Qu'est-ce qu'une légende?
Elle se distingue du conte en ce qu'elle est
localisée et fait objet de croyance. Le conte est surtout
un récit fictif et merveilleux. Mais la légende,
elle, est un récit populaire qui repose sur un fond
que l'on peut appeler historique ou du moins prétendu
historique. Elle est transmise par tradition orale. Dans le
cas du mythe, ce sont les dieux qui jouent le rôle important.
Enfin, légendes et mythes viennent du besoin naturel
qu'a l'homme depuis les temps préhistoriques de tout
expliquer. Ici au pays, les Indiens ont des légendes
pour chaque phénomène de la nature.
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Fonds Catherine-Jolicoeur, 63.017
État actuel
Transcription de la pensée du peuple
et symbole de ses aspirations, la légende a servi d'instrument
à ceux qui voulaient l'utiliser pour arriver à
leurs fins. Depuis les conteurs traditionnels, qui n'avaient
d'autre but que d'instruire, moraliser et amuser, jusqu'aux
chefs d'État qui l'ont fait servir à des fins
politiques, la légende s'est propagée dans le
peuple avec plus ou moins d'intensité selon l'époque.
Après des siècles de transmission
et d'acceptation, la légende a subi les coups de boutoir
de la science ridiculisant des récits d'analphabètes
qui n'apportaient aucune preuve concrète à leurs
interprétations légendaires. Les savantes rationalisations
de la science éclairaient les phénomènes
naturels et même surnaturels. Le christianisme y a ajouté
ses efforts pour détruire les superstitions qui ne
s'accordaient pas avec ses dogmes.
Au XXe siècle, les nations,
en face de la légende, se divisent en trois catégories.
D'abord, les autorités des pays fortement industrialisés
semblent indifférentes et souvent opposées à
la tradition. D'autres continuent à enrichir le fonds
de légendes reçues des ancêtres. Une troisième
catégorie est formée de chefs d'État
qui manipulent leur héritage culturel pour le faire
servir à des fins politiques. Dans les milieux nord-américains,
on retrouve les trois tendances mentionnées plus haut.
Aux États-Unis, les folkloristes du début avaient bien de la difficulté à faire reconnaître la grande valeur humaine et scientifique de leurs travaux. Mais une enquête vient de sensibiliser les membres du congrès américain à cette valeur. En effet, elle a révélé qu'une des causes des malaises socio-politiques américains, source du mécontentement des gens, résulte du fait que ceux-ci, venant de pays divers, sont coupés de leurs racines (folklore) et engloutis dans le melting pot américain. Ils exprimaient leur frustration en participant à des études ou des manifestations anti-américaines dont la vraie cause ne semblait aucunement reliée à celles qu'ils défendaient.
Au Canada, l'attitude des débuts envers
les folkloristes ressemble à celle des voisins du sud.
Mais actuellement, dans les grands centres universitaires,
on attache une importance de plus en plus grande à
la recherche sur les traditions orales. Un certain engouement
perce ici et là pour la légende et, dans quelques
milieux, on cherche à l'orienter vers une montée
du nationalisme.
Mais le peuple, en général,
conserve ses traditions sinon dans toute leur pureté,
du moins dans leur intégrité et les transmet
avec toutes les modifications inévitables.
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Fonds Catherine-Jolicoeur, 63.011
Qu'est-ce que le vaisseau-fantôme?
C'est un phénomène naturel que
l'on aperçoit dans la Baie des Chaleurs. Il prend souvent
la forme d'un bateau en feu qu'on ne peut jamais atteindre.
À mesure qu'on s'en approche, il s'éloigne.
C'est pour cela qu'on l'appelle le bateau-fantôme. Un
le voit aussi dans les cours d'eau de presque tous les pays
du monde.
Dans le passé, les gens qui ne connaissaient
pas scientifiquement un phénomène inventaient
des légendes pour l'expliquer. Par exemple, le tonnerre
et les éclairs étaient, pour eux, la manifestation
de la colère d'un dieu. Alors, ils offraient des sacrifices
et le dieu s'apaisait, c'est-à-dire que l'orage prenait
fin.
Le vaisseau-fantôme est entouré
de légendes. On dit que c'était le bateau du
diable parce qu'un capitaine, dans un moment de colère,
aurait dit : «Que l'diable l'emporte!» Et le démon
s'en est emparé et se promène sur la mer dans
un bateau en feu avec ses damnés.
Ou bien, c'est un bateau de pirates ou d'autres
méchants qui se querellaient en blasphémant
et qui commettaient toutes sortes de crimes. En punition,
leur bateau a brûlé et continue d'apparaître.
Il sert ainsi de leçon à ceux qui se conduisent
mal, car eux aussi seront punis et brûleront un jour
en enfer.
«J'ai recueilli 1074 histoires du bateau-fantôme.
La dernière est celle d'un jeune de 104 ans, monsieur
Fred Cormier de Sainte-Anne-du-Bocage. Voici ce qu'il dit:
«L'bateau-fantôme, j'l'ai vu
en d'hors d'icite; comme i faut. C'était comme un
bateau, les voiles, pis tout ça. Il était
toute en feu. l disont qu'c'était une parsonne qu'avait
traversé de c'bord icite. l avait péri pis
i r'venait.»
Par Catherine Jolicoeur, publié dans
le journal étudiant de l'École régionale
de Paquetville, décembre 1974.
Le bateau de feu
C'est le plus connu en Amérique du
Nord. En Acadie il a plusieurs noms : feu du mauvais temps,
bateau-sorcier, bateau du mauvais temps, bâtiment forban,
etc. Parfois on va même jusqu'à donner le nom
des navires qui ont fait naufrage: le John Craig (1800) et
le Ann Currier. On dit que, lorsqu'un ouragan se prépare,
une boule de feu s'élève de la mer, s'étend,
devient un navire en feu, puis disparaît.
Ce bateau de feu ne peut pas être photographié,
mais il est bien imprimé dans la mémoire des
témoins, qui sont très nombreux. La plupart
s'accordent à dire que le bateau a trois mâts
et mesure environ 75 pieds.
Selon la région, il se déplace
de l'est à l'ouest ou vers le nord, très rapidement,
finit par se consommer ou exploser et il sombre dans la mer.
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Fonds Catherine-Jolicoeur, 63.017
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