content="True">
Gouvernement du Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

Bureau du Conseil privé > Affaires intergouvernementales > Archives

Le débat sur le soi-disant déséquilibre fiscal progresseenfin

 

Récemment, j’ai reproché à notre classe politico-médiatique de secomplaire dans la facilité en endossant, sans en avoir vraiment discuté, lathèse selon laquelle les surplus budgétaires fédéraux des cinq dernièresannées seraient la preuve qu’il existe un déséquilibre fiscal structureldont les provinces seraient les victimes. Cette intervention m’a valu quelquesréactions courroucées d’éditorialistes qui ont préféré tirer sur lemessager plutôt que d’analyser son message.

Tel n’est pas le cas cependant de l’éditorial du président et éditeurdu quotidien Le Soleil, M. Alain Dubuc, intitulé :« Déséquilibre fiscal : le cirque » (Le Soleil,19/10/02). Tout en qualifiant, ma « sortie » d’« intempestive »,M. Dubuc y réagit en présentant l’une des rares analyses de fond sur lesujet. Mon intervention n’est donc pas restée lettre morte. Ce n’est pas lapremière fois que je constate qu’en politique il est parfois salutaire debrasser la cage, quitte à en payer le prix personnellement.

M. Dubuc affirme que le déséquilibre fiscal existe, mais il formuleplusieurs critiques à l’endroit de l’interprétation qu’en donne lepremier ministre Bernard Landry.

Le président et éditeur du Soleil souligne, avec raison, que l’accusationgratuite selon laquelle le gouvernement fédéral cherche à étranglerfinancièrement les provinces relève de la « paranoïa ». Plutôtqu’un « complot fédéral », je suis persuadé qu’ilexiste au contraire un désir sincère, de la part tant du gouvernementfédéral que des provinces, de trouver les meilleures solutions pour lescitoyens. Ceux-ci souhaitent en effet que leurs gouvernements collaborent pourleur offrir des services publics de qualité.

De même, M. Dubuc prend ses distances vis-à-vis du rapport de la CommissionSéguin commandé par le gouvernement du Québec. Ce rapport est censé prouverl’existence du déséquilibre fiscal. M. Dubuc dit de ce rapport qu’il est« sérieux » mais qu’il n’a pas « valeur d’évangile »,qu’il s’agit d’un « exercice politique » dont lesconclusions sont « extrêmement fragiles ». C’est le cas,en effet, et je peux le démontrer facilement. Si, il y a cinq ans, on avaittenté de prévoir les budgets de cette année en utilisant la méthode Séguin,cela aurait donné un surplus de 60 milliards de dollars pour legouvernement du Canada et un surplus de 12 milliards de dollars pour legouvernement du Québec! Il serait irresponsable de fonder notre politiquebudgétaire des prochaines années sur une méthodologie aussi peu fiable.

Cela dit, M. Dubuc esquisse trois pistes de réflexion qui, si on lespoussait plus loin, amèneraient à mon avis à conclure à l’absence d’undéséquilibre fiscal au Canada.

Premièrement, il souligne la nécessité de ne rien faire qui pourrait« affecter la situation financière d’Ottawa ». En effet,il faut garder en tête que l’endettement fédéral de 536 milliards dedollars est plus de deux fois supérieur à celui des provinces. Le surplus dugouvernement du Canada, qui se chiffre à 8,9 milliards de dollars pour ladernière année budgétaire complétée, peut paraître important, mais il nereprésente que 5 % des recettes fédérales. Il fondrait comme neige ausoleil si nous relâchions notre prudence budgétaire. Nous n’aurions pasdégagé un tel surplus si le Canada avait connu le ralentissement économiqueque lui annonçaient les économistes du secteur privé au moment du dernierbudget fédéral en décembre 2001. Alors qu’ils entrevoyaient une croissancedu PIB de 1,1 % pour le Canada en 2002, celle-ci sera de 3,4 % selonle Fonds monétaire international (FMI). Cette performance inattendue de l’économiecanadienne est tout à fait exceptionnelle dans les circonstances. La croissancene sera que de 1,4% en moyenne pour les pays du G7 en 2002, toujours selon leFMI.

