Discours du Premier ministre Jean Chrétien au Collège national de la magistrature

Le 13 février 2001
Beijing (Chine)

Le Collège national de la magistrature est un lieu qui symbolise à la fois la réforme juridique en cours en Chine et le rôle du Canada dans ce processus.

En 1994, la Chine songeait à moderniser son cadre juridique et judiciaire. Lors de ma visite au mois de novembre cette année-là, nous avons décidé d’entreprendre ensemble un projet pour améliorer la formation des juges.

À l’époque, la Chine commençait à peine à s’inspirer de l’exemple et des conseils d’autres pays en matière de réforme juridique. Depuis ce temps, de grands progrès ont été accomplis. Le droit en matière de contrats a été amélioré. Les procédures pénales tiennent davantage compte de certains des droits des accusés. Les citoyens peuvent maintenant intenter des poursuites contre l’État. Les procès sont de plus en plus souvent ouverts au public. L’aide juridique élargit l’accès aux tribunaux. La formation des avocats et des juges s’améliore.

Que ce soit en Chine, au Canada ou ailleurs, la mise en application d’une loi est toujours problématique. Les juristes et les citoyens chinois sont d’ailleurs nombreux à signaler promptement les problèmes qui surviennent. De plus en plus en Chine, les citoyens, les juristes, les fonctionnaires et d’autres débattent en profondeur de ces questions et recommandent d’autres réformes afin de rendre le droit plus conforme aux normes internationales.

La Chine a franchi une étape importante il y a deux ans lorsqu’elle a affirmé dans la Constitution le principe de la primauté du droit. Ce principe est bien davantage qu’une théorie ésotérique bonne à alimenter les discussions des érudits et des bureaucrates. En fait, il offre un moyen très prometteur d’améliorer la qualité de vie de toute la population chinoise.

Car la transition vers une société basée sur la primauté du droit exige la subordination de tous les comportements sociaux, économiques, politiques et individuels à un ensemble de codes et de règlements établis. Pour avoir du poids, ces codes et règlements ne doivent pas être la chasse gardée de rares privilégiés. Ils doivent plutôt appartenir à tous les citoyens. Ils doivent être connus de tous. Enseignés à tous. Et s’appliquer à tous de façon uniforme.

Personne ne peut être au-dessus de la loi. Personne ne peut être oublié par la loi, ou privé de sa protection. De plus, pour que l’application de la loi soit impartiale, la primauté du droit exige une nette séparation entre le procureur et la personne qui prononce le jugement.

À cet égard, nous constatons que votre programme quinquennal de réforme de la cour populaire prévoit de nouvelles améliorations sur les plans de l’indépendance, de l’impartialité, de l’ouverture et de la probité des tribunaux.

Je suis heureux de voir le Canada et la Chine collaborer dans le domaine de la réforme juridique, notamment en ce qui a trait à la procédure pénale, aux droits de la femme, aux droits humains et aux normes professionnelles. Notre projet de coopération en matière de formation des juges prend fin cette semaine après cinq ans. Votre colloque vise à intégrer dans l’enseignement dispensé par ce collège les leçons apprises au sujet de questions telles que l’éthique et l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Un pouvoir judiciaire indépendant est essentiel au maintien de la primauté du droit. Il ne doit subir aucune influence indue, tant de la part de ceux qui ont de l’argent que de ceux qui possèdent du pouvoir.

Les juges au Canada sont complètement indépendants, et il existe des mécanismes très rigoureux pour protéger cette indépendance. Les contacts entre les politiciens et les juges sur des questions faisant l’objet d’un procès sont interdits. Et les transgressions à cette règle ont entraîné des démissions.

Le gouvernement et le peuple canadiens ne prétendent pas posséder toutes les solutions. Mais nous sommes disposés, si cela vous paraît utile, à poursuivre nos échanges et à vous faire bénéficier de notre expérience et de nos compétences. Des échanges de très haut niveau ont déjà lieu entre nos cours suprêmes. Madame McLachlin a visité la Chine deux fois depuis qu’elle est devenue juge en chef de la Cour suprême du Canada. Certains autres de nos juges les plus éminents ont fait de même. Certains d’entre eux sont avec nous aujourd’hui. Un bon nombre de nos plus grands professeurs de droit ont aussi travaillé avec vous.

Durant mon séjour, j’ai assisté à la signature de deux nouvelles ententes pour des projets dans le domaine juridique. L’une concerne le développement de l’aide juridique et des services communautaires. L’autre a trait à la réforme du processus d’accusation et à l’application plus régulière de la loi.

Aujourd’hui, j’ai également le plaisir d’annoncer une petite initiative qui a toutefois une grande importance. Nous allons appuyer la formation des avocats au centre d’aide juridique aux victimes de la pollution, qui aide les citoyens à intenter des poursuites quand la pollution menace leur santé ou leur gagne-pain. Cette initiative illustre comment les citoyens peuvent avoir recours au système judiciaire pour défendre leurs droits et encourage en même temps le développement durable.

Mesdames et Messieurs, depuis 1978, la Chine s’est engagée sur le sentier de la réforme et de l’ouverture au monde. La population chinoise a énormément bénéficié de cette décision. Les gains sur les plans de la prospérité et de la qualité de vie sont impressionnants.

La Chine s’apprête à franchir deux autres pas critiques dans cette direction. Premièrement, son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce stimulera davantage le développement économique et le changement, de même que de nouvelles réformes juridiques. Deuxièmement, la Chine a signé les deux principaux pactes des Nations Unies relatifs aux droits humains – et on nous affirme qu’elle les ratifiera bientôt. Nous croyons que la Chine est fidèle à sa parole, et que la ratification de ces pactes contribuera à renforcer le respect des droits et des libertés individuelles.

Les Canadiens en seraient très heureux, puisque les échos qui leur sont parvenus par le passé au sujet de transgressions à ce chapitre ont suscité leur inquiétude.

Le respect des modifications législatives découlant de l’appartenance à l’OMC et des deux pactes de l’ONU relatifs aux droits humains devra être assuré par les tribunaux. Les citoyens chinois, de même que les visiteurs et les gens d’affaires, s’adresseront aux tribunaux en cas de litige ou d’atteinte à leurs droits. En effet, aussi bien rédigés que soient les textes de loi, il ne saurait y avoir de justice sans procès équitable mené par un appareil judiciaire compétent, indépendant, impartial et efficace. Un appareil judiciaire qui applique la loi de la même façon à tous les citoyens. Sans distinction de sexe, de condition sociale, de croyance religieuse ou d’opinion politique.

Au Canada, la primauté du droit a constitué l’un des piliers de notre développement. Elle a permis à notre économie de prendre de l’expansion et de s’adapter au changement. Elle a garanti la liberté individuelle et collective, la stabilité sociale et la paix. Elle a fait du Canada un acteur efficace et novateur au sein de la communauté internationale.

Je suis persuadé que la primauté du droit offre la même promesse à la Chine et au peuple chinois. Et à titre de juges, vous aurez à bien des égards la responsabilité de tenir cette promesse.

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