DISCOURS DU PREMIER MINISTRE JEAN CHRÉTIEN À L'OCCASION DU DÎNER FEUILLE D'ÉRABLE DE ST. JOHN'S

Le 4 novembre 2002
St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

Je suis très heureux d'être ici à St. John's. Il y a neuf ans aujourd'hui que nous avons formé le gouvernement que j'ai l'honneur de diriger. Souvenez-vous de la situation il y a neuf ans. Une crise économique nationale. Un déficit de 42 milliards de dollars. Un fort taux de chômage. Une longue période de taux d'intérêt élevés. Le Wall Street Journal qui qualifiait le Canada de candidat au tiers monde. L'unité nationale dans la tourmente après l'échec du lac Meech et de Charlottetown. Le Bloc Québécois formant l'Opposition officielle à Ottawa.

Eh bien, quel contraste quand un gouvernement libéral est au pouvoir! Aujourd'hui, notre économie affiche une croissance plus rapide que toute autre économie du G-7. Et l'économie de Terre-Neuve connaît une croissance plus rapide que jamais auparavant. Le gouvernement libéral de Terre-Neuve y est pour quelque chose.

Ce soir, Gerry Byrne est avec nous. Il a été élu à l'âge de 29 ans, soit le même âge que moi quand j'ai été élu. Gerry est entré au Cabinet à l'âge de 35 ans. Pour le moins impressionnant. Remarquez que je suis moi-même entré au Cabinet à l'âge de 33 ans — mais peu importe. Toute plaisanterie à part, Gerry est un excellent député, tout comme ses collègues de Terre-Neuve Bill Matthews, Lawrence O'Brien et John Efford.

En 2002, l'économie canadienne crée des emplois plus vite qu'elle ne l'a fait depuis des décennies. Près de 450 000 nouveaux emplois ont été créés au Canada au cours des neuf premiers mois de cette année. Pendant ce temps, les États-Unis perdaient 43 000 emplois. Les taux d'intérêt, les taux hypothécaires sont très modérés. Le revenu disponible des particuliers progresse d'année en année depuis cinq ans. Le déficit est éliminé depuis longtemps, et nos budgets sont équilibrés depuis cinq ans.

Le Canada n'est pas un candidat pour le tiers monde. Il est, selon l'expression de John Manley, un « tigre nordique ».

La semaine dernière, Statistique Canada a fait état d'une baisse considérable du nombre de familles à faible revenu au Canada et d'une forte baisse du nombre d'enfants à faible revenu. Non, ce n'est pas suffisant. Nous devons faire encore mieux. Mais le progrès est réel.

L'unité nationale est plus forte que jamais. Les perspectives médiocres du Bloc Québécois et du Parti Québécois en attestent. Le pays est aujourd'hui fort et confiant.

J'ai toujours dit que la santé de l'économie est essentielle à la santé de la société. Notre gouvernement a travaillé très fort depuis qu'il a été élu la première fois. Qui aurait pensé, à l'époque, qu'aujourd'hui, nous aurions un rendement meilleur que les États-Unis.

Ce n'est pas un hasard. C'est grâce aux efforts des Canadiens.

Pendant le récent ralentissement mondial, notre économie s'est brièvement contractée au cours de l'été 2000, alors que l'économie américaine reculait lors des trois premiers trimestres de 2001. Entre le deuxième trimestre de l'an 2000 et la fin de l'année 2001, notre économie a enregistré une croissance cinq fois plus rapide que celle des États-Unis. Entre le deuxième trimestre de l'an 2000 et le deuxième trimestre de cette année, notre niveau de vie, mesuré d'après le PIB par habitant, a augmenté de 3,3 p. 100, comparativement à une baisse de 0,5 p. 100 aux États-Unis.

Nous avons maintenu l'équilibre budgétaire. Le budget américain est déficitaire. Notre compte courant est excédentaire; celui des États-Unis est déficitaire.

Ce sont des chiffres impressionnants. Ces résultats ont été obtenus au prix d'efforts considérables rendus possibles par l'appui et les sacrifices de nos citoyens et par notre engagement inébranlable envers la discipline financière. Et je tiens à vous assurer ce soir que notre gouvernement ne prendra jamais des engagements qui replongeraient le Canada dans les déficits.

