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Discours

2007 | 2005

22/03/2005

La Commission des revendications particulières comme instrument de règlement des revendications particulières des Premières Nations

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1- Introduction
2- Le mandat de la Commission
3- Le processus d’enquête de la Commission
4- Les fondements d’une revendication particulière
5- Des règlements découlant de la médiation par la Commission
6- Des statistiques révélatrices
7- Le règlement des revendications particulières : une opportunité de développement économique
8- Conclusion
9- Notes de bas de page

La Commission des revendications particulières comme instrument de règlement des revendications particulières des Premières Nations

Me Renée Dupuis, présidente,
Commission des revendications des Indiens
les 22 et 23 mars 2005

1- Introduction

Qui se rappelle aujourd’hui que la Commission des revendications particulières des Indiens a été créée dans la foulée de la crise d’Oka? Et pourtant, la création de cette commission d’enquête fédérale1, connue sous le nom de Commission des revendications des Indiens2 fait partie du plan d’action élaboré en réponse à cette crise, par le gouvernement canadien et rendu public à l’automne 1990, par le Premier ministre de l’époque, Brian Mulroney.

La Commission des revendications des Indiens exerce son mandat en vertu de la première partie de la loi fédérale sur les enquêtes. La commission est venue s’ajouter à un processus administratif d’examen des revendications particulières des bandes indiennes établi plus de 15 ans auparavant par une politique interne du ministère fédéral des Affaires indiennes et du Nord. Elle est un mécanisme quasi-judiciaire de révision de certaines décisions rendues par le ministre.

La Constitution canadienne prévoit que les Indiens et les terres réservées qui leur sont réservées relèvent de la compétence fédérale. C’est dans le cadre de cette compétence, que le ministre des Affaires indiennes, Jean Chrétien, avait déclaré à la Chambre des Communes, en 1973, que le gouvernement envisageait de régler, par le négociation, deux catégories de « revendications » : les revendications « globales » et « particulières ».

Les revendications globales sont celles fondées sur un titre autochtone existant (qui n’a pas été cédé ni éteint), comme les négociations tripartites actuelles, amorcées en 1979, avec les Premières nations innues (du nord-est du Québec) et atikamekw (du nord-ouest du Québec). Les éléments de cette politique seront précisés en 1981 dans un document publié sous le titre « En toute justice ».3

Les revendications particulières sont celles qui découlent du non-respect d’une obligation légale dans certaines circonstances énumérées dans la politique publiée en 1982 sous le titre « Dossiers en souffrance ».4 On parle ici de contentieux non résolus depuis plusieurs décennies dans la majorité des cas, ce qui découle certainement du contexte créé par l’inscription d’une disposition dans la Loi sur les Indiens5 en 1927. Cette loi a interdit, entre 1927 et 1951, aux Premières nations de retenir, sans l’autorisation préalable écrite du gouvernement, les services d’avocats pour intenter des procédures judiciaires pour faire valoir leurs droits. Toute personne qui sollicitait ou recevait des honoraires en contravention de cette disposition de la loi, était passible d’une amende allant jusqu’à $ 200.00 ou d’une peine d’emprisonnement maximale de 2 mois.

Nous allons nous concentrer, dans notre exposé, sur les revendications particulières qui sont directement au cœur du mandat de la Commission des revendications des Indiens. Cette Commission a donc vu le jour dans un contexte politique chargé et dans un contexte juridique totalement nouveau par rapport au moment de la formulation de cette politique en 1973.

Il faut rappeler un précédent important sur le plan constitutionnel : la reconnaissance et la confirmation, dans la Loi constitutionnelle de 1982, des droits existants

- ancestraux ( qui renvoient entre autres aux revendications globales ) et

- issus de traités conclus avec des peuples autochtones ( Indiens, Inuits et Métis).

