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La fonction publique d'aujourd'hui : mythes et réalités

Allocution de Kevin G. Lynch
Greffier du Conseil privé, Secrétaire du Cabinet et chef de la fonction publique
à l'Ambassade du Canada à Berlin

Le 6 mai 2009
Berlin, Allemagne


Introduction

Je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui et d’avoir l’occasion de vous faire part de certaines réflexions sur la fonction publique du Canada et d’entendre vos commentaires, vous qui travaillez dans l’une de nos plus grandes ambassades de partout dans le monde à mettre en œuvre les politiques canadiennes en matière d’affaires étrangères et de sécurité, et qui, en tant que fonctionnaires, êtes loin de chez vous.

Permettez-moi tout d’abord de citer Thomas Friedman : « ... dans le cadre de la mondialisation, … l’un des avantages les plus importants et les plus durables qu’un pays peut avoir aujourd’hui consiste à disposer d’une fonction publique de petite taille, efficiente et honnête ». Il souligne la forte corrélation entre la compétitivité et la prospérité d’un pays, d’une part, et la qualité de sa fonction publique, d’autre part. Ce concept est valable pour les pays en développement ou industrialisés, pauvres ou riches.

En résumé, le rôle des fonctionnaires, qui est de fournir des services publics, est vital et les méthodes utilisées pour le faire le sont d’autant plus. Le Canada profite depuis longtemps de l’expertise d’une fonction publique professionnelle et compétente.

Cependant, la fonction publique semble inspirer un certain scepticisme. Les critiques ne datent pas d’hier, elles ne sont pas toujours sans fondement, mais quand elles sont basées sur des mythes, on doit réagir.

Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous certains mythes et réalités de la fonction publique du Canada et attirer votre attention sur plusieurs domaines où, je crois, il y a lacune entre les perceptions et la réalité.

Tout d’abord, rétablissons les faits. La fonction publique du Canada n’est pas parfaite, mais elle n’est pas non plus brisée. C’est une fonction publique où l’impartialité et le professionnalisme sont des principes fondamentaux. C’est une fonction publique qui, comme le reste du pays, est sous pression constante de s’adapter aux changements et d’aller jusqu’au bout de ses capacités pour faire bouger les choses et faire une différence. Voici maintenant quelques mythes.

Mythes et réalité

1. Mythe numéro un est quela fonction publique a perdu en efficacité, elle est l’ombre de ce qu’elle était autrefois.

La population ne sait pas trop quoi penser des histoires négatives qui sont rapportées dans la presse au sujet des membres de l’appareil gouvernemental, élus et non élus.

La réalité est que la fonction publique n’est pas à l’abri des erreurs, pas plus que d’autres organisations d’envergure. Nous faisons des erreurs, nous en assumons la responsabilité et nous en tirons des leçons. Néanmoins, la réalité est que nous offrons des services de qualité jour après jour à des millions de Canadiens et de Canadiennes, et qu’à l’occasion des choses surprenantes sont parfois accomplies.

La fonction publique d’aujourd’hui n’est certainement pas la même que dans le passé car elle doit être différente pour refléter à quel point le monde a changé. La réalité est que la fonction publique du Canada est l’institution la plus importante et la plus complexe au Canada avec plus de 260 000 employés, qu’elle compte plus de secteurs d’activité et de points de services nationaux et internationaux que toute entreprise privée et qu’elle doit constamment améliorer ses services en réponse aux exigences d’un monde en évolution. Toutefois, nous devons mieux expliquer l’ampleur, la portée et la complexité de la fonction publique au Canada.

2. Mythe numéro deux est que la situation actuelle est satisfaisante et qu’aucun changement ou renouvellement n’est nécessaire.

Le contexte démographique et la plus grande complexité du travail imposent des besoins de changements.