Nous allons continuer à équilibrer nos budgets, et nous allons maintenir le ratio de la dette au PIB sur une nette trajectoire descendante.

Le programme d'action libéral reconnaît que pour maintenir un bilan financier et économique sain nous devons continuer d'effectuer aussi des investissements stratégiques à long terme dans notre infrastructure sociale et économique : dans l'apprentissage, dans la santé, dans nos enfants et dans l'environnement.

Le 11 septembre. Enron. WorldCom. Ces événements bouleversants sont venus nous rappeler l'importance des gouvernements.

Pour ma part, j'ai toujours cru que le gouvernement contribue utilement au bien-être de la société. Je n'ai jamais pensé que le gouvernement possède toutes les réponses. Par contre, j'ai toujours rejeté le dogme droitiste voulant que le gouvernement soit toujours le problème.

Ces paroles du grand Président américain Franklin Roosevelt expriment le mieux mon propre credo, et je cite :

« Pour mesurer notre progrès, il ne s'agit pas de savoir si nous ajoutons à l'abondance des bien nantis mais si nous en donnons assez aux plus démunis. »

Je dois avouer que notre programme d'action ne plaît peut-être pas à Bay Street ni au National Post ni même au Globe and Mail. Mais c'est un programme d'action conçu pour les gens ordinaires. Pour le Saguenay—Lac-Saint-Jean, pour le quartier East Side de Vancouver et pour l'intérieur de Terre-Neuve. C'est un programme conçu pour Regents Park à Toronto, pour Market Square à Winnipeg, pour l'Est de Montréal, et pour toutes ces petites villes du Canada rural dont l'économie repose sur une industrie unique.

Et regardons ce que nous avons accompli : la Prestation nationale pour enfants, la préservation du Régime de pensions du Canada, le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, Rescol, les bourses d'études du millénaire, nos investissements dans les universités, l'argent que nous avons consacré à la santé, nos investissements dans le développement de la petite enfance, un nouveau Cadre stratégique pour l'agriculture, la loi sur la clarté.

Mais pour conserver la confiance du public, il ne suffit pas d'avoir fait avancer les choses. Il faut continuer d'avancer. Ce n'est pas seulement ce que nous avons accompli qui compte, mais plutôt ce que nous allons accomplir.

Car, mes amis, il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir.

Il reste encore trop d'enfants qui ne profitent pas d'un bon départ dans la vie. Trop de familles vivant dans la pauvreté. Trop de communautés à proximité de sites contaminés. Il reste un système de santé à moderniser. Des infrastructures matérielles à améliorer.

Le défi qui se pose à nous est aussi d'investir dans l'infrastructure nationale — de bâtir, pour nous-mêmes et pour nos enfants, des villes concurrentielles et des collectivités saines et sécuritaires.

Aujourd'hui, le Premier ministre Grimes et moi avons annoncé un investissement majeur dans le nettoyage du port de St. John's. Le gouvernement fédéral, y consacrera 31 millions de dollars par l'entremise du Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique. La province investira un montant comparable, de même que les municipalités.

Vous savez de quoi je parle. Vous avez un port magnifique, mais comme les gens de St. John's ne le savent que trop bien, ce port n'est pas tellement propre.

Or, nous allons y voir. Nous allons nous attaquer au problème des eaux d'égout brutes qui se déversent depuis si longtemps dans votre port. Nous allons crever ce que vous appelez « la bulle ». Nous allons veiller à ce que celle-ci et la pollution qu'elle transporte ne deviennent plus qu'un souvenir. Pour la santé de votre collectivité. Pour la santé de notre économie. Et pour la santé de vos enfants.

Investir dans les gens c'est à la fois une bonne politique économique et une bonne politique sociale. Cette intégration de la politique économique et sociale est particulièrement importante dans le secteur de la santé. Pour cette raison, une de nos priorités importantes au cours des prochains mois sera de prendre les mesures nécessaires pour que le système de santé du Canada puisse continuer de répondre aux besoins de la population canadienne au 21e siècle et d'assurer aux Canadiens un net avantage dans le monde.

