À l'occasion d'un dîner d'État offert par l'honorable Olusegun Obasanjo, Président de la République du Nigéria


Le 9 novembre 1999
Abuja (Nigéria)

Je suis particulièrement sensible à l'honneur de me trouver ici, à Abuja, à la veille d'un moment charnière dans l'histoire de votre grand pays. Et dans votre relation avec le Canada.

Il y a quatre ans demain, les chefs de gouvernement des pays membres du Commonwealth, et le monde entier, ont appris avec stupeur et tristesse l'exécution de Ken Saro-Wiwa et de huit autres Nigérians. Le Commonwealth a alors suspendu le Nigéria. Demain, Monsieur le Président, vous vous rendez à Durban, en Afrique du Sud, pour assister à la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth. Cette rencontre marquera le retour officiel du Nigéria dans la grande famille du Commonwealth.

C'est un moment à savourer dans l'allégresse. Le rétablissement de la liberté au Nigéria – rien de moins, car c'est bien de cela qu'il s'agit – marque l'aboutissement d'une transformation à laquelle les Canadiens ont assisté avec admiration. Or, cette transformation n'aurait pas été possible sans le courage de nombreux patriotes nigérians et sans le leadership d'un homme de principes comme vous.

Monsieur le Président, le Canada applaudit votre prévoyance et votre détermination. Vous conduisez votre peuple sur la route de l'espérance, laissant derrière vous une époque sombre de répression et d'injustice.

Le Canada a accompagné le Nigéria à toutes les étapes de son cheminement. Nous avons été l'un des rares pays à protester quand vos droits étaient bafoués. Nous avons agi par devoir moral. Et pour vous faire savoir que vous n'étiez pas seuls.

Nous avons soutenu les groupes communautaires afin que votre société civile puisse promouvoir la démocratie et les droits de la personne alors même que l'armée gouvernait. Avec le passage d'un régime militaire à un gouvernement civil le 29 mai, le Nigéria a repris la place qui lui revient au sein de la communauté démocratique des nations.

Les cinq premiers mois de votre nouveau gouvernement ont été impressionnants. Il a amorcé des enquêtes au sujet des violations des droits de la personne et de la corruption du passé. Il a entrepris de réexaminer la politique économique. Il a lancé un programme universel d'enseignement et de vaccination. De tels progrès auraient été inconcevables il y a quelques années à peine.

De même que le Nigéria s'est engagé dans une voie nouvelle pour le nouveau siècle, de même les choses changent pour le mieux dans l'ensemble du continent africain.

Comme le Nigéria, de plus en plus d'États africains adoptent les principes de la démocratie, de l'État de droit et de la bonne gouvernance. Les économies de presque tous les pays africains sont en pleine croissance. De plus en plus, les pays africains utilisent des solutions africaines. Le rôle de leadership du Nigéria en Sierra Leone n'en est qu'un exemple. C'est une preuve évidente de votre volonté d'assurer la paix et la sécurité.

Mais tout en reconnaissant l'importance historique de ces progrès, nous devons aussi reconnaître qu'il reste encore des défis énormes à relever, tant ici au Nigéria que dans tout le continent africain.

Vaincre le fléau de la pauvreté. Affermir l'engagement envers la bonne gouvernance. Inverser le processus de dégradation environnementale.

Force est de reconnaître qu'il reste encore beaucoup à faire pour éliminer la corruption. Cinq des onze pays présumés les plus corrompus du monde sont africains. La persistance de l'iniquité et de l'arbitraire demeurera un obstacle sérieux au genre d'investissements étrangers susceptibles de contribuer au développement général d'une nation, à sa stabilité et à sa prospérité. Nous trouvons encourageantes les mesures audacieuses que vous avez prises, Monsieur le Président, en vue de rétablir le règne de la probité et de la transparence dans la société nigériane.

Les efforts déployés pour résoudre certains des conflits chroniques régionaux en Afrique ont permis de réaliser certains progrès. Pourtant, les horreurs de la guerre ne sont que trop évidentes. Certains conflits durent depuis plus d'une génération. Il est tragique, et – disons-le – insensé que les immenses ressources minérales de l'Afrique soient gaspillées pour acheter des armes et des bombes, au lieu d'être consacrées à des investissements destinés à améliorer la qualité de vie de la population.

