Devant l'assemblée annuelle du Council of State Governments


Le 4 décembre 1999
Québec (Québec)

Je suis ravi que le Council of State Governments ait choisi de tenir ici à Québec sa première assemblée annuelle nationale à l'extérieur des États-Unis.

L'endroit ne pourrait être mieux choisi. Votre grand pays fut l'un des inventeurs du fédéralisme moderne. Ce n'est pas pour rien que les artisans de la Constitution américaine titraient leurs essais politiques The Federalist. Pour protéger la liberté, ils ont partagé les pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les États afin de « contrebalancer l'ambition par l'ambition ».

Il y a plus de soixante ans, votre organisation s'est érigée en défenseur du fédéralisme américain. Vous représentez les gouvernements des États américains. Votre organisation est unique en ce sens que vous réunissez l'exécutif et le législatif. Elle est aussi bipartite.

Le fédéralisme canadien n'est pas issu, comme le vôtre, de la révolution. Nous avons connu une évolution différente. Le Canada est formé de deux grandes communautés linguistiques, française et anglaise, dont l'une et l'autre se sont enrichies de l'apport de cultures du monde entier. Vous aurez sans doute constaté que la grande majorité des citoyens de cette magnifique ville de Québec parlent français! Durant votre séjour, vous aurez l'occasion de goûter la cordiale hospitalité et la joie de vivre des résidants de ma province natale. Je suis fier de me dire à la fois Québécois et Canadien.

Les Québécois ont toujours été convaincus de la nécessité d'un gouvernement provincial fort qui puisse protéger leur langue et leur culture. Ils savent également le rôle que joue le gouvernement fédéral pour assurer la protection et la promotion de cette langue, ma langue maternelle, le français, à travers le Canada.

Les fondateurs du Canada croyaient profondément que le système de gouvernement devait préserver et promouvoir autant notre diversité essentielle que notre unité. C'est ce que je crois profondément aussi.

Le Président Clinton a déclaré récemment que ce n'est pas une coïncidence si les trois pays d'Amérique du Nord sont des fédérations. Voici ce qu'il a dit au sujet du Canada : « Le partenariat que vous avez bâti entre des gens de milieux et de gouvernements divers, à tous les paliers, voilà de quoi il est question ici à la conférence et, fondamentalement, ce dont il doit être question en démocratie, à une époque où les gens partout dans le monde se déplacent de plus en plus, s'intègrent davantage, vivent de plus en plus près les uns des autres. »

Le Président Clinton s'adressait en ces termes aux participants à une importante conférence sur le fédéralisme qui s'est tenue ici-même au Canada, dans la province du Québec. À cette occasion, il a aussi affirmé ce qui suit : « Aux États-Unis, nous prisons notre relation avec un Canada fort et uni. Vous pouvez nous servir d'exemple, nous apprenons de vos expériences. »

Permettez-moi de vous confier un petit secret. Au Canada, nous apprenons aussi des États-Unis. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord avec vos façons de faire. Les États américains sont reconnus pour être les laboratoires de la démocratie qu'avaient imaginés les artisans de la Constitution américaine. Depuis plus de soixante ans, le Council of State Governments joue un rôle clé en repérant et en faisant connaître les meilleures pratiques des États américains et en favorisant le leadership des États.

Cette réunion est historique à divers égards. Je salue l'initiative de l'Assemblée nationale du Québec, qui fera mieux connaître votre importante organisation à l'ensemble des provinces canadiennes et à la population canadienne en général. Le Québec est la seule province canadienne à s'être jointe à votre organisation à titre de partenaire international. Par contre, le Québec et la Nouvelle-Écosse sont membres de votre conférence régionale de l'Est. D'autres provinces participent aussi à vos travaux. Je suis heureux de voir que des ministres de l'Alberta, de la Saskatchewan, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve sont aussi présents. Nos provinces sont souvent à l'avant-garde de la politique nationale et j'encourage toutes les provinces canadiennes à travailler de plus près avec votre organisation.

