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Allocution du Premier ministre Jean Chrétien l'occasion du 50e anniversaire de la libération des Pays-Bas au cimetière militaire canadien à Groesbeek


Le 6 mai 1995
Groesbeek (Pays-Bas)

Votre Altesse Royale, Monsieur le Premier ministre, distingués invités, mesdames et messieurs,

Au nom des Canadiens et des Canadiennes, je remercie Votre Altesse Royale d'être parmi nous aujourd'hui à l'occasion de cette cérémonie spéciale. La famille royale occupe une place toute particulière dans le coeur des anciens combattants canadiens -- et de tous les Canadiens

Lorsque ce pays est brutalement tombé aux mains de l'occupant, nous sommes fiers que le Canada ait pu offrir un refuge à la famille royale. En effet, Son Altesse Royale est née dans notre capitale nationale. Votre famille royale était en sécurité de l'autre côté de l'océan. Un symbole d'espoir et de défiance. C'est ainsi que l'amitié entre nos deux pays a pris naissance.

Une amitié qui s'est forgée durant les heures les plus sombres du XXe siècle. Une époque où un envahisseur exerçait son emprise sur ce continent, lorsque régnait la haine et que l'avenir du monde était remis en question.

Cela a été une époque de terreur et d'oppression, certes, mais également une époque de grand courage et de sacrifice.

Aujourd'hui, nous rendons hommage au courage et au sacrifice de tous ceux qui ont combattu pour la liberté. Les Canadiens qui reposent ici et dans les autres cimetières militaires d'Europe. Et ceux qui ont effectué un long voyage pour être aujourd'hui parmi nous.

Les manuels d'histoire ne nous donnent qu'un compte-rendu impersonnel et des statistiques de guerre.

On y apprend, notamment que plus de 40 000 Canadiens ont perdu la vie durant la Seconde Guerre mondiale, que plus de 7 000 Canadiens sont morts durant la libération de la Hollande, et que plus de 2 300 Canadiens sont enterrés ici.

Les manuels d'histoire sont remplis de chiffres comme ceux-là. Mais ils ne nous disent pas à quoi ressemblaient les affrontements, au cours de l'hiver froid et humide caractéristique des basses terres de ce pays, contre un ennemi désespéré et repoussé dans ses derniers retranchements.

Ces manuels ne nous enseignent pas ce qui se passait dans le coeur et la tête d'Aubrey Cosens, durant la nuit du 25 février 1945. Cette nuit-là, il a pris d'assaut trois positions ennemies, à lui seul, sous le feu nourri des mitrailleuses. Cette nuit-là, il a été abattu par un tireur d'élite ennemi.

Aubrey Cosens était âgé de 24 ans. Il n'est jamais rentré à Latchford en Ontario. Sa vie a pris fin à l'âge où la plupart des gens commencent à vivre pleinement. Il repose ici à Groesbeek. À titre posthume, il a été décoré de la Croix de Victoria pour ce qu'il a accompli cette nuit-là.

Les livres d'histoire ne racontent pas ce que ressentaient les blessés ­ ou ceux qui ont été décorés par un pays étranger.

Jean-Charles Forbes, de Matane au Québec, est devenu lieutenant et commandant de peloton avec le Régiment de Maisonneuve. À Groesbeek, il a été atteint à l'oeil droit par un éclat d'obus.

Wilford Kirk, de Langenburg en Saskatchewan, membre des Queens Own Cameron Highlanders, a été blessé à quatre reprises.

Ces deux hommes ont reçu la plus haute distinction de bravoure des Pays-Bas. Ils sont les deux seuls récipiendaires canadiens toujours vivants, et ils sont avec nous aujourd'hui.

Les manuels d'histoire ne disent pas ce qu'on ressent lorsqu'on perd son fils, son père, son mari ou son frère.

La famille Halikowski de Saskatchewan sait ce que l'on éprouve. Quatre frères se sont enrôlés. John est mort en France.

Son frère Joe, qui servait dans l'aviation, a été abattu au dessus de l'Allemagne. Il repose ici à Groesbeek.