Pour la première fois de notre histoire, la majorité des fonctionnaires ont plus de 45 ans. Le vieillissement est encore plus prononcé chez les cadres de direction : la moyenne d’âge chez les fonctionnaires est supérieure à 44 ans, elle est de 51 ans chez les cadres supérieurs, et chez les sous-ministres adjoints, elle frôle les 55 ans, âge auquel de nombreux fonctionnaires sont admissibles à la pleine pension. En effet, environ 50 % des cadres supérieurs et 25 % des fonctionnaires pourront prendre leur retraite d’ici 2012.

Ceci est notre réalité démographique, mais elle représente aussi une opportunité. Elle devrait nous motiver à engager les meilleurs éléments de la prochaine génération de fonctionnaires et à réorganiser la fonction publique pour illustrer la diversité du pays et renouveler l’énergie et les idées.

C’est ce que le renouvellement de la fonction publique nous permet de faire. De nouveaux programmes de recrutement ciblés ont été lancés en 2007-2008, et plus de 8000 diplômés postsecondaires ont été recrutés pour occuper des postes d’une durée indéterminée. Le recrutement se poursuivra, malgré la récession, étant donné les pressions démographiques et le rôle clé que doit jouer la fonction publique dans la mise en œuvre des politiques financières et économiques et des programmes du gouvernement qui visent à répondre à la crise mondiale.

3. Mythe numéro trois est que la fonction publique n’est plus en mesure de recruter des personnes de grand talent, que nous n’avons pas une image de marque claire.

La réalité est qu’il nous est effectivement possible de recruter et de conserver la crème des professionnels à la condition de miser sur les atouts du secteur public, soit la nature unique et l’importance du travail à accomplir. Nos activités diffèrent de celles du secteur privé, et ce que nous accomplissons fait une différence.

Ce que nous offrons est un travail stimulant qui touche la vie des Canadiens et des Canadiennes de façon importante, un travail qui permet, au cours d’une carrière, d’influencer une variété d’enjeux importants pour la population. Un travail qui permet de servir l’intérêt public et non celui d’une entreprise. Un travail qui est fondé sur des valeurs, sur l’engagement, ainsi que sur la satisfaction personnelle et professionnelle de faire une différence pour la collectivité, le pays, le monde.

Pour tirer profit de ces avantages, la fonction publique a besoin d’une image de marque plus claire et plus percutante. Les fonctionnaires et les Canadiens veulent savoir ce que nous faisons, ce que nous valorisons et en quoi cela est important. Voilà sur quoi, à mon avis, nous devons mettre l’accent. Ça, et le fait que nous sommes là pour servir la population et que nous misons en tout temps sur l’excellence; personne n’est intéressé à travailler pour une institution ou une entreprise d’envergure moyenne. Joignez-vous à nous, nous sommes excellents et ce que nous faisons fait une différence, est un slogan accrocheur pour recruter et retenir le personnel ainsi que pour renforcer notre image de marque. Un exemple de comment nous essayons d’améliorer notre image est la vidéo « Mon Canada, ma fonction publique », disponible àwww.pco-bcp.gc.ca.

4. Ceci nous amène au mythe numéro quatre, que les capacités de la fonction publique en matière de politiques ne sont pas ce qu’elles étaient.

Premièrement, il est utile de nous rappeler que les fonctionnaires ne prennent pas de décisions stratégiques. Les décisions sont prises par le gouvernement élu. Le travail des fonctionnaires est de fournir au gouvernement des recommandations et des options stratégiques impartiales fondées sur des analyses rigoureuses. Il s’agit d’un travail exigeant dans le contexte actuel où se mêlent récession mondiale synchronisée, crise financière internationale, guerre en Afghanistan, enjeux relatifs à la sécurité touchant le Canada au pays et à l’étranger, parlements minoritaires et changements dans l’ordre mondial.

Deuxièmement, je crois que les enjeux politiques ont gagné en complexité ces dernières années. Nos capacités d’analyse au chapitre de la mondialisation, de la sécurité, de la productivité, du vieillissement, de la compétitivité et des changements climatiques doivent être de premier ordre pour permettre au Canada d’être à la hauteur des attentes.

