Notes pour une allocution de Kevin G. Lynch,
Greffier du Conseil privé, secrétaire du Cabinet et chef de la fonction publique
à la table ronde Canada-OCDE
Le 17 mars 2008
Ottawa (Canada)
Cette Table ronde ne peut mieux tomber puisqu’il y sera question de politiques publiques actuelles et structurellement importantes pour l’ensemble du gouvernement et de la société.
Le but avoué de la Table ronde est fort ambitieux, et à juste titre car il s’agit de fournir aux hauts décideurs fédéraux un aperçu des forces motrices émergentes modelant le paysage international de la science et technologie et de l’innovation, de même que des politiques et des stratégies adoptées par de grands acteurs du globe pour réaliser les avantages des liens faits avec le réservoir mondial des connaissances, des idées et des talents. Le défi pour les décideurs consiste à comprendre la signification de ces tendances et phénomènes, et la façon d’en tirer profit.
J’apprécie aussi grandement la participation de l’OCDE à la Table ronde. L’OCDE a beaucoup à offrir à la discussion et sa contribution illustre une force réelle de l’organisation, à savoir des données microéconomiques comparatives transnationales rigoureuses qui fournissent une foule d’informations et de capacités analytiques pour la vérification d’hypothèses multisectorielles qu’il est tout simplement impossible de réaliser avec nos seules séries chronologiques.
Mais commençons par le commencement : pourquoi cet intérêt pour l’innovation et la mondialisation aujourd’hui? Ni l’une ni l’autre n’a rien du phénomène récent.
Très vrai; il y a en revanche une compréhension analytique plus claire du rôle indéniable de l’innovation dans l’amélioration du rendement de la productivité et du niveau de vie. L’innovation, qui est cette capacité à envisager et à créer de nouveaux produits et services, ou à fabriquer différemment des produits existants, réside au cœur même de la compétitivité moderne. Joseph Schumpeter a déclaré un jour : « Sans innovation, pas d’entrepreneurs, et sans réalisations par des entrepreneurs, pas de rendement capitaliste et pas de moteur du capitalisme. »
En bref, la richesse des nations aujourd’hui est mue non seulement par le capital physique et le capital humain mais aussi par le capital intellectuel, et l’interaction dynamique entre eux, c’est à dire l’innovation.
De même, la mondialisation ne date vraiment pas d’hier – songeons aux exploits commerciaux, aux mouvements de population et au transfert du savoir des Grecs, des Romains, des Chinois et des Incas anciens – mais au vu de son omniprésence et de son envergure aujourd’hui qui sont d’autant facilitées par les TIC, c’est à dire les technologies de l’information et des communications, elle paraît unique et a de profondes répercussions sur nous tous. C’est pourquoi cette Table ronde tombe à point nommé.
Donc comment sur le plan des politiques publiques tout ceci se concrétise-t-il en défis, possibilités, options et choix pour le Canada, de même que pour les autres membres de l’OCDE, aujourd’hui et demain?
Dans sa stratégie des sciences et de la technologie 2007 ainsi que ses récents budgets et discours, le gouvernement du Canada a établi la structure générale indiquant comment celui ci doit aborder ces enjeux. Pour paraphraser, en termes généraux, cette approche canadienne à long terme de l’innovation comporte sept grands éléments.
Un, le paradigme compte. Nous croyons que la science et la technologie (S et T) a été et doit être de plus en plus un moteur essentiel à l’amélioration de la croissance de productivité et de notre niveau de vie. Nous croyons en outre que pour connaître la prospérité, il faut s’intéresser non pas seulement à la S et T mais aussi à la formation d’une main d’œuvre de plus en plus qualifiée.
Deux, le cadre macroéconomique compte. Nous croyons qu’un contexte macroéconomique compétitif, capable de contenir l’inflation et la dette, et financièrement équilibré tire parti de bonnes politiques microéconomiques.
Trois, des priorités ciblées et une masse critique comptent. Nous devons être clairs quant à nos avantages comparatifs, à nos grands buts stratégiques nationaux et à nos priorités, ainsi qu’à la façon dont ils s’harmonisent avec nos forces et nos objectifs. Un pays de taille moyenne qui tente de devenir un chef de file en tout ne sera chef de file en rien.
Quatre, l’attitude compte. En S et T et en innovation, il faut viser rien de moins que l’excellence de calibre international. De même, on doit mettre l’accent non pas sur le procédé et le titre mais plutôt sur la célérité et l’agilité.
Cinq, un esprit ouvert sur le monde compte. À cause de la mondialisation omniprésente, il est des plus importants que tous les Canadiens s’ouvrent sur le monde et comprennent profondément, d’un côté, les défis posés par le reste du globe, de l’autre, les possibilités offertes par celui ci. Cet esprit d’ouverture sur le monde doit nous servir non pas seulement en affaires et en politiques publiques mais aussi en S et T et en innovation.
