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L’élaboration des politiques publiques en temps de crise

Allocution de Kevin G. Lynch
Greffier du Conseil privé, Secrétaire du Cabinet et chef de la fonction publique
à la Conférence 2009 de l’Institut d’études canadiennes de McGill

Le 27 mars 2009
Montréal, Canada

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Introduction

Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole à la Conférence de 2009 de l’Institut d’études canadiennes de McGill. Comme le mentionnait Jon Stewart au sujet de ses fonctions d’hôte des Academy Awards : «C’est un honneur bien sûr, avait-il dit, mais pour avoir suivi avec fidélité les précédents galas, je dois admettre, en toute honnêteté, que je suis un peu déçu de votre choix. »

Je suis également un peu surpris du thème de la conférence : «Une crise des politiques publiques? » Après tout, nous entreprenons le sixième mois de la pire crise financière mondiale depuis les années 1930 et l’ancien président du Conseil de la Réserve fédérale, Paul Volcker, affirme dans le Financial Times (19 février 2009) qu’il «préconise davantage le système canadien que celui des États-Unis » et Fareed Zakaria répétait récemment dans le NewsWeek (16 février 2009) que « Pour créer son gouvernement intelligent, le président Obama pourrait puiser des idées chez notre tranquille – et, je l’admets, parfois ennuyant – voisin du nord. »

Se faire qualifier d’ennuyant peut blesser mais le reste devrait nous inspirer. Pourquoi l’expérience canadienne est-elle différente? Quel rôle la politique publique, les institutions et le comportement du secteur d’affaires chez nous jouent-ils dans le façonnement de cette différence? En respectant les plus belles traditions de la révision bureaucratique, je vais supposer que le thème de la conférence est plutôt « les politiques publiques en temps de crise », et je vais prononcer mon discours en conséquence. Bien que mes commentaires tenteront de justifier l’importance et la complexité de l’élaboration de politiques publiques en temps de crise, je suis certain qu’ils ne sauront pas vous dissuader de penser que le qualificatif d’ennuyants s’applique à tout le moins aux fonctionnaires canadiens.

Les tables rondes de la conférence sont axées sur l’état de la capacité d’élaboration des politiques publiques au Canada, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du gouvernement; le rôle de l’analyse dans l’élaboration de politiques publiques; l’influence des médias et des intervenants non gouvernementaux au Canada dans la formulation de politiques publiques; et l’influence que l’ampleur et la portée d’une crise ont sur la dynamique de la prise de décisions.

Elles sont toutes très utiles mais plutôt que de couvrir le même terrain, j’ai décidé de me pencher sur quelque chose d’autre. J’ai donc pensé examiner le contexte difficile auquel les décideurs publics sont confrontés. À cette fin, j’aborderai les complexités que présente la mondialisation; l’incertitude inhérente à toute crise; l’importance primordiale des principes fondamentaux de la fonction publique en temps de crise; et tout ce qu’il faut conclure de tout cela pour l’avenir de la fonction publique.

Mondialisation et complexité

D’abord, une caractéristique importante de plusieurs crises auxquelles les décideurs ont été confrontés au cours des dernières années est l’aspect «multilatéralisme», que ce soient des racines mondiales, des liens à l’échelle mondiale ou des conséquences sur le monde entier. Le SRAS, la crise financière asiatique de la fin des années 1990, les menaces terroristes et le changement climatique possèdent tous ce «gène» de la mondialisation, et la nature de l’élaboration des politiques a été définie par cette réalité. Qu’il s’agisse de la crise financière mondiale actuelle ou de la prochaine crise financière, cet aspect ne changera probablement pas.

Les changements et les défis sont une constante de l’histoire, il n’y a donc pas de quoi s’étonner de leur existence. Le plus remarquable à l’heure actuelle, ce serait plutôt la rapidité avec laquelle ces changements s’opèrent et l’ampleur des défis. Pourquoi? La mondialisation et la technologie … la portée extraordinaire de la mondialisation a été facilitée et alimentée par la technologie. Aujourd’hui, la mondialisation représente beaucoup plus que l’intégration des marchés ou le rapprochement des distances et du temps, ou l’émergence de nouveaux acteurs non gouvernementaux. Elle concerne l’interconnexion entre des individus, des entreprises, des groupes et des pays dont la complexité et l’omniprésence sont souvent sous-estimées ou mal comprises ou ignorées, jusqu’à ce qu’il faille les déchiffrer et les comprendre.