La semaine dernière, le sénateur Michael Kirby et ses collègues ont rendu public un rapport d'une vaste portée sur les options en matière de soins de santé au Canada. Au cours des prochaines semaines, la Commission sur l'avenir des soins de santé du Canada, que dirige l'ancien Premier ministre de la Saskatchewan Roy Romanow, déposera son rapport. Ces deux rapports aideront les gouvernements à élaborer une approche nationale en vue de répondre aux besoins des Canadiens en matière de soins de santé.

Notre gouvernement apportera sa contribution. Nous allons travailler avec les provinces et les territoires en vue d'adopter un plan de modernisation à long terme du régime d'assurance-maladie et nous tiendrons une réunion des premiers ministres au début de la nouvelle année. Nous allons prévoir l'affectation de ressources à la mise en oeuvre de ce plan dans le prochain budget.

Nous devons offrir les meilleures perspectives possibles à nos enfants — notre avenir en dépend. Comme société, nous devons tâcher de donner à tous les enfants du Canada, où qu'ils se trouvent, le meilleur départ possible dans la vie et la chance de réaliser pleinement leur potentiel.

C'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés à bonifier de nouveau la Prestation nationale pour enfants en faveur des familles à faible revenu, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises ces dernières années. Notre défi est d'équiper nos enfants des outils nécessaires pour réussir dans un monde en pleine mutation — rien de moins.

C'est grâce à notre gestion financière au cours des neuf dernières années, grâce à la vigueur de notre économie, si nous avons les moyens d'effectuer ces investissements considérables dans la santé, dans nos enfants, dans nos infrastructures, dans l'environnement. En même temps, nous allons assurer la prévisibilité, la viabilité et l'équilibre budgétaire à long terme. Nous nous en tiendrons fermement aux grandes priorités au lieu de laisser des pressions moins importantes détourner notre attention. C'est ainsi que nous réussirons et que nous réussirons bien.

Mais ce n'est pas tout. Dans l'intérêt des générations à venir, il incombe à la génération actuelle de s'attaquer à la tâche d'assainir l'environnement. Les Canadiens veulent un air et une eau salubres et ils se préoccupent des répercussions du changement climatique. À cet égard, notre gouvernement travaille de concert avec les provinces et l'industrie en vue d'assurer que le Canada respecte ses responsabilités internationales en matière de lutte contre le changement climatique, aux termes du Protocole de Kyoto.

Je suis conscient que la façon dont nous choisirons de respecter nos obligations en vertu du Protocole de Kyoto devra tenir compte de l'importance du secteur des ressources naturelles dans l'économie canadienne et qu'elle devra tenir compte de notre position au sein de l'économie nord-américaine.

Le Canada a choisi une approche multilatérale pour lutter contre le changement climatique. Je suis fermement convaincu que dans ce domaine comme dans d'autres, le monde est moins bien servi par l'unilatéralisme. Je déplore la décision des États-Unis de ne pas ratifier Kyoto. Cependant, le fait que les États-Unis ne ratifient pas Kyoto ne signifie pas que les États-Unis ne font rien. Et cela ne signifie pas que nous ne devons rien faire. Les Américains prennent des mesures au niveau national et dans différents États. À divers égards, la Californie est à l'avant-garde du monde dans la lutte contre le changement climatique.

Je ne prétends pas qu'il sera facile d'atteindre nos objectifs en matière de changement climatique. Ce ne sera pas facile. Nous avons dix ans pour respecter nos obligations aux termes du Protocole. Mais nous pouvons progresser ensemble. Les bonnes idées de l'industrie et des gouvernements des provinces, y compris de celui de Terre-Neuve, nous permettront de faire un bon bout du chemin. La technologie nous amènera encore plus loin.

Le plan ne répondra peut-être pas à toutes les questions possibles. Aucun plan ne pourrait le faire. Il y aura des rajustements au besoin à mesure que nous apprendrons et que nous travaillerons ensemble. Nous travaillons très fort à mettre en place un plan qui réduira l'incertitude pour les entreprises et pour les investisseurs. Un plan qui nous permettra de remplir nos responsabilités environnementales tout en tenant compte des points de vue des secteurs les plus touchés.

Si nous travaillons ensemble, si nous élargissons nos horizons et si nous laissons de côté la rhétorique, je suis persuadé que c'est un défi que les Canadiens peuvent relever. Nous allons atteindre nos objectifs d'une manière responsable, dans l'intérêt de l'économie, de l'environnement et des générations qui suivront.

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