NOTES POUR UN DISCOURS DU PREMIER MINISTRE JEAN CHRÉTIEN

à l’Université nationale autonome du Mexique

Le 27 février 2003
Mexico (Mexique)

Je suis très heureux de me trouver ici aujourd’hui, à la plus ancienne université des Amériques. Je félicite les membres du corps professoral et les étudiants à l’occasion de la célébration de vos 450 années remarquables de tradition et d’histoire. Vous vous êtes acquis une réputation internationale d’excellence en recherche et en enseignement.

Je suis particulièrement flatté de recevoir, au nom du peuple canadien, ce prix des plus prestigieux. Il reconnaît la contribution du Canada, de son peuple et de son gouvernement à la paix, la sécurité et la prospérité dans le monde. De la part de mes concitoyens, je vous remercie de cet honneur que j’ai le plaisir d’accepter.

La paix, la sécurité et la prospérité constituent des éléments essentiels du discours que je vous adresserai aujourd’hui. Elles forment une trinité de bien-être – une formule qui pose les fondements de la qualité de vie et renforce la démocratie.

Nous savons tous qu’en trop d’endroits dans le monde, c’est plutôt l’envers de cette formule qui sévit, soit la pauvreté, l’instabilité et le conflit, de même que leurs conséquences, c’est-à-dire le désespoir, le découragement et l’incertitude politique.

Aujourd’hui, j’aimerais aussi réfléchir avec vous sur la croissance et l’évolution des relations entre les Mexicains et les Canadiens, et sur les moyens de relever ensemble certains des défis complexes que pose dans notre hémisphère, voire à l’échelle de la planète, la tâche de transformer la pauvreté, l’instabilité et le conflit en paix, en sécurité et en prospérité.

Nous sommes déjà en bonne position. Le commerce a répandu la prospérité dans toute l’Amérique du Nord. La première mission commerciale du Canada s’est rendue au Mexique en 1887. Dès 1905, un délégué commercial était affecté à Mexico pour s’occuper des investissements canadiens dans les secteurs de l’électricité, des transports urbains et des banques. Mais c’est plus récemment que nos relations commerciales ont pris leur véritable essor, à la suite de l’adoption de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en 1994.

Depuis, le volume de nos échanges a triplé. Le Canada est devenu le deuxième marché du Mexique, après les États-Unis, tandis que le Mexique est le quatrième acheteur de produits et de services canadiens. Le Canada et le Mexique occupent une part impressionnante du marché américain, soit 30 p. 100. Au cours de la dernière décennie, l’Amérique du Nord a affiché la plus forte croissance économique au monde.

L’ALENA nous a bien servi et a constitué un catalyseur de la collaboration dans d’autres secteurs : l’environnement, la main-d’oeuvre, l’énergie et l’agriculture, pour ne nommer que ceux-là. Par conséquent, le Mexique est le pays latino-américain avec lequel les Canadiens partagent le programme politique le plus substantiel et le plus profond.

Ce programme politique se nourrit des rencontres fréquentes et fructueuses entre nos deux pays. Le Président Fox et moi nous sommes rencontrés six fois depuis vos élections de juillet 2000.

 

Depuis un an, la moitié des membres du Cabinet du Canada ont rencontré leurs homologues mexicains, certains plus d’une fois. Les liens entre nos parlementaires – dont plusieurs m’accompagnent aujourd’hui – et entre nos fonctionnaires se développent à un rythme exponentiel.

Les Mexicains et les Canadiens tissent activement des liens aussi. Chaque année, près d’un million de touristes canadiens visitent le Mexique, et plus de 180 000 Mexicains se rendent au Canada pour y mener des affaires, pour leur plaisir ou pour étudier.

Les établissements d’enseignement canadiens accueillent plus de 10 000 étudiants mexicains. Plus de 400 accords de coopération interuniversitaires ont été conclus, dont 30 avec votre propre université. Nous appuyons 10 programmes d’études canadiennes dans des universités mexicaines, dont la nouvelle chaire d’études et de culture canadiennes Margaret Atwood / Gabrielle Roy à l’UNAM. L’UNAM offre également un programme actif à Gatineau, dans ma province d’origine, le Québec.

Le Canada s’est senti honoré d’avoir été choisi comme pays thème du Festival international Cervantino l’an dernier. Plus de 260 artistes canadiens y ont participé et en ont fait le plus grand événement culturel canadien qui ait jamais eu lieu au Mexique.