Troisièmement, la fonction publique ne devrait pas avoir le monopole de la recherche et des conseils stratégiques. Plus les groupes indépendants et les organismes non gouvernementaux seront nombreux à participer, meilleures seront les analyses.

5. Le prochain mythe est que les fonctionnaires ont peur de prendre des risques et que cette crainte est intrinsèque.

La peur du risque dans la fonction publique est conditionnée et non intrinsèque.

Les fonctionnaires sont aux prises avec un écheveau de règles complexes, souvent contradictoires, qui encouragent la crainte plutôt que la prise de risques calculés et découragent l’innovation au profit du statu quo. Cette situation est envenimée par une « chasse aux sorcières » médiatique et parfois parlementaire qui pousse le gouvernement à fonder son succès sur sa capacité à éviter les difficultés plutôt que sur la gestion des risques.

L’innovation en matière de politiques et de livraison de services ne se fait pas sans risques et doit être fondée sur un système rigoureux.

6. Mythe numéro six est que la gestion de la fonction publique est trop souvent reléguée au second plan.

Comme l’a fait remarquer ironiquement Peter Drucker, « une grande partie de ce que nous appelons la gestion consiste à nuire au travail des gens ». Cette phrase s’applique également à la fonction publique. La réalité est que nous pouvons et devons mettre en application les pratiques exemplaires dans la gestion de nos activités, dans nos modes de réflexion et dans nos évaluations de rendement.

En fait, nous devons faire de la gestion, une partie intégrante du travail de chaque cadre de direction, pas de quelqu’un d’autre. Nous avons entrepris de renforcer notre système d’évaluation de rendement incluant la gestion des cas de mauvais rendement. J’ai souligné ce point dans mon dernier Rapport annuel sur la fonction publique du Canada, déposé à la fin mars 2009, qui décrit comment le système d’évaluation de rendement pour la gestion supérieure est plus rigoureux et transparent. Cependant, nous devons faire plus. Il y a rien de plus démoralisant dans un milieu de travail sain, qu’un piètre rendement non géré.

7. Le mythe numéro sept est que la fonction publique a perdu le contact avec les citoyens, le syndrome « ils viennent de Vénus, et nous, de Mars ».

Ce sentiment de distance entre les secteurs public et privé est à la fois réel et erroné. Réel, dans le sens que le mythe existe et erroné dans le sens qu’il se fonde sur une hypothèse fausse selon laquelle les deux secteurs ont peu en commun et que les possibilités de collaboration sont rares.

La mondialisation devrait encourager les secteurs public et privé à travailler de plus en plus étroitement et non le contraire. Nous devons coopérer afin de s’assurer que les stratégies opérationnelles et les politiques publiques tirent profit des forces relatives du pays, dans l’intérêt de tous.

Conclusion

Je souhaiterais terminer avec ces trois réflexions sur la fonction publique.

Premièrement, la fonction publique est importante. Comme l’a indiqué le Comité consultatif sur la fonction publique nommé par le Premier ministre dans son rapport de 2007 : « ... une fonction publique efficace et fondée sur des valeurs est essentielle à la prospérité de tous les pays dans le monde complexe et interconnecté d’aujourd’hui ». Toutefois, la population doit saisir l’importance du rôle de la fonction publique dans le succès constant notre pays.

Deuxièmement, si l’on considère que nous vivons la plus intense crise économique internationale de l’histoire récente, jamais le gouvernement n’a eu autant besoin d’une fonction publique impartiale et professionnelle qu’aujourd’hui. Dans ces circonstances, les idées, les conseils et l’expérience des fonctionnaires, de tous les ministères et organismes ayant des responsabilités liées aux enjeux actuels, sont primordiaux. Je suis fier de la contribution de nombreux collègues fonctionnaires.

Troisièmement, le renouvellement de la fonction publique est important. Il demandera aux fonctionnaires d’y prendre part. John F. Kennedy s’est un jour posé la question suivante : « Qui, sinon nous? Quand, sinon maintenant? ». Le renouvellement du secteur public a besoin de nous tous, en tout temps.

Merci, et continuez votre bon travail en Allemagne.