Comme les défis d’aujourd’hui le soulignent, l’un des grands paradoxes de notre ère est que les progrès de la mondialisation n’ont pas été égalés par la sagesse de l’humanité. Homer Dixon déclarait dans un contexte plus clément avant la crise économique et financière mondiale actuelle que « ces problèmes sont de nature politique, économique, technologiques et écologiques. Ils convergent et s’entrelacent, et souvent ils semblent carrément nous échapper. La question qui se pose maintenant est la suivante: pouvons-nous trouver suffisamment vite une solution aux problèmes que nous avons créés. »

La complexité est un sous-produit de ce croisement de la mondialisation et de la technologie. Prenez l’exemple simplifié mais réaliste d’une banque allemande, islandaise ou écossaise qui cesserait largement de prêter de l’argent à ses entreprises locales et ses consommateurs parce que des actifs toxiques écrasent ses bilans. Ces mêmes actifs toxiques islandais ont été créés d’une manière plutôt anodineavec des titres d’hypothèque de très faible qualité en Iowa, en Arizona et en Floride. Ils ont ensuite été regroupés, titrisés et garantis et sont devenus, grâce au pouvoir des modèles statistiques, des titres structurés de qualité supérieure, promettant des revenus élevés et un faible risque, une véritable alchimie. Le marché mondial des capitaux, qui a été séduit par ces produits structurés, en voulait de plus en plus. Le directeur des services hypothécaires islandais n’a pas évalué les risques de la piètre qualité des hypothèques de l’Iowa sous-jacentes aux titres structurés; l’évaluation a été effectuée par le modèle statistique du risque de la banque qui était de très haute technicité mais erroné. Il aurait suffi d’y regarder d’un peu plus près pour constater que l’empereur était nu, sauf pour les modèles.

Un autre sous-produit de la mondialisation et de la technologie est le monde branché. La technologie, en réduisant les distances et le temps, a également réorganisé de façon radicale les modes de communication. Un Canadien prescient a déjà souligné le rôle influent que les médias jouent dans la prestation du message. Avec l’arrivée d’un univers Internet des communications haute vitesse à large bande, multicanal, nous sommes maintenant plongés dans une ère mondiale de l’information 24 heures par jour et 7 jours par semaine. L’information provient de partout en tout temps et elle est disponible partout et à toute heure. Une vaste gamme de réseaux d’information diversifiés, Internet, blogues, facebook, YouTube, Google et une liste qui ne cesse de changer, est venue d’abord compléter les chaînes d’information traditionnelles, les journaux, la radio et la télévision, et ils risquent maintenant de les détrôner.

L’ère des communications instantanées crée une demande de réponses instantanées. L’univers des communications multicanal 24 heures par jour et 7 jours par semaine exige désormais des réponses 24 heures par jour et 7 jours par semaine des gouvernements, des services fournis par les administrations publiques, des entreprises ou de quiconque. Cette attente a changé la complexité de l’élaboration des politiques publiques. Étant donnée que la population a de plus en plus accès à des renseignements en « temps réel » par l’entremise de diverses sources de données, il faut se demander si la rapidité des processus d’élaboration de politiques peut répondre aux attentes en matière de rapidité des réponses des communications. Et s’il est impossible de répondre à ces attentes, quelles sont les conséquences dynamiques.

Incertitude : Le brouillard de la crise

L’incertitude est une autre caractéristique de base d’une crise, l’équivalent civil du « brouillard de la guerre ». Malheureusement, dans ce monde saturé de données, très peu de crises sont prévues, même si les experts, en rétrospective, «l’avaient clairement vu venir». Dans une très large mesure, la principale tâche à accomplir durant la gestion d’une crise n’est donc pas d’élaborer immédiatement une politique mais plutôt de réduire l’incertitude. L’élaboration d’une politique publique lors d’une crise débute par l’affirmation du sergent Friday: « Venons-en aux faits, rien que les faits. »

Les crises ne se ressemblent pas toutes, cela va de soi. Mais à quel type de crise les décideurs sont-ils confrontés exactement? S’agit-il d’un «choc» isolé, quoique traumatique, émane-t-elle de tendances à long terme, ou est-ce l’aboutissement d’un ensemble d’événements apparentés, ou encore un « cygne noir », une crise qui symbolise l’incertitude.