Six, la commercialisation de la S et T financée avec les deniers publics compte. Le contribuable canadien sera d’accord que l’État investisse en S et T si celle ci est clairement dans l’intérêt public, c’est à dire contribue à la création de la richesse et d’emplois au Canada, ainsi que le suggère le paradigme lui même.
Sept, l’investissement, la participation incontestable du secteur privé en S et T compte. Le Canada est une économie de marché, et la vaste majorité des gains de productivité en S et T doivent être réalisés grâce à l’investissement, ainsi qu’au déploiement, du secteur privé dans le domaine. Malheureusement, le bilan de l’investissement privé en R D au Canada est au mieux très mitigé.
Dans la foulée de la stratégie des sciences et de la technologie 2007 du gouvernement (Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada) et des budgets de 2007 et de 2008, il est utile de faire le point sur la direction que nous suivons, à savoir la vision structurelle et le tournant que nous prenons aujourd’hui dans cette quête à long terme.
La « caisse » centrale de financement public fédéral de la S et T au Canada soutient à la fois une base solide dans tous les secteurs de recherche et la capacité d’exceller à l’échelle internationale dans certains domaines. Entre autres moyens proposés, il y a :
La « caisse » centrale de financement public fédéral pour la formation d’une main-d’œuvre qualifiée au Canada s’articule surtout autour de l’individu. Elle propose entre autres :
Pour avoir un bon aperçu de ce qu’un pays fait en S et T et en innovation et comment il s’y prend, il faut comprendre de quelle façon il exploite le marché international des idées, de la recherche et de la main-d’œuvre hautement qualifiée, comment il en tire parti, comment il y contribue et comment il s’y compare.
Ici, le Canada doit nouer des alliances plus ciblées avec des multinationales de la R D de premier plan. Le Canada doit aussi mieux attirer les meilleurs au monde pour y étudier et y faire de la recherche. Dans son dernier budget, le gouvernement a pris des mesures véritablement novatrices à cet égard en créant les bourses d’études Vanier et les chaires de recherche d’excellence mondiale.
Enfin, dans le cadre de sa stratégie économique ainsi que de sa stratégie en S et T, le Canada doit déployer davantage d’efforts pour articuler sa « marque » en S et T et en innovation en fonction de celle des chercheurs, des éducateurs et des dirigeants d’entreprise du reste du monde.
Au cours des 10 dernières années, le Canada s’est beaucoup amélioré en créant une fondation pour la recherche bien plus solide et plus confiante.
Côté rendement en recherche et développement publique (en pourcentage du PIB), le Canada est actuellement premier au sein du G7 et dans les cinq premiers parmi les pays de l’OCDE. Toutefois, les dépenses des entreprises canadiennes en R D traînent de l’arrière, se classant quinzièmes au sein de l’OCDE.
Sur le plan de l’éducation et des compétences, plusieurs provinces canadiennes (en particulier l’Alberta et le Québec) affichent les meilleurs taux de réussite dans le cadre du Programme international pour le suivi des acquis, et le Canada arrive premier au sein de l’OCDE pour la proportion de la population ayant fait des études postsecondaires. Cependant, moins de la moitié de celle ci a fréquenté le collège ou l’université, et le Canada fait moins bien au chapitre des diplômes universitaires, surtout en sciences.
Il faut se tourner vers l’avenir et toujours regarder devant, ce qui implique :
Nous vivons dans une ère de mondialisation omniprésente, avec tout son lot d’opportunités certes, mais aussi de risques. Le marché est devenu un lieu véritablement international où les nouveaux compétiteurs viendront sans doute autant de Shanghaï ou de Hanoï que de la Nouvelle-Angleterre ou du Michigan. Dans cette économie mondialisée, la constante opportunité qui s’offre est l’ouverture de marchés toujours plus vastes et le perpétuel défi qui se pose est l’obligation de rivaliser avec un nombre sans cesse croissant de compétiteurs.
Comme Tom Friedman l’a observé avec une grande perspicacité, si la mondialisation était un sport, elle serait un sprint de cent mètres sans cesse recouru. Dans ce contexte, comment les économies peuvent-elles se positionner avantageusement pour relever les défis posés par la mondialisation, d’une part, et saisir les occasions qu’offre celle ci, de l’autre? Pourquoi certains pays, petits et grands, se détachent ils du peloton alors que d’autres, qui ont souvent les mêmes fondations, traînent de l’arrière? L’innovation répond en partie à la question.
L’innovation – la quête, toujours, de nouveaux produits, de nouvelles façons de brasser des affaires, de nouvelles méthodes de marketing international – sera un élément essentiel à la compétitivité future du Canada et à l’amélioration de sa productivité. L’avenir dépendra beaucoup de notre capacité à mettre en place une culture de gestion et un effectif de cadres de classe internationale, à promouvoir l’entreprenariat ainsi que la compétitivité et à faire de la recherche et développement de calibre international. Nous devons mieux nous illustrer en S et T, surtout en ce qui concerne la commercialisation de notre recherche afin de pouvoir rivaliser avec les États-Unis, la Chine et l’Inde au cours des prochaines décennies.