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REPRENDRE CONFIANCE DANS LE CANADA

Le 25 janvier 1996 – Le Canada, exemple universel d'ouverture, detolérance et de générosité, ne doit pas infliger au monde le spectacle de sarupture. Sur tous les continents, des gouvernements hésitent à reconnaître àleurs minorités des droits et une autonomie, car ils leur prêtent, presquetoujours à tort, des visées séparatistes. Le Canada, s'il se brisait,deviendrait le repoussoir des majorités inquiètes. De cette fédérationdéfunte, il serait dit qu'elle est morte d'une surdose de décentralisation, detolérance, de démocratie en somme. Sa fin servirait d'alibi à tout ce que lemonde compte de partisans de la ligne dure face aux aspirations des minorités.

Au lieu de répandre ainsi la méfiance entre majorités et minorités, il nousappartient au contraire d'illustrer la concorde de différentes populations ausein d'un même État.

Si par malheur le Canada devait se scinder, nous, Québécois et Canadiens desautres provinces, serions bien sûr les premiers à en payer le prix. Au Québec,la majorité serait bien en peine d'obtenir de ses minorités l'adhésionenthousiaste qu'elle aura elle-même dénié au Canada. Jamais elle ne pourraitleur offrir une autonomie aussi étendue que celle qu'elle avait jugéinsuffisante pour elle-même, celle dont jouit actuellement le Québec à titrede province canadienne. Quant au reste du Canada, son unité sans le Québecserait loin d'être acquise. On ne connaît pas d'exemple d'une fédération quiait survécu en étant sectionnée en son milieu.

Le chômage et la pauvreté qui frappent le monde industrialisé ne permettentguère au Canada de s'imposer, en plus, les coûts de la désunion. Pourl'avenir de nos enfants, pour tous les Canadiens, nous devons préserver leCanada. C'est dans l'union, en restant ensemble, que nous pourrons rendre notrevie plus facile.

Il y a à peine dix ans, l'unité canadienne était solide. La très grandemajorité des Québécois ne voyaient plus dans la sécession un recoursnécessaire. Pour consolider l'union canadienne, les gouvernements de l'époqueont entrepris une ronde constitutionnelle qui a mal tourné. Les uns ont ditreconnaissance, les autres ont compris privilège. Depuis, la considération queles Québécois et les autres Canadiens ont d'eux-mêmes et du Canada s'estdétériorée au point que jamais la rupture n'a été aussi proche.

Le plus triste est que c'est par dépit, par frustration, que de nombreuxQuébécois sont maintenant prêts à courir le risque de renoncer à un paysauquel ils se sentent pourtant attachés. Cette attitude les prépare très malaux coûts et aux difficultés que la sécession leur infligera. Quant auxautres Canadiens, ils sont trop nombreux ceux qui se résignent, ceux qui, lasou exaspérés, ne veulent plus rien tenter pour préserver l'unité de leurpays. Il faut lutter contre ce défaitisme.

Le moyen de réagir, nous l'avons. Il tient en deux forces qui font de notrefédération un système politique admirable: la dualité linguistique et ladécentralisation.

Les démocraties qui ont la fortune de compter plus d'une langue officielle, quijouissent par là même d'une ouverture plus large sur l'univers des cultures,prévoient des aménagements particuliers afin d'aider leurs groupeslinguistiques à cohabiter dans l'harmonie. Notre loi des langues officielles,ainsi que la reconnaissance des droits linguistiques dans la Constitution,forment un modèle du genre. Il nous suffit de pousser plus loin, et dereconnaître comme une force, une chance pour le Canada, que dans cetteAmérique anglophone, il existe une société qui fonctionne en français et quiprend les moyens pour continuer à le faire dans le respect de sa propreminorité linguistique. Les provinces canadiennes sont toutes distinctes lesunes des autres, mais le Québec, avec sa culture francophone, introduit unedistinction particulière qui doit être reconnue comme telle. Cettereconnaissance qui n'induit ni chambardement, ni privilège, offre pour garantieque dans les zones d'ombre de la Constitution, là où les règles demandentinterprétation, il sera tenu compte de la spécificité québécoise.

Notre deuxième force vient de ce que notre fédération s'appuie sur ladécentralisation. Un Canada fort est plus qu'un gouvernement fédéral fort,c'est un ensemble fédératif fort. C'est une chance pour le Canada que sesprovinces disposent d'une large autonomie qui favorise une émulation créatrice.C'est une province, la Saskatchewan, qui a pavé la voie à nos systèmes desanté publique. C'est grâce à la décentralisation si huit provinces sur dixont retrouvé la voie de l'équilibre budgétaire en misant chacune sur sespropres ressources, ses propres stratégies.

De même, une répartition des rôles plus claire entre les deux ordres dugouvernement, une collaboration plus efficace, une décentralisation plusintelligente et mieux conçue pour les citoyens, nous aideront à retrouver lavoie de l'unité comme l'a exprimé le Premier ministre Chrétien lors de sondiscours à Verdun le 24 octobre dernier.

Les Suisses ont le système municipal le plus puissant au monde et ils tirent decette grande décentralisation un mobile de fierté, une raison supplémentairede se sentir Suisse. De même, nous les Canadiens n'avons pas à craindre ladécentralisation. Nous la connaissons suffisamment pour en faire notre alliée.

Un gouvernement fédéral fort n'est pas à confondre avec un gouvernementcentralisateur. Plus modeste, il n'en sera que plus efficace dans le rôle quiest le sien, et cela les Canadiens le comprennent bien. Toutefois, ces mêmeCanadiens n'accepteraient pas que les provinces se comportent comme dixrépubliques égoïstes. Le changement n'est possible que s'il s'appuie sur lasolidarité canadienne.

Ces valeurs et ces principes, je me suis efforcé d'en démontrer la pertinencecomme universitaire et chercheur. Je les ai défendus sur la scène publique entenant toujours le même discours dans les deux langues officielles. Le Premierministre du Canada m'a invité à mieux les promouvoir en me joignant à sonCabinet. J'ai accepté cet honneur. Le Premier ministre Jean Chrétien estbeaucoup critiqué dans son Québec natal. Mais moi, je le vois comme un leaderqui sait s'entourer, écouter, décider et qui est ouvert au changement. Il m'aappelé à de hautes responsabilités malgré mon inexpérience politique. Jeferai toutpour lui donner raison.

Le gouvernement fédéral est aussi le gouvernement des Québécois. Il estimportant que des Québécois continuent à y apporter leur culture et leurstalents, tant il est vrai qu'on appartient à une fédération non seulementpour en profiter mais aussi pour l'aider de toutes ses forces. Je suis fierd'être Québécois et Canadien et je ferai tout ce que je peux pour montrer labelle complémentarité de ces deux appartenances. Je sais que nous seronsnombreux à le faire, par l'action politique ou d'autres voies démocratiques.Ensemble, nous trouverons le chemin de la réconciliation. Les Québécois etles autres Canadiens doivent entrer unis et plus forts dans le prochain siècle.