dans l’action par la sagesse et la persévérance. Par nos valeurs et par notre mode de vie.

Et tant que durera la lutte, ne perdons jamais de vue qui nous sommes et ce que nous représentons!

 

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