Discours
du Premier ministre Jean Chrétien à l’occasion d’un dîner organisé par l’Association libérale du Nouveau-BrunswickLe 26 avril 2001
Moncton (Nouveau-Brunswick)
C’est la première fois que j’ai la chance de revenir au Nouveau-Brunswick depuis la campagne de 2000 où la population canadienne a fait le grand honneur à notre parti de lui accorder sa confiance en lui donnant une troisième majorité de suite.
Ainsi que vous êtes nombreux à le savoir, l’une de nos grandes priorités l’automne dernier était de rebâtir nos forces dans la région de l’Atlantique. Et nous avons réussi. Je tiens à remercier les électeurs du Nouveau-Brunswick d’avoir élu un plus grand nombre de députés libéraux en novembre dernier. Dominic LeBlanc, Jeannot Castonguay et Andy Savoy sont d’excellentes recrues au sein de l’équipe libérale.
Le mérite pour notre remontée revient, bien sûr, à nos bénévoles dévoués. À nos députés réélus – Claudette Bradshaw, Charles Hubbard et Andy Scott. Ils ont participé activement à l’établissement de notre plate-forme, en particulier à l’affectation de 700 millions de dollars au nouveau Partenariat pour l’investissement au Canada atlantique, dont le but est d’aider le Canada atlantique à se tailler une place dans la nouvelle économie.
Notre victoire est aussi attribuable à notre bilan comme gouvernement. À l’approche équilibrée par laquelle nous avons su doser les mesures en faveur de la croissance économique et de la création d’emplois, la réduction des impôts et l’allégement de la dette, de même que les investissements dans l’innovation, dans nos enfants, dans la santé et dans l’environnement.
Mesdames et Messieurs, c’est aussi la première occasion que j’ai de m’adresser à un auditoire canadien depuis la tenue du Sommet des Amériques la fin de semaine dernière à Québec.
Je suis en politique depuis près de 40 ans maintenant. Au cours de ces années, j’ai souvent eu l’honneur, à titre de député, de ministre et de Premier ministre, de représenter le Canada sur la scène mondiale. D’arborer fièrement la feuille d’érable à la boutonnière.
Même si je sais bien que, comme Canadiens, nous n’aimons pas nous vanter, je crois pouvoir affirmer n’avoir jamais participé à un rassemblement aussi positif, aussi fructueux et aussi ouvert. En fait, mes chers amis, je crois sincèrement que les discussions tenues à Québec comptent parmi les plus riches en substance de toute ma carrière. Les leaders en présence avaient tous une rare maîtrise des dossiers. De plus, ils avaient tous un désir remarquable de participer à un dialogue franc et ouvert. Et la volonté de bâtir un meilleur avenir pour leurs citoyens.
J’ai été profondément impressionné par l’accueil que les citoyens de Québec ont réservé aux 33 chefs démocratiquement élus de la grande famille des Amériques. Et par la patience et la compréhension dont ils ont fait preuve devant les défis uniques que posait la tenue de ce sommet.
Et pendant que les pays des Amériques proclamaient de manière retentissante leur engagement commun envers la démocratie au 21
e siècle, le souvenir de certains des grands hommes d’État canadiens du 20e siècle, chefs de notre parti, m’est tout naturellement venu à l’esprit : Mackenzie King. Louis St-Laurent. Lester Pearson. Et Pierre Elliott Trudeau. Les idées et l’action de ces grands hommes ont façonné et orienté la politique étrangère moderne du Canada.Ces bâtisseurs ont reconnu que le Canada est un pays comblé de bienfaits. Et que ces bienfaits entraînent des obligations. Des obligations, comme celle de toujours se comporter en bon citoyen du monde, qui prennent de plus en plus d’importance à l’ère des communications instantanées et de l’interdépendance.
Ils ont aussi compris que le pivot de notre politique étrangère doit être non seulement nos intérêts stratégiques et commerciaux, mais aussi la dimension humaine et les valeurs. Les valeurs canadiennes. Des valeurs comme la paix, la liberté, la diversité, le partage, la compassion, le dialogue, le respect des droits de la personne et de la primauté du droit.
C’est à cause de notre engagement fondamental envers ces valeurs que la politique étrangère du Canada est axée sur le renforcement des institutions internationales, et sur des actions pour protéger et améliorer la vie des personnes et des collectivités.
Voilà pourquoi Mackenzie King et Louis St-Laurent ont fait reconnaître le Canada pour son appui indéfectible aux Nations Unies et à ses activités. Voilà pourquoi le rôle de Lester Pearson dans la mise sur pied de la première mission de paix lui a valu le prix Nobel pour la paix.
Voilà pourquoi Pierre Elliott Trudeau s’est opposé à la mentalité de la guerre froide en 1970 en nouant des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine. Voilà pourquoi il s’est fait le défenseur du dialogue entre pays riches et pauvres. Et a appuyé vigoureusement les programmes d’aide au développement.
Depuis 1993, notre gouvernement a fait des progrès concrets sur le plan international. Nous avons animé le mouvement contre les mines terrestres qui a abouti à l’entrée en vigueur de la Convention d’Ottawa en 1999. Une convention qui permettra de sauver des dizaines de milliers de vies. Une convention qui permettra de nouveau aux enfants de vivre et de jouer en toute sécurité dans les régions dévastées par les guerres – des régions où les mines terrestres avaient transformé les terrains de jeux en champs de la mort. Jusqu’à maintenant, près de 140 pays ont signé la convention.
