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L’honorable Ralph Klein
Premier ministre de l’Alberta
Pièce 307, Édifice Legislature
Edmonton (Alberta)
T5K 2B6

 

Monsieur le Premier Ministre,

Je sais combien vous êtes un Canadien convaincu et à quel point lesAlbertains aiment leur pays. Aussi, je vous écris pour faire le point sur toutmalentendu que vos propos récents auraient pu créer quant à votre attachementindéfectible au Canada.

Je suis sûr que vous conviendrez que rien ne justifie la sécession – oula menace de sécession – au Canada. Rien ne justifie une telle menace, ni enAlberta, ni au Québec, ni ailleurs dans notre grande démocratie.

La sécession est un geste très grave par lequel on érige une frontièreinternationale entre des concitoyens qui, du coup, cessent d’être desconcitoyens. Rien ne justifie dans notre démocratie que l’on transforme lesCanadiens en étrangers les uns pour les autres.

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu’une sécession s’estproduite, ce fut dans des contextes de décolonisation ou à la suite de ladislocation d’empires totalitaires où les droits fondamentaux avaient étébafoués. Cela n’avait rien à voir avec le contexte d’une démocratie bienétablie comme le Canada.

Nulle part dans le monde on n’agite le spectre de la sécession au sujet d’unprotocole international sur l’environnement, ou d’une commission du blé, oud’un programme d’enregistrement des armes à feu. Les Albertains qui semobilisent contre Kyoto, la Commission canadienne du blé ou la Loi sur lecontrôle des armes à feu ne sont pas moins Canadiens que les autresCanadiens. Les Albertains qui croient en ces politiques fédérales ne sont pasmoins Albertains que les autres Albertains.

Votre gouvernement, tout comme celui auquel j’appartiens, s’efforce detrouver les meilleures politiques pour notre pays. Dans cette quête, il nousarrive d’avoir des désaccords, qu’il nous faut surmonter de notre mieux.Mais il serait injuste envers le Canada de remettre en cause son existence dusimple fait que nos gouvernements ont des désaccords. Les autres démocratiesne font pas cela.

J’ai vécu en France et aux États-Unis. J’y ai rencontré quantité deFrançais et d’Américains profondément en désaccord avec des politiques deleurs gouvernements nationaux. Je n’en ai jamais rencontré un seul quiremettait pour autant en cause son appartenance et son attachement à son pays.Il n’y a aucune raison pour que les choses soient différentes au Canada.

Cette différence fondamentale entre l’amour que l’on a pour son pays etles jugements que l’on porte sur ses gouvernements, j’ose espérer que vousl’établirez clairement, comme premier ministre ainsi que comme chef de parti,en toute circonstance où le spectre de la séparation sera agité.

« Don’t slay the messenger » [Ne tirez pas sur lemessager], dites-vous (Calgary Herald, 19 février 2003, p. A1).Mais justement, vous êtes plus qu’un messager, vous êtes un leader. Et unleader doit dire que la menace de sécession est une faute morale en démocratie.

Comme vous l’avez vous-même déjà déclaré dans une lettre ouvertedatée du 9 février 2001, « la présence de tensions dans un systèmefédéral ne signifie toutefois pas qu’il y a des différencesirréconciliables – cela est inévitable et existe dans toutes lesfédérations ». [Traduction]

Quant à nos désaccords actuels, continuons à travailler pour les résoudreau bénéfice des Albertains comme de l’ensemble des Canadiens. Voilà ceque nos concitoyens attendent de nous, dans ce Canada auquel nous croyons tous.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de maconsidération distinguée.

 

Stéphane Dion