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La Fonction publique : Mythes et réalités

Allocution de Kevin G. Lynch
Greffier du Conseil privé, Secrétaire du Cabinet et chef de la fonction publique

Mars 2009
Chandigarh, Inde


Introduction

Je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui et d’avoir l’occasion de vous faire part de certaines réflexions sur la fonction publique du Canada et d’entendre vos commentaires sur la fonction publique de l’Inde. Nous avons beaucoup de choses en commun : notre appartenance au Commonwealth, une démocratie parlementaire qui est aussi une fédération, des codes de lois similaires et le rôle important que joue la fonction publique dans nos gouvernements de type britannique.

Permettez-moi tout d’abord de citer Thomas Friedman : « ... dans le cadre de la mondialisation, l’un des avantages les plus importants et les plus durables qu’un pays peut avoir aujourd’hui consiste à disposer d’une fonction publique de petite taille, efficiente et honnête ». Il souligne la forte corrélation entre la compétitivité et la prospérité d’un pays, d’une part, et la qualité de sa fonction publique, d’autre part. Ce lien est valable pour les pays en développement ou industrialisés, pauvres ou riches.

En résumé, le rôle des fonctionnaires, qui est de fournir des services publics, est vital et les méthodes utilisées pour le faire le sont d’autant plus. Le Canada, comme l’Inde, me direz-vous sans doute, profite depuis longtemps de l’expertise d’un service public professionnel et compétent.
Cependant, la fonction publique semble inspirer un certain scepticisme. Les critiques ne datent pas d’hier, elles ne sont pas toujours sans fondement, mais aucune assertion erronée ne devrait subsister.

Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous certains mythes et réalités de la fonction publique du Canada et attirer votre attention sur plusieurs domaines où, du moins au Canada, il y a lacune entre les perceptions et la réalité.

Tout d’abord, rétablissons les faits. La fonction publique du Canada n’est pas parfaite, mais elle n’est pas non plus brisée. C’est une fonction publique où l’impartialité et le professionnalisme sont des principes fondamentaux. C’est une fonction publique qui, comme le reste du pays, est sous pression constante pour s’adapter aux changements et d’aller jusqu’au bout de ses capacités pour faire bouger les choses et faire une différence. Voici maintenant quelques mythes.

Mythes et réalité

1. Mythe numéro un est quela fonction publique a perdu en efficacité, elle est l’ombre de ce qu’elle était autrefois.

Bon nombre de Canadiens et de Canadiennes ne savent pas trop quoi penser des histoires négatives qui sont rapportés dans la presse au sujet des membres de l’appareil gouvernemental, élus et non-élus.

La réalité est que la fonction publique n’est pas à l’abri des erreurs, pas plus que d’autres organisations d’envergure. Nous faisons des erreurs, nous en assumons la responsabilité et nous en tirons des leçons. Néanmoins, la réalité est que nous offrons des services de qualité jour après jour à des millions de Canadiens et de Canadiennes, et qu’à l’occasion des choses surprenantes sont parfois accomplies.

Nous devons mieux expliquer l’ampleur, la portée et la complexité de la fonction publique au Canada. La réalité est que la fonction publique du Canada est l’institution la plus importante et la plus complexe au Canada avec plus de 250 000 employés, qu’elle compte plus de secteurs d’activité et de points de services nationaux et internationaux que toute entreprise privée et qu’elle doit constamment améliorer ses services en réponse aux exigences d’un monde en évolution. Cette fonction publique n’est certainement pas la même que dans le passé car elle doit être différente pour refléter à quel point le monde a changé.

2. Mythe numéro deux est à l’inverse complètement, que la situation actuelle est satisfaisante et qu’aucun changement n’est nécessaire.

Le contexte démographique et la complexité du travail imposent des besoins de changements.

Pour la première fois de notre histoire, la majorité des fonctionnaires ont plus de 45 ans (près de 60 %). Le vieillissement est encore plus prononcé chez les cadres de direction : la moyenne d’âge chez les fonctionnaires est supérieure à 44 ans, elle est de 51 ans chez les cadres supérieurs, et chez les sous-ministres adjoints, elle frôle les 55 ans, âge auquel de nombreux fonctionnaires sont admissibles à la pleine pension. En effet, environ 50 % des cadres supérieurs et 25 % des fonctionnaires pourront prendre leur retraite d’ici 2012.

Ceci est notre réalité démographique, mais elle représente aussi une opportunité. Elle devrait motiver l’adoption de mesures pour engager les meilleurs éléments de la prochaine génération de fonctionnaires et réorganiser la fonction publique pour illustrer la diversité du pays et renouveler l’énergie et les idées.

3. Ceci nous dirige clairement au mythe numéro trois, que la fonction publique n’est plus en mesure de recruter des personnes de grand talent.

La réalité est qu’il nous est effectivement possible de recruter et de conserver la crème des professionnels à la condition de miser sur les atouts du secteur public, soit la nature unique et l’importance du travail à accomplir.

Ce que nous offrons est un travail stimulant qui touche la vie des Canadiens et des Canadiennes de façon importante, un travail qui permet, au cours d’une carrière, d’influencer une variété d’enjeux importants pour la population. Un travail qui permet de servir l’intérêt public et non celui d’une entreprise. Un travail qui est fondé sur des valeurs, sur l’engagement, ainsi que sur la satisfaction personnelle et professionnelle de servir la collectivité, le pays, le monde.

