II

Le rôle de l'État

Soumises aux tendances internationales exposées dans le rapport de l'an dernier, toutes les administrations publiques canadiennes doivent adapter leur rôle aux besoins et aux moyens de la société d'aujourd'hui. Elles ont d'ailleurs fait des progrès considérables à cet égard. Cette redéfinition aura une forte incidence sur toutes les administrations publiques et sur chaque citoyen.

Nous sommes actuellement, au Canada, les acteurs et les témoins d'une étape marquante de l'évolution du rôle de l'État

C'est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale que des transformations aussi profondes et d'une telle ampleur s'opèrent en si peu de temps. L'avenir nous dira si les gouvernements ont pris les bonnes décisions et ont trouvé le juste équilibre, mais, chose certaine, il est clair que nous sommes actuellement, au Canada, les acteurs et les témoins d'une étape marquante de l'évolution du rôle de l'État.

Rétablir l'autonomie financière

Pour la première fois depuis longtemps, le Canada est sur le point de recouvrer son autonomie financière. On entrevoit le bout du tunnel.

Il y a cinq ans, le pays était confronté à de graves difficultés financières, aux niveaux tant fédéral que provincial. En 1992-1993, le déficit des administrations publiques fédérale, provinciales et territoriales atteignait 9,6 p. 100 du produit intérieur brut (PIB). Aujourd'hui, sept provinces ont réussi à équilibrer leur budget et cinq d'entre elles ont commencé à rembourser leur dette. En conséquence, le déficit combiné des provinces et des territoires a été réduit de 50 p. 100 depuis 1992-1993.

Pour ce qui est du déficit du gouvernement du Canada, il s'élevait à 6 p. 100 du PIB en 1993-1994. Par rapport au PIB, les besoins financiers du gouvernement du Canada en 1997-1998 (le montant des nouveaux emprunts contractés sur les marchés financiers) seront à leur niveau le plus bas depuis 1969-1970, et ils seront inférieurs à ceux de tous les autres gouvernements centraux du G-7. D'ici 1998-1999, les dépenses de programmes fédérales (c'est-à-dire toutes les dépenses de programmes sauf le service de la dette) seront à leur niveau le plus bas, en pourcentage du PIB, depuis 1949-1950.

Ce renversement s'est fait sans perturbation majeure des services et des systèmes et sans les conflits violents que d'autres pays ont connus. Ces résultats témoignent non seulement de la détermination des ministres et des gouvernements qui ont pris des décisions difficiles, mais aussi, et dans une large mesure, de la créativité et de l'ingéniosité des fonctionnaires fédéraux et provinciaux qui ont proposé des projets ambitieux et en ont surveillé attentivement la réalisation. Cette tâche se poursuit tous les jours, avec patience, compétence et rigueur.

Il est encore trop tôt pour mesurer les répercussions de ces changements, mais on peut déjà supposer que, si les gouvernements continuent sur leur lancée :

Les administrations publiques ont dû se mettre à faire des choix difficiles et à établir clairement leurs priorités

Ces résultats impressionnants ont été atteints en très peu de temps. Pour y arriver, les administrations publiques ont dû cesser d'essayer de « faire plus avec moins » et se mettre à faire des choix difficiles et à établir clairement leurs priorités.

Compte tenu du rôle essentiel que joue le secteur public dans une société harmonieuse, les gouvernements devront bientôt trouver réponse à deux questions essentielles :

1. Que devrait faire l'État, avec les moyens dont dispose la société, pour assurer le bon fonctionnement d'une société moderne?

2. À l'aube du prochain millénaire, quelles devraient être les priorités à privilégier pour contribuer au bien-être du Canada et des Canadiens?

L'Examen des programmes

L'un des pivots des mesures de renouvellement du gouvernement du Canada a été l'Examen des programmes. Cet exercice a permis de revoir l'ensemble des programmes et activités du gouvernement afin de redéfinir le rôle de l'État à l'avenir, compte tenu des moyens du pays.

Les résultats de l'Examen ont été dévoilés par le président du Conseil du Trésor à la Chambre des communes, le 7 mars 1996. La déclaration que ce dernier a faite au sujet du rôle fondamental de l'État revêt une importance particulière, car elle contribue à orienter les activités de l'État et à établir des critères de base pour les évaluer.