Dans son livre que l’on lit de plus en plus, Le Cygne noir, Nassim Taleb utilise l’anecdote des Européens qui croyaient que tous les cygnes étaient blancs, jusqu’à la découverte de l’existence d’un unique cygne noir en Australie, afin de souligner la différence entre les données et la connaissance, et le risque d’extrapoler au-delà du domaine des données. Afin de nous faire comprendre ce que représente une crise, Taleb définit la crise du «cygne noir» comme un événement rare, dont les conséquences sont élevées mais qu’il est très difficile de prévoir.

Les décideurs doivent toujours faire un compromis lorsqu’ils sont confrontés à l’incertitude inhérente entourant une crise. Ils doivent absolument trouver les connaissances nécessaires pour mieux comprendre la nature de la crise afin de bien formuler les mesures correctives et pour ce faire, il faut du temps et de l’expertise. Cette notion va à l’encontre du désir compréhensible d’agir, de faire quelque chose et de donner l’impression de faire quelque chose.

Principes d’un bon processus d’élaboration des politiques publiques

Comment est-ce que tout cela oriente les principes d’un bon processus d’élaboration des politiques publiques en temps de crise? D’abord et avant tout, il est utile de nous rappeler que les orientations sont définies non pas par les fonctionnaires, mais par les gouvernements élus, le travail des premiers consistant à fournir aux seconds, en toute objectivité et avec professionnalisme, des options et des recommandations fondées sur une analyse rigoureuse.

Ajoutons que les défis stratégiques d’aujourd’hui sont plus complexes que ceux qui se sont posés par le passé, en plus d’être différents et plus difficiles à prévoir.

Nos moyens d’élaboration des politiques doivent être de niveau international dans des domaines comme la mondialisation, la sécurité, les changements climatiques, le vieillissement et la productivité. La fonction publique doit disposer des moyens et de la souplesse nécessaires pour affecter rapidement des ressources aux politiques touchant les enjeux les plus importants ainsi que les situations de crise. Elle doit également se doter de meilleurs cadres pour gérer les risques en période d’incertitude et pour trouver le juste milieu entre la rapidité et la pertinence des moyens d’intervention en situation de crise, sans jamais oublier que l’information est essentielle et que la multiplication de cas particuliers ne prouve rien.

Enfin, la fonction publique ne doit pas exercer de monopole sur la recherche et les conseils en matière de politiques. D’ailleurs, depuis plusieurs décennies, les gouvernements canadiens ont recours avec succès à desgroupes d’expertscanadiens pour l’étude d’importantes questions à multiples facettes en lien avec les politiques publiques. Plus les instituts de réflexion indépendants seront nombreux à effectuer un travail analytique de haute qualité sur le plan des politiques publiques, mieux ce sera.

Apprendre de notre expérience: quelles leçons avons-nous tirées des crises précédentes?

Nous sommes au beau milieu de la pire crise financière internationale depuis les années 1930 et de la première récession mondiale généralisée depuis plus de 60 ans. Nous n’avons jamais navigué dans un tel brouillard, en raison du caractère inopiné, généralisé et très complexe de la crise. Et pourtant, le système financier canadien, contrairement à celui de nombreux autres pays, a assez bien résisté à l’effondrement des marchés mondiaux. On s’attend d’ailleurs à ce que l’économie canadienne, même si elle est en récession, aille relativement mieux que celle des États-Unis et d’un bon nombre de nos principaux partenaires commerciaux. Pourquoi?

Une partie de la réponse réside dans les politiques publiques, et une autre dans la gouvernance et la culture des entreprises. Les normes de fonds propres imposées aux institutions financières canadiennes dépassent les normes internationales et celles d’autres États, sans compter que les banques canadiennes maintiennent un capital tampon supérieur à ce qui est exigé. En effet, les institutions financières canadiennes ne sont pas aussi endettées que celles d’autres pays, parce que nous avons fixé leur ratio actif/capital maximal à 20 contre 1. En fait, le ratio actif/capital moyen des grandes banques canadiennes est de 18, alors que celui des banques d’investissements américaines s’élève à près de 30, et que celui des banques européennes dépasse largement 30.

De plus, le Canada a réglementé le secteur bancaire et celui des assurances. La plupart des grandes sociétés de courtage du Canada appartenant à des banques depuis la fin des années 1980, sont également assujetties à la même réglementation. Le surintendant des institutions financières rencontre régulièrement les institutions financières les plus importantes et leur conseil d’administration pour vérifier que les méthodes de gestion en assurent la stabilité et le bon fonctionnement.

