Gouvernement du Canada Bureau du Conseil privé
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

Bureau du Conseil privé > Greffier du Conseil privé

Le renouvellement de la fonction publique: trop de perceptions erronées

Notes pour une allocution de Kevin G. Lynch,
Greffier du Conseil privé, secrétaire du Cabinet et chef de la fonction publique
à l'occasion du 8e Forum national de perfectionnement professionnel des gestionnaires

Le 21 avril 2008
Vancouver (Canada)


Introduction

Je me réjouis de la possibilité qui m'est offerte aujourd'hui de vous faire part de certaines réflexions sur l'état actuel de la fonction publique du Canada et de recueillir vos opinions. Je vous parlerai notamment du renouvellement de la fonction publique, point central du Quinzième rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique, et mon troisième.  J'espère que tous les gestionnaires et les employés de tous les niveaux prendront le temps de le lire et d'en discuter.

C'est la deuxième fois que j'ai la chance de prendre la parole dans le cadre du Forum national des gestionnaires, la première ayant pris la forme d'une apparition « virtuelle » à St. John's en 2006. Je tiens à remercier les organisateurs de m'avoir si gentiment invité à m'adresser à vous en personne, ici, à Vancouver.

L'un des grands privilèges de la fonction de greffier consiste à pouvoir rencontrer des fonctionnaires de tous les coins de notre magnifique pays, à les écouter parler de la nature et de l'importance de leur travail, à constater de première main leur dévouement et à sentir toute la fierté que leur inspire la fonction publique.

Pour commencer, j'aimerais citer Thomas Friedman, qui soutient: "... que dans le système mondialisé, l'un des avantage les plus importants et les plus durables qu'un pays peut avoir aujourd'hui consiste à disposer d'une fonction publique de petite taille, efficace et honnête."  Pour lui, il existe une corrélation certaine entre la compétitivité et la prospérité d'un pays d'une part, la qualité de sa fonction publique d'autre part. Et cette corrélation se retrouve partout, dans les pays en développement aussi bien que dans les pays industrialisés, pauvres ou riches.

En un mot, ce que vous faites, c'est‑à‑dire assurer la prestation des services publics, a son importance, et la façon dont vous le faites en a plus encore.

Je penses que le Canada bénéficie depuis longtemps des services que lui offre une fonction publique impartiale, professionnelle et compétente. J'y ai consacré ma vie professionnelle, et je suis fier de servir la fonction publique depuis près de 32 ans.

Pourtant, nos institutions publiques, dont la fonction publique, semblent maintenant faire l'objet d'un scepticisme croissant et de critiques répétées. Les attaques contre la fonction publique ne sont pas nouvelles, et elles ne sont pas toujours dénuées de fondement, ce qui n'est jamais simple pour les fonctionnaires.  Parallèlement, nous sommes confrontés aux changements structuraux associés au renouvellement de la fonction publique.

Au cours des dernières années, nous ayons laissé librement circuler un certain nombre d'idées fausses concernant la fonction publique, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'institution et nous avons laissé de côté la question du renouvellement. Je voudrais aujourd'hui vous entretenir des « perceptions erronées qui concernent la fonction publique » que je place en tête de liste, et vous les présenter dans le contexte du renouvellement.

Chacune est constituée d'une part de vérité, mais il est toujours plus facile d'y voir la vérité absolue.

Or, la réalité révèle une fonction publique qui n'est ni parfaite, ni brisée, une fonction publique qui est fermement ancrée dans ses propres valeurs.  Une fonction publique qui, comme le reste du Canada, doit constamment s'adapter à un monde en perpétuelle évolution, et qui doit embrasser le changement plutôt que de maintenir le statu quo, afin de véritablement faire bouger les choses et de conserver la confiance de la population.

Mais il n'est pas facile d'implanter le changement dans les grandes organisations, comme le souligne brillamment John Kotter dans le livre dense et original qu'il vient de consacrer au changement et qui s'intitule « Our Iceberg is Melting ». Il faut, pour y parvenir, créer un sentiment d'urgence, mettre sur pied une solide équipe de direction du changement, communiquer constamment, élargir « l'équipe du changement », chercher à obtenir très vite des résultats concrets, et ne jamais lâcher. Et en ce sens, vous êtes essentiels. Vous pouvez, ensemble, concrétiser le renouvellement de la fonction publique.