Les traités sont au cœur de la relation particulière établie entre la Couronne et les peuples autochtones. Il est important de noter un autre précédent intervenu en 1984, avec l’arrêt Guerin6, dans lequel la Cour suprême du Canada a interprété la relation entre la Couronne et les Indiens de relation de fiduciaire, laquelle crée, dans certaines circonstances, une obligation de fiduciaire dont le manquement peut être sanctionné par les tribunaux. La Cour suprême dira, dans l’arrêt Sparrow7, en 1990, que cette relation de fiduciaire existe non seulement entre la Couronne et les Indiens, mais à l’égard de tous les peuples autochtones (Inuits et Métis).

2- Le mandat de la Commission

La Commission des revendications des Indiens a le mandat de faire enquête et rapport dans deux contextes précis:

1- sur la validité des revendications particulières qui ont été rejetées par le ministre des Affaires indiennes et du Nord
2- sur les critères de compensation applicables dans la négociation d’une revendication, lorsqu’une Première nation requérante conteste les critères retenus par le ministre pour négocier le règlement de cette revendication.

La politique prévoit une liste de 10 critères de compensation pour les pertes et les dommages subis en raison des manquements de la Couronne à ses obligations. Les compensations sont versées sous forme d’indemnités monétaires. Quant la revendication porte sur des événements intervenus avant 1867 et sur des terres à l’intérieur d’une province, le Canada exige que la province concernée assume une partie du règlement de l’indemnité. Le règlement d’une revendication doit tenir compte des droits et intérêts des tierces parties.

De plus, la Commission peut, de consentement des parties (la Première nation requérante et le ministère des Affaires indiennes) fournir des services de médiation pour faciliter le règlement de toute question relative à une revendication particulière.

La Première nation peut obtenir du financement (sous forme et contribution et de prêt) du ministère des Affaires indiennes selon des critères établis par le gouvernement, que ce soit à l’étape de la préparation et du dépôt de la revendication au ministère, soit à l’étape de l’enquête ou de la médiation de la Commission.

La Commission intervient donc une fois qu’une revendication a été rejetée, c’est-à-dire après que le ministère ait refusé de reconnaître quelque responsabilité que ce soit, sur la foi de l’opinion juridique émise par le ministère de la Justice. La Première nation n’est pas nécessairement représentée ou assistée par un avocat quand elle soumet le dossier de sa revendication au ministère des Affaires indiennes. Dans ce cas, il s’ensuit que l’examen fait par le ministère n’a pas le bénéfice d’arguments juridiques à l’appui de la position de la Première nation. De plus, comme le processus d’analyse se fait exclusivement à partir de documents à cette étape, la Première nation n’a pas l’occasion de faire entendre des témoins.

L’absence de représentation met en cause la préservation des droits et des intérêts d’une Première nation, et de façon plus générale la question de l’administration de la justice. Ne devrait-on pas s’assurer qu’une Première nation a eu le bénéfice de conseils juridiques indépendants avant le dépôt d’une revendication qui risque d’affecter ses droits, ou du moins qu’elle a été avisée de l’utilité de solliciter de tels conseils? L’expérience démontre que des dossiers préparés par des chercheurs sans qualifications juridiques ont mené au rejet d’une revendication. Ce n’est qu’au cours ou à la suite de l’enquête consécutive à ce rejet menée par la Commission, que le Canada a accepté de revenir sur ce rejet, après avoir entendu les arguments juridiques présentés par les avocat(e)s de la Première nation.

Ce processus a fait l’objet de critiques virulentes selon lesquelles le ministère est juge et partie dans l’analyse de ces revendications, ce qui le place dans un conflit d’intérêt : le ministre examine la revendication et décide, sur la foi d’une opinion confidentielle du ministère de la Justice qui n’est pas communiquée à la Première nation concernée, s’il estime qu’il a contrevenu à une de ses obligations à l’endroit de cette Première nation, s’il va, par conséquent, accepter de négocier le règlement de cette revendication. Dans le cas où il ne se reconnaît pas d’obligation, le ministre des Affaires indiennes rejette la revendication.

3- Le processus d’enquête de la Commission

La neutralité et l’impartialité sont des caractéristiques importantes du travail de la Commission. La Commission n’est pas le porte-parole d’une ou l’autre des parties qui paraissent devant elle, que ce soit le gouvernement fédéral ou une Première nation.

