À l'occasion de la séance plénière de clôture du Forum des gens d'affaires des Amériques et de la réunion ministérielle de la Zone de libre-échange des Amériques


Le 3 novembre 1999
Toronto (Ontario)

Les bonnes clôtures font les bons voisins, dit-on.

Cette phrase proclame l'affirmation positive de la propriété et de l'identité, de même que le caractère distinctif – que tout bon voisin doit respecter.

À travers l'histoire de l'humanité, la tâche de tracer et de contrôler les frontières a toujours fait partie intégrante de la conduite des affaires de l'État. Et il va de soi que la protection d'identités et de valeurs uniques restera toujours une mission essentielle des gouvernements.

Toutefois, à l'aube du 21e siècle, dans notre monde de plus en plus « branché » – avec l'émergence d'une économie véritablement mondiale et d'un village planétaire – il est clair que les bons ponts font les bons voisins.

Ce principe touche au coeur du processus d'engagement mutuel qui, plus que jamais, rapproche les Amériques – pas seulement en tant que communauté de nations, mais aussi dans un esprit de bon voisinage. Le thème retenu – Rassembler les Amériques – montre que le Cinquième Forum des gens d'affaires des Amériques est clairement de son temps.

Les gens d'affaires des quatre coins de l'hémisphère se sont donné rendez-vous pour renouer des liens d'amitié, établir des contacts, échanger des vues et partager leurs expériences entre eux et avec leurs ministres du Commerce.

Cette année, pour la première fois, le Forum prend en considération les vues des gens de l'extérieur des milieux d'affaires en tenant un débat d'experts sur le commerce et la société civile dans le nouveau millénaire.

C'est là une innovation importante, qui deviendra, je l'espère, pratique courante à l'occasion des futurs forums.

Afin de donner l'occasion aux organisations non gouvernementales, aux milieux de l'enseignement et à d'autres membres de la société civile de faire entendre leurs points de vue, le Canada a également appuyé la tenue ici à Toronto d'un forum parallèle de la société civile.

J'ai aussi constaté avec plaisir que les femmes entrepreneures ont participé en grand nombre au Forum. Elles ont ainsi su jeter leur propre éclairage sur les questions à l'ordre du jour.

Le Canada appuie fermement le principe de l'égalité des sexes en Amérique et dans le monde entier. Et nous considérons que nous avons l'obligation commune de faciliter pour les femmes la participation aux décisions politiques et économiques.

J'espère que les futurs forums s'inspireront de celui de cette année. Et qu'ils s'ouvriront encore davantage. Par exemple, nous pourrions envisager des moyens de tirer parti de l'énergie et des talents des Autochtones et des jeunes.

Je suis particulièrement fier, en tant que Premier ministre du Canada et citoyen d'Amérique, de souligner que le Forum des gens d'affaires, tout comme la réunion ministérielle, reflètent la riche diversité qui caractérise mon pays et notre hémisphère.

Nous devons travailler ensemble afin de protéger cette diversité. Nous devons reconnaître que les produits et les services culturels sont beaucoup plus que de simples marchandises. Ils touchent à cet élément fondamental et indéfinissable qu'est notre identité. Pour cette raison, le Canada est convaincu que toutes les nations pourraient bénéficier de règles leur permettant de mettre en oeuvre des politiques de préservation et de promotion de la diversité culturelle. Des règles qui respecteraient celles du système commercial international et qui ne feraient pas disparaître les marchés pour les exportations culturelles.

Nous avons l'intention de poursuivre l'idée d'un nouvel instrument international qui énoncerait de telles règles.

Je tiens à remercier les membres du groupe consultatif culturel du ministre Pettigrew en matière de commerce international pour les efforts qu'ils ont consacrés à l'élaboration de notre proposition. Il est bien sûr encore trop tôt pour savoir à quoi ressemblera un tel instrument. Mais nous comptons bien continuer à travailler avec le groupe consultatif, de même qu'avec d'autres représentants du milieu culturel et avec des pays qui partagent nos préoccupations, à la concrétisation de ce projet.

Mesdames et messieurs, le Forum n'est qu'un aspect d'un processus plus vaste en vue de rassembler le Canada et les Amériques. Un processus qui s'est amorcé en 1990, avec l'adhésion du Canada à l'Organisation des États américains.

Nous ne manquerons pas de souligner le dixième anniversaire de cette décision lorsque nous tiendrons l'Assemblée générale de l'OEA à Windsor au mois de juin.

Nous avons participé de près à la conception des Sommets des Amériques. Et je me réjouis à la perspective d'accueillir à Québec en 2001 – à titre d'hôte du premier Sommet du nouveau millénaire – les dirigeants de l'hémisphère qui ont été élus par scrutin démocratique.

Le Canada est véritablement devenu une nation des Amériques à tous les points de vue. Tout comme les Amériques ont affirmé une identité commune active.

Au cours de ces dix années, l'implantation de la démocratie et de l'économie de marché a transformé notre hémisphère.

Alors que ces valeurs s'enracinaient plus profondément, nous avons laissé derrière l'idée que seule la géographie nous rapproche. Nous formons en fait une communauté, unie dans un esprit de bon voisinage par un ensemble de valeurs et d'objectifs communs.

Au Sommet de Santiago, nous avons promis de travailler ensemble à consolider la démocratie, à promouvoir et à protéger les droits de la personne ainsi que l'État de droit et à supprimer l'injustice sociale.