Perceptions erronées

1. La fonction publique est détraquée, elle n'est plus que l'ombre de ce qu'elle a déjà été.

Nombreux sont les Canadiennes et les Canadiens qui, alertés par le nombre d'erreurs, et d'infractions qu'ont exposées la Commission Gomery, la vérificatrice générale, les comités parlementaires et les journalistes, ont étendu leurs préoccupations légitimes à toute la fonction publique, devenue l'objet de leur scepticisme, sinon pire. Certains d'entre vous, à la lecture d'articles négatifs parus dans la presse concernant des hauts fonctionnaires, et certains élus, ne savent plus quoi penser. Il en va de même pour nous tous.

Nous devons nous rappeler que la fonction publique n'est pas à l'abri des erreurs, pas plus que n'importe quelle grande organisation.  Nous commettons des erreurs, nous en assumons la responsabilité et nous en tirons des enseignements.  Mais, la majorité du temps, nous fournissons des services de qualité à des millions de Canadiennes et de Canadiens, et à l'occasion, nous nous dépassons.

Cela dit, nous devons expliquer plus clairement l'ampleur, la portée et l'importance de ce que nous faisons. Les gestionnaires supérieurs tels que moi doivent prêcher par l'exemple.  

Le fait est que la fonction publique d'aujourd'hui est la plus vaste et la plus complexe de toutes nos institutions. Elle emploie plus de 250 000 personnes, elle compte, au pays comme à l'étranger, plus de « secteurs d'activité » et de « points de services » que n'importe quel organisme canadien du secteur privé, et elle subit des pressions constantes pour adapter ses diverses « gammes de produits » aux exigences d'un monde en évolution.

La fonction publique est certainement différente aujourd'hui, il lui a fallu s'adapter; les temps ont changé, de même que la société canadienne et les attentes du public à l'égard du gouvernement. Malheureusement, cette réalité est méconnue.

2. Deuxième perception erronée: aucun effort de renouveau concerté n'est vraiment nécessaire. Le statu quo exerce un attrait incontestable dans toute grande organisation, mais cela s'avère rarement une bonne solution, et dans notre cas, cela n'est tout simplement pas une option.

La composition de la fonction publique appelle inévitablement des changements de grande envergure. L'alternative est simple : nous débrouiller tant bien que mal, malgré les risques réels que cela comporte pour la qualité de la fonction publique, ou opter pour une gestion favorisant le renouvellement.

À la fin des années 1990, pour la première fois de son histoire, la fonction publique se composait majoritairement d'employés âgés de 45 ans et plus; ceux‑ci représentent maintenant près de 60 % de l'effectif total. Cette tendance est encore plus marquée chez les cadres de direction : les fonctionnaires ont en moyenne 44 ans, et les cadres, 51 ans.  Les sous‑ministres adjoints ont en moyenne presque 55 ans, l'âge auquel les fonctionnaires sont très souvent admissibles à une pleine pension. En fait, plus de 31 % des SMA sont présentement admissibles à la retraite, et près de 50 % des cadres le seront d'ici 2012.

Le contexte a changé : un marché du travail qui n'a jamais été aussi vigoureux en plus de 35 ans, les employeurs du secteur privé qui, en grand nombre, mettent tout en œuvre pour séduire les plus brillants diplômés de nos universités et collèges, une image de marque ternie, des pratiques de recrutement qui sont moins qu'excellentes.

Les scientifiques, avocats, économistes et gestionnaires les plus doués risquent d'échapper à la fonction publique si elle persiste à maintenir un système de recrutement centralisé et impersonnel caractérisé par des processus complexes et lents dont les offres d'emploi ne sont que temporaires ou occasionnelles.  De plus, le renouvellement ne se concrétisera pas si nous ne renforçons pas notre effectif et ne gérons pas mieux notre milieu de travail.

Mais, le renouvellement est aussi constitué de possibilités à saisir. Son effet catalyseur attirera les meilleurs éléments de la prochaine génération de Canadiens, qui feront de la fonction publique une institution plus représentative de la diversité canadienne et bourdonnante d'idées nouvelles.