La procédure d’enquête adoptée par la Commission favorise la présentation de témoignages de membres de la communauté concernée, souvent des aînés, et ce, dans leur réserve. La Commission se déplace donc partout au Canada pour entendre ces témoignages. C’est un des éléments inédits de la procédure d’enquête, qui permet souvent pour la première fois, à la Première nation et à ses témoins d’exprimer leurs perspectives et leur position sur leur revendication.

Ces témoignages constituent une source importante de preuve dans l’instruction des revendications particulières. La Commission a fait preuve de pionnière en intégrant l’histoire et la tradition orale des Premières nations comme partie intégrante de sa procédure d’enquête. La Cour suprême du Canada a reconnu, en 1997, la valeur essentielle de la preuve orale, malgré que ce type de déclarations extrajudiciaires entrent en conflit avec la règle générale d’inadmissibilité du ouï-dire.

« Malgré les problèmes que crée l’utilisation des récits oraux comme preuve de faits historiques, le droit de la preuve doit être adapté afin que ce type de preuve puisse être placé sur un pied d’égalité avec les différents types de preuve historique familiers aux tribunaux, le plus souvent des documents historiques. »:8

Les documents historiques passent en général sous silence la perspective et la contribution des peuples autochtones à l’histoire de ce pays. C’est cette lacune que le jugement Delgamuukw et la procédure de témoignages adoptée par la Commission entendent combler. Ces témoignages complètent l’analyse historique du dossier menée par les chercheurs de la Commission à partir du dossier soumis par la Première nation et par le Canada. C’est là une des contributions majeures de la Commission à une meilleure compréhension de l’histoire, tant par les Premières nations elles-mêmes que par les Canadiens en général.

La première étape de l’enquête consiste en une conférence de planification lors de laquelle la Commission et les avocats de représentants des parties discutent des questions de droit et de fait en litige et des modalités de l’enquête. En cas de désaccord des parties, c’est le comité d’enquête (habituellement formé de 3 commissaires) qui déterminera les questions qui feront l’objet de l’enquête. C’est bien souvent la première fois que les représentants de la Première nation et leur procureur ont l’occasion de discuter du litige avec les représentants du gouvernement fédéral. Cet aspect de la procédure est très important parce qu’il favorise une meilleure compréhension des positions respectives des parties.

L’avocat(e) de la Commission se rend ensuite dans la communauté rencontrer les témoins de la Première nation, membres de la communauté, pour recueillir l’essentiel de leur témoignage, et en fait un résumé qui est ensuite communiqué à l’avocat du Canada. Les deux parties peuvent de plus déposer des rapports d’experts, lesquels pourront ensuite témoigner et être contre interrogés par le comité d’enquête, si ce dernier l’estime nécessaire.

Une session communautaire a ensuite lieu pendant laquelle les témoins sont interrogés par l’avocat(e) de la Commission. Le contre-interrogatoire des témoins membres de la communauté n’est pas permis, mais les avocats de la Première nation et du Canada peuvent leur adresser des questions par l’entremise de l’avocat(e) de la Commission. Ces sessions présentent des défis particuliers, par exemple l’interprétation des propos de témoins aînés qui s’expriment dans leur langue maternelle, quand celle-ci n’est ni l’anglais ni le français.

Après que les deux parties aient soumis leurs plaidoiries écrites et les aient présentées oralement au comité d’enquête, ce dernier délibère et rend ensuite public ses conclusions et sa recommandation sur la validité de la revendication. S’il juge que la revendication est fondée, il recommandera au ministre de Affaires indiennes de reconsidérer sa décision initiale et de négocier le règlement de la revendication. Il peut arriver que le Canada en vienne à la décision de reconsidérer sa position initiale durant le cours d’une enquête ou à la suite du rapport d’enquête reçue à la fin de l’enquête.

