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26/02/1997

Un rapport de la Commission sur les revendications des Indiens qualifie de «viciée dans son concept, son adoption et sa mise en oeuvre» la cession de terre effectuée en 1907 par la Première Nation kahkewistahaw

Pour conclure, nous estimons que cette transaction s'est faite de manière imprudente, inconsidérée et intéressée, et que le gouverneur en conseil aurait mieux fait de ne pas donner son consentement [à une telle cession].

Ottawa (26 février 1997) - Les commissaires de la Commission des revendications des Indiens étaient à Regina aujourd'hui pour rendre public leur rapport sur la revendication de la Première Nation kahkewistahaw concernant une cession de terre. Le rapport condamne sans ambages le gouvernement fédéral pour avoir soutiré à la Première Nation 33 281 acres de terre de premier ordre - pratiquement les trois quarts des 46 816 acres que comportait la réserve originelle.

«Nous recommandons que le gouvernement accepte pour négociation la revendication de la Première Nation kahkewistahaw en vertu de la politique des revendications particulières, a déclaré le coprésident James Prentice. Notre décision s'appuie sur la jurisprudence, sur les précédents juridiques et sur un examen attentif des documents historiques. Pourtant, il suffit de considérer les faits pour être convaincu que les Kahkewistahaw ont été exploités.»

La cession s'est faite en 1907, à une époque où le gouvernement canadien, obsédé par le développement économique, encourageait la colonisation de l'Ouest. Des colons non autochtones se sont mis à convoiter les excellentes terres agricoles de certaines collectivités indiennes, d'où des tensions presque inévitables.

Dans le région entourant la Réserve no 72 des Kahkewistahaw, sur la rive sud de la rivière Qu'Appelle à quelque 130 km à l'est de Regina, les colons locaux ont fait pression sur le gouvernement pour obtenir une cession qui libérerait une partie des terres de la Première Nation. Le gouvernement se trouvait donc coincé entre son obligation de protéger la Première Nation contre l'exploitation et son désir de voir l'Ouest se peupler et se développer. C'est dans ce contexte que les Kahkewistahaw ont été amenés à céder une portion de leurs terres.

Bien sûr les intérêts des gens doivent passer en premier et si l'on en vient à opposer les intérêts des Blancs à ceux des Indiens, les intérêts des Blancs devront primer. - Frank Oliver, ministre de l'Intérieur et surintendant des Affaires indiennes 30 mars 1906

La cession s'est faite en janvier 1907, au coeur de l'hiver, au moment où la maladie et la disette avaient affaibli la détermination de la Première Nation. La maladie, la privation et la famine avaient déjà contribué à ramener la population de la Première Nation de 365 à 84 au terme des 30 années qui s'étaient écoulées depuis son adhésion au Traité 4. Le chef Kahkewistahaw - qui avait opposé un refus catégorique aux offres de cession antérieures - venait de décéder et avait laissé la Première Nation sans dirigeant. C'est dans ces circonstances éprouvantes que l'agent du gouvernement s'était présenté aux réunions préliminaires, argent en main, résolu à obtenir une cession et promettant une indemnisation immédiate. La Première Nation a néanmoins rejeté l'offre de cession par un vote de 14 contre 5 à la première réunion. Mais cinq jours plus tard, inexplicablement, la Première Nation changeait d'avis après 22 ans de refus et approuvait la cession par une majorité de 11 à 6.

Par cette cession, les Kahkewistahaw perdaient presque les trois quarts de leur assise territoriale originelle et se retrouvaient avec quelques acres de terres pratiquement incultivables. Ils devaient survivre sur les escarpements et les basses terrasses de la vallée de la Qu'Appelle, presque totalement dépourvus de terres fertiles à exploiter.

D'un point de vue technique, il n'y a eu aucune irrégularité dans la procédure de cession, ce qui empêche la Première Nation kahkewistahaw de pouvoir récupérer les terres cédées en 1907. Mais le rapport de la Commission montre que le gouvernement a manqué à ses obligations de fiduciaire à l'égard de la Première Nation en exerçant des pressions sur elle pour qu'elle renonce à son patrimoine.

«La différence entre ce qui a été cédé et ce qui a été conservé est scandaleuse, a déclaré le commissaire Roger Augustine. Non seulement la bande a cédé la majeure partie de ses terres, mais elle a dû renoncer aux meilleures terres. La Première Nation a fait appel à un ingénieur agronome qui a confirmé la supériorité des terres cédées. Il a signalé que cette différence aurait été aussi manifeste en 1907 qu'aujourd'hui.»

«Le gouvernement a une obligation de fiduciaire - c'est-à-dire de protection - à l'égard des Premières Nations. Dans le cas qui nous occupe, on voit que le Canada a non seulement mal protégé la bande contre les rapaces qui voulaient s' approprier ses terres, mais qu'il a lui-même procédé de façon abusive. Les fonctionnaires des Affaires indiennes ont usé de leur pouvoir et de leur influence pour mettre le grappin sur des terres très fertiles convoitées par le gouvernementdepuis une bonne vingtaine d'années, a dit le coprésident James Prentice. À notre avis, cet événement marque sans aucun doute un creux de vague dans la relation entre Autochtones et non-Autochtones dans les Prairies. Nous espérons que notre rapport amènera le gouvernement canadien à reconnaître sa responsabilité et à accorder la réparation équitable qui s'impose.»

La CRI a été créée en 1991 pour faire enquête, à la demande des Premières Nations, sur les revendications particulières rejetées par le gouvernement fédéral ou sur les revendications particulières acceptées par le gouvernement fédéral mais dont les critères d’indemnisation retenus sont contestés par les Premières Nations touchées. En outre, la CRI offre des services de médiation, après entente des parties, à toute étape du processus de règlement des revendications.

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