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 Sommet des Amériques 2001

À l'occasion du débat spécial à la Chambre des communes (Kosovo)


Le 12 avril 1999
Ottawa (Ontario)

Monsieur le Président,

J'aimerais ouvrir cet important débat en rendant hommage aux députés de tous les partis qui ont fait preuve de détermination et de leadership dans cette situation difficile.

Le ministre des Affaires étrangères, dont les efforts inlassables en vue de régler cette crise l'ont conduit aujourd'hui à Bruxelles, où il représente notre pays à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN. Le ministre de la Défense, qui a organisé une réaction impressionnante de la part de nos forces armées. La ministre de l'Immigration, qui a fait bouger son ministère dès que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés nous a demandé d'accueillir les réfugiés chassés de leurs foyers au Kosovo. La ministre du Développement international, qui a su amener son agence à prendre l'initiative au niveau international en portant aide et secours aux réfugiés du Kosovo.

J'aimerais également saluer les partis d'opposition de cette Chambre. Leur approche constructive et leur attitude non-partisane ont donné l'exemple aux Canadiens.

Je souhaite entendre le point de vue et les préoccupations de tous les partis aujourd'hui. Car, quelles que soient nos opinions respectives au sujet de notre engagement au Kosovo, nous sommes tous guidés par notre désir de faire ce qui est juste. Pour le Canada et pour la communauté internationale.

D'ailleurs, comme tous les députés dans cette Chambre, comme tous ceux et celles qui prendront part à ce débat, cette occasion de m'adresser à vous n'a rien de réjouissant.

Elle m'inspire cependant beaucoup de fierté devant le courage des vaillants Canadiens et Canadiennes de nos forces armées qui sont passés à l'action avec leurs camarades des autres pays de l'OTAN. Qui risquent leur propre vie afin que des milliers d'autres puissent être sauvées.

Cela me fait chaud au coeur et je ressens une satisfaction très profonde de voir l'immense générosité, l'esprit communautaire, la pure bonté et l'humanité qui animent des milliers et des milliers de Canadiens dans toutes les régions de ce grand pays. Tous ceux qui, en réaction à la demande initiale du Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies, se sont spontanément offerts pour aider et accueillir les réfugiés du Kosovo, si brutalement chassés de chez eux.

J'éprouve enfin de la colère et une rage profonde à l'égard des actions du Président Milosevic et de son régime. Qui ont provoqué toute cette crise. Qui continuent de mener une campagne de terreur et de destruction parmi les innocents civils du Kosovo – hommes, femmes et enfants. Et qui ne se soucient pas le moindrement du coût ni des conséquences de leurs actes pour leur propre peuple.

Ce sont les émotions que nous ressentons tous. Pas seulement dans cette Chambre, mais à travers le Canada et dans le monde entier.

Ces sentiments reflètent nos valeurs. Les valeurs que nous avons développées dans ce pays. Les valeurs qui font du Canada une terre de paix et de promesse. Une terre où nous voyons dans la diversité non pas une source de conflit, mais un moyen de créer un milieu de vie sain et dynamique.

Ces valeurs doivent toujours guider nos décisions, au pays comme à l'étranger. Et, en tant que représentants élus, investis d'une grande responsabilité par nos concitoyens et concitoyennes, nous devons toujours agir de manière à protéger et à promouvoir nos intérêts nationaux. Et nous devons respecter nos obligations en tant que membre de la famille des nations. Nos obligations en vertu des engagements internationaux que nous avons pris, nos obligations envers nos alliés.

Or, Monsieur le Président, ce sont ces trois éléments : nos valeurs en tant que Canadiens, l'intérêt national que représentent pour nous la stabilité et la sécurité en Europe et nos obligations à titre de membre fondateur de l'OTAN, qui ont conduit le Canada à prendre les armes avec ses partenaires de l'OTAN. Et c'est en raison de vos valeurs, de notre intérêt national et de nos obligations que nous devons aller jusqu'au bout.

À l'heure qu'il est, ceux qui conservent encore des illusions au sujet du régime du Président Milosevic ne doivent plus être très nombreux. Depuis dix ans maintenant, il est l'artisan principal de la tragédie qui se déroule au coeur même de l'Europe. Depuis maintenant dix ans, il fomente des conflits qui ont fait des centaines de milliers de victimes, déplacé des millions de personnes et ranimé des haines viscérales qui empoisonneront longtemps encore ce coin du monde.