Dans sa déclaration, le président affirmait que pour bien servir les Canadiens, le gouvernement du Canada devrait faire porter ses efforts sur les cinq rôles fondamentaux suivants :

1. Veiller à ce que les représentants du Canada s'expriment à l'unisson sur la scène internationale. Ce rôle témoigne de la nécessité de défendre la souveraineté du Canada dans la communauté internationale et englobe des domaines tels que la politique étrangère, le commerce international, le maintien de la paix, l'immigration et la défense.

2. Protéger et renforcer l'union économique canadienne. C'est principalement grâce à l'union économique canadienne que les entreprises et industries du Canada peuvent apprendre à soutenir la concurrence dans une économie mondiale. Cette union représente également l'espace économique où les Canadiens échangent des biens et services, où se développent les richesses et se créent les emplois. Le rôle de l'État à cet égard comprend l'établissement de lois cadres assurant le bon fonctionnement des marchés -- entre autres, en matière de faillites, de concurrence et de propriété intellectuelle -- de même qu'une fonction de réglementation, par exemple dans les domaines de la protection des consommateurs et de la protection de l'environnement.

3. Protéger et renforcer l'union sociale canadienne et la solidarité au Canada. L'union sociale contribue à la qualité de vie et à la sécurité de tous les citoyens. C'est la société de l'entraide. Elle permet d'attirer et de conserver les investissements nationaux et internationaux et joue un rôle de premier plan dans la création d'emplois. Elle vient en aide aux personnes les plus démunies telles que les jeunes, les personnes âgées ou les sans-emploi, grâce à un ensemble de programmes de transfert et de péréquation. L'union sociale contribue au renforcement de la fédération.

4. Gérer la mise en commun des ressources destinées à des objectifs communs là où un seul programme ou centre d'expertise serait plus efficace et où la diversité n'est pas essentielle. Il faut saluer à ce titre, parmi tant d'autres, l'apport de la Commission géologique du Canada, du Service hydrographique du Canada, du Service de l'environnement atmosphérique et de Statistique Canada. À l'évidence, les citoyens sont parfois mieux servis lorsque les administrations publiques mettent leurs ressources en commun.

5. Se faire le protecteur des droits des citoyens dans une société démocratique de tradition parlementaire régie par la primauté du droit, laquelle préserve et favorise les valeurs et l'identité du Canada tout en prônant sa diversité. Ce rôle englobe toute une gamme d'activités telles que la responsabilité fiduciaire du gouvernement envers les autochtones, les langues officielles et l'application des lois. La sécurité physique et matérielle, qui est l'un des traits dominants du Canada, contribue à la qualité de vie et au niveau de vie des Canadiens.

6. La mise en oeuvre est toujours l'étape la plus délicate d'une réforme. Elle exige du courage, de la persévérance et de la détermination. C'est aussi elle qui permet de juger de la valeur réelle de la réforme.

Ce n'est que lorsque la mise en oeuvre de ces décisions aura donné sa pleine mesure que les Canadiens pourront constater toute l'ampleur de la réforme en cours. Le résultat le plus évident jusqu'à maintenant a été le retrait progressif de l'État, faisant suite aux choix épineux pris par les gouvernements pour réduire ou supprimer certains services afin d'adapter leurs activités aux besoins et aux moyens de la société d'aujourd'hui.

Les gouvernements contribuent à une profonde transformation de la société canadienne

Quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit qu'en prenant ces mesures pour réduire les niveaux d'endettement et équilibrer les budgets au Canada, les gouvernements contribuent à une profonde transformation de la société canadienne. Cette transformation consistera à :

Les réformes entreprises jusqu'à maintenant vont inspirer les transformations à venir.

Établir de nouveaux rapports entre les gouvernements

Le débat public sur le chevauchement et le double emploi est dépassé par les événements

La redéfinition du rôle des administrations publiques au Canada a eu pour effet de réduire considérablement le chevauchement et le double emploi qui existaient encore il y a quelques années à peine. Aujourd'hui, le débat public sur le chevauchement et le double emploi est dépassé par les événements, puisque bon nombre des problèmes qui préoccupaient les gouvernements et le public dans les années 80 et au début des années 90 ont déjà été résolus ou sont sur le point de l'être. En voici quelques exemples :

Les progrès accomplis permettront maintenant de passer de la clarification des rôles et des responsabilités, à la tâche plus complexe, mais plus exaltante, de façonner un partenariat modernisé entre les administrations publiques canadiennes.

