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 Sommet des Amériques 2001

Devant des représentants du Conseil national de l'Autriche (Parlement) et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe


Le 17 juin 1999
Vienne (Autriche)

Je suis très honoré d'être le premier Premier ministre canadien à visiter l'Autriche. Mon séjour a été bref, mais la chaleureuse hospitalité du Chancelier Klima et du peuple autrichien ont produit chez moi et chez tous les membres de la délégation une impression agréable qui nous restera.

Nos pays ont beaucoup de choses en commun. Nous partageons en particulier la même préoccupation au sujet de la paix et de la sécurité dans le monde d'aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je suis très heureux de m'adresser à cette assemblée, à l'invitation conjointe du Parlement autrichien et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Aux yeux des Canadiens, notre participation à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe est un élément important de notre partenariat avec l'Europe. L'OSCE symbolise les espoirs que nous avons pour l'Europe. Une Europe entièrement libre, où les divisions n'existent plus, où chaque région se dirige vers la prospérité et la stabilité.

Ce sont les aspirations qui ont mené à la signature des Accords d'Helsinki en 1975. Les visionnaires de cette époque seraient heureux de constater les résultats de leurs efforts – une OSCE qui oeuvre à une Europe où tous les citoyens peuvent vivre dans la paix et la dignité.

Notre adhésion illustre à nouveau combien les Canadiens tiennent au dialogue raisonnable et à l'action collective comme moyens d'assurer la paix internationale et la dignité humaine.

Les récents événements au Kosovo et dans les Balkans nous ont permis de prendre conscience de la force des valeurs qui sous-tendent notre partenariat avec l'Europe. Ces événements viennent aussi appuyer notre conviction que les questions humanitaires et celles relatives aux droits de la personne ne relèvent pas seulement de la politique interne des États. Elles sont plutôt d'une importance fondamentale pour la paix et la sécurité dans cette région, et partout dans le monde. Et nous avons besoin d'institutions capables de protéger ces droits et de promouvoir ces questions efficacement.

Dans deux cents jours, nous tournerons mille pages de l'histoire du monde.

Au cours de cette période, l'Europe a légué des chefs-d'oeuvre extraordinaires au patrimoine civilisé du monde. Ses scientifiques ont façonné des outils, ses philosophes ont ouvert de nouveaux domaines à la pensée et ses artistes ont créé des trésors qui font vibrer l'âme d'une grande partie du monde moderne. Les Européens ont érigé des sociétés fondées sur les valeurs démocratiques et l'État de droit, le dynamisme économique et l'imaginaire artistique.

Cependant, l'Europe a aussi été le théâtre de certains des pires épisodes de l'histoire humaine au cours du millénaire qui s'achève. Les dizaines de millions de victimes de guerres et de génocide du dernier siècle en témoignent.

Ensemble, nous avons travaillé à faire renaître une nouvelle Europe de ces cendres. Les succès ont été nombreux : l'OTAN, l'OSCE, la réconciliation de l'Ouest et de l'Est. Mais la tâche est loin d'être terminée. Les récents événements dans les Balkans en attestent clairement. La crise que nous venons de traverser nous rappelle qu'on ne peut tenir pour acquis la démocratie, la tolérance et la compassion – même en Europe. Il faut parfois se mobiliser pour les défendre.

Michael Ignatieff, un auteur canadien qui a écrit abondamment sur les Balkans et qui est le fils de l'un de nos plus grands diplomates, a vu juste lorsqu'il a dit que le Kosovo était « l'épreuve par le feu de tout ce en quoi nous croyons. [...] [C'était] un combat pour interdire le recours au nettoyage ethnique, aux massacres et au pillage comme instruments de politique intérieure par quelque État que ce soit. »

Ces préoccupations sont celles qui ont incité le Canada à s'engager dans cette action au sein de la force de frappe aérienne de l'OTAN. Ce sont elles qui ont motivé notre réaction devant la détresse des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du Kosovo. Le Canada a accueilli plus de 6 000 Kosovars et consacré près de 50 millions de dollars aux activités humanitaires internationales dans la région. Les mêmes préoccupations conduiront le Canada à poursuivre la recherche d'une paix véritable par l'affectation de 1 300 soldats de la paix et par tout autre moyen constructif.

La marche vers la réconciliation et la reconstruction s'est engagée au Kosovo, dans l'ensemble de la Yougoslavie et dans la région des Balkans. La première priorité était jusqu'ici de sortir la région de l'engrenage de la violence et de la répression dans lequel elle était prise. Mais ce n'est qu'un commencement.

Nous aurons atteint le plus important de nos buts lorsque tous les réfugiés et les personnes déplacées – quelle que soit leur religion ou leur origine ethnique – seront rentrés dans leurs foyers en toute sécurité. Il faudra pour cela mettre en oeuvre un plan qui leur permettra de vivre dans la paix et le respect mutuel avec leurs voisins.

L'exécution de ce plan nécessitera le déploiement de personnel civil et de forces de sécurité, y compris un important contingent de policiers civils qui assureront non seulement des services de police comme tels, mais aussi la formation de la police locale pour l'avenir. Nous consacrerons des efforts à la démocratisation, à l'organisation d'élections et à la création d'une société civile vigoureuse. Nous travaillerons au déminage de la région. Il faudra accorder une attention particulière à l'établissement d'un cadre pour assurer la pleine protection des droits de la personne, notamment les droits des minorités.

L'OSCE aura un rôle important à jouer dans l'instauration de la société civile au Kosovo. Et le Canada collaborera avec elle à toutes les étapes.

