À la Chambre des communes sur l'accord de paix au Kosovo
C'est un grand jour pour les valeurs que nous avons défendues à travers le monde. C'est un grand jour pour la stabilité et la sécurité en Europe. C'est un grand jour pour le Canada. Je tiens à remercier les militaires canadiens et en particulier nos pilotes, qui ont pris de grands risques afin que nous puissions atteindre nos objectifs. Je voudrais aussi rendre hommage aux efforts diplomatiques déployés par le Canada en vue d'aboutir à un juste règlement de ce conflit.
Cette Chambre a toujours reconnu que le Canada devait prendre parti pour la justice, la liberté et les droits de la personne dans les Balkans. Nos actions contre les crimes commis au Kosovo ont bénéficié d'un appui solide. Je remercie les députés de cette Chambre et tous les Canadiens qui ont appuyé nos actions pendant cette période difficile.
Quant à ceux qui se sont opposés à la campagne aérienne de l'OTAN, je tiens à leur dire que je partage leur aversion à l'égard des offensives militaires. Notre décision d'intervenir n'a pas été prise à la légère. Tandis que nous poursuivions notre recherche de la paix, le Président Milosevic renforçait son appareil militaire et s'apprêtait à imposer le règne de la terreur au Kosovo.
Quand tous nos efforts en faveur de la paix ont abouti à l'impasse, nous savions que la seule option qui nous restait était l'action militaire. L'autre option aurait été en quelque sorte de rester passifs alors qu'une population entière était terrorisée et expulsée de la terre de ses ancêtres.
Nos partenaires de l'OTAN savaient qu'ils pouvaient compter sur le Canada, comme chaque fois que des démocraties européennes ont résisté à la force brutale de la tyrannie au cours de ce siècle. Pendant 78 jours, nos courageux pilotes canadiens ont risqué leur vie dans l'accomplissement de leur devoir au nom des valeurs canadiennes.
Nos efforts ne se limitaient pas à l'action militaire. Le Canada a joué un rôle central dans l'effort diplomatique en faveur d'une solution pacifique au conflit. Patiemment, nous avons travaillé au sein du G-8 et au plan bilatéral en vue d'amener la Russie à comprendre nos actions et à jouer un rôle constructif dans ses rapports avec le régime yougoslave. À la fin, la Russie a servi la cause de la paix dans son rôle d'intermédiaire et mérité la reconnaissance de la communauté internationale.
À la demande du Haut-Commissariat pour les réfugiés, le Canada a accueilli plus de 5 000 réfugiés du Kosovo. Les Canadiens ont démontré encore une fois qu'ils ouvrent volontiers leur coeur à ceux qui souffrent et les accueillent à bras ouverts. Nous avons apporté une contribution importante au travail des organismes humanitaires auprès des réfugiés dans les pays voisins du Kosovo : l'Albanie et la Macédoine.
Monsieur le Président, cette journée marque une étape importante dans la recherche d'une solution à la crise du Kosovo. Mais nous sommes conscients qu'une tâche gigantesque nous attend. Tout d'abord, ne nous faisons pas d'illusion. Bien que nous soyons confiants que l'accord entre l'OTAN et la République fédérale de Yougoslavie ainsi que les modalités fixées par le Conseil de sécurité seront respectés, nous demeurons réalistes. Nous avons vu le régime yougoslave trahir ses engagements à plusieurs reprises.
J'exhorte les autorités yougoslaves à respecter pleinement les dispositions de la résolution. Mais tant que les derniers soldats et policiers yougoslaves n'auront pas quitté le Kosovo, et que la force internationale de maintien de la paix ne sera pas fermement en place, la reprises des hostilités reste possible. Notre tâche la plus urgente consiste à surveiller le retrait des forces yougoslaves et à déployer la force de maintien de la paix au plus tôt.
Un autre élément clé du plan de paix et de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU est la démilitarisation de l'Armée de libération du Kosovo. Nous nous réjouissons de l'engagement des leaders kosovars de remplir cette obligation. Et nous exhortons l'UCK et les Kosovars à donner leur pleine coopération à la force de maintien de la paix.
J'ai le plaisir de confirmer que le contingent canadien de la Force du Kosovo est en route pour le Kosovo et qu'il sera prêt à se mettre à l'oeuvre d'ici quelques jours. Les défis et les risques qu'affronteront nos gardiens de la paix seront bien réels. Que Dieu les garde pendant leur importante mission pour rétablir la sécurité et la stabilité au Kosovo.
Une fois la force de maintien de la paix déployée au Kosovo, nous commencerons à organiser le retour des réfugiés, à établir des institutions démocratiques, à faire renaître la confiance et la réconciliation et à reconstruire la province. Le Canada participera à ces efforts au sein des organisations internationales telles les Nations Unies, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et la Banque mondiale et dans le cadre de son programme d'aide bilatérale.
Monsieur le Président, aucune paix durable ne sera possible au Kosovo, ni ailleurs en ex-Yougoslavie, sans justice. Le Canada a soutenu avec insistance les dispositions de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui visent à faciliter le travail du Tribunal pénal international en ex- Yougoslavie. Le rôle du Tribunal sera indispensable pour instaurer la confiance dans un règlement juste au Kosovo – un règlement en vertu duquel ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité en seront tenus responsables. Le Canada a appuyé les efforts du Tribunal ailleurs en ex-Yougoslavie et continuera de le faire au Kosovo. Nous avons déjà annoncé, au début de la semaine, l'envoi d'une équipe d'experts pour soutenir les enquêtes du Tribunal dans la province.
Monsieur le Président, cette guerre ne visait pas le peuple serbe. Le Canada se souvient que la Yougoslavie a été une nation amie pendant des années. Nous avons combattu à ses côtés dans la lutte contre la tyrannie pendant deux guerres mondiales. L'amitié qui nous lie à la Yougoslavie a des racines profondes et pourrait renaître facilement. Mais cette amitié ne s'étendait pas, et ne s'étendra jamais, à un régime qui a adopté les façons de penser et les méthodes des tyrans de l'Europe des années 1930.
Nous souhaitons sincèrement que la Yougoslavie réintègre bientôt la communauté des nations démocratiques qui partagent les valeurs fondamentales des pays de la région euro-atlantique. Nous tendons la main au peuple yougoslave. Nous serons heureux de les aider à mener à bien l'oeuvre de démocratisation, de réforme économique et de reconstruction en Yougoslavie.
Mais auparavant, de grands changements devront se produire dans ce pays. D'abord et avant tout, il devra se donner de nouveaux dirigeants. Cinq des dirigeants actuels, dont le Président Milosevic, ont été inculpés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Ils ont droit à un procès juste, et j'espère qu'ils profiteront de cette occasion pour se défendre, ouvrant la voie à un nouveau leadership.
Monsieur le Président, la décision du Conseil de sécurité de l'ONU constitue la reconnaissance de la dimension humaine de la paix et de la sécurité dans le monde. Du Rwanda au Kosovo, les preuves s'accumulent : non seulement les conflits internes détruisent la sécurité humaine, mais en plus ils menacent de déstabiliser des régions entières. Nous considérons que les questions humanitaires et les atteintes aux droits de la personne ne sont pas seulement des questions internes. Le Canada a lutté pour faire reconnaître davantage cette réalité au sein de la communauté internationale et en particulier aux Nations Unies. Nous croyons que l'accord auquel le Conseil est parvenu aujourd'hui représente un pas important vers l'adoption d'une définition plus vaste de la sécurité par la communauté internationale.