3. Cela nous amène subtilement à la troisième perception erronée : la fonction publique n'a plus ce qu'il faut pour intéresser les plus talentueux. Il faut répondre à une question capitale : faisons-nous ce qu'il faut pour que les diplômés de nos universités et de nos collèges envisagent une carrière dans la fonction publique?

Le meilleur atout de recrutement dont dispose la fonction publique est la nature unique de notre travail; un travail stimulant qui touche de près la vie des Canadiennes et des Canadiens et qui permet d'influer sur de nombreuses questions de politiques publiques au cours d'une carrière. On y sert l'intérêt public et non un intérêt privé, avec tout ce que cela implique en termes de valeurs et d'engagement, sans parler de la satisfaction personnelle et professionnelle que procure le sentiment de faire œuvre utile pour sa collectivité, pour son pays et pour le monde. 

Mais pour exploiter cet avantage, nous devons repenser fondamentalement nos méthodes, notamment en ce qui concerne le recrutement. Si des employés très compétents et très motivés constituent un avantage certain dans notre monde du savoir, les ministères et leurs dirigeants doivent avoir la responsabilité première du recrutement et du perfectionnement, l'exercer eux‑mêmes et non la déléguer.

Lorsque nous personnalisons l'exercice, lorsque nous abrégeons des processus dont la lenteur mortelle peut décourager même les candidats les plus intéressés, et lorsque nous mettons en relief la nature et l'importance du travail à faire plutôt que de parler de nous et d'indiquer le numéro du concours, nous pouvons attirer des gens de haut calibre à la fonction publique.

Mais ce n'est pas tout de recruter des personnes de grand talent: encore faut‑il leur offrir des expériences de travail stimulantes et variées, des possibilités de perfectionnement et d'acquisition de compétences en leadership, ainsi qu'un meilleur équilibre entre travail et vie privée, entre les besoins opérationnels et professionnels du service public et leurs propres besoins.

Et finalement, nous devons améliorer notre image de marque. Nous devons miser sur l'excellence. Personne ne souhaite travailler pour une institution ou une entreprise quelconque. « Joignez-vous à nous; chez nous, c'est l'excellence qui compte! » est à la fois un bon slogan de recrutement et de rétention.

4. Cela nous amène à une quatrième perception erronée: les capacités de la fonction publique au chapitre des politiques ont diminué. Par exemple, le Forum des politiques publiques s'inquiète, évoquant cette fois « la diminution de la capacité et de la souplesse des politiques lorsqu'il s'agit de relever les grands défis; du manque d'efficacité de la fonction publique pour ce qui est de mettre en œuvre les idées de politiques ».

D'abord et avant tout, il est utile de nous rappeler que les décisions stratégiques sont prises non pas par les fonctionnaires, mais par les gouvernements élus.  Le travail des premiers consistant à fournir aux seconds, en toute objectivité, des options et des recommandations fondées sur des recherches approfondies et sur une analyse rigoureuse.

En outre, la fonction publique doit disposer des moyens et de la souplesse qui s'imposent pour affecter les ressources stratégiques aux plus importants enjeux et priorités de l'heure.  Un tel déploiement de nos capacités stratégiques a permis de réaliser des progrès en matière d'élaboration de politiques et de prestation de services au cours des dernières années.

C'est ainsi, par exemple, que depuis les événements du 11 septembre 2001, la fonction publique met l'accent sur la sécurité des frontières, la sécurité des transports, la sécurité nationale, la souveraineté dans l'Arctique et le soutien que requiert l'engagement actif des Forces canadiennes en Afghanistan. Elle a également aidé le gouvernement du Canada à dégager des excédents budgétaires pendant 11 années consécutives, à maintenir l'inflation à un bas niveau, à entretenir un régime d'imposition des sociétés très compétitif par rapport à ceux de nos principaux partenaires commerciaux, à moderniser les infrastructures, à donner une impulsion nouvelle à la recherche universitaire au Canada, à soulager de façon appréciable la pauvreté des enfants et à développer la porte d'entrée du Pacifique. La liste s'allonge, et les défis se multiplient.