D'abord en Croatie. Puis en Bosnie. C'est pendant ces conflits que le Président Milosevic a introduit l'expression obscène de « nettoyage ethnique » dans le lexique moderne. Depuis un an, le même scénario révoltant de violence contre un groupe ethnique ciblé a atteint une nouvelle intensité au Kosovo.

C'est le Président Milosevic et son régime qui ont enlevé au Kosovo son autonomie en 1989. Qui n'ont pas respecté les accords avec les dirigeants kosovars modérés. Qui ont violé leurs propres engagements d'octobre dernier envers l'OTAN et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Qui continuent d'ignorer les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, y compris l'obligation de livrer les auteurs présumés de crimes de guerre à la justice du Tribunal pénal international à La Haye.

C'est le Président Milosevic et son régime qui ont commencé, au début de l'an dernier, à expulser les Kosovars de leurs foyers. Lorsque les négociations de Rambouillet ont été entamées, on comptait 260 000 personnes déplacées à l'intérieur du Kosovo et au Monténégro et 100 000 à l'étranger. À l'échec des pourparlers, elles étaient 100 000 de plus. À l'heure actuelle, au moins un million de Kosovars ont été expulsés ou se sont exilés.

Tout cela s'est passé avant que l'OTAN passe à l'action. Tout cela selon un plan évident et suivant le même scénario que par le passé.

La communauté internationale a fait tous les efforts raisonnables pour trouver une solution diplomatique. On ne compte plus les missions diplomatiques qui ont été envoyées à Belgrade. En octobre, une mission de vérification de l'OSCE a surveillé un cessez-le-feu au Kosovo et a travaillé sur le terrain à bâtir la confiance et à résoudre les conflits locaux. La conférence de paix de Rambouillet a eu lieu. Les Kosovars ont fait preuve de courage en signant un accord de compromis. Seul le Président yougoslave est resté intransigeant. Enfin, l'ambassadeur Holbrooke a effectué une dernière tentative à Belgrade auprès de M. Milosevic.

Ce n'est qu'après tous ces efforts, Monsieur le Président, que l'OTAN a eu recours – a été obligée d'avoir recours – à l'action militaire. Nos buts n'ont pas changé. Le gouvernement de Belgrade doit :

  • arrêter de tuer et d'expulser les Kosovars;
  • retirer son armée et ses forces de sécurité du Kosovo;
  • faire en sorte que les réfugiés puissent rentrer chez eux en toute sécurité;
  • permettre la présence d'une force internationale pour assurer la sécurité des Kosovars à leur retour; et
  • signer un accord de paix vérifiable qui l'engage à respecter les principes des négociations de Rambouillet.
  • Voilà notre engagement. L'engagement de l'OTAN. L'engagement du Canada en tant que membre de l'OTAN.

    Nous n'y arriverons pas du jour au lendemain. Nous n'y arriverons pas sans que la crise fasse de nouvelles victimes dans la région – peut-être même parmi les forces de l'OTAN. Mais nous devons y arriver. Il est important de comprendre que le Canada n'agit pas seul dans cette affaire. Aucun pays ne peut décider seul des opérations ou des tactiques. Nous faisons partie d'une équipe. Nous contribuons à un effort collectif. Et les décisions sont prises collectivement.

    Depuis sa création, l'OTAN a appliqué les leçons douloureuses des deux guerres mondiales, c'est-à- dire que la paix et la stabilité ne peuvent être assurées qu'au moyen d'une sécurité collective efficace. La campagne de terreur menée sans relâche par Belgrade menace la paix et la sécurité au coeur même de l'Europe. Elle a déjà eu des effets sérieux partout dans la région. Et elle menace les nombreuses démocraties naissantes dans la région.

    Nous avions le choix : nous pouvions agir maintenant et faire face résolument à cette menace. Ou nous pouvons rester passifs, fuir nos responsabilités et faire face dans quelques mois ou quelques années aux résultats de notre passivité. L'Europe l'a déjà fait; elle en a payé le prix, et nous aussi. Je n'ai pas besoin de vous dire lequel de ces choix serait le plus coûteux et le plus dangereux.