Enfin, la Yougoslavie devra se donner de nouveaux dirigeants. Il ne saurait y avoir de paix durable dans les Balkans tant que les rênes du pouvoir seront entre les mains de personnes inculpées de crimes de guerre. Le Président Milosevic et d'autres dirigeants yougoslaves inculpés ont droit à un procès juste, et j'espère qu'ils profiteront de cette occasion pour se défendre, ouvrant la voie à un nouveau leadership. Le peuple de la Serbie et de l'ensemble de la Yougoslavie veut de l'aide pour reconstruire et mérite d'en recevoir. Mais cette aide ne viendra que le jour où la Yougoslavie fera le nécessaire pour réintégrer la famille des nations modernes, libres et démocratiques.

Le rôle crucial que la Russie a joué dans la recherche d'une solution diplomatique dans les Balkans vient nous rappeler encore une fois que les vieux antagonismes peuvent être surmontés dans la marche vers de nouvelles relations productives. Les événements dans les Balkans ont donné une nouvelle vigueur à sa relation avec l'Europe et engagé de nouveau la Russie dans l'édification d'une architecture de sécurité européenne pour le 21e siècle.

Ces éléments revêtent tous une importance cruciale à l'heure où notre attention se tourne vers la tâche de redresser l'économie des Balkans et d'oublier les haines ethniques pour fonder l'avenir sur les valeurs démocratiques et le respect des droits humains.

De même que le monde a tiré une leçon des catastrophes qui ont marqué notre siècle et institué des structures durables comme l'Union européenne, les Nations Unies, l'OTAN et l'OSCE, de même nous devons tirer une leçon du Kosovo.

Ensemble, nous devons déterminer comment renouveler les structures existantes. Nous savons qu'il faudra pour cela changer nos façons de penser.

Sur la scène internationale, le Canada et la Norvège, ainsi que d'autres pays, ont cherché à faire reconnaître la notion de la sécurité humaine, qui met davantage l'accent sur la sécurité individuelle.

Deux initiatives en particulier, la campagne pour l'élimination des mines antipersonnel et la création de la Cour criminelle internationale, ont démontré la force de la nouvelle approche. Dans le cadre de la campagne contre les mines surtout, le Canada et l'Autriche ont collaboré étroitement. Je suis fier, très fier, du travail que nous avons accompli ensemble avec l'aide de nombreux pays. Et je ne parle pas seulement de l'adoption de la Convention d'Ottawa, mais aussi de l'enlèvement de ces engins meurtriers partout dans le monde.

La Cour criminelle internationale est une autre innovation qui mérite notre appui. Hier, j'ai eu le privilège de rencontrer Simon Wiesenthal. La lutte courageuse qu'il a menée pendant plus d'un demi- siècle contient une leçon pour nous tous. Tout comme le silence et la passivité qui ont trop souvent accueilli – dans trop de pays, y compris le Canada – les preuves dramatiques et abondantes qu'il avait accumulées. Ces dernières années, nous avons essayé de réparer ces manquements dans l'espoir que justice différée soit préférable à justice refusée.

Aujourd'hui, en Europe comme partout dans le monde, nous avons l'occasion de faire en sorte que les erreurs commises après la Seconde Guerre mondiale ne se répètent plus après la crise dans les Balkans. Je suis fier qu'une Canadienne, la juge Louise Arbour, ait fait oeuvre de pionnier et ait établi une nouvelle norme dans la poursuite en justice des criminels de guerre. Grâce au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, nous pouvons poursuivre les auteurs des pires atrocités que ce continent ait connues depuis 1945. En inculpant un chef d'État alors qu'il exerce toujours ses fonctions, madame Arbour et le Tribunal ont fait la preuve que personne n'est au-dessus de la loi. Et que ceux qui commettent des crimes contre l'Humanité ne peuvent être protégés par leur titre ou leur fonction.

J'espère qu'on donnera suite à ces inculpations très bientôt.

Victor Hugo a écrit: «On résiste à l'invasion des armées; on ne résiste pas à l'invasion des idées.»

Je crois que l'attention accordée depuis quelque temps à la sécurité des personnes en est un exemple concret. De nombreuses questions se rattachent à cette préoccupation : la tendance à cibler les populations civiles en temps de guerre, les violations flagrantes des droits de la personne, les armes légères, le terrorisme, le crime organisé, et plusieurs autres encore. La question devrait être de savoir, jusqu'à quel point la sécurité des gens est-elle en danger? Le cas du Kosovo a certainement donné une réponse claire à cette question.

En décembre 1998, avec la participation de Viktor Klima à titre de Président du Conseil de l'Union européenne, le Canada et l'UE ont entrepris de sensibiliser la communauté internationale aux questions relatives à la sécurité humaine. Notre approche consiste à faire en sorte que la politique étrangère des États tienne davantage compte des personnes, comme il se doit.

Comme l'a déclaré récemment le Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, à une époque où la mondialisation a imposé tellement de limites à la portée des actions que les États peuvent entreprendre, « le dernier droit des États ne peut pas, et ne doit pas être celui de réduire en esclavage, de persécuter et de torturer leurs propres citoyens ».

Cette approche humanitaire vise à obtenir la reconnaissance – par les États voisins et par la communauté internationale tout entière – que de telles situations ne peuvent pas longtemps rester cachées. Elle vise à éveiller l'attention internationale pendant que l'heure est encore au dialogue et à l'assistance, avant que les choses n'atteignent le point où une intervention est inévitable.

Mesdames et messieurs, le thème de la sécurité humaine représente l'expression des valeurs que partagent le Canada, l'Autriche et l'Europe. Il traduit une leçon que nous avons apprise à nos dépens.

Il offre à la fois un flambeau d'espoir pour notre avenir collectif et une digne façon de terminer un millénaire et d'entrer dans le suivant.

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