Leur frère, Edward Halikowski a également combattu aux Pays-Bas. Il est parmi nous aujourd'hui.

Les manuels d'histoire ne peuvent raconter aucune de ces choses. Les mots, les dates et les cartes ne donnent pas une mesure de la souffrance, des sacrifices et de ce que l'on ressent lorsqu'on perd un être cher.

Mais ce que ces Canadiens nous ont légué véritablement ne se retrouve pas dans les livres d'histoire.

On le retrouve dans le sourire d'un enfant hollandais qui vit décemment et en toute liberté aujourd'hui, grâce à ce que ces hommes ont accompli il y a un demi-siècle.

Dans la gratitude qu'expriment les personnes qui vivaient ici alors. Dans la chaleur de l'accueil que nous avons reçu dans ce pays.

On le retrouve au Canada également.

Dans les cours d'école, dans les éclats de rire d'enfants qui vivent sans crainte ni souffrance.

Dans nos villes et collectivités, où les gens peuvent bâtir une vie décente pour eux et leur famille.

Dans nos églises et synagogues, où les gens sont libres de croire et de prier.

Dans nos quartiers, nos bibliothèques et nos assemblées législatives où les gens sont libres de parler, d'écrire et de lire comme bon leur semble.

Ceux de ma génération comme celle de nos enfants -- qui n'ont jamais connu toute l'horreur de la guerre.

Cet héritage se retrouve dans la lettre d'une jeune femme de Montréal. Elle écrit :

« Je suis une Canadienne dont les parents hollandais ont survécu à la guerre et à l'occupation de la Hollande... Il y a 50 ans, des soldats canadiens venus les libérer de la tyrannie et de l'oppression ont donné du pain à mes parents affamés. À mes yeux, ce simple geste de bienveillance symbolise toute la fierté que j'éprouve d'être Canadienne dans un monde où, pour un trop grand nombre, la liberté est un luxe hors de portée... Les tulipes que nous plantons chaque année ne sont qu'une façon toute simple d'exprimer le souvenir que nous conservons et la gratitude que nous éprouvons envers ce pays qui a accueilli ma famille comme des millions d'autres personnes, et leur a donné la chance de vivre en santé, en sécurité, et de prospérer. »

Ces paroles toutes simples, sont le véritable héritage que nous ont légué les Canadiens qui reposent ici et dans les cimetières qui jalonnent ce continent. C'est le véritable héritage de leurs camarades qui sont rentrés au pays et de ceux qui reviennent ici cinquante ans plus tard.

Et nous vous disons merci.

Merci de nous avoir donné la chance de bâtir un pays meilleur. Merci de nous avoir donné la chance de vivre en paix. De croître et de prospérer. De bâtir une société fondée sur la tolérance et le partage, la compréhension et la liberté.

Vous nous avez légué cinquante années de paix et de stabilité.

Votre héritage, c'est un pays fier et indépendant, un jeune pays qui a atteint sa maturité en traversant les épreuves de la guerre. Qui occupe aujourd'hui une place de premier plan dans la communauté internationale - et y joue un rôle important.

Votre héritage, c'est un pays de paix où tous les espoirs sont permis, un pays qui a ouvert ses bras pour accueillir des personnes provenant d'un peu partout dans le monde. Des personnes qui ont, par ailleurs, contribué à bâtir un pays meilleur et plus fort.

Votre héritage, ce n'est rien de moins que le Canada tel que nous le connaissons. Tout ce qui est nôtre aujourd'hui, nous le devons à ce que vous avez accompli il y a un demi-siècle.

Nous continuerons à bâtir une société digne de votre sacrifice.

Une société fondée sur la liberté, l'égalité des chances et la tolérance. Une société libre de la haine, de la peur et de la tyrannie. Une société qui fait l'envie du monde entier.

Nous poursuivrons l'oeuvre que vous avez entreprise.

Nous n'oublierons jamais ce que vous avez fait.


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Mise à jour : 2007-04-11 Haut de la page Avis importants