Selon moi, la fonction publique ne doit pas avoir un monopole sur la recherche et les conseils stratégiques au Canada. Plus les groupes de réflexion indépendants effectueront un travail analytique de haute qualité sur le plan des politiques publiques, mieux ce sera. D'ailleurs, depuis plusieurs décennies, les gouvernements canadiens ont confié avec succès à des « groupes d'experts » l'étude d'une vaste gamme de questions structurelles. Le grand thème qui s'est dégagé de leurs discussions était non pas la faiblesse des capacités de la fonction publique en matière de politiques, mais plutôt l'importance de faire participer le plus grand nombre de Canadiennes et de Canadiens à l'examen des grands enjeux d'orientation.

Enfin, les défis stratégiques d'aujourd'hui ne sont certainement pas moins complexes que ceux du passé; ils sont tout simplement différents. Notre capacité en matière de politiques doit être de calibre international dans des domaines comme la mondialisation, la sécurité, la productivité, le vieillissement, la compétitivité et les changements climatiques, et ces domaines doivent être pris en compte dans nos stratégies de renouvellement.

5. Passons maintenant à une cinquième perception erronée: les fonctionnaires craignent de prendre des risques, l'aversion pour le risque est un trait caractéristique inné des fonctionnaires. En fait, ce n'est pas tant une question de comportement qu'un problème de «_désincitation ».

Nous avons embourbé les fonctionnaires dans un écheveau de règles complexes et souvent contradictoires qui encouragent l'inaction plutôt que la prise de risques responsables, et qui découragent l'innovation au profit du statu quo.  La mentalité de « chasse aux sorcières » que l'on peut observer dans la presse et parfois au Parlement, où la capacité d'éviter les erreurs plutôt que celle de gérer le risque est devenue l'indicateur du succès ou de l'échec des entreprises du gouvernement.

Il est impossible d'innover dans l'élaboration des politiques publiques et dans la prestation des services sans prendre des risques; le succès n'est pas toujours garanti et l'échec n'est jamais totalement exclu. Il faut remplacer les règles actuelles, démesurément normatives, qui, dans leur complexité et leur application, rappellent l'univers de Dilbert dans les bandes dessinées, par des régimes rigoureux de gestion du risque qui permettraient de prendre des décisions discrétionnaires fondées sur des objectifs et des critères clairs.

Une partie de la solution doit venir des ministères eux‑mêmes, qui créent parfois leurs propres « désincitatifs » à l'innovation et leur propre culture d'évitement des risques. Un autre élément de la solution réside dans les attitudes du public, de la presse, du Parlement et du gouvernement.

Comme je l'ai mentionné dans mon Rapport 2008 au Premier ministre sur la fonction publique : « Nous devons trouver un meilleur équilibre entre la prise de risques et la responsabilisation. À cette fin, il faut réduire l'écheveau des règles qui sapent l'initiative et étouffent l'innovation. Pour être efficace, une organisation doit se doter d'un système robuste et efficace de gestion des risques. » Cela signifie que parfois on fait des erreurs, et parfois on réussit.

6. Sixième perception erronée: la fonction publique est mal gérée, mais cette affirmation n'est que partiellement fausse. Pendant trop longtemps, nous n'avons pas accordé à la gestion efficace du personnel et des ressources la priorité et l'attention qu'elle mérite. Comme l'a fait remarquer Peter Drucker sur un ton d'ironie désabusée, « une grande partie de ce que nous appelons la gestion consiste à compliquer le travail des gens ».

Cela est en train de changer, et nous devons encourager ce changement. L'an dernier, nous avons mis en place pour les sous‑ministres et les sous‑ministres délégués un régime bien structuré de gestion et d'évaluation du rendement avec un accent particulier sur la bonne gestion des personnes.  Cette année, ce régime sera appliqué à tous les cadres.

L'an passé, nous avons lancé un nouveau Programme avancé en leadership (PAL), qui a pour objet d'aider à perfectionner les dirigeants supérieurs de la fonction publique de l'avenir. Vingt-cinq personnes y ont pris part. De plus, nous avons mis en place une nouvelle approche en matière de gestion des talents chez les sous-ministres adjoints. À compter de cette année, nous étendrons cette approche aux autres cadres. Toujours l'an dernier, mais beaucoup trop tard cette fois, nous avons entrepris d'intégrer dans tous les ministères la planification des ressources humaines et des activités comme un engagement des sous-ministres et des ministères dans leur mandat. Cette année, nous travaillerons sur ce point.