Cela m'amène à la deuxième raison pour laquelle je suis particulièrement fier du fait que vous ayez choisi de vous réunir au Canada et plus particulièrement dans la province de Québec. C'est simplement parce que le Canada et les États-Unis sont l'un pour l'autre le meilleur ami et le plus proche allié. En effet, voici ce que le Président John F. Kennedy a déclaré à ce propos : « La géographie a fait de nous des voisins. L'histoire a fait de nous des amis. L'économie a fait de nous des partenaires, et la nécessité a fait de nous des alliés. »

Permettez-moi de vous rappeler certains des facteurs qui sous-tendent cette relation extraordinaire.

Le Canada et les États-Unis entretiennent les rapports commerciaux les plus importants au monde. La valeur des échanges dépasse un milliard de dollars par jour. De dollars américains, s'entend. En 1998, la valeur des échanges entre les États-Unis et le Canada était près de 50 p. 100 plus élevée qu'entre les États-Unis et le Japon, votre deuxième partenaire commercial.

Les exportations de marchandises vers le Canada représentent près du quart de l'ensemble des exportations américaines. La valeur des marchandises américaines achetées par les Canadiens atteignait environ 5166 $ par personne en 1998. Les États-Unis nous ont acheté pour environ 650 $ par personne. En fait, la province de l'Ontario à elle seule a acheté plus de marchandises américaines que le Japon. Pour les produits américains, le Canada est un plus gros marché que celui des 15 pays de l'Union européenne et de l'Amérique latine réunis. De plus, les avantages pour les États-Unis sont largement répartis. Le Canada est le plus gros marché d'exportation de 40 États américains et de Porto Rico.

Les accords de libre-échange ont profité à l'un et l'autre de nos pays. L'équilibre du compte courant Canada-États-Unis est presque parfait. Les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ont doublé sous le régime de l'ALE et de l'ALENA. L'Accord de libre-échange (ALE) libéralisant les échanges entre les deux pays est entré en vigueur en 1989. Entre 1988 et 1993, les échanges bilatéraux ont progressé du tiers. En 1994, l'Accord a été étendu au Mexique dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Les échanges bilatéraux entre le Canada et les États-Unis ont continué de prospérer, augmentant encore du tiers entre 1994 et 1998.

Chacun de nos pays investit dans l'avenir de l'autre. Les États-Unis sont la première source d'investissements étrangers pour le Canada, et le Canada est la cinquième source de capitaux étrangers pour les États-Unis.

Notre économie, comme celle des États-Unis, est en plein essor, et nous avons tous les deux assaini nos finances publiques. Sans nos accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux, je doute que ces réalisations eussent été possibles.

Cependant, ce n'est pas seulement une question d'argent. Nous sommes des voisins et des amis. L'an dernier, les Canadiens et les Américains ont traversé la frontière non défendue la plus longue au monde près de 200 millions de fois. Bien que nos caractères nationaux se distinguent par des différences marquées, nous avons tressé des liens profonds en travaillant ensemble à bâtir un monde meilleur. Les Canadiens et les Américains ont combattu côte à côte durant les deux guerres mondiales. Nous avons fait cause commune à l'OTAN pour mettre un terme à la Guerre froide. Nous continuons de travailler en partenaires : en Bosnie, au Kosovo et dans le dossier iraqien. Ensemble, nous oeuvrons en faveur de la démocratie et des droits de la personne en Haïti, au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde. Nous sommes associés dans la défense du continent nord-américain au sein du NORAD.

Nos deux pays partagent une frontière qui s'étend sur des milliers de kilomètres, à travers les montagnes et les plaines, les lacs et les rivières de ce vaste continent. Ensemble, nous avons tissé une alliance formée de centaines de traités, d'accords et d'ententes à divers niveaux pour gérer cette magnifique relation de confiance environnementale et économique – la plus diversifiée au monde.

Pensez seulement aux Grands Lacs. Comme vous le savez peut-être, nos deux pays gèrent ensemble une proportion remarquable de l'eau douce de la planète, dont la moitié se trouve dans les Grands Lacs. Nous venons de célébrer le 25e anniversaire de l'Accord entre le Canada et les États-Unis relatif à la qualité de l'eau. Dans les années 1970, certains scientifiques disaient avoir constaté la mort du lac Érié. Depuis lors, nos deux pays travaillent ensemble à assainir et à protéger les Grands Lacs. Il reste encore fort à faire, mais les eaux des Grands Lacs sont aujourd'hui beaucoup plus propres qu'elles ne l'étaient.

