Discours à  la session extraordinaire du Conseil permanent de l’Organisation des États américains

Le 5 février 2001
Washington

Le premier discours par un premier ministre canadien devant l’Organisation des États américains représente un jalon marquant dans l’affirmation par le Canada de son identité hémisphérique.

Il s'inscrit dans la foulée de notre décision d'adhérer à l'OEA en 1990. De notre participation aux deux premiers sommets des Amériques à Miami et Santiago. Des deux missions commerciales en Amérique latine que j'ai dirigées, en 1995 et en 1998. Et de l'accueil de l'Assemblée générale de l'OEA à Windsor en juin dernier. Il sera suivi des réunions des ministres des finances, de l'environnement et du travail de l'hémisphère qui auront lieu au Canada au cours des prochains mois et de la réunion inaugurale du Forum interparlementaire des Amériques qui se tiendra à Ottawa dans quelques semaines à peine.

Dans quelques mois, nous franchirons l’étape la plus importante de notre parcours alors que nous accueillerons les dirigeants démocratiquement élus des Amériques à Québec pour le Troisième Sommet des Amériques.

À mesure que nous avons avancé sur ce parcours s’est accru le sentiment que les Amériques ne se résument pas à une réalité géographique. Que nous sommes plus que de simples voisins et amis. Nous formons una gran familia. Une famille dont chaque membre est assurément un pays fier de sa propre identité et sûr de sa souveraineté. Mais néanmoins, sur un plan supérieur, une famille qui partage les mêmes aspirations et valeurs. Qui a embrassé la démocratie, l’économie de marché et la justice sociale. Qui a adopté comme cause commune la mission d’améliorer la qualité de vie de tous les citoyens.

J’ai parlé récemment à bon nombre de vos dirigeants des façons de favoriser le progrès humain et le partage de la prospérité. J’en parlerai plus tard aujourd’hui au Président Bush. Pour ceux qui m’écoutent à Washington et au-delà, j’aimerais décrire brièvement la façon dont se présentera l’ordre du jour du Sommet de Québec.

Je voudrais tout d’abord souligner que je suis conscient des problèmes et des défis épineux qui nous séparent du but. Toutefois, je suis fermement convaincu que nous saurons nous y attaquer de front avec la même détermination qui nous a réunis à Miami et Santiago et qui nous soutiendra jusqu’au bout.

L’écart entre riches et pauvres reste trop grand. De plus, dans la nouvelle économie, nous devons relever un défi additionnel : celui de prévenir les écarts découlant de la révolution de l’information. Nos démocraties naissantes n’ont pas les institutions solides dont elles ont besoin. Nos politiques sociales pourraient être améliorées.

Beaucoup de gens attribuent ces graves problèmes aux puissants courants de la mondialisation économique et du changement technologique, alors que le Canada y voit plutôt des pistes de solution. Des moyens de créer des opportunités infinies et de répandre la prospérité de la Terre de Feu à la terre de Baffin.

Nous ne devons pas craindre les défis de la mondialisation, ni nous laisser aveugler par ses attraits. Nous devons plutôt nous donner les outils nécessaires pour que l’ensemble de la gran familia puisse en récolter pleinement les fruits. En somme, nous devons adopter une démarche centrée sur le mieux-être de la personne. Une démarche qui reconnaît que pour réaliser leur plein potentiel, nos citoyens ont besoin d’un environnement où leur sécurité est garantie, où leurs droits sont respectés et où leur accès au mieux-être économique et social est assuré.

C’est justement ce que nous voulons accomplir au Sommet de Québec. Nous avons adopté trois thèmes complémentaires : le renforcement de la démocratie; la création de la prospérité; et le développement du potentiel humain. Et nous voulons mettre l’autoroute de l’information au service de ce programme d’action. Afin de favoriser la « connectivité » entre tous les membres de la grande famille des Amériques.

Si la démocratie et l’État de droit sont les gardiens de la sécurité humaine, il est par contre très ardu de préserver cette sécurité dans la pauvreté et l’iniquité. En fait, le développement du potentiel humain au moyen de politiques sociales efficaces est le gage d’une démocratie et d’une prospérité florissantes. La démocratie connaît clairement un grand essor dans les Amériques depuis une décennie. Mais son progrès n’est ni constant, ni égal. Et dans de nombreux pays, elle demeure fragile. Le Canada souhaite qu’un engagement clair et vigoureux en faveur de la démocratie et de l’inclusion sociale résulte du Sommet de Québec. Un engagement qui s’étende à nos institutions démocratiques, à notre appareil électoral et à l’impartialité de la justice. À la protection des droits de la personne et de la liberté d’expression. À la lutte contre le trafic des stupéfiants et la corruption.

Il faudra donner plus de pouvoir aux administrations locales et protéger les droits des minorités, des peuples autochtones, des migrants et des personnes handicapées, et s’engager dans les termes les plus catégoriques à promouvoir l’égalité juridique, économique et sociale des femmes et des hommes.

À Santiago, nous avons officiellement amorcé les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques. Et nous nous sommes fixé comme objectif de l’établir d’ici 2005.