Nous avons aussi joué un rôle dans la création de la Cour pénale internationale, chargée de traduire les criminels de guerre en justice. Nous sommes restés à l’avant-garde du mouvement pour effacer la dette des pays en développement. Afin qu’ils puissent consacrer cet argent aux besoins criants de leurs populations en matière de services d’éducation et de santé.
Mesdames et Messieurs, mes pensées se sont tout naturellement tournées vers l’héritage du Canada sur la scène internationale. Car j’ai compris à Québec que la grande famille des Amériques s’apprêtait à adopter les valeurs canadiennes à l’échelle hémisphérique.
Nous avons franchi un pas historique vers le renforcement de la démocratie partout dans les Amériques en faisant de l’engagement envers un gouvernement démocratique une condition de la participation au processus du Sommet des Amériques. Il n’y a pas si longtemps, un tel engagement aurait été impensable. Les Amériques comptaient alors 19 dictatures. Les coups d’État militaires étaient monnaie courante. Mais pendant cette fin de semaine, 34 pays ont solennellement accepté de se conformer à une clause démocratique.
Nous avons réaffirmé notre engagement commun de bâtir une plus grande prospérité pour tous dans les Amériques en renouvelant notre volonté d’instaurer une zone de libre-échange des Amériques d’ici 2005.
Et nous l’avons fait avec un degré d’ouverture et de transparence sans précédent. Nous avons rempli notre promesse de tendre l’oreille à ceux qui ont des préoccupations très réelles au sujet de ces négociations. Je crois qu’avec le temps, le geste que nous avons accompli en rendant publics les textes des négociations relatives à la zone de libre-échange permettra de dissiper les malentendus et de réfuter les critiques sans fondement au sujet d’un processus dont le seul but est d’améliorer la qualité de vie de nos citoyens – de tous nos citoyens.
Nous avons pris une mesure audacieuse en amorçant ces négociations. Elles expriment notre foi dans le dynamisme, le talent et l’énergie de nos peuples. Elles traduisent notre confiance en nous. Ce n’est pas des intérêts des entreprises qu’il s’agit, mais de la continuation de l’histoire du Canada.
La rapidité de notre développement résulte en effet de l’ouverture de nos frontières aux produits et aux investissements du monde entier. Nous avons atteint un niveau de vie parmi les meilleurs au monde. Et forts de notre prospérité, nous avons effectué d’importants investissements sociaux qui ont favorisé l’égalité des chances et rehaussé notre qualité de vie. Nous avons récolté les fruits de la libéralisation des échanges et nous voulons que tous puissent les partager.
Cependant, tous les pays des Amériques reconnaissent que nos efforts en vue de renforcer la démocratie et de promouvoir la prospérité ne seront pas à eux seuls suffisants pour créer l’avenir collectif que nous souhaitons tous.
Nous reconnaissons que les gouvernements doivent conserver la capacité de faire face à des défis et à des priorités uniques. Et qu’ils doivent prendre des mesures ponctuelles concrètes afin de promouvoir la pleine participation de tous les citoyens à la vie sociale, politique et économique de leur pays et de notre région du monde – les Amériques.
À cet égard aussi, nous avons réalisé de grands progrès au Sommet de Québec. En fait, le plan d’action auquel nous avons souscrit met l’accent sur la réalisation du potentiel humain et la promotion de l’inclusion sociale. Nous avons également convenu de la nécessité d’unir nos efforts en priorité pour lutter contre la pauvreté, protéger l’environnement, promouvoir l’adoption de normes du travail et encourager la responsabilité sociale des entreprises.
De plus, nous nous sommes engagés à prendre des mesures pour élargir l’accès à l’éducation et aux soins de santé, pour promouvoir l’égalité des hommes et des femmes, pour protéger la diversité culturelle et pour favoriser le dialogue avec les peuples autochtones des Amériques. Nous avons également pris l’engagement de mettre la révolution de l’information et Internet au service des buts que nous partageons.
Mesdames et Messieurs, Québec a marqué un point tournant pour la grande famille des Amériques.
J’aimerais prendre un instant pour exprimer ma profonde gratitude à deux personnes en particulier qui ont joué un rôle clé dans cette réussite : Marc Lortie, mon représentant personnel durant les préparatifs du Sommet, et Patrick Parisot, conseiller spécial au sein de mon cabinet et un très grand ami. Ce ne sont pas des personnes bien connues. Mais depuis deux ans, ils n’ont jamais pu défaire leurs valises et ont sacrifié leur vie de famille, travaillant jour et nuit pour veiller à ce que le Sommet serve les intérêts des citoyens et se déroule comme prévu.
Je leur serai toujours reconnaissant pour les efforts extraordinaires qu’ils ont déployés.
Avant de terminer, je dois vous dire aussi que ce que nous avons accompli à Québec était beaucoup plus que l’illustration de notre vision commune des Amériques. C’était l’illustration de la démocratie canadienne.
En dépit de la provocation d’un petit groupe d’extrémistes, les représentants élus ont pu faire leur travail. Et les milliers de personnes qui s’étaient rassemblées à Québec pour exprimer pacifiquement leurs préoccupations réelles et légitimes, comme c’est leur droit, ont pu se faire entendre.
Ce n’aurait pas été possible sans une planification et une intervention efficaces et intelligentes de la part des corps de police. Je tiens à rappeler à quel point tous les Canadiens peuvent être fiers du comportement de la police devant ces protestataires violents – de leur persévérance, de leur calme et de leur réserve. Un grand nombre de leaders m’ont dit qu’ils avaient été impressionnés et qu’ils considéraient que Québec serait un modèle de la façon d’organiser de telles rencontres.
Nous avons vu la démocratie à l’oeuvre. Nous avons vu le Canada à l’oeuvre.
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