À l'instar de nos premiers ministres et législateurs provinciaux, vous avez un rôle crucial à jouer – à titre de gouverneurs et de législateurs des États – dans le maintien d'excellentes relations entre nos deux pays.

Il est normal qu'une relation aussi diversifiée que la nôtre comporte certains désaccords. C'est pourquoi il faut que les voies de communication restent ouvertes. Je vous encourage à rechercher les occasions de rencontrer vos homologues canadiens. Je sais que bon nombre des dossiers qui retiennent votre attention correspondent directement à nos préoccupations ici au Canada. J'invite en particulier les représentants des États qui n'ont pas déjà le Canada comme principal partenaire à entreprendre des missions commerciales chez nous afin de découvrir ce que nous pouvons leur apporter.

De toute évidence, le message que je veux faire ressortir c'est que le Canada et les États-Unis ont tout intérêt à travailler ensemble. C'est vrai aussi bien du commerce que de l'environnement. En tant que gouverneurs et législateurs des États, vous pouvez contribuer grandement à favoriser la santé et la croissance du partenariat mutuellement avantageux qui s'est établi entre nous dans ces domaines.

Pour terminer, j'aimerais souligner l'importance critique du leadership des États-Unis sur la scène mondiale.

Les États-Unis ont été le maître artisan du système commercial international d'après-guerre. La mise sur pied d'une architecture de coopération internationale fut une réalisation des plus marquante. Elle constitue la pierre angulaire de décennies de prospérité et de sécurité telles que l'humanité n'en avait jamais connues.

Il suffit de porter nos pensées sur l'entre-deux-guerres pour nous rappeler les dangers d'une orientation contraire. Un mouvement protectionniste en Europe et en Amérique du Nord, symbolisé par les tarifs Smoot-Hawley chez vous, a plongé le monde dans la Grande Crise des années 1930.

Il faudra faire preuve de vigilance pour éviter les tragiques erreurs du passé. Nous entendons avec inquiétude au Canada les voix qui s'élèvent chez vous en faveur d'une « Forteresse Amérique » du XXIe siècle. Tout comme celles – non seulement dans votre pays – qui expriment une méfiance excessive au sujet du régime multilatéral d'ouverture que nous avons édifié. Les accords sur le commerce et sur le contrôle des armements sont nécessaires. Le changement climatique est bien réel. Je vous engage à faire entendre votre voix en faveur du leadership américain dans le monde. Les Canadiens vous donneront leur appui.

Notre défi commun consiste à créer les conditions de la croissance, de la prospérité et de la stabilité au cours du prochain siècle. Nul ne peut prédire au juste la forme que prendront les changements qui transforment rapidement notre monde. Chose certaine, la nouvelle économie mondiale qui transcende de plus en plus les frontières pourrait rehausser grandement les niveaux de vie, non seulement dans nos deux pays, mais partout dans le monde.

Nous aurons l'occasion de poursuivre nos efforts en ce sens ici même, à Québec. En effet, je suis heureux d'annoncer que cette ville sera l'hôte du troisième Sommet des Amériques – le premier du prochain millénaire – du 20 au 22 avril 2001.

À la veille du nouveau millénaire, reconnaissons que nous avons beaucoup de chance d'être voisins. Nous en sommes bien conscients au Canada. Je suis sûr que vous l'êtes aussi.

Le Président Reagan a déclaré il y a environ 14 ans, lors d'une visite à Québec : « Plus que des amis et des voisins et alliés, nous sommes des frères qui entretiennent la relation la plus productive qui soit entre deux pays à notre époque. »

Cette relation particulière continuera d'offrir d'énormes possibilités. Aux plans de la croissance et de la prospérité, certes, mais surtout de l'édification d'un monde que nous serons fiers de léguer aux générations qui suivront.

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