Partie III : Observations et recommandations
Appendice 1 : Membres du Comité consultatif sur la fonction publique nommé par le Premier ministre
Nous sommes heureux de vous présenter, Monsieur le Premier ministre, le troisième rapport annuel du Comité consultatif sur la fonction publique, lequel renferme nos observations et nos recommandations sur le développement futur de la fonction publique du Canada.
Compte tenu du ralentissement économique mondial que nous connaissons, il importe plus que jamais de renouveler la fonction publique. En cette période d’incertitude, la fonction publique fédérale sera appelée à adopter de nouvelles façons plus efficaces de mener ses activités, tout en cherchant, autant que possible, à réaliser des gains en efficience. Bref, la conjoncture actuelle souligne combien il est important que la fonction publique s’adapte rapidement à la nouvelle réalité, et nous croyons que c’est là l’essence même du renouvellement de la fonction publique.
Dans le présent rapport, nous vous offrons plus précisément des observations et des recommandations à l’appui d’une approche équilibrée de la prise raisonnable de risques, en plus de vous donner nos observations sur la prolifération des règles en vigueur dans la fonction publique. Nous insistons sur la nécessité d’adopter des règles qui garantiront la responsabilité, la transparence et la cohérence tout en obtenant des résultats pour les Canadiennes et les Canadiens. Nous sommes d’avis que cela exige la réduction du nombre de règles et leur simplification, car elles peuvent entraver notre capacité à atteindre ces objectifs importants.
Nous constatons avec plaisir que les recommandations formulées dans nos deux premiers rapports annuels ont mené directement à des mesures concrètes et à des résultats tangibles dans l’ensemble de la fonction publique, ce qui est des plus encourageants.
Une fois de plus, nous vous remercions de l’intérêt personnel que vous accordez à la fonction publique et avons hâte de poursuivre notre travail.
L'honorable
Paul M. Tellier
Le contexte dans lequel la fonction publique du Canada évolue a changé de façon draconienne au cours des six derniers mois. En effet, ce nouveau contexte est caractérisé par l’incertitude et l’instabilité économique à l’échelle mondiale.
« La fonction publique du Canada est une
[...] institution nationale cruciale. Ce sont les fonctionnaires qui [...] assurent la prestation de programmes et de services à des millions de Canadiens partout au pays, depuis nos métropoles jusqu’aux localités les plus éloignées de l’Arctique. [...] Notre gouvernement s’engage à travailler au renouvellement continu de la fonction publique. »
Discours du Trône - novembre 2008
Les problèmes, tels que les pressions démographiques, avec lesquels la fonction publique fédérale est aux prises et que nous avons présentés dans nos rapports précédents, continuent d’exiger de l’attention. Ils sont exacerbés par la nouvelle conjoncture économique.
Compte tenu de la situation actuelle, il ne fait aucun doute qu’une fonction publique forte et novatrice est plus importante que jamais. L’une des plus grandes qualités de notre fonction publique est sa capacité de s’adapter rapidement au changement. Nous devons nous assurer qu’elle demeure dynamique et souple. Pour ce faire, nous devons prendre sans tarder les mesures qui s’imposent et adopter une approche multidimensionnelle.
Premièrement, l’initiative de renouvellement de la fonction publique, amorcée par le greffier du Conseil privé en 2006, vise à garantir que le gouvernement tire profit d’un effectif compétent et informé, maintenant et pour l’avenir. Ainsi, le recrutement stratégique et le perfectionnement des employés demeurent des facteurs importants, surtout dans le contexte économique actuel.
Le principal objectif du Comité consultatif sur la fonction publique est d’aider à façonner une institution nationale axée sur l’excellence et composée d’employés très engagés et hautement qualifiés qui s’acquittent de tâches essentielles avec professionnalisme et efficacité, et qui lui permettent de rivaliser avec d’autres institutions semblables ailleurs dans le monde. Le Comité conseille le Premier ministre et le greffier du Conseil privé sur des questions liées au développement futur de la Fonction publique du Canada.
Mandat du Comité –novembre 2006
Deuxièmement, comme nous l’indiquons dans notre deuxième rapport annuel, il est essentiel d’avoir une fonction publique « de haut calibre » qui peut répondre aux besoins de la population canadienne avec rapidité et qui offre des conseils aux ministres selon les plus hautes normes d’excellence.
(traduction) L’innovation joue un rôle clé dans le progrès économique et l’augmentation du niveau de vie. [...] Le point essentiel pour encourager l’innovation est d’instaurer des conditions et un cadre propices [...]