4- Les fondements d’une revendication particulière

La politique fédérale prévoit que le gouvernement fédéral est prêt à reconnaître sa responsabilité s’il est démontré qu’il n’a pas respecté une obligation légale dans les circonstances suivantes :

1- le non- respect d’un traité ou d’un accord entre les Indiens et la Couronne. Les termes « traités » et « accord ne sont pas définis. On retrouve dans cette catégorie, les revendications fondées sur le non-respect des traités historiques signés entre la Couronne et les Indiens, et plus particulièrement les traités « numérotés » portant sur la cession par les Premières nations de leurs droits territoriaux sur les terres de l’Ontario à la Colombie-britannique et une partie des Territoires du Nord-Ouest. Par exemple, la revendication de la Première nation de Long Plain au Manitoba a été réglée en 1994 pour une somme de 16,5 millions de dollars, en compensation pour l’insuffisance de la superficie de terres reçues comparativement à la superficie à laquelle cette Première nation avait droit en vertu du traité no 1 signé en 1871. De même, le gouvernement fédéral a versé, en 2000, une compensation de 23 millions de dollars à la nation de Kawacatoose en Saskatchewan,9 pour compenser l’insuffisance de la superficie que cette première nation a reçue conformément au traité no 4 auquel elle a adhéré en 1874. Dans ce dernier cas, le règlement est intervenu après qu’une enquête de la Commission ait recommandé au gouvernement fédéral de reconsidérer sa position.

2- Un manquement à une obligation découlant de la Loi sur les Indiens ou d’autres lois et règlements relatifs aux Indiens. Par exemple, le gouvernement fédéral a reconnu sa responsabilité, au cours de l’enquête menée par la Commission en 2003, découlant du fait qu’il a laissé construire un pont et une route provinciale, en contravention de la Loi sur les Indiens, dans les limites de la réserve des Montagnais-Innus de Betsiamites sur la Côte nord du Québec, dans les années 1930. De même, la cession illégale en 1904 de la réserve des Quarante Arpents appartenant aux Hurons-Wendats dans la région de Québec a fait l’objet d’un règlement de 12 millions de dollars.

3- Un manquement à une obligation découlant de la responsabilité administrative du gouvernement fédéral à l’égard des fonds ou autres biens appartenant à des bandes. Par exemple, le gouvernement fédéral a reconnu sa responsabilité, en 1998, pour les pertes subies par la Tribu des Blood-Kainaiwa en Alberta découlant d’erreurs dans la description des terres arpentées conformément au traité signé no 7 en 1877.10


4- L’aliénation illégale de terres indiennes.

S’ajoutent les deux circonstances suivantes dites au delà de l’obligation légale :

1- Le défaut de compensation en regard des terres prises par le gouvernement fédéral ou un organisme relevant de son autorité.
2- Une fraude commise par des employés ou mandataires du gouvernement dans l’acquisition ou l’aliénation de terres indiennes.

Il est important de préciser que la politique prévoit que la prescription légale ou la règle de common law du retard indu à exercer un recours ne s’appliquent pas à l’encontre d’une revendication particulière.

La responsabilité de fiduciaire établie par la Cour suprême du Canada depuis l’arrêt Guerin est venue ajouter un élément important dans l’analyse de la responsabilité du gouvernement fédéral dans l’analyse des obligations légales de la Couronne dans le contexte des revendications particulières. Depuis 1984, les Premières nations peuvent en effet invoquer que les violations à ces obligations légales constituent des manquements à l’obligation de fiduciaire de la Couronne, un concept qui n’existait pas au moment de l’adoption de la politique fédérale sur les revendications. Le gouvernement fédéral l’a d’ailleurs reconnu en incluant un manquement à son obligation de fiduciaire comme fondement d’un recours au centre de règlement des revendications particulières des Premières nations dont la loi a été votée par le Parlement en novembre 2003.11

5- Des règlements découlant de la médiation par la Commission

La Commission s’assure de mettre de l’avant la possibilité de recourir à ses services de médiation à toutes les étapes de sa procédure. Les parties à une revendication peuvent à tout moment recourir, de consentement, à ses services de médiation. La médiation peut se dérouler dans le cours d’une enquête ou une enquête peut être suspendue et référée en médiation. La Commission a été impliquée dans plusieurs dizaines de médiations depuis sa création, allant de dossiers simples impliquant une seule question en litige et deux parties (une Première nation et le gouvernement fédéral) à des dossiers extrêmement complexes impliquant plusieurs questions en litige et plusieurs parties autochtones et plusieurs niveaux de gouvernement (fédéral, provincial, municipal) sans compter des tiers privés.

