Des Canadiens branchés :
Le rôle des services publics à l'ère de l'information

Semaine de la technologie dans l'administration gouvernementale

Notes d'une allocution qui sera prononcée par
Mme. Jocelyne Bourgon
Greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet

Ottawa, Ontario
Le 20 octobre 1997


INTRODUCTION

-- Je vous remercie de m'avoir invitée à être des vôtres aujourd'hui.

-- Cette conférence annuelle revêt toujours une importance particulière du fait qu'elle réunit des spécialistes de la technologie et de la gestion de l'information des divers paliers de gouvernement, du secteur privé et de nombreux pays de tous les coins du globe.

-- Elle rassemble des spécialistes et des utilisateurs qui cherchent à tirer parti de la technologie de l'information pour améliorer les services offerts à la population.

-- Toutes les personnes réunies dans cette enceinte sont déterminées à profiter au maximum de cette occasion privilégiée pour apprendre, pour échanger et aussi pour trouver la stimulation qui les poussera à se fixer des objectifs ambitieux.

-- Le thème de la conférence de cette année se résume en ces quelques mots : Mieux servir les Canadiens : Bâtir le XXIe siècle.

-- Ce thème ne pouvait pas être plus approprié. Il énonce le rôle des divers paliers de gouvernement à l'aube du nouveau millénaire. Il reprend d'ailleurs l'idée maîtresse que le gouvernement du Canada a énoncée dans le discours du Trône le 23 septembre 1997.

-- Dans l'espoir de susciter votre réflexion et d'alimenter vos échanges, j'aimerais, si vous le permettez :

Première partie : Préparer le XXIe siècle - Le défi

-- Dans moins de trois ans - plus précisément dans 802 jours - Canadiennes et Canadiens célébreront le passage à l'an 2000.

-- Le discours du Trône définit la stratégie et les priorités du gouvernement du Canada en vue de préparer le Canada et ses citoyens à entrer dans le XXIe siècle.

-- Y a-t-il un lien entre ces diverses priorités? Oui; dans tous les cas, il s'agit d'investir dans les personnes.

-- La combinaison de ces éléments fondamentaux contribuera à préparer le Canada et les Canadiens à la société de demain qui sera axée sur le savoir.

-- Le discours du Trône décrit particulièrement bien le défi que nous sommes appelés à relever. Permettez-moi de vous en citer quelques passages :

-- C'est là le défi que nous devrons relever, nous tous présents dans cette salle. Pour y parvenir, il faudra un véritable effort à l'échelle canadienne, il faudra l'apport de tous et de chacun.

-- La question est de savoir de quelle manière nous pourrons contribuer davantage à la réalisation de cet objectif... que nous appartenions au secteur privé... à l'administration fédérale... ou aux autres paliers de gouvernement. De quelle façon pourrions-nous combiner nos efforts?

-- Pour élaborer un plan d'action commun, nous devons d'abord nous demander ce qu'il faut entendre par « devenir le pays le plus branché du monde ». Que signifie « être branché »?

1. Des citoyens branchés :

-- Il y a quelques centaines d'années, les gens se rassemblaient sur la place du village... pour échanger de l'information... pour discuter... et pour prendre des décisions intéressant l'ensemble de la collectivité. De là est née la démocratie.

-- Au fur et à mesure que la société est devenue plus complexe et en raison des contraintes imposées par l'éloignement, le système représentatif est apparu comme le modèle le plus efficace pour permettre aux citoyens de maintenir un lien permanent avec les institutions politiques et d'en surveiller les activités.

-- Au tournant du nouveau millénaire, la technologie met à la disposition des citoyens de nouveaux moyens de bâtir des liens entre eux, des moyens qui permettent de parer aux inconvénients de l'éloignement - et d'enrichir les notions de démocratie et de citoyenneté. En effet, il sera possible :

-- L'infrastructure de base existe déjà. Le défi consiste à en assurer l'accès à tous les Canadiens et à veiller à ce que tous jouissent des mêmes opportunités.

2. Des collectivités branchées :

-- La technologie de l'information peut nous aider à assurer que toutes les connaissances institutionnelles dont disposent les trois paliers de gouvernement sont mises au service de nos collectivités. Les Canadiens ont pour l'acquisition de ces informations; elles leur appartient de plein droit.