Il faut aussi que nous parvenions à mieux comprendre et gérer les menaces qui pèsent sur la sécurité individuelle et collective. Notamment le commerce de la drogue, l'exploitation non réglementée des ressources naturelles. Et la propagation dramatique du sida et d'autres maladies évitables.

Trop d'Africains meurent dans la fleur de l'âge à cause du sida et avec eux disparaît le potentiel qu'ils représentent. Le Canada consacre des efforts considérables à la lutte contre la propagation du sida et à la mise au point de vaccins. Toujours dans le secteur de la santé, pour combattre une autre maladie contre laquelle il existe des moyens de prévention efficaces, nous avons récemment annoncé que nous verserions une contribution de six millions de dollars à l'Organisation mondiale de la santé pour aider à vacciner les enfants Nigérians contre la poliomyélite.

Les défis sont immenses, Monsieur le Président. C'est incontestable.

Bien sûr, c'est aux peuples du Nigéria et de l'Afrique qu'il appartiendra de décider comment aborder ces problèmes et de concevoir leurs propres solutions.

Cependant, tout comme le Canada vous a accompagnés durant les heures sombres, nous voulons travailler avec vous, Monsieur le Président, et votre gouvernement, pour aider le Nigéria à faire fructifier son immense potentiel. Et à faire fructifier pleinement le potentiel de notre relation. Un potentiel longtemps promis, mais jamais réalisé.

Le Canada est fier de participer depuis longtemps au développement de l'Afrique. Notre engagement en faveur de l'aide au développement montre combien nous sommes convaincus que tous les peuples ont droit à une qualité de vie convenable. Le Canada participe aussi activement à l'édification d'un système qui permettra d'amortir les effets des crises financières internationales. Il prend aussi part aux efforts déployés pour améliorer les possibilités d'échanges commerciaux pour les pays en développement.

Au Conseil de sécurité des Nations Unies, nous nous employons à obtenir une meilleure protection des civils dans les conflits armés.

Nous avons effacé une dette de plus de 1,3 milliard de dollars au titre de l'Aide publique au développement. Nous avons lutté pour que des conditions de crédit plus favorables soient accordées aux pays pauvres très endettés. Et, dans certains cas, nous nous sommes prononcés en faveur de l'annulation de la dette. Nous considérons toutefois qu'un tel allégement de la dette devrait impliquer l'engagement, de la part des pays en développement, d'investir les fonds ainsi libérés dans la prestation de services sociaux de base à leur propre population.

Le Canada souhaite établir des partenariats plus efficaces avec le Nigéria. Des partenariats associant les gouvernements, les organisations de la société civile et nos gens d'affaires.

C'est la raison pour laquelle le Canada invitera les principaux leaders du monde politique, de celui des affaires et de la société civile de neuf pays africains, dont le Nigéria, à participer à un projet appelé « Afrique Directe ». Avec la conférence de Montréal au Québec, ce projet permettra de mettre en lumière le potentiel de l'Afrique et de déterminer de nouvelles possibilités prometteuses de coopération.

Des sociétés canadiennes envisagent des investissements importants dans le développement du Nigéria. Elles apporteront du même coup des compétences, des moyens technologiques et un savoir- faire confirmé, mais aussi des valeurs et une vision. En tant que gouvernement, nous nous devons de favoriser ces entreprises et de créer un environnement propice à leur réussite. Dans ce contexte, le Canada mènera à bien le processus afin que l'Accord de double imposition signé en 1992 entre en vigueur le 1er janvier 2000.

Mesdames et messieurs, c'est un moment exaltant pour le Canada.

Celui où nous retrouvons notre vieil ami, le Nigéria.

J'invite maintenant toutes les personnes présentes à lever leur verre : au Président Obasanjo et au peuple du Nigéria.

Célébrons ensemble la renaissance de la liberté. Et tournons-nous vers les jours glorieux qui s'annoncent.

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