Ajoutons que la vaste majorité des hypothèques au Canada sont financées par des banques, ce qui les incite fortement à ne pas accorder de prêts lorsque les risques de non-paiement sont élevés. Les règlements imposés par le gouvernement prévoient des normes de crédit élevées concernant l’admissibilité à une assurance prêt hypothécaire, normes qui ont récemment été resserrées pour éviter que le Canada ne soit aux prises avec une bulle immobilière comme celle observée aux États-Unis. Pour résumer, les politiques publiques du Canada, combinées avec des pratiques plus prudentes dans le secteur financier et une saine gouvernance des entreprises, ont contribué à l’établissement de ce que le Forum économique mondial a récemment appelé le «système financier le plus robuste au monde».

La crise qui sévit n’est ni la première, ni la dernière et n’est certes pas terminée. C’est pourquoi il vaut la peine d’élargir notre réflexion et de nous inspirer de la façon dont nous avons traversé les épreuves passées, par exemple l’évacuation du Liban en 2006, la pandémie de SRAS en2003, les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ainsi que les difficultés qu’ont suscité les déficits budgétaires et la dette au milieu des années 1990. Malgré leur caractère unique, la somme de ces épreuves nous permet de tirer des leçons utiles pour l’élaboration des politiques publiques en temps de crise.

  • Premièrement, une fonction publique solide est importante. Peu importe le type de crise, elle doit obligatoirement être vigoureuse, compétente et souple afin que le gouvernement puisse intervenir de façon efficace dans un monde de plus en plus complexe. C’est pourquoi nous accordons autant d’importance au renouvellement dans cet univers mondial très sollicité. Le renouvellement étant motivé par des impératifs démographiques ainsi que par la nature évolutive et la complexité de notre travail, son objectif consiste à faire de la fonction publique une institution qui excelle dans son ensemble et qui est capable de répondre aux besoins d’aujourd’hui et de demain.

    Dans son rapport de 2009, le Comité consultatif du Premier ministre sur la fonction publique a grandement insisté sur ce point: «Compte tenu du ralentissement économique mondial que nous connaissons, il importe plus que jamais de renouveler la fonction publique. En cette période d’incertitude, la fonction publique fédérale sera appelée à adopter de nouvelles façons plus efficaces de mener ses activités, tout en cherchant, autant que possible, à réaliser des gains en efficience. Bref, la conjoncture actuelle souligne combien il est important que la fonction publique s’adapte rapidement à la nouvelle réalité, et nous croyons que c’est là l’essence même du renouvellement de la fonction publique.»

  • Deuxièmement, notre état de préparation, nos capacités et notre esprit d’analyse comptent également. Même si les historiens ne s’accordent pas tous à dire que l’histoire se répète, on ne peut pas nier qu’elle nous laisse toutefois entrevoir l’avenir. En effet, mieux vaut ne jamais partir de zéro pour élaborer des politiques publiques en période de crise, d’où l’importance d’avoir une fonction publique professionnelle qui peut investir dans le renforcement des capacités au chapitre des politiques, dans l’élaboration de rigoureuses normes d’analyse et dans des travaux préliminaires concernant une foule d’options possibles pour l’avenir, tant à petite qu’à grande échelle. Plus le monde change, plus l’incertitude grandit, plus ces investissements s’avéreront importants.

    De même, les rigoureuses analyses effectuées par des instituts de réflexion et d’autres ne peuvent qu’accroître la compréhension de la population en temps de crise. Par exemple, il s’est écoulé un certain temps avant que les nombreuses études menées au gouvernement et à l’extérieur sur le danger que représentent les déficits et l’endettement ne commencent à influencer les politiques budgétaires du Canada. Le spectre d’une crise planant sur le Canada au milieu des années 1990, ce travail d’analyse préparatoire s’est révélé une aide précieuse pour les gouvernements fédéral et provinciaux, qui ont amorcé un virage important au chapitre des politiques publiques.

  • Troisièmement, nous ne pouvons minimiser l’importance du réseautage. Très peu de crises respectent les champs de compétence, les mandats de chaque ministère ou encore les frontières entre pays. Pour bien comprendre le contexte et mobiliser ses partenaires, il faut habituellement disposer de vastes réseaux érigés au fil du temps grâce à des investissements et à des soins attentifs.

    La gestion des urgences en est un bon exemple, puisqu’elle requiert l’établissement préalable de plans d’intervention pour de nombreuses éventualités, de réseaux de communication, de protocoles d’intervention et des responsabilités des intervenants. Advenant une pandémie comme celle du SRAS, par exemple, il ne suffit pas d’avoir des réseaux à l’échelle fédérale, provinciale et locale, il faut également disposer d’un réseau international complexe dont font partie des intervenants de première ligne de tous les milieux.