-- Dans la réalisation de cet objectif, il nous faudra tenir compte des préoccupations légitimes de la population quant à la protection des renseignements personnels, assurer une protection adéquate des renseignements commerciaux et examiner les questions de sécurité. Cela pose des problèmes de taille, j'en suis consciente, mais il est possible, de trouver un juste équilibre entre la nécessité de rendre l'information disponible et accessible et celle d'assurer la confidentialité et la sécurité des renseignements personnels.

-- Les avantages liés à l'accessibilité de l'information justifient les efforts à fournir. La technologie de l'information peut aplanir les obstacles que suscite l'éloignement, modifier les relations entre les régions rurales et les zones urbaines au Canada et permettre aux collectivités de prendre en main leur développement. En voici quelques exemples :

-- Nous nous employons à établir des nouveaux liens entre les Canadiens - le Réseau scolaire canadien et le Programme d'accès aux collectivités en sont des exemples probants. Le gouvernement du Canada et celui de l'Île-du-Prince-Édouard ont signé une entente de partenariat en matière d'économie du savoir. Le gouvernement du Canada et celui du Nouveau-Brunswick ont conclu un protocole d'entente en vue de rendre leur information respective accessible dans plus de 200 centres de consultation de cette province. Le défi est d'amener l'ensemble des administrations fédérale, provinciales et municipales de faire le même à travers tout le pays.

3. Des entreprise branchées :

-- La technologie de l'information offre une foule de possibilités nouvelles aux entreprises, et notamment aux petites et aux moyennes. Pour la première fois, les entreprises établies en région peuvent échapper aux contraintes de leur situation géographique et aux pratiques restrictives de la commercialisation à l'échelle mondiale. Il y aurait beaucoup à dire quant aux possibilités que la technologie de l'information ouvre aux entreprises. Je me bornerai ici à évoquer le commerce électronique.

-- Pour pouvoir tirer parti de l'économie axée sur le savoir, il importe tout d'abord d'éliminer les obstacles au commerce sur l'autoroute de l'information. Cela s'impose tout particulièrement dans le cas des petites entreprises pour lesquelles le passage à la technologie de l'information présente des difficultés de taille.

-- Le défi à cet égard consistera à assurer un certain degré de certitude sur le marché en veillant à la mise en place du cadre juridique, réglementaire et stratégique requis pour le commerce électronique.

-- En se donnant le meilleur environnement qui soit pour le commerce électronique, le Canada s'assurera un avantage concurrentiel considérable sur la scène internationale pour ce qui est d'attirer talents et investissements.

-- À cette fin, les ministères de la Justice, de l'Industrie, du Revenu et du Patrimoine et le Conseil du Trésor devront concerter leurs efforts.

-- Reprenons maintenant les grandes lignes de cette première partie de mon exposé :

Deuxième partie : Qu'est-ce que cela signifie pour le secteur public?

-- Les responsables du secteur public sont conscients depuis longtemps de l'importance de la technologie de l'information pour édifier une société fortement axée sur le savoir.

-- Au début, les pouvoirs publics ont misé sur les technologies de l'information pour améliorer la productivité et l'efficience -- (systèmes de paie, de comptabilité et de traitement des déclarations d'impôt).

-- Par la suite, la technologie de l'information est devenue un outil indispensable pour améliorer les services dispensés aux Canadiens. Le rôle de l'État ne se limite pas à réaliser des travaux d'infrastructure ou à émettre des chèques. Il consiste de plus en plus à fournir en temps opportun de l'information utile et accessible à tous.

-- Nous amorçons maintenant une nouvelle étape qui amènera les pouvoirs publics à recourir à la technologie de l'information pour étayer l'acquisition des connaissances et l'action innovatrice. Voilà un tout autre degré de complexité. Cela nécessitera un profond changement de mentalité au sein des administrations gouvernementales. Cela modifiera en outre les rapports entre l'État et les citoyens.

-- Avant de nous pencher sur les changements à venir, faisons tout d'abord le bilan des progrès accomplis jusqu'ici, puisqu'ils sont l'assise sur laquelle reposera la nouvelle phase.