En raison de son tempérament et de son histoire, le Canada tient profondément à cet objectif. Nous comprenons les liens qui existent entre la libéralisation des échanges, la prospérité et le progrès social. Et nous considérons qu’une Zone de libre-échange assortie d’une plus grande transparence et de règles plus claires est le meilleur moyen d’établir ces liens à la grandeur de l’hémisphère, autant dans les grandes nations que les petites.

De même, nous comprenons que la Zone de libre-échange ne peut pas porter uniquement sur le commerce. Parce que ce n’est pas seulement un contrat entre des entreprises et des gouvernements. Sa principale dimension est avant tout humaine. Elle doit donc être de nature globale et comprendre l’amélioration de l’efficacité des marchés financiers, la protection des droits des travailleurs et de l’environnement, et la promotion d’une meilleure coopération au développement. Elle doit aussi susciter un dialogue avec le secteur privé, les institutions financières internationales et la société civile en faveur d’une plus grande responsabilité sociale de la part des entreprises.

Voilà le type d’enjeux dont nous allons discuter à Québec.

Le Canada est également convaincu que le renforcement des institutions démocratiques et la promotion de la prospérité dans la nouvelle économie doivent aller de pair avec les mesures pour favoriser l’inclusion économique et sociale, comme l’accès à l’éducation et au perfectionnement professionnel, la promotion de l’apprentissage continu, l’accès à des soins de santé de qualité et des programmes efficaces de prévention de la maladie.

Ce faisant, nous devons respecter la valeur de la diversité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse qui fait toute la richesse de notre grande famille.

D’autre part, le Canada est bien déterminé à combler les écarts qui se sont créés dans les Amériques en raison de la révolution de l’information. Une révolution qui se poursuit toujours et dans laquelle les gouvernements ont un rôle essentiel à jouer afin d’orienter l’évolution des nouvelles technologies et de veiller à ce que tous bénéficient équitablement des possibilités qu’elles offrent, soit la capacité d’effacer les distances, de donner accès au savoir et d’augmenter la productivité économique.

Au Canada, nous avons fait d’immenses progrès dans ce domaine en établissant des partenariats novateurs qui nous ont permis de brancher toutes nos écoles publiques et nos collectivités à un coût relativement minime.

Notre rencontre à Québec sera en quelque sorte l’occasion de prendre acte de la mobilisation croissante de la société civile et de ses préoccupations au sujet des puissants courants qui façonnent le monde moderne.

Le Canada croit que l’ouverture et la transparence sont le moyen de faire accepter nos efforts par le public et d’en faire reconnaître la légitimité. Dans le cadre des préparatifs du Sommet, le Canada a fait appel aux organisations de la société civile au niveau national. Nous avons aussi encouragé les consultations régionales avec les organisations engagées et sérieuses. Des rencontres ont notamment eu lieu ici, au siège de l’OEA, et des sites Web ont été créés pour permettre l’échange d’information.

Le Canada a travaillé fort pour faire de l’assemblée générale de l’OEA à Windsor un forum plus ouvert. Nous avons ainsi permis à nos citoyens d’assister à une discussion historique sur la nature de la démocratie et sur l’état démocratique des pays membres. Nous devons nous engager à travailler avec patience, persévérance et raison à bâtir un avenir hémisphérique prometteur. Un avenir qui tient compte des préoccupations exprimées par nos populations ainsi que de l’incidence qu’ont sur nos citoyens les nouvelles forces à l’oeuvre dans l’économie mondiale. En sa qualité d’hôte du premier Sommet des Amériques du nouveau millénaire, le Canada fera tout en son pouvoir pour promouvoir l’ouverture et la transparence, tout en permettant des échanges fructueux entre les gouvernements.

Pour conclure, j’aimerais exprimer notre appui solide envers l’Organisation des États américains. Nous pouvons tous être fiers de ses réalisations. Le Secrétaire général Gaviria a assuré un leadership inspiré et attentif aux désirs des pays membres.

Les activités de l’année écoulée illustrent la pertinence de cette organisation : des efforts pour consolider la démocratie au règlement de litiges de frontière; de la surveillance du bon déroulement des élections à la promotion de la coopération technique.

Plus que toute autre institution, l’Organisation des États américains aura à donner suite aux mandats que nous approuverons à Québec. Pour ce faire, elle aura besoin d’une expression tangible de notre volonté politique et de l’engagement de notre part d’assurer sa santé financière. Nos ministres des affaires étrangères devront s’occuper activement de cette question à l’assemblée générale de l’OEA de cette année au Costa Rica. 

Mes amis, notre collaboration avec vous à la concrétisation de notre vision de la gran familia des Amériques forme l’un des grands axes de la politique étrangère canadienne. Pendant de nombreuses années, le drapeau unifolié était absent de cette salle historique. Les Canadiens estimaient que notre parcours national divergeait de celui des Amériques. Cette époque est bien révolue.

Engageons-nous maintenant ensemble sur le sentier d’un nouveau millénaire en unissant la force de nos convictions dans la poursuite de nos objectifs communs.

Obrigado. Muchas gracias y hasta pronto en Québec.

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