De plus, les services de médiation de la commission mettent l’accent sur des processus conjoints : recherches, analyse et définition des questions en litige, engagements de chercheurs et définition des paramètres de leur mandat, etc., ce qui représente une économie de coûts appréciable. En effet, on évite alors les coûts financiers et autres associés aux dédoublements et aux délais qu’entraînent par exemple, une recherche menée par une Première nation, sur la valeur monétaire en dollars d’aujourd’hui de la perte d’usage de terres aliénées illégalement à la fin du 19e siècle dans la région de Toronto, une recherche consécutive effectuée par le gouvernement fédéral et les débats inévitables qui risquent de s’ensuivre en cas de désaccord. Quand on sait que le tout est financé par des fonds publics et que la coopération peut se développer plus facilement entre les parties dans le cadre de tels processus conjoints, la Commission estime que la médiation présente des avantages indéniables pour le règlement de ces revendications. Comme toute approche de médiation, cela demande aux avocats des parties de s’ajuster en laissant de côté les stratégies centrées uniquement sur les droits et les positions juridiques au profit de stratégies privilégiant les intérêts des parties à conclure un règlement.

Des règlements importants sont intervenus à la suite des enquêtes et de la médiation effectuées par la Commission, plus particulièrement avec des Premières nations de la Saskatchewan. Par exemple, le gouvernement fédéral a versé 41 millions de dollars à la Première nation de Moosoomin et 53 millions de dollars à la Première nation de Thunderchild en 2003, de même que 94,5 millions de dollars à la Première nation de Kahkewistahaw12 en 2002, pour les indemniser à la suite de cessions illégales de terres de leur réserve respective.

6- Des statistiques révélatrices

Au 30 septembre 2004, 1285 revendications particulières ont été soumises au ministère des Affaires indiennes et du Nord, dont 100 seulement proviennent de Premières nations du Québec. Un nombre de 264 revendications avaient été réglées à la même date, dont 17 seulement proviennent du Québec. Rien de laisse prévoir que le nombre de revendications particulières va aller en diminuant, au contraire. La plus grande accessibilité aux dossiers administratifs gouvernementaux que permettent maintenant les lois d’accès à l’information va probablement entraîner plus de demandes que celles qui ont été déposées depuis les 30 dernières années.

Plus de 124 demandes d’enquêtes et 36 demandes de médiation ont été déposées à la Commission depuis 1991. Sur les 60 enquêtes complétées, presque la moitié des recommandations de la Commission ont été acceptées par le gouvernement fédéral, ce qui a mené à l’ouverture de négociations et dans certains cas, à des règlements. Plus du tiers des médiations ont mené à un règlement. La Commission apporte ainsi une contribution importante dans le règlement des revendications qui lui sont soumises.

7- Le règlement des revendications particulières : une opportunité de développement économique

Le règlement des revendications particulières des Premières nations peut contribuer à l’économie canadienne et à l’instauration d’un climat stable et sûr dans lequel les entreprises pourront se développer et prospérer. Les Premières nations reçoivent ce qui leur revient légalement. Il faut comprendre que la fin de ces litiges favorisera l’amélioration de l’économie canadienne dans son ensemble et contribuera à la prospérité de tous les Canadiens, tant autochtones que non-autochones. Tous y ont à gagner : les Premières nations, les gouvernements, les entreprises et les citoyens en général.

Les indemnités financières versées aux Premières nations en règlement d’une revendication peuvent être investies dans des travaux d’infrastructures, des programmes de formation ou la création d’entreprises, non seulement dans la communauté, mais également en partenariat avec les communautés avoisinantes. Ces indemnités permettent aux Premières nations de développer leur expertise et d’arriver plus rapidement à l’autonomie sur le plan économique.