Les effets de balancier en matière budgétaire sont terribles et commandentla plus grande prudence. Regardons la situation d’autres pays. Le gouvernementfédéral américain anticipait, lors du dépôt du budget 2001-2002, un surplusde 230 milliards de dollars US; il prévoit maintenant un déficit de 165milliards de dollars US. En Europe, la France, l’Italie, l’Allemagne et lePortugal ont des problèmes importants de trésorerie.

Deuxièmement, M. Dubuc note que le prétendu déséquilibre fiscal n’estpas la raison pour laquelle « le fardeau fiscal québécois est le plusélevé au Canada ». De fait, le fardeau fiscal, tant des particuliersque des entreprises, est 40 % plus élevé au Québec qu’ailleurs aupays. Mais à cela il faut ajouter que certaines autres provinces, dont l’Ontario,ont beaucoup baissé leurs impôts ces dernières années. Alors que lestransferts fédéraux aux provinces ont été restaurés à leur niveau de 1995,les baisses d’impôt des provinces leur occasionnent un manque à gagner deplus de 20 milliards de dollars. Le gouvernement du Canada ne leur reprochepas d’avoir baissé leurs impôts, pas plus qu’il ne leur recommande de lesaugmenter. Il dit simplement que le fait que les provinces s’estiment enmesure de baisser leurs impôts est l’une des preuves de l’inexistence d’undéséquilibre fiscal.

Troisièmement, M. Dubuc écrit que le gouvernement du Canada pourraitdifficilement réduire substantiellement ses dépenses sans « mettrefin à des activités que les citoyens apprécient ». De fait, la findes déficits importants et le redressement spectaculaire de nos financespubliques a demandé d’énormes sacrifices aux Canadiens. En pourcentage duPIB, les dépenses fédérales de programmes ont connu une forte baisse cesdernières années passant de 17,5 % en 1992-1993 à 11,6 % en2001-2002 – soit le niveau le plus bas depuis 1948-1949! Il n’est donc pasétonnant que les demandes de réinvestissement fusent de partout : santé,recherche et développement, environnement, infrastructures, défense...

Dans les circonstances, le gouvernement du Canada aide les gouvernementsprovinciaux du mieux qu’il le peut. Les transferts fédéraux aux provincesaugmenteront annuellement de 6 % au cours des prochaines années alors quela hausse annuelle des revenus du gouvernement fédéral ne devrait être que de2 %. Le gouvernement du Canada a dit, et répète, que, s’il trouve lamarge de manœuvre pour faire plus à l’occasion du prochain budget, il lefera. Plutôt qu’une question de déséquilibre fiscal, c’est une questionde responsabilité fédérale.

Le gouvernement du Canada aide les provinces en partie par les transferts,mais surtout en favorisant la bonne santé économique du pays. Si le Canada apu échapper au ralentissement économique en ce début de décennie, c’estpour une bonne part parce que la Banque du Canada a pu baisser les taux d’intérêtau bon moment. Elle a pu le faire notamment parce que les finances publiques,autant fédérales que provinciales, étaient plus saines qu’il y a dix ouvingt ans. Après tout, le surplus fédéral est une excellente nouvelle pourtous les Canadiens. Une telle situation financière fait l’envie des citoyensdes autres pays.

En somme, les surplus fédéraux ne sont pas le signe que le gouvernement duCanada nage dans l’argent. Ils sont plutôt le fruit d’un redressementéconomique que les Canadiens ont trop difficilement obtenu pour qu’on letienne pour acquis. Tout en maintenant la nécessaire discipline budgétaire, legouvernement du Canada aide ses partenaires provinciaux autant que possible etil espère pouvoir dégager des financements additionnels pour la santé, pourKyoto, pour les infrastructures, pour les langues officielles...

Il n’y a pas de déséquilibre fiscal au Canada, il y a plutôt le devoirde s’entraider. La responsabilité des gouvernements, comme le conclut AlainDubuc dans son éditorial, est de toujours « mieux servir les citoyens ».Nos gouvernements n’y parviendront pas en se fondant sur de fausses prémisses.La thèse du déséquilibre fiscal en est une.




Lettre ouverte que le ministre Stéphane Dion a fait parvenir au journalLe Soleil le 22 octobre 2002.

Pour informations :

André Lamarre
Conseiller spécial
Téléphone : (613) 943-1838
Télécopieur : (613) 943-5553