    La semaine dernière, j'ai eu l'honneur d'accueillir nos premiers équipages militaires à leur retour d'Aviano. Leur fierté de servir le Canada était manifeste. Et la compétence et le courage qu'ils démontrent dans des cieux dangereux nous font honneur.

    L'action militaire est, par définition, une entreprise incertaine. Je tiens assurer les Canadiens, par contre, que jamais, au grand jamais, nous ne prendrons des mesures irréfléchies – des mesures qui mettraient plus de vies canadiennes en danger – sans en avoir évalué toutes les conséquences à fond.

    Quoi qu'il advienne, je sais que tous les députés se joindront à moi pour affirmer que les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes, qui traduisent nos convictions morales en actes, méritent l'appui de tous les Canadiens, à 100 %.

    Et ils l'auront, Monsieur le Président, ils l'auront!

    Je m'en voudrais de conclure, Monsieur le Président, sans parler du seul aspect de cette crise qui nous réconforte et nous encourage. Le conflit au Kosovo est un rappel déprimant du passé. Mais la générosité et la compassion que les Canadiens témoignent envers les réfugiés kosovars sont un rappel inspirant de ce qui fait la grandeur et la qualité exceptionnelle de notre pays.

    Il y a une semaine, le Haut Commissariat pour les réfugiés a demandé au Canada d'aider à remédier à la situation critique des réfugiés kosovars en acceptant d'en accueillir un certain nombre. Dès que le gouvernement a accepté de faire venir 5000 réfugiés, la vague de générosité de la part des Canadiens a été absolument extraordinaire, et ça continue.

    Les services téléphoniques sans frais et les télécopieurs sont submergés de propositions d'aide. Les communautés ouvrent leurs coeurs et ne demandent pas mieux que d'ouvrir leurs foyers, de façon typiquement canadienne. Devant cette grande détresse, notre compassion est encore plus grande. Au nom de cette Chambre, je tiens à remercier tous ceux qui participent à cet effort.

    Si quelqu'un nous demandait un jour de décrire la nature du Canada et de lui expliquer comment notre peuple a accompli de si grandes choses, il suffirait de lui montrer cette vaste mobilisation spontanée de gens de tous les coins de ce grand pays.

    Comme vous le savez, le Haut Commissariat a décidé vendredi de modifier sa demande initiale, et de réclamer plutôt de l'aide pour héberger les réfugiés dans les pays voisins du Kosovo. Les Canadiens sont à pied d'oeuvre là-bas aussi. Ils fournissent les secours et le soutien dont les gens ont désespérément besoin pour faire face à une tragédie d'une ampleur historique. Des hommes et des femmes courageux se sont mis au service d'organisations non gouvernementales et d'organismes comme l'OSCE. Ils méritent également notre profonde gratitude et nos remerciements.

    Si le Haut Commissariat devait de nouveau faire appel à nous, nous demeurons prêts à aider ici au Canada aussi. Nous sommes prêts à répondre à toute demande d'aide. Et je sais que les Canadiens sont prêts aussi.

    Monsieur le Président, les Canadiens forment un peuple pacifique épris de paix. Un peuple qui travaille à bâtir un monde où tous les peuples peuvent vivre en paix. À l'abri des menaces de persécution et de conquête violente. Un peuple qui opte d'abord pour les solutions pacifiques et diplomatiques. Un peuple qui a montré au monde que la diversité est une richesse, que des gens de toutes les origines et de tous les coins du monde peuvent vivre en paix et en harmonie. Qu'en tant que membres de la race humaine nous pouvons apprendre les uns des autres. Que nous pouvons enterrer les vieilles haines et les anciennes querelles et bâtir une société nouvelle.

    Nous formons aussi un peuple épris de justice. Un peuple qui sait que parfois la diplomatie habile et le dialogue doivent s'appuyer sur la fermeté et la détermination. Que la paralysie et la passivité peuvent causer plus de tort qu'une action décisive. Que ne pas choisir est aussi un choix. Or, un tel aveuglement délibéré est exclu.

    Rester passifs devant la situation au Kosovo aujourd'hui serait trahir nos valeurs fondamentales, nos intérêts nationaux et nos obligations internationales.

    Nous ne sommes pas comme ça. Les Canadiens sont des gens de parole. Et nous respecterons nos engagements et notre parole jusqu'au bout.

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