1. Les divers paliers de gouvernement ont créé des réseaux qui leur permettent de rendre leurs services accessibles, utiles et adaptés aux besoins des collectivités.

2. Particuliers et entreprises peuvent effectuer des transactions par voie électronique avec l'État.

3. L'État est aujourd'hui plus accessible.

4. La coordination est meilleure entre les ministères et les employés de l'État.

-- C'est indéniable : depuis dix ans, nous enregistrons d'immenses progrès et de nombreuses réalisations, mais les possibilités que permettent d'entrevoir les cinq prochaines années sont encore plus impressionnantes.

-- Premièrement, les ministères et les organismes publics doivent cesser de se voir comme des fournisseurs de services publics autonomes et passer plutôt à un système intégré pour la prestation de services.

-- Il reste beaucoup à faire pour que l'administration fédérale projette l'image d'une organisation homogène - pour en arriver à ce que les ministères utilisent des infrastructures communes - et pour mettre en place des guichets uniques adaptés aux Canadiens et à leurs besoins.

-- Les pouvoirs publics devront dépasser le rôle de fournisseurs d'information pour devenir des agents favorisant l'acquisition de connaissances. Ce rôle est beaucoup plus complexe.

-- À bien des égards, les administrations provinciales ont une longueur d'avance; nous pourrions tous tirer des leçons de leur expérience :

-- Deuxièmement, au cours des prochaines années, nous serons appelés à redéfinir les rapports entre l'État et les citoyens. La plus grande réussite serait d'en venir à ce que, sans négliger leurs responsabilité propres, les administrations municipales, territoriales, provinciales et fédérale concertent leurs efforts pour mieux servir les Canadiens.

-- L'an dernier, j'ai lancé un défi à la fin du dîner de gala - c'était que tous les paliers de gouvernement soient dûment représentés à la prochaine conférence.

-- Cette année, huit séances portent expressément sur les questions de partenariat et d'interdépendance. On a en outre recensé 166 délégués provinciaux et territoriaux et 17 délégués municipaux. Plus d'une douzaine de candidats des administrations provinciales, territoriales et municipales sont proposés pour le prix de l'innovation.

-- Ce sont les administrations municipales qui sont les plus proches des préoccupations de la population. Leur participation est donc essentielle si nous voulons que nos efforts portent fruit.

-- Nous progressons bel et bien ! Il y a tant de choses que nous pouvons accomplir ensemble. Il est réaliste d'envisager la mise en place, au Canada, d'un guichet unique pour la prestation de tous les services publics -- tel est le défi à relever.

-- Troisièmement, l'État devra ouvrir la voie pour faciliter le passage à une société fondée sur le savoir.

-- C'est ce rôle qu'entrevoyait le Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information dans Government as a Model User. L'État possède et exploite de nombreux systèmes d'information; il en utilise également beaucoup d'autres. Il peut également jouer un rôle de figure de proue et accélérer la transformation de la société canadienne, en donnant l'exemple et en aidant les Canadiens à s'adapter à la technologie de l'information.

-- Il n'est pas dans l'intérêt public que l'État se charge de tout. Au fil de l'évolution de la société canadienne, d'autres intervenants peuvent assumer davantage de responsabilités et sont de plus en plus disposés à le faire.

-- Le rôle de l'État est en train de changer de façon irréversible. Le transfert des responsabilités du secteur public au secteur privé doit se faire de façon ordonnée pour que les administrations publiques puissent en tout temps mobiliser leurs ressources limitées et l'énergie de leurs employés et exécuter les tâches que le secteur public est seul capable d'assumer au mieux.

-- Par exemple, grâce au secteur privé, une infrastructure de base en matière de technologie de l'information existe dans tout le pays - pas encore dans toutes les collectivités, mais la chose est possible. Nous devons tirer parti de cette infrastructure.

-- De plus, le secteur privé nous fournit nombre de logiciels de série et de systèmes commerciaux adaptés à nos besoins. Nous devrions tirer parti de cette possibilité. Nous n'avons ni le temps ni les ressources nous permettant de réinventer la roue.