Nous nous pencherons aussi sur la recommandation du Comité consultatif du Premier ministre sur la fonction publique concernant la restructuration de la gouvernance, des rôles et des responsabilités en gestion des ressources humaines. Nous élaborerons aussi des initiatives visant à renforcer la gestion du rendement, notamment lorsque celui-ci est faible. Pour le moral des employés et le bon fonctionnement en milieu de travail, rien n'est plus néfaste que l'inaction dans les cas de rendement insatisfaisant. 

Nous devrons également nous attaquer à « l'arrière‑boutique » du gouvernement. Il s'agit là d'un défi considérable qui exigera de notre part (i) d'améliorer les processus de dotation qui sont lents et inefficaces, (ii) de moderniser notre système de paie, (iii) de donner aux gestionnaires l'information concernant les ressources financières et humaines dont ils ont besoin, et ce, en temps réel, (iv) de mettre sur pied un sondage annuel en ligne, et (v) de réduire l'ensemble de règles.

Bref, nous croyons fermement en l'importance d'une saine gestion du secteur public. Vous aussi, j'en suis convaincu. Dans le cadre du renouvellement de la fonction publique, cette optique est maintenue de façon pragmatique et soutenue. Nos objectifs portent sur le recrutement, le perfectionnement, la planification et l'établissement d'une infrastructure habilitante. Année après année, nous nous fixons des objectifs concrets en matière de renouvellement, et nous exigeons des cadres qu'ils rendent compte des résultats atteints à cet égard.

7. Septième perception erronée: les efforts de renouvellement de la fonction publique n'aboutissent à rien.

Il est certes incontestable que la fonction publique a plusieurs fois fait l'objet d'un examen général au cours des 50 dernières années. Mais cela n'est guère étonnant si l'on considère à quel point la portée et l'ampleur du rôle de l'État ont changé au cours de cette période, et combien plus encore le monde s'est transformé. Comme l'a dit Tom Friedman: "...si le renouvellement (par exemple la mondialisation) était un sport, ce serait le 100 mètres, couru encore et encore."

Si les attentes et les discours relatifs à certains de ces exercices ont probablement dépassé leurs résultats, le fait est que la fonction publique de 2008 diffère de celle que j'ai connue à mon arrivée en 1976. Considérez, par exemple, les progrès accomplis dans le sens d'un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes dans les rangs de la haute direction (en 1983, moins de 5 % des cadres étaient des femmes, comparativement à 40 % aujourd'hui; et toujours en 1983, 2 % des sous-ministres étaient des femmes, comparativement à 38 % aujourd'hui), d'une plus grande, mais insuffisante, diversité de l'effectif, d'une plus forte insistance sur les normes de service ainsi que d'une transparence et d'une responsabilisation accrues.

Mais le renouvellement, dans le secteur public comme dans le secteur privé, consiste non pas à régler quelque chose pour toujours, mais plutôt à actualiser les pratiques. Dans le cas de la fonction publique, cela signifie veiller à ce qu'elle demeure une institution dynamique, vigoureuse et moderne. Renouveler, c'est également faire en sorte que notre travail et nos méthodes demeurent efficaces et pertinents dans un environnement en constante mutation. C'est à cela que l'on pourra juger de la réussite ou de l'échec des exercices de renouvellement.

8. La dernière perception erronée que j'aimerais porter à votre attention, est que la fonction publique a essentiellement perdu le contact avec les Canadiens; ils viennent de Vénus, et nous, de Mars. Cette idée me trouble beaucoup, et je la réfute avec vigueur, et ce, pour de nombreuses raisons.

En un sens, cette critique souligne avec justesse l'importance d'une fonction publique impartiale et professionnelle qui reflète et comprend la diversité géographique, linguistique et ethnique du Canada aussi bien que les transformations rapides qui s'opèrent dans le monde où nous vivons.  Une partie de nos efforts de renouvellement visent à mieux refléter et à mieux comprendre la diversité canadienne. Mais la pluralité des points de vue réduit les chances d'un consensus sur la voie à suivre.