Nous avons également réaffirmé qu'un meilleur partage de la prospérité fait partie intégrante de notre vision. Dans cet esprit, nous avons convenu d'instaurer une Zone de libre-échange des Amériques d'ici 2005.

Le Canada a accepté avec fierté la tâche de présider les négociations préliminaires. D'autant plus que notre conviction des avantages sociaux et économiques rendus possibles par la libéralisation des échanges est solidement ancrée dans notre propre expérience nationale.

Notre prospérité et notre niveau de vie élevé, nous les devons en grande partie au commerce. Près de quarante pour cent de notre PIB en dépend. Nous savons donc à quel point il est vital que les marchés restent libres. Et nous comprenons que l'accès aux marchés doit être assuré par des régimes équitables et transparents.

C'est pourquoi nous avons conclu l'ALENA avec nos deux autres partenaires d'Amérique du Nord : les États-Unis et le Mexique. C'est aussi pourquoi nous avons un accord de libre-échange avec le Chili. Et que nous accordons autant d'importance au lancement d'un nouveau cycle de négociations mondiales à Seattle à la fin du mois.

Mais, à nos yeux, la libéralisation des échanges n'est pas une fin en soi. Elle est plutôt un moyen de réaliser un objectif autrement plus important. Celui de bâtir une meilleure qualité de vie pour nos citoyens grâce aux instruments et aux investissements qui leur permettront de réaliser leur potentiel.

Mesdames et messieurs, voilà notre vision et notre défi : améliorer la vie non seulement de quelques-uns, mais du plus grand nombre. Créer les conditions dans lesquelles les économies dont la croissance a été freinée par le protectionnisme pourront développer leur capacité de produire, d'affronter la concurrence et de prospérer.

Nous travaillons aussi ensemble au renforcement des institutions démocratiques et au mieux-être de nos concitoyens.

Consolider la démocratie. Améliorer la qualité et l'accessibilité des services sociaux. Protéger l'environnement. Assurer l'accès à l'éducation.

Ce sont là les défis qui se posent à nous. Des défis que nous devons absolument relever.

En tant que pays hôte du prochain Sommet des Amériques, le Canada est bien conscient du leadership qui est attendu de lui. Un leadership qu'il assumera volontiers.

Cependant, même si nous avons l'honneur de montrer la voie, nous savons bien que nous ne pouvons pas aller de l'avant seuls. Cela signifie que nous devons bâtir des ponts et échanger nos expériences entre membres de la grande famille des Amériques.

Il nous faudra tous faire notre bout de chemin. Quand je vous regarde, je suis convaincu que nous comprenons tous les défis qui nous attendent au cours des cinq prochaines années.

Lorsque nous avons amorcé les négociations de la ZLEA à Santiago l'an dernier, nous avons souhaité réaliser des progrès concrets d'ici la fin du siècle. Et c'est bien parti. Les mesures visant à faciliter la conduite des affaires qui devraient être approuvées demain auront des retombées réelles dans l'ensemble de la région.

Mais ce n'est qu'un début. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire.

La ZLEA est toujours la pierre angulaire de notre programme global en faveur de la stabilité et de la croissance dans l'hémisphère. Quand les dirigeants se rassembleront à Québec, les principaux éléments de l'accord devraient déjà être en place. Et nous devrions pouvoir prendre les décisions nécessaires pour guider le processus à bonne fin.

Pour qu'il en soit ainsi, nos ministres du Commerce devront préciser clairement leurs orientations et leurs attentes pour les dix-huit prochains mois de négociation.

Au moment où le Canada s'apprête à passer la main à l'Argentine, je suis sûr que nous réussirons à établir la ZLEA. Mais j'aimerais offrir quelques conseils au sujet de la façon dont nous devrions procéder.

Si nous voulons atteindre notre objectif commun, il faudra que le processus soit aussi transparent que possible. Nous devrons mobiliser l'appui non seulement des experts, mais aussi de la société civile.

Nous devrons également nous associer toutes les économies des Amériques à titre de partenaires et de bénéficiaires à part entière. Et faire le nécessaire pour équiper les petites économies des outils dont elles ont besoin pour assurer leur croissance et leur prospérité.

Ces défis ne sont pas propres aux Amériques. En fait, ce qui est vrai pour la ZLEA l'est tout autant pour le prochain cycle de négociations de l'OMC.

Nous devons veiller à ce que ces négociations aussi se déroulent de manière plus transparente que dans le passé. Nous devons ouvrir le processus. Et obtenir l'adhésion des citoyens en leur expliquant ce que nous faisons et pourquoi.

De plus, les gouvernements et les entreprises doivent mieux communiquer les avantages du libre-échange à ceux qui craignent qu'il ne réduise les niveaux de vie au lieu de les relever.

Mesdames et messieurs, c'est tout un défi. Mais je suis sûr que les gouvernements et les peuples d'Amérique seront à la hauteur de la tâche.

Dans le cadre des Sommets des Amériques, nous avons entrepris un projet qui marie bien de grandes promesses et de hautes ambitions.

Nous aurons une Zone de libre-échange des Amériques, j'en suis confiant. Je suis tout aussi persuadé que nous continuerons à nous rapprocher aux plans de la prospérité, de la démocratie, de la diversité et de la sécurité.

Et que, en bons voisins que nous sommes, nous saurons construire de bons ponts.

Merci.

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