Allocution du Premier ministre Jean Chrétien avec le Premier ministre Li de Chine
Monsieur le Premier ministre Li, votre visite revêt un caractère d'autant plus historique qu'elle survient à une date très particulière. Il s'agit en effet d'un anniversaire très important. Il y a très exactement vingt-cinq ans aujourd'hui, soit le 13 octobre 1970, le Canada et la Chine établissaient des relations diplomatiques.
Lorsqu'ils se tournent vers le passé, les historiens considèrent ce jour comme une date charnière où la Chine a cessé d'être isolée du reste du monde. Et on peut facilement comprendre pourquoi. Nos deux pays sont unis par des liens historiques qui remontent aux tous débuts du Canada.
La communauté chinoise joue depuis longtemps un rôle important à l'égard de notre bien-être économique et culturel. En fait, elle a contribué à la construction du pays d'un océan à l'autre. Et elle contribue encore à enrichir le tissu social et la vitalité du pays.
Elle illustre la riche diversité qui caractérise si bien le Canada et le fait d'être canadien. Mais ces liens historiques et ces origines n'expliquent pas à eux seuls ce moment décisif survenu il y a vingt-cinq ans. Notre reconnaissance mutuelle est un modèle que les autres pays ont suivi. Elle a mené à l'adhésion de la Chine aux Nations Unies l'année suivante.
Je suis fier d'avoir fait partie à l'époque du gouvernement canadien qui a ouvert cette porte historique. Et ce soir, je tiens à rendre hommage à ceux qui, grâce à leur vision et à leur détermination, ont été les artisans de cette réalisation : le Premier ministre de l'époque, le très honorable Pierre Elliott Trudeau, et son ministre des Affaires étrangères, l'honorable Mitchell Sharp.
Ils sont avec nous, ce soir, et je pense qu'il serait juste de dire que sans eux, nous ne serions pas ici ce soir. Non seulement les gestes qu'ils ont posés il y a vingt-cinq ans ont-ils contribué à changer le cours de l'Histoire, mais ils prouvent également que le Canada peut jouer un rôle important dans le monde.
Ils ont été guidés par de solides principes il y a vingt=cinq ans. Et ces principes demeurent tout aussi valides et actuels aujourd'hui.
Au Canada, nous croyons que la véritable sécurité ne peut se développer que dans la stabilité.
Nous croyons que la stabilité mondiale s'accroît lorsque les pays apprennent à se connaître, lorsque leurs leaders se rendent visite, lorsqu'ils établissent entre eux des relations commerciales et se montrent coopératifs.
Nous croyons que les pays ressentent une plus grande sécurité lorsqu'ils s'aperçoivent que les innombrables liens qu'ils ont tissés entre eux sont avantageux. Que l'engagement et le dialogue -- et non l'isolement et les gros mots -- sont les points d'ancrage de la paix et de la sécurité. Que les États responsables règlent leurs différends paisiblement et discutent de leurs divergences dans le respect mutuel.
Ces principes demeurent inchangés. Ils constituent les assises de notre politique étrangère. Et ils sont tout aussi présents dans nos relations actuelles avec la Chine qu'ils l'étaient il y a vingt=cinq ans. De fait, ils constituent le fondement d'une nouvelle renaissance entre nos deux pays.
Et il s'agit bien d'une renaissance. Ce dîner en fournit un remarquable exemple.
L'organisation qui nous accueille -- le Conseil commercial Canada=Chine -- ainsi que la composition de ses membres, soit des milliers de gens d'affaires provenant d'un bout à l'autre du Canada, sont deux preuves éloquentes de l'épanouissement de relations établies il y a maintenant vingt=cinq ans.
Les liens économiques qu'ils ont forgés rapprochent nos deux pays plus que jamais auparavant. La Chine se classe maintenant au cinquième rang de nos partenaires commerciaux. Et nos liens économiques se développent un peu plus chaque jour.
Et le développement de nos liens ne se limite pas au seul espace économique. Il est désormais plus facile de communiquer de part et d'autre des frontières, de voyager dans des pays lointains, de vivre, de travailler et d'étudier à l'étranger.
Il existe des réseaux qui s'occupent de questions économiques, sociales et politiques et qui échappent au contrôle direct du gouvernement.
Écrivains et journalistes, acteurs et athlètes, tous ces gens nouent et continuent d'entretenir des liens d'amitié à l'étranger, plus facilement que jamais grâce au courrier électronique et à l'Internet.