Étude économique du Canada 2006 – OCDE
Finalement, nous voulons une fonction publique qui :
Dans notre dernier rapport annuel, À la poursuite d’une fonction publique de haut calibre, publié le 22 février 2008, nous avons décidé d’axer nos observations et nos recommandations sur deux secteurs : (1) la structure de gouvernance et de responsabilité des ressources humaines; et (2) la gestion du rendement.
Le Comité est heureux de constater que le Premier ministre et la fonction publique ont pris action sur ces deux recommandations.
Récemment, le Premier ministre a annoncé des modifications visant à rationaliser et à améliorer la gestion des ressources humaines de la fonction publique. Ces modifications soulignent le fait que les sous-ministres sont les principaux responsables de la gestion des ressources humaines au sein de leur organisation.
Par conséquent, les organismes centraux responsables de la gestion des ressources humaines se concentreront désormais sur des activités qui soutiennent le rôle du sous-ministre et qui peuvent être exécutées à l’échelle gouvernementale.
Cette transformation structurelle représente beaucoup plus qu’un simple ajustement de l’appareil de la fonction publique. Il s’agit effectivement d’un changement culturel, dont les répercussions devront être gérées attentivement pour être durables. Voici quelques exemples :
Ces changements permettront aux sous-ministres, à leurs équipes de gestion ainsi qu’aux professionnels des ressources humaines de gérer pleinement et plus efficacement leurs effectifs.
Le greffier a fait un premier pas important en renforçant le programme de gestion du rendement pour les sous-ministres et les sous-ministres délégués dans lequel le système « meilleur de sa catégorie » est en place. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour harmoniser l’approche de gestion du rendement visant l’ensemble des cadres supérieurs avec celle des sous-ministres et des sous-ministres délégués.
Nous croyons fermement que nous devons en faire davantage pour résoudre le problème des employés à faible rendement. Ne pas tenir compte d’un rendement insatisfaisant ou mal le gérer entraîne souvent des problèmes pour le moral et représente un facteur de découragement important pour la grande majorité des fonctionnaires qui accomplissent un excellent travail. Bien qu’il existe des politiques, des outils et des possibilités de formation qui peuvent aider les gestionnaires et les cadres supérieurs à gérer le rendement de façon plus large et plus systématique, il faut accorder plus d’attention à ce problème.
À cet égard, nous constatons que le Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction(le comité Stephenson) examine de près ces problèmes liés à la gestion du rendement.
Au cours de la dernière année, nous avons constaté le grand progrès réalisé en matière de recrutement, ainsi que les engagements concrets précis dont fait état le Plan d’action pour le renouvellement de la fonction publique 2008-2009. Par exemple, quatre salons de l’emploi ont été organisés partout au pays pour recruter des étudiants de niveau postsecondaire au sein de la fonction publique. Nous avons été heureux d’apprendre que ces activités ont eu des effets positifs sur l’image de marque de la fonction publique. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une excellente façon de démontrer que la fonction publique est un employeur de choix.
Nous avons également rencontré plusieurs jeunes cadres supérieurs de la fonction publique et nous avons été impressionnés par l’enthousiasme et l’engagement qu’ils ont démontrés à servir leurs concitoyens et par les connaissances qu’ils possèdent. Cependant, malgré ces exemples de réussite, le Comité estime qu’on peut en faire davantage globalement pour :
Bref, le Comité est heureux de constater que les recommandations qu’il a formulées jusqu’à maintenant ont mené directement à divers engagements et gestes concrets dont la plupart ont été mentionnés dans le Plan d’action pour le renouvellement de la fonction publique 2007-2008 et celui de 2008-2009.
Au cours de la dernière année, nous en avons beaucoup appris sur la capacité de la fonction publique à gérer les risques, sur la complexité et la multiplicité des règles et des exigences en matière d’établissement de rapports qui régissent la fonction publique, ainsi que sur l’inefficacité des systèmes de gestion internes.
À notre avis, la prise de mesures immédiates et décisives est justifiée pour régler chacun de ces problèmes. À cet égard, nous avons l’intention de formuler des recommandations claires en vue d’obtenir des résultats concrets.