Nous serons bien représentés cette année encore, notamment par l’Orchestre du Centre national des arts. Nous tenons un Festival du film canadien chaque année, et nous vous invitons à participer à celui de cette année, au mois de juin.

Nous venons d’établir une nouvelle initiative bilatérale, la plus importante de toutes, dans le domaine de la coopération en matière de gouvernance. Le Mexique traverse une période de profonde transition démocratique.

Le Président Fox est d’accord avec moi sur le fait que la qualité de la gouvernance forme un aspect essentiel d’un système politique démocratique florissant.

Par conséquent, depuis deux ans, nos fonctionnaires multiplient les échanges sur la gestion publique, en particulier la planification budgétaire, l’accès à l’information, la planification stratégique, les frontières et les autres questions de sécurité, le cybergouvernement et le fédéralisme.

Par suite de ces échanges sur la gouvernance, nos institutions et nos peuples se comprennent mieux que jamais. La coopération en matière de gouvernance m’apparaît comme étant la meilleure illustration de ce que la dynamique canado-mexicaine peut accomplir, non seulement pour nos citoyens, mais, par l’émulation, dans l’ensemble de l’hémisphère.

Au moyen de nos échanges et de notre coopération bilatérale, nous consolidons les assises de la prospérité, de la sécurité et de la paix.

Mais nous devons tâcher d’étendre ces bienfaits à l’ensemble de l’hémisphère que nous partageons : les Amériques.

De nombreux pays dans notre région sont aux prises avec la tâche difficile de tenter de renverser l’équation pauvreté, instabilité et conflit. Le Mexique et le Canada doivent s’en préoccuper, car devant un tel défi, la démocratie peut devenir vulnérable.

L’État du Venezuela subit des tensions énormes. La violence continue de menacer les institutions démocratiques du pays.

Les récents attentats terroristes à Bogota posent une nouvelle menace à la démocratie colombienne, celle des combats en zone urbaine. La situation à Haïti est intenable – à tel point que sans de nouveaux efforts de la part du gouvernement et des partis d’opposition pour mettre en oeuvre les résolutions de l’OEA, le pays sombrera plus profondément dans le désespoir. Les récents incidents violents en Bolivie ont secoué le pays et mis en péril ses usages démocratiques.

Le Canada encourage tous les secteurs dans ces pays à respecter les engagements qui font partie intégrante des instruments et mécanismes de l’hémisphère.

À ce propos, je suis ravi que le Mexique soit l’hôte de la Conférence sur la sécurité continentale au mois de mai prochain. Nous voyons dans cette conférence une occasion sans précédent de prendre acte du passage de la conception traditionnelle de la sécurité à une approche plus globale.

La nouvelle orientation de la politique étrangère du Mexique s’apparente à celle du Canada. Vous reconnaissez la nécessité de fortifier les démocraties par des mesures visant à atténuer la pauvreté, l’instabilité et les conflits et qui mettent l’accent sur la dégradation de l’environnement et les droits de la personne.

Nous devons faire tout en notre pouvoir – et les Canadiens sont déterminés à faire leur part – pour protéger les démocraties de l’hémisphère et les fortifier. Ensemble, nous nous sommes donné des outils puissants : la Charte démocratique interaméricaine, conçue au Sommet des Amériques de Québec en avril 2001; la Déclaration et le Plan d’action du Sommet de Québec, qui nous engagent à lutter contre la pauvreté et à oeuvrer en faveur du développement social et démocratique; la Convention interaméricaine contre la corruption, dont le but est de favoriser le développement d’institutions démocratiques; le Forum interparlementaire des Amériques, chargé de renforcer le rôle des assemblées législatives; et la Convention interaméricaine contre le terrorisme, que le Canada a été le premier à ratifier et qui vise à coordonner les efforts de notre hémisphère pour combattre le terrorisme.

De plus, nous sommes en voie d’instaurer une Zone de libre-échange des Amériques en vue de promouvoir un commerce et une prospérité économique qui soient à la fois durables et équitablement partagés.

Nous disposons de toute une panoplie d’outils, mais pour qu’ils soient efficaces, nous devons les utiliser ensemble, d’une manière coordonnée.

Aucun État – aussi puissant soit-il – ne peut agir efficacement seul. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui – terrorisme, crime et corruption au niveau international et dommages à l’environnement – requièrent des solutions multilatérales et coordonnées.