Plus les citoyens communiquent entre eux de chaque côté des frontières, plus ils apprennent à se comprendre et à s'apprécier mutuellement, et plus ils peuvent apprendre des valeurs des autres.
Et cela est bon pour nous tous. Nos gouvernements se doivent de maintenir cette communication, de la soutenir et de faire en sorte que les citoyens de nos deux pays en profitent.
Par exemple, l'an dernier, à Beijing, le Premier ministre Li et moi-même avons signé une lettre d'intention portant sur la mise au point de six nouveaux projets de l'ACDI avec le concours de la Chine. Certains de ces projets sont déjà en marche. Il s'agit notamment de la formation de juges de rang supérieur en Chine et de la promotion des droits de la femme.
Des travaux sont en cours à l'égard de dix-sept nouveaux projets de développement axés sur le partenariat, l'environnement et une saine gestion publique.
Ce sont des projets - petits et grands - qui définissent nos relations quotidiennement. Et nos gouvernements contribuent à les alimenter, à les soutenir, à les faire croître et s'épanouir.
Nos gouvernements collaborent également au sein de diverses organisations multilatérales dans le but de resserrer davantage les liens qui unissent non seulement nos deux pays, mais également ceux du monde entier.
C'est pourquoi le Canada a déployé tant d'efforts à l'égard de la création de l'Organisation mondiale du commerce et qu'il suit de si près l'adhésion de la Chine à l'OMC.
L'an dernier en Indonésie, les chefs de gouvernement des pays membres de l'APEC se sont engagés à créer une zone de libre=échange dans la région d'Asie=Pacifique d'ici l'an 2020.
La Chine connaît le potentiel économique de la région du Pacifique depuis fort longtemps. Mais pour leur part, les Canadiens et Canadiennes ont maintenu longtemps leur regard fixé presqu'exclusivement sur l'Europe et les États-Unis.
Nous avons commencé à nous tourner vers la zone Asie-Pacifique il y a vingt=cinq ans à peine en posant ce geste historique de reconnaissance officielle.
Et aujourd'hui, nous sommes devenu un membre actif à part entière de la région du Pacifique.
Quand l'APEC négociera l'établissement de la plus vaste et la plus dynamique zone de libre=échange au monde, le Canada sera présent -- parce que nous sommes un pays du Pacifique.
En tant que Premier ministre, je peux vous dire que ces développements éveillent non seulement nos connaissances et notre intérêt pour l'Asie-Pacifique mais ils éveillent aussi notre sentiment d'être canadien, notre confiance en nos moyens et en nos compétences.
L'exemple le plus frappant est bien sûr la mission commerciale menée par Équipe Canada en Chine l'an dernier. J'ai eu l'honneur de diriger cette mission, en compagnie des premiers ministres provinciaux et des leaders des territoires qui sont ici ce soir. Je tiens à leur rendre hommage, car ils ont à coeur de travailler ensemble pour le bénéfice des Canadiens.
En outre, le Conseil commercial Canada-Chine a joué un rôle prépondérant dans le succès de la mission d'Équipe Canada. En fait, bon nombre des gens d'affaires qui constituaient l'élément principal d'Équipe Canada sont également avec nous ce soir.
Ce serait l'euphémisme de la décennie que de dire qu'Équipe Canada a atteint son but. Elle a permis à des entreprises canadiennes et à leurs partenaires chinois de conclure des ententes d'une valeur de plus de huit milliards de dollars.
Et les répercussions de la mission se font encore sentir. Les entreprises canadiennes font état de la conclusion de marchés supplémentaires de huit cent cinquante millions de dollars découlant directement des initiatives de novembre dernier.
Qu'est=ce que cela signifie pour les Canadiens et Canadiennes ? Plus que dans presque tout autre pays industrialisé, les emplois et la croissance économique au Canada dépendent du succès de nos exportations. Cela contribue à la croissance économique et procure des emplois d'avenir bien rémunérés dans des industries d'avenir. C'est pourquoi nous, Canadiens, cherchons à prendre notre place à l'intérieur de marchés qui connaissent une expansion fulgurante - comme la Chine. Il s'agit de marchés dont plusieurs rêvent... mais que seuls les meilleurs arrivent à percer.