  • Quatrièmement, il est important de déléguer. Peu importe que l’on soit bien préparé, aucune crise n’est jamais complètement prévisible et en tous points pareille à une précédente. La gestion des situations de crise exige un équilibre subtil entre la centralisation de la direction stratégique et la délégation des pouvoirs décisionnels tactiques et opérationnels. La façon dont les dirigeants de Transports Canada ont géré les répercussions du 11 Septembre, journée où les États-Unis ont fermé leur espace aérien à tous les vols en provenance de l’étranger, en est un exemple éloquent. Il n’y avait pas de procédures établies pour un événement aussi imprévisible, et il régnait une très grande incertitude. Les réserves de carburant des appareils qui s’approchaient de l’Amérique du Nord n’étant pas intarissables, il a fallu s’engager dans une course contre la montre. Au bout du compte, Transports Canada, en collaboration avec les stations de contrôle aérien d’autres pays, ont réussi à faire atterrir 239appareils au Canada et à en rediriger des centaines vers l’Europe et l’Asie, et ce, en toute sécurité. Il s’agit-là d’une réalisation remarquable dans de telles circonstances.

    L’évacuation du Liban en 2006 est également un bon exemple. En l’absence de bâtiments dans la Méditerranée et de croisiéristes canadiens vers qui se tourner, les hauts dirigeants du ministère des Affaires étrangères ainsi que les membres du personnel de divers ministères et des Forces canadiennes qui se trouvaient sur le terrain ont dû faire preuve de souplesse et d’ingéniosité pour affréter des navires sur place, communiquer avec les évacués éventuels de même que les loger et les nourrir jusqu’à leur rapatriement au Canada. En tout, le Canada a évacué 14000ressortissants en 10jours, un plus grand nombre que presque tous les autres pays, malgré des ressources bien moindres à la disposition de la fonction publique.

  • Cinquièmement, la communication. En temps de crise, le gouvernement doit communiquer avec la population pour l’informer, dans la mesure où des renseignements fiables sont disponibles, et pour gérer les attentes. Or, cela n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît. D’ailleurs, je m’attends à ce qu’une grande partie des discussions qui auront lieu au cours de cette conférence soient axées sur le rôle des communications dans la formulation des politiques publiques en temps de crise ainsi que sur leurs répercussions à cet égard.
  • Sixièmement, un bilan budgétaire solide est important. Avoir de saines finances nationales, qui sont le résultat de 10 années d’excédents budgétaires fournit la capacité d’intervenir lors de situations de crise, capacité qui l’aide à demeurer confiant devant l’incertitude. Par exemple, la confiance des entreprises et des consommateurs canadiens après la chute des cyberentreprises et les attentats terroristes du 11 Septembre n’a pas été ébranlée comparativement à celle des entreprises et des citoyens d’autres pays. De plus, grâce à la bonne santé des finances du gouvernement, il a récemment été possible d’échanger avec des banques des titres de créances facilement mobilisables contre des créances hypothécaires garanties par la SCHL sans qu’il n’y ait de répercussions pour les contribuables canadiens.

Conclusion

Je conclurai par des prévisions, comme les économistes ont l’habitude de le faire. La crise financière actuelle et ses causes portent à croire qu’il faudra réformer le secteur financier mondial. Dans le cadre de cette restructuration, on élaborera notamment des politiques publiques, à l’échelle tant nationale qu’internationale. De plus, les structures financières changeront, plus particulièrement aux États-Unis et au Royaume-Uni. La déréglementation, la faible réglementation et le champ d’application de l’arbitrage réglementaire seront soumis à un examen minutieux dans les pays du G-20, tout comme le rôle et le champ de compétence des organismes de développement et des organismes financiers internationaux. Les politiques publiques ont fermement soutenu le système financier canadien en cette période de bouleversements économiques mondiaux.

De façon plus générale, j’ajouterai que le gouvernement a besoin plus que jamais d’une fonction publique professionnelle et impartiale en cette situation économique internationale, la pire de l’histoire récente. Le Canada et ses citoyens ont besoin d’une fonction publique très efficace en cette période de grande incertitude. Comme je le mentionne dans mon rapport de 2009 sur la fonction publique du Canada: «Le renouvellement de la fonction publique consiste à se doter d’une fonction publique capable de faire preuve d’imagination afin d’être en mesure de relever les défis complexes actuels et à venir.»

Merci.