L’incertitude actuelle générée par le grand nombre de litiges non réglés nuit à l’expansion des investissements dans de nombreuses régions du Canada, que ce soit la construction d’un pipeline pour l’acheminement du gaz naturel de l’Alaska aux États-unis, l’exploitation forestière sur la Côte nord du Saint-Laurent ou en Colombie-Britannique ou l’exploitation minière au Yukon. Par conséquent, les entreprises et les promoteurs, tant autochtones que non autochtones hésitent à lancer de nouvelles opérations dans les régions où le règlement des revendications demeure en suspens. Le règlement de ces litiges va diminuer l’incertitude actuelle présente dans plusieurs régions du Canada sans compter les économies qui seront réalisées l’investissement de fonds publics et privés dans la réalisation de projets de développement plutôt que ces sommes importantes soient dépensées dans des litiges judiciaires qui s’étirent sur des années.

La relation de fiduciaire qui existe entre le gouvernement et les Premières nations trouve son prolongement dans un partenariat qui a des retombées économiques autant que juridiques. Les tribunaux, et plus particulièrement la Cour suprême du Canada vient de le rappeler dans deux décisions rendues en novembre 2004 : les arrêts Nation haïda13 et La Première nation Tlingit de Taku River.14 Dans ces deux arrêts, la Cour a déterminé que la Couronne provinciale (mais pas les tiers entrepreneurs et promoteurs) a une obligation de consultation et d’accommodement qui découle de son obligation de fiduciaire, même avant que les droits aient été établis. De plus en plus d’entreprises réalisent d’ailleurs que le développement de partenariats avec les Premières nations qui vivent dans les régions où elles veulent mener des projets de développement économique, offrent de meilleures perspectives de succès.

8- Conclusion

Les revendications particulières des Premières nations comportent des questions juridiques complexes. Ce sont des questions de droit. Ce sont également des questions sociales qui ont acquis une importance qu’on ne peut plus négliger, compte tenu de leurs impacts sur l’ensemble de la société. La réflexion sur ces question en pleine évolution depuis 30 ans et le demeurera durant les prochaines décennies. C’est une question qui interpelle non seulement les avocats, mais la société toute entière.

9- Notes de bas de page

1Décret C.P. 1991-1329, modifié par le Décret C.P. 1992-1730

2Dans ce texte, l’emploi du terme « Première nation », qui est maintenant couramment employé pour désigner les « Indiens » ou les « bandes indiennes », a été retenu. Ces derniers termes sont utilisés quand ils réfèrent directement à la Constitution Canadienne, aux lois et aux politiques fédérales.

3En toute justice, Une politique des revendications des Autochtones, Revendications globales, Ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1981.

4Dossiers en souffrance, Une politique des revendications des Autochtones, Revendications particulières, Ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1982.

5Loi concernant les Indiens S.R. 1927, c.98, art. 141.

6Guerin c. R. [1984] 2 R.C.S . 335.

7R. c. Sparrow [1990] 1 R.C.S. 1075.

8Delgamuukw c. Colombie-Britannique [1997] 3 R.C.S.1010, par. 87.

9Enquête sur les droits fonciers issus de traités, Première nation de Kawacatoose, Actes de la Commission des revendications des Indiens (1996) 5 ACRI.

10Enquête sur la revendication de la tribu des Blood-Kainaiwa, Cession consentie à Akers en 1889, Actes de la Commission des revendications des Indiens, (2000) 12 ACRI.

11Cette loi qui a reçu la sanction royale n’est toujours pas en vigueur, le ministère des Affaires indiennes et du Nord ayant décidé de reprendre des pourparlers avec l’Assemblée des Premières nations, dans le but de venir à bout de son opposition à la loi. Le centre qui doit être créé agira comme organisation parapluie à une commission de médiation et à un tribunal spécialisé qui aura une juridiction finale sur ces revendications.

12Revendication de la Première Nation de Kahkewistahaw relative à la cession de 1907 (médiation), Actes de la Commission des revendications des Indiens (2004) 17 ACRI.

13Nation haïda c. Colombie-Britannique(Ministre des Forêts) 2004 CSC 73.

14Première nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique(Directeur d’évaluation de projet) 2004 CSC 74.