En fait, pour les Canadiens et Canadiennes, Équipe Canada représente plus que des milliards de dollars de contrats, plus que des milliers d'emplois et la qualité de vie qui vient avec. Équipe Canada a suscité un nouveau sentiment de fierté nationale pour ce que nous pouvons accomplir ensemble. Je sais à quel point les Canadiens et Canadiennes étaient fiers d'Équipe Canada l'an dernier. Ils étaient fiers de voir le premier ministre et les premiers ministres provinciaux ainsi que les chefs des gouvernements territoriaux travailler ensemble - en équipe, sans querelle et sans mésentente au sujet des juridictions, et sans chercher à marquer des points politiques.
Ils étaient fiers de les voir se concentrer sur la priorité numéro un de tous les Canadiens : ramener des emplois au Canada. Collaborer. Avoir un objectif commun. Travailler en équipe.
Je pense qu'on peut affirmer qu'en découvrant le potentiel de la Chine, nous avons aussi redécouvert notre confiance en nous. Mais la réussite du travail d'équipe et du partenariat d'Équipe Canada ne tient pas seulement au partenariat qui s'est établi entre les premiers ministres provinciaux et moi-même, mais aussi à celui qui s'est établi entre les chefs de gouvernement et des centaines de dirigeants d'entreprise dynamiques qui ont fait partie de l'équipe.
Par exemple, lorsqu'une importante société québécoise d'ingénierie a fait équipe avec des concurrents de l'Ontario pour former un partenariat spécial, ils ont battu de très grandes sociétés américaines, japonaises et allemandes.
Si nos entreprises avaient été seules et qu'elles avaient dû rivaliser entre elles et contre des sociétés étrangères, il aurait été beaucoup plus difficile de réussir.
Dans un autre projet, nous avons vu une autre société d'ingénierie québécoise établir un partenariat avec deux sociétés hydroélectriques provinciales de deux provinces différentes. L'entente qu'elles ont conclue en Chine leur permettra de réaliser des ventes totalisant un demi milliard de dollars en produits canadiens - fournis par des entreprises situées dans au moins deux provinces.
Pensez-y, deux services publics provinciaux formant un partenariat avec une société privée, avec l'appui du gouvernement fédéral... Difficile d'être plus canadien que cela!
Et les succès se poursuivent. Une firme canadienne est sur le point de mettre sur pied une coentreprise qui en fera l'une des trois seules compagnies étrangères habilitées à offrir des polices d'assurances en Chine. Nos banques établissent des bureaux en Chine et aident leurs clients à mettre sur pied des coentreprises avec des partenaires chinois.
Ces succès, les débouchés sans précédent qu'ils offrent et les dizaines de milliers d'emplois qu'ils créent sont les retombées réelles et durables de la mission d'Équipe Canada en Chine.
Les Canadiens sont fiers de la réussite de la mission d'Équipe Canada et de l'esprit dans lequel elle a été menée. Et ils ont bien le droit d'exiger que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux répètent l'expérience, avec le concours du secteur privé, afin de créer de nouveaux emplois et de nouveaux débouchés pour les Canadiens oeuvrant dans le secteur des exportations.
C'est pourquoi je dirigerai une nouvelle mission commerciale en Inde au début de la prochaine année.
Car, il ne faut pas s'y tromper, le Canada est un citoyen très actif dans le monde. Et lorsque nous mettons tous l'épaule à la roue, comme nous l'avons fait dans le cas d'Équipe Canada, nous sommes capables de réussir et d'obtenir ce qu'il y a de mieux dans le monde.
Un monde où les relations internationales ne sont plus symbolisées par la diplomatie et ses pompes traditionnelles, mais bien par une communication simple et directe entre des individus, par le libre échange des idées et par les milliers et les millions d'amitiés qui se nouent.
Il y a vingt-cinq ans, tout cela aurait semblé inimaginable, mais c'est ce geste diplomatique osé à l'époque qui nous a menés directement à ce que nous vivons en ce moment.
Ce soir, pendant que nous célébrons l'anniversaire de cette percée phénoménale, rendons hommage aux milliers de Chinois et de Canadiens qui, à leur façon, ont défini cette relation au cours des vingt-cinq dernières années. Et tournons-nous maintenant vers les millions de personnes qui feront la différence et qui permettront d'améliorer la vie de leurs concitoyens au cours des vingt-cinq prochaines années.
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