« [I]l est exact que des règles existent. Je dirais même que beaucoup de règles existent. On peut même penser qu’elles sont trop nombreuses. Il faudrait peut-être revenir à des principes de gestion plutôt que d’établir des règles. Nous avons fait une vérification il y a très longtemps, avant que les lois sur la gestion des ressources humaines ne soient modifiées. Nous avons alors découvert qu’il existait 70 000 règles pour la gestion des ressources humaines au gouvernement fédéral. Quand on a autant de règles, celles-ci deviennent non pertinentes, et les gens ne savent plus distinguer ce qui est important de ce qui ne l’est pas. »
Vérificatrice générale du Canada – le 9 mai 2006
La capacité de la fonction publique fédérale en matière de gestion du risque a diminué au cours des dernières années. Les ministères et les organismes sont plutôt passés en mode d’évitement du risque en multipliant les règles, les procédures et les rapports.
Ayant pour objectif de s’assurer que le gouvernement est bien géré et responsable, les organismes centraux ont établi un éventail de règles et d’exigences en matière d’établissement de rapports à l’échelle du gouvernement. De plus, les ministères et les organismes ont mis en place leurs propres ensembles de règles et de processus. C’est ce que l’on appelle la « prolifération des règles ».
Notre intention n’est pas de minimiser l’importance des règles et des règlements. Étant donné le contexte imprévisible dans lequel la fonction publique fédérale exerce ses activités, nous comprenons parfaitement qu’un équilibre est nécessaire afin de fournir aux Canadiennes et aux Canadiens le niveau d’assurance auquel ils sont en droit de s’attendre de leur gouvernement. Des règles efficaces contribuent à gagner la confiance des Canadiennes et des Canadiens qui exigent que les deniers publics soient gérés de façon responsable et transparente. Il a également été possible d’observer l’importance de ces règles en situation de crise, particulièrement dans certains secteurs à risques « élevés » comme les systèmes de santé et financiers.
Cela dit, nous croyons que la fonction publique doit trouver le juste équilibre. L’adoption d’un trop grand nombre de règles et de procédures a des répercussions négatives sur la prise de décisions en temps opportun, la productivité et l’innovation, ce qui, en fin de compte, nuit à la prestation efficace de services à la population.
Quels sont les avantages prévus de la simplification de la « prolifération des règles »?
La capacité de la fonction publique fédérale à stimuler l’innovation et à gérer les risques efficacement, tout en réduisant le fardeau administratif et celui découlant de l’établissement de rapports, est étroitement liée aux processus et aux systèmes mis en place pour exécuter des fonctions internes clés (p. ex. la gestion des ressources humaines et financières). Nous avons été estomaqués de constater que de nombreux systèmes au sein de la fonction publique sont sérieusement dépassés. Par exemple, le système de rémunération repose sur une plateforme vieille de 40 ans et dont le fonctionnement coûte quinze fois plus cher par employé que ce qu’il coûte dans l’industrie en général.
Bref, la fonction publique doit remédier à trois problèmes distincts :
(traduction) « […] l’administration au gouvernement fédéral est entravée par un appareil de contrôle bien intentionné, mais mal conçu qui est créé depuis la Première Guerre mondiale pour prévenir le mauvais emploi du personnel et des fonds publics. En raison de ces contrôles, les ministères opérationnels n’ont pas le pouvoir nécessaire pour agir efficacement, leur sens des responsabilités est affaibli et ils ne peuvent élaborer des méthodes de gestion efficaces. »
« Laissez la gestion aux gestionnaires ».
Commission Glassco – la Commission royale d’enquête sur l’organisation du
gouvernement – février 1963
Lors des recherches et des discussions liées à ces problèmes, nous avons tenu compte du travail entrepris par le Conseil du Trésor ainsi que de son plan d’action pour régler le problème de la « prolifération des règles ». Ce plan renferme des initiatives précises pour renforcer la capacité de gestion des risques, pour éliminer les règles et les exigences inutiles en matière d’établissement de rapports, et pour moderniser les processus et les systèmes administratifs.
Que propose le Conseil du Trésor pour régler le problème de la « prolifération des règles »?
Le plan d’action du Conseil du Trésor comprend des initiatives comme :
Bien que ces mesures précises soient encourageantes, elles représentent une première étape qui ne donnera que des résultats limités. Il faut apporter des modifications beaucoup plus fondamentales à la gestion dans l’ensemble de la fonction publique et exercer à l’égard de celle-ci un leadership manifeste, car l’évitement des risques et la « prolifération des règles » sont bien établis et systémiques. Il faut adopter une approche « pangouvernementale », tout en se concentrant sur les besoins de chaque ministère (c.-à-d. éviter d’adopter une approche généralisée).