-- Pour que le Canada devienne le pays le plus branché du monde et une société véritablement fondée sur le savoir d'ici le tournant du siècle, il faut un partenariat fort entre les secteurs public et privé. Plus grandissent les responsabilités assumées par le secteur privé, plus le secteur public doit concentrer ses efforts dans les secteurs où les besoins sont plus pressants ou dans ceux qui sont d'une plus grande complexité ou qui procurent une plus grande valeur ajoutée.

-- Cela m'amène à mon dernier point.

-- Quel est l'avenir de la technologie et de la gestion de l'information dans le secteur public? Ces deux fonctions ne devraient-elles pas plutôt être laissées au secteur privé? Sera-t-il possible de poursuivre dans le secteur public une carrière intéressante et enrichissante dans ce domaine? Sera-t-il possible d'attirer et, surtout, de retenir dans la fonction publique de jeunes spécialistes talentueux?

-- Les fonctions reliées à la technologie et à la gestion de l'information sont indivisibles des autres fonctions. Dans l'administration publique, elles font partie intégrante du processus de développement, de la conception des politiques et des programmes, ainsi que de la prestation des services.

-- Les fonctions entourant la technologie et la gestion de l'information ne peuvent être privatisées. Il s'agit plutôt de chercher quelles pourraient être les meilleures façons de partager les responsabilités à cet égard entre les secteurs public et privé.

-- Permettez-moi d'exprimer ici une opinion toute personnelle. À mon sens, la gestion de l'information dans le secteur public est et doit être différente de ce qu'elle est dans le secteur privé. Si elle était identique, je serais inquiète de l'avenir, car il est peu probable que le secteur public offre des conditions de rémunération équivalentes à celles du secteur privé.

-- Il m'apparaît plutôt qu'une carrière en gestion de l'information dans la fonction publique est différente, et qu'elle le sera de plus en plus dans les prochaines années. Les spécialistes de cette discipline qui travaillent dans la fonction publique:

-- Ce type de savoir-faire ne peut s'acquérir que par l'expérience. Il se développe en milieu de travail et l'on ne peut se le procurer sur le marché, même à grands frais.

-- L'attrait d'une carrière dans le domaine de la gestion de l'information au sein de la fonction publique se fonde sur :

-- Je suis préoccupée du fait que, chaque année, nous perdons des spécialistes très compétents. Si les réformes nécessaires pour moderniser la fonction publique et, en particulier, les fonctions reliées à la gestion de l'information, ne peuvent être effectuées à temps, nous en subirons tous les conséquences.

-- Nous avons plusieurs raisons d'être optimiste. L'une d'elle est la personne qui me suivra sous peu au podium. Le dirigeant principal de l'informatique, Paul Rummel, a placé au premier rang de ses priorités le renouvellement du personnel chargé de l'information dans l'administration gouvernementale. En collaboration avec le Conseil du Trésor et avec chaque ministère, il a élaboré un plan d'action en plusieurs volets allant du recrutement et de la formation à l'impartition et à la conversion de nos systèmes informatiques afin qu'ils intègrent le calendrier de l'an 2000. Il devrait communiquer ses intentions sous peu. Il aura besoin de notre collaboration pleine et entière et nous pouvons l'assurer qu'il l'obtiendra.

CONCLUSION

-- Ce soir, à l'occasion de la remise des prix, les réalisations des heureux lauréats ne manqueront certainement pas de nous donner le goût de nous surpasser nous aussi. L'avenir est porteur de promesses y inclues, la promesse d'une carrière emballante pour ceux qui choisiront de servir dans le secteur public.

-- Nous n'en sommes qu'au début de nos efforts pour faire du Canada un pays véritablement branché. La complexité de la tâche à accomplir peut parfois nous donner le vertige. Néanmoins, nous ne devons pas douter de notre réussite car nous possédons la détermination, l'ingéniosité et les talents requis pour mener notre entreprise à bien.

-- Cette conférence ne pouvait mieux tomber.

-- J'anticipe déjà le plaisir d'échanger, et de célébrer les réalisations de nos finalistes. L'an prochain, nous célébrerons les progrès que nous aurons accomplis pour faire du Canada «le pays le plus branché du monde ».



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