Nous avons acquis la ferme conviction de l’intérêt d’une approche multilatérale à l’égard des problèmes mondiaux. Les institutions multilatérales comme les Nations Unies, l’Organisation mondiale du commerce et l’Organisation des États américains jouent un rôle indispensable dans notre monde de plus en plus intégré. C’est dans le cadre de ces organisations que nous pouvons travailler à accroître la sécurité de notre hémisphère.

Nous disposons des moyens nécessaires pour édifier des institutions solides et bien régies, pour régler les conflits, pour lutter contre le terrorisme, le crime organisé et le trafic illicite de la drogue. À force de persévérance, nous pouvons faire en sorte que chacun et chacune puisse vivre en liberté et en sécurité dans notre hémisphère.

Les événements mondiaux nous ont profondément bouleversés.

Nous devons nous rendre à l’évidence que notre sécurité personnelle est intimement liée à la sécurité d’étrangers sur des continents lointains. Nous avons appris que les grandes puissances ne sont pas à l’abri du danger. Que la richesse ne peut acheter la sécurité. Que la puissance militaire n’est pas une garantie de sécurité.

Pour notre propre sécurité, nous devons agir en faveur du développement humain dans des contrées éloignées de nos frontières.

Aider ces populations à se sortir de la pauvreté favorise aussi notre sécurité, notre prospérité et notre mieux-être à tous. À long terme, il est aussi important pour la sécurité et la stabilité dans le monde de s’occuper de ces questions – c’est-à-dire de la pauvreté, du commerce et du développement – que des menaces immédiates que pose le terrorisme.

Je suis fier du leadership dont le Canada a fait preuve dans la promotion de la sécurité humaine sur la scène internationale. Au sein des Nations Unies, du G-8 et du Réseau de la sécurité humaine, nous allons oeuvrer en faveur de la gouvernance et de l’imputabilité, du règlement des conflits et de la paix.

L’engagement du Canada a entraîné des changements positifs dans le monde entier. Le Traité d’Ottawa interdisant les mines terrestres en constitue un bon exemple. L’influence du Traité d’Ottawa dépasse les frontières des États signataires. Son adoption a élargi la portée morale de l’utilisation de mines terrestres et a fait évoluer les pratiques de nombreux États – même s’ils ne l’avaient pas signé.

Le Canada a également pris l’initiative dans un autre domaine : celui de l’établissement de la Cour pénale internationale – un autre élément clé du mouvement en faveur de la sécurité humaine dans le monde. La création de ce tribunal fut un événement historique qui a contribué à renforcer la sécurité des populations du monde entier, car les crimes monstrueux ne resteront plus impunis.

Le pires criminels sur la scène mondiale – qui étaient si rarement traduits en justice autrefois – sentiront la justice peser de tout son poids sur eux. Ils devront répondre de leurs crimes et subir les conséquences de leurs actes.

Prospérité, sécurité et paix. Ensemble, le Mexique et le Canada y ont grandement contribué.

Bien qu’il soit vrai que l’envers de cette équation – la pauvreté, l’instabilité et le conflit – défraie plus souvent les manchettes, il ne faut pas se décourager pour autant. Comme tout politicien d’expérience le saura – et je crois que pas loin de 40 ans en politique font de moi un politicien d’expérience – les bonnes nouvelles ne font pas souvent les manchettes.

Les efforts discrets pour favoriser le commerce et la prospérité, pour édifier des institutions démocratiques solides et pour élaborer des instruments qui permettent d’éviter les conflits, ont un effet positif durable et sous-tendent de nombreuses réussites exemplaires. Or, il faut reconnaître que l’amitié entre le Mexique et le Canada constitue une réussite exemplaire.

Notre coopération bilatérale a été très avantageuse pour nos deux pays.

Nous avons maintenant l’occasion de travailler ensemble pour veiller à ce que ces bienfaits profitent au plus grand nombre et pour aider d’autres pays de l’hémisphère à suivre notre exemple. Malgré les difficultés rencontrées, il ne faut pas renoncer à nos efforts en vue de promouvoir la prospérité, la sécurité et la paix.

Au contraire, nous devons redoubler d’efforts pour répandre les fruits de la prospérité et de la croissance dans un plus grand nombre de collectivités et de foyers. Nous devons nous efforcer d’étendre à tous les citoyens des Amériques, voire du monde, les bienfaits dont nous sommes comblés.

La prospérité, la sécurité et la paix sont les piliers des démocraties solides. Servons-nous de notre expérience, de notre volonté et des instruments multilatéraux pour les consolider pierre par pierre, ensemble.

Vive le Canada. Vive le Mexique. Merci beaucoup.

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