Pour avancer rapidement et réaliser plus de progrès sur ce plan, voici ce que nous suggérons.
Premièrement, la fonction publique doit adopter une approche de gestion des risques fondée sur des principes lors de l’application des règles et des procédures nécessaires. Autrement dit :
Une approche de gestion des risques efficace devrait :
La concrétisation de tels changements culturels et structurels n’est pas une mince tâche et prendra du temps. Pour réussir, il faut se fixer des buts réalistes et cohérents chaque année. Un leadership soutenu, au niveau des cadres les plus haut placés, sera également déterminant.
Deuxièmement, les hauts fonctionnaires et les représentants élus doivent reconnaître qu’il y aura toujours un certain degré de risque et d’incertitude dans la gestion de questions complexes. Cependant, l’essentiel est que les décideurs comprennent comment les risques seront gérés afin de promouvoir la confiance dans la capacité des gestionnaires de prendre des décisions éclairées. Pour ce faire, il faudra tolérer les erreurs éventuelles et être capable d’en tirer des leçons, ce qui sera largement compensé par l’augmentation de l’efficacité, de l’innovation et de l’engagement des employés.
Finalement, tout en reconnaissant les défis que présente la conjoncture économique actuelle, la fonction publique doit examiner les possibilités de moderniser ses processus et ses systèmes internes de gestion. Bien qu’ils jouent un rôle essentiel au maintien des activités principales de la fonction publique, les systèmes qui sont actuellement en place sont inadéquats, compte tenu de notre objectif de créer un milieu de travail novateur et efficace.
Voici des exemples de ce que les processus et les systèmes opérationnels des ressources humaines ne font pas :
Cette situation engendre :
Nous comprenons la réticence à trouver des solutions aux problèmes que posent les systèmes en raison du niveau potentiellement élevé d’investissements nécessaires. Cependant, les investissements dans ces secteurs sont attendus depuis longtemps et auront sans doute des retombées positives à l’avenir.
À cet égard, la modernisation du système de rémunération doit figurer parmi les grandes priorités. Nous soutenons grandement l’idée d’une administration de la paie centralisée, qui pourrait être modelée sur le système de pensions en place, lequel est centralisé et fonctionne à partir d’un seul endroit. Si nous ne modernisons pas le système de rémunération dans les plus brefs délais, nous priverons la fonction publique de moyens pour attirer et retenir des employés de talent.
Étant donné la conjoncture économique actuelle et les grands enjeux avec lesquels le pays doit composer, le gouvernement doit absolument obtenir, par l’entremise de la fonction publique, les résultats escomptés par les Canadiens. Bref, nous en arrivons à la conclusion que la simplification du nombre de règles et d’exigences en matière d’établissement de rapports, ainsi que la modernisation des systèmes internes de gestion se solderaient par une organisation plus efficace, permettant à la fonction publique d’accroître sa productivité et de mieux s’acquitter de son obligation de rendre des comptes.
Dans ces temps d'incertitudes économiques, la fonction publique doit rapidement s'adapter à présenter efficacement des résultats et c'est dans ce contexte que le Comité recommande ce qui suit :
Ils doivent en outre soutenir les fonctionnaires en reconnaissant que la gestion de questions ou de dossiers complexes comporte inévitablement des risques.
Il convient d'intervenir sur tous ces fronts simultanément afin de générer un changement et un élan visibles.
Dans le présent rapport, le Comité a choisi de concentrer ses observations et ses recommandations sur la question de la gestion des risques. Compte tenu de l’importance et de la complexité de cette question, le Comité souhaite être tenu au courant des progrès réalisés dans l’ensemble de la fonction publique à ce sujet.
De plus, au cours des prochains mois, le Comité compte :
Le très honorable Donald F. Mazankowski, c.p., O.C., A.O.E., LL.D.
L’honorable Paul M. Tellier, c.p., C.C., c.r.
Robert Lacroix, Ph. D., C.M., O.Q., MSRC, professeur émérite, Université de Montréal
L’honorable Aldéa Landry, C.M., c.p., c.r., présidente, Landal Inc.
Dominic D’Alessandro, O.C., président et chef de la direction, Corporation Financière Manuvie
Barbara Stymiest, F.C.A., chef de l’exploitation, Banque Royale du Canada
L. R. Wilson, O.C., président du conseil d’administration, CAE Inc., chancelier, Université McMaster
Sheila Weatherill, C.M.
Indira V. Samarasekera, O.C., présidente et vice-chancelière, Université de l’Alberta