Et même si le gouvernement fédéral a des bureaux presque partout au pays, il arrive que des gens accusent Ottawa d'être « débranchée » simplement pour dire que l'administration centrale et les cadres supérieurs des ministères en question sont ailleurs que dans leur localité, leur région ou leur province. Cette vision est peut‑être même partagée à l'occasion par certains fonctionnaires régionaux et même par vous.

Cela dit, elle n'est certainement pas propre au Canada. Elle existe en fait dans tous les grands pays dont la diversité est un trait caractéristique, en particulier les fédérations. Elle souligne l'utilité des efforts de rapprochement que déploient tous les cadres supérieurs de la fonction publique

Elle met en évidence l'importance d'une consultation et d'une mobilisation des divers secteurs de notre société. Le rapprochement est une chose à laquelle je crois, une chose que j'ai pratiquée activement en tant que sous‑ministre et que je continue de pratiquer dans mes fonctions de greffier. C'est désormais aussi une exigence qui figure dans les lettres de mandat remises à tous les sous‑ministres. 

D'une façon plus générale, cet isolement dans lequel semblent évoluer de plus en plus le secteur public et le secteur privé est à la fois réel et illusoire.  Les deux secteurs évoluent chacun de leur côté, mais cette impression d'isolement repose sur une hypothèse fausse, celle de peu de points communs et de possibilités d'une collaboration réelle entre les deux.

Face à une mondialisation généralisée et à la rude concurrence internationale, le secteur public et le secteur privé doivent travailler davantage ensemble. C'est dans notre intérêt à tous. Nous devons collaborer, et non nous diviser, pour établir des stratégies commerciales et des politiques publiques qui permettront de tirer parti des forces relatives du Canada, et ce, au profit de l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens.

Conclusion

Pour conclure, permettez‑moi de revenir à mes propos du début et de réitérer l'importance que revêt pour toute la population une fonction publique impartiale et soucieuse d'excellence. J'aimerais vous laisser quatre réflexions sur la fonction publique, les fonctionnaires et le renouvellement.

Premièrement, avons-nous de l'importance? Comme il était dit dans le rapport de 2007 du Comité consultatif sur la fonction publique nommé par le Premier ministre, « [Y] une fonction publique efficace et fondée sur des valeurs est essentielle à la prospérité de tous les pays dans le monde complexe et interconnecté d'aujourd'hui. En tant qu'institution nationale, une fonction publique de haute qualité, fondée sur le mérite, fait partie de l'avantage comparatif du Canada et est un facteur de compétitivité déterminant dans l'économie mondiale. Elle aide en outre à jeter le fondement d'un gouvernement démocratique fort ».

Il s'agit là d'une confirmation solide du rôle important que joue au Canada une fonction publique non partisane comme la nôtre.  Le message est clair : pour continuer à jouer ce rôle et demeurer excellents, pertinents et respectés, nous devons embrasser le changement et le renouvellement. L'impulsion du renouvellement doit venir de l'intérieur.

Deuxièmement, pour qui comptons-nous?  La réponse est simple : pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Le succès de l'entreprise réside en partie dans notre capacité de mieux faire saisir à la population le rôle important que joue la fonction publique dans l'image de réussite que projette le Canada. Mettre un terme aux idées fausses concernant la fonction publique y contribuera.

Troisièmement, quel est votre rôle en ce qui concerne le renouvellement? La réussite d'une pareille entreprise réside en partie dans votre engagement et votre aide à trouver des solutions efficaces. Vous devrez prendre une part active à l'exercice, vous faire entendre, faire des suggestions, faire partie intégrante du renouvellement. Vous devez agir en fonctionnaires fiers, dévoués et conscients de pouvoir faire bouger les choses. Comme l'a si bien dit un jour John F. Kennedy, "Si nous ne le faisons pas, qui le fera? Et si ce n'est pas maintenant, alors quand?"

Quatrièmement, rappelez-vous qui vous servez: vous servez vos concitoyens et j'estime que vous le faites très bien.

Merci.