Pour tirer profit de ces avantages, la fonction publique a besoin d’une image de marque plus claire et plus percutante. À mon avis, nous devons miser sur l’excellence; personne n’est intéressé à travailler pour une institution ou une entreprise d’envergure moyenne.  Joignez-vous à nous, nous sommes excellents, est un slogan accrocheur à la fois pour recruter et retenir le personnel.

4. Ceci nous amène au mythe numéro quatre, que les capacités de la fonction publique en matière de politiques ne sont pas ce qu’elles étaient.

Premièrement, il faut nous rappeler que les fonctionnaires ne prennent pas de décisions stratégiques. Les décisions sont prises par le gouvernement élu. Le travail des fonctionnaires est de fournir au gouvernement des recommandations et des options stratégiques impartiales fondées sur des analyses rigoureuses.

Deuxièmement, la fonction publique ne devrait pas avoir le monopole de la recherche et des conseils stratégiques. Plus les groupes indépendants et les organismes non gouvernementaux seront nombreux à participer, meilleures seront les analyses.

Et troisièmement, les enjeux politiques ont gagné en complexité ces dernières années. Nos capacités d’analyse au chapitre de la mondialisation, de la sécurité, de la productivité, du vieillissement, de la compétitivité et des changements climatiques doivent être de premier ordre pour permettre au Canada d’être à la hauteur des attentes.

5. Le prochain mythe est que les fonctionnaires ont peur de prendre des risques et que cette crainte est intrinsèque.

La peur du risque dans la fonction publique est conditionnée et non intrinsèque.

Les fonctionnaires sont aux prises avec un écheveau de règles complexes, souvent contradictoires, qui encouragent la crainte plutôt que la prise de risques calculés et découragent l’innovation au profit du statu quo. Cette situation est envenimée par une « chasse aux sorcières » médiatique et parfois parlementaire qui pousse le gouvernement à fonder son succès sur sa capacité à éviter les difficultés plutôt que sur la gestion des risques. L’innovation en matière de politiques et de services ne se fait pas sans risques et doit être fondée sur un système rigoureux.

6. Mythe numéro six est que la gestion de la fonction publique est trop souvent reléguée au second plan.

Comme l’a fait remarquer ironiquement Peter Drucker, « une grande partie de ce que nous appelons la gestion consiste à nuire au travail des gens ». Cette phrase s’applique également à la fonction publique. Nous pouvons et devons mettre en application les pratiques exemplaires dans la gestion de nos activités, dans nos modes de réflexion et dans nos évaluations de rendement.

En fait, la gestion doit faire partie du mandat des cadres de direction. Nous avons entrepris de renforcer notre système d’évaluation de rendement incluant la gestion des cas de mauvais rendement. Nous devons faire plus.  Il y a rien de plus démoralisant qu’un piètre rendement non géré.

7. Le mythe numéro sept est que la fonction publique a perdu le contact avec les citoyens, le syndrome de type « ils viennent de Vénus, et nous, de Mars » se propage.

En un sens, ce mythe souligne l’importance d’une fonction publique professionnelle et  impartiale qui reflète et comprend la diversité de notre pays; géographique, linguistique et ethnique, en même temps que l’évolution rapide de notre monde. Ce défi n’est pas uniquement canadien. Il existe dans les grands pays à population diversifiée, en particulier ceux qui ont un régime de gouvernement fédéral et met en lumière l’importance de la diversité dans la fonction publique et de la sensibilisation proactive par la fonction publique.

La distance entre les secteurs public et privé est à la fois réelle et erronée. Ce sentiment existe vraiment mais il se fonde sur une hypothèse fausse selon laquelle les deux secteurs ont peu en commun et que les possibilités de collaboration sont rares. La mondialisation devrait encourager les secteurs public et privé à travailler de plus en plus étroitement. Nous devons coopérer afin de s’assurer que les stratégies opérationnelles et les politiques publiques tirent profit des forces relatives du pays, dans l’intérêt de tous.

Conclusion

Je souhaiterais terminer avec ces deux réflexions sur le service public.

Premièrement, la fonction publique est importante. Comme l’a indiqué le Comité consultatif sur la fonction publique nommé par le Premier ministre dans son rapport de 2007 : « ... une fonction publique efficace et fondée sur des valeurs est essentielle à la prospérité de tous les pays dans le monde complexe et interconnecté d’aujourd’hui. En tant qu’institution nationale, une fonction publique de haute qualité, fondée sur le mérite, fait partie de l’avantage comparatif du Canada et est un facteur de compétitivité déterminant dans l’économie mondiale. Elle aide en outre à jeter les fondements d’un gouvernement démocratique fort ». Toutefois, la population doit saisir l’importance du rôle de la fonction publique dans la prospérité d’un pays, que ce soit le Canada ou l’Inde.

Deuxièmement, le renouvellement de la fonction publique demandera aux fonctionnaires d’y prendre part. John F. Kennedy s’est un jour posé la question suivante : « Qui, sinon nous? Quand, sinon maintenant? ». Le renouvellement du secteur public a besoin de chacun de nous, en tout temps.

Merci.