La notion de divisions étanches cède le pas à celle de l'interdépendance des administrations publiques

À mesure que les décisions touchant les rôles et les responsabilités des gouvernements sont mises en oeuvre, les administrations publiques découvrent qu'elles auront beau rationaliser et comprimer leurs effectifs, définir et préciser leurs tâches et leurs responsabilités, elles devront néanmoins conjuguer leurs efforts pour répondre aux besoins du Canada et des Canadiens au XXIe siècle. Afin de mieux servir le citoyen, la notion de divisions étanches cède le pas à celle de l'interdépendance des administrations publiques. Là encore, les effets de ce changement commencent à se faire sentir.

Si l'on se fie aux progrès accomplis jusqu'à maintenant -- pourvu que les intéressés le veuillent et que les circonstances s'y prêtent -- on pourrait bien assister à l'émergence de nouveaux rapports entre les gouvernements au cours des prochaines années. Les prochains défis consisteront à fixer des priorités et à prendre des décisions ensemble. À la longue, la prestation des services pourrait s'en trouver profondément changée.

Jeter les bases de nouveaux partenariats avec d'autres secteurs de la société

Les efforts déployés par les gouvernements pour repenser le rôle de leurs secteurs publics ont permis de dégager certaines conclusions quant à la gestion publique dans une société moderne :

Les gouvernements doivent s'initier au partenariat

Pour que le gouvernement puisse remplir sa mission de gardien de l'intérêt public, il doit trouver la place qui lui revient, aux côtés des autres membres de la société. Il doit s'appuyer sur ses partenaires. Il doit reconnaître, encourager, récompenser et orienter leur contribution au bien public. Autrement dit, les gouvernements doivent s'initier au partenariat.

Les partenariats entrepris dans l'intérêt public peuvent contribuer grandement à la réforme du secteur public. Ils peuvent s'avérer avantageux :

Créer des partenariats dans l'intérêt public n'est pas chose facile; il faut y consacrer du temps, changer les mentalités et être disposé à accepter les responsabilités qui en découlent. Mais, ces partenariats peuvent donner des résultats allant bien au-delà de ce qu'aurait pu accomplir seule l'une ou l'autre des parties.

Il existe déjà de nombreux exemples de partenariats formés dans l'intérêt du public :

Les partenariats montrent que pour défendre l'intérêt public, il n'est pas toujours nécessaire que les administrations publiques fassent tout elles-mêmes

Tous ces partenariats montrent bien que pour défendre l'intérêt public, il n'est pas toujours nécessaire que les administrations publiques fassent tout elles-mêmes. Bien qu'il existe déjà de nombreux exemples de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, les leçons tirées des expériences en cours dans toutes les administrations publiques et dans tous les ministères favoriseront l'émergence de nouveaux partenariats.

Renforcer les rapports entre l'État et le citoyen

En établissant de nouvelles priorités, les administrations publiques changent les rapports entre l'État et le citoyen.

Les citoyens s'attendent à une meilleure gestion

L'une des raisons pour lesquelles les citoyens appuient leurs gouvernements au moment où ces derniers ont des décisions nécessaires et difficiles à prendre pour établir des priorités et adapter leurs programmes et services aux moyens de la société, est qu'ils s'attendent à une meilleure gestion et à une meilleure qualité des services qui leur sont offerts. Ils s'attendent aussi à ce que les administrations publiques :

Sommaire

Les administrations publiques canadiennes vivent présentement à l'heure de l'innovation et de la modernisation. Nous assistons à l'établissement de nouveaux rapports entre les ordres de gouvernement, à la création de partenariats avec d'autres secteurs et à la transformation des rapports entre l'État et le citoyen. À long terme, ces efforts conjugués pourraient amener les administrations publiques à modifier considérablement leur façon de servir les Canadiens. Ils pourraient également contribuer au renouvellement de la fédération et au renforcement de l'unité canadienne.

 

[Table des matières] [Chapitre suivant]



Retour à la page Web:
http://www.pco-bcp.gc.ca/default.asp?Language=F&Page=InformationResources&Sub=Publications&doc=4rept96/chap2_f.htm