Sir CHARLES TUPPER: Je ne crois pas avoir pris une trop grande
partie du temps du comité, comme l'admettront les honorables
députés, et je désire occuper l'attention
quelques moments encore; mais, dans les circonstances, je croirais
manquer de respect envers le comité, en ne prenant pas
l'occasion, tout désireux que je sois, de retarder le moins
possible la considération du bill, de relever les énoncés
faits et réitérés par les honorables membres
de la gauche.
Ces honorables messieurs ont répété, dans
ce débat, que le gouvernement fédéral avait
traité le gouvernement du Manitoba en ennemi. Je suis heureux,
M. l'Orateur, que nous puissions enfin prouver combien cette assertion
est peu fondée.
L'honorable député qui vient de parler et qui m'a
complimenté d'avoir consigné aux Débats l'Acte
des écoles de la Nouvelle-Écosse que j'ai eu l'honneur
de présenter et de faire adopter dans cette législature,
et les autres honorables membres de cette Chambre semblent oublier
entièrement la position que nous occupons. Ils semblent
s'imaginer que ce parlement s'engage en rédigeant une loi
secondaire, que nous avons carte blanche pour faire une loi scolaire
aussi parfaite que possible. C'est là une impression tout
à fait fausse. Ce n'est pas là du tout la position.
S'il en était ainsi, l'attitude de plusieurs des honorables
membres des deux côtés de cette Chambre, serait bien
différente de celle qu'ils ont prise sur cette question,
et, conséquemment, je désire attirer brièvement
l'attention de la Chambre sur le fait que cette importante conférence
qui a eu lieu à Winnipeg à ce sujet a, à
mon avis, été d'une grande utilité pour l'étude
de cette question.
Le chef de l'opposition prétend depuis longtemps qu'il
était du devoir du gouvernement d'instituer une commission
pour s'enquérir des faits, et il a fait grands frais de
temps et de talent pour s'efforcer de convaincre la Chambre et
le pays qu'il était impossible de régler cette question
avant d'avoir d'abord formé une commission pour s'enquérir
des faits. Cette illusion a été détruite.
Quelques VOIX:: Oh! oh!
Sir CHARLES TUPPER.: Oui; je dis que cette illusion a été
complètement détruite par la conférence de
Winnipeg. J'anticipe cependant un peu. La position dans laquelle
se trouve le gouvernement n'est pas de faire une loi, mais d'appliquer
la décision rendue par le comité judiciaire le Conseil
privé.
En vue de la position dans laquelle nous nous trouvons au sujet de cette question, je ne saurais mieux faire que de signaler à l'attention du pays quelle est la constitution du pays, relativement à la position du Manitoba et du gouvernement fédéral. L'Acte du Manitoba dit :
Dans la province, la législature pourra exclusivement décréter
des lois relatives à l'instruction, sujettes et conformes
aux dispositions suivantes :
(1.) Rien dans ces lois ne devra préjudicier
à aucun droit ou privilège conféré,
lors de l'union, par la loi ou par la coutume, à aucune
classe particulière de personnes dans la province, relativement
aux écoles séparées (denomonational schools.)
(2.) Il pourra être interjeté appel
au gouverneur général en conseil de tout acte ou
décision de la législature de la province ou de
toute autorité provinciale affectant quelqu'un des droits
ou privilèges de la minorité protestante ou catholique
romaine des sujets de Sa Majesté relativement à
l'instruction.
(3.) Dans le cas ou il ne serait pas décrété
telle loi provinciale que, de temps à autre, le gouverneur
général en conseil jugera nécessaire pour
donner suite et exécution aux dispositions du présent
article, -- ou dans le cas où quelque décision du
gouverneur général en conseil, sur appel interjeté
en vertu de cet article, ne serait pas dûment mise à
l'exécution par l'autorité provinciale compétente,
alors et en tout tel cas, et en tant seulement que les circonstances
de chaque cas l'exigeront, le parlement du Canada pourra décréter
des lois propres à y remédier pour donner suite
et exécution aux dispositions du présent article,
ainsi qu'à toute décision rendue par le gouvernement
en conseil sous l'autorité du même article.
Quelles étaient les dispositions de cet article ?
Elles comportent que le pouvoir exclusif de la législature
de légiférer cesse lorsqu'elle entreprend de légiférer
pour enlever à la minorité des droits et privilèges
dont elle jouissait.
M. DAVIES (I.P.-E.) : L'honorable ministre n'est-il pas encore
convaincu qu'il n'en est pas ainsi ?
Sir CHARLES TUPPER : Non, je suis non seulement convaincu
que cela est exact, mais s'il est dans la langue anglaise des
expressions propres à établir ce point d'une manière
concluante, elles se trouvent dans cet acte qui donne à
la législature du Manitoba le pouvoir exclusif de légiférer
en matière d'instruction, à la condition toutefois
qu'elle n'enlèvera aucun droit dont jouit la majorité
religieuse ; et il y a en outre cette disposition donnant
en droit d'appel au gouverneur général en conseil
au sujet de ces privilèges, et s'il est prouvé qu'ils
ont été enlevés, il est conféré
à ce parlement le pouvoir de légiférer. Voilà
la position.
Qu'est-il arrivé ? Personne, dans cette Chambre ou
dans le pays, nie que ces droits aient été enlevés.
Il est admis de tout le monde que des droits et privilèges
dont jouissait la minorité catholique du Manitoba jusqu'en
1890, ont été enlevés par la loi de 1890.
Inutile de perdre du temps pour établir ce fait, car il
est généralement admis. Nous avons la décision
du plus haut tribunal de l'Empire qui déclare après
avoir entendu la cause, que les privilèges de la minorité
ont été usurpés, et que, par conséquent,
ce parlement a le droit de les rétablir. Il est oiseux,
dans les circonstances, de prétendre un instant que nous
sommes en état de faire une loi comme les membres des deux
côtés de la Chambre seraient prêts à
en faire une, si nous pouvions prendre la question de novo. Il
est inutile de perdre du temps à discuter si nous avions
le pouvoir et s'il était de notre devoir de préparer
un bill meilleur que le bill réparateur. Voici quel était
le devoir du gouvernement : Après cette décision
du comité judiciaire, il devenait du devoir du gouvernement
du Canada - et je ne crois pas qu'aucun honorable député
puisse nier cela - de reconnaître la nécessité
de légiférer, et le devoir de ce parlement, d'après
la loi et la constitution de redresser les griefs.
Ainsi, il ne s'agit pas de savoir quelle espèce de loi
nous préférons, mais ce qu'il est nécessaire
de restituer à la minorité catholique du Manitoba,
les droits dont, de l'avis de tout le monde, elle a été
privée et les privilèges dont elle jouissait en
vertu de la loi telle qu'elle existait avant l'adoption de l'acte
de 1890.
M. SUTHERLAND : Le ministre des Finances, dans son discours,
a établi la position d'une manière différente.
Sir CHARLES TUPPER : Bien qu'il puisse y avoir une différence
dans la phraséologie, je dis, devant cette Chambre, que
depuis le moment où je suis entré dans le gouvernement
de ce pays jusqu'à présent, il n'y a pas eu une
divergence d'opinion sur la question de ce bill ou la nécessité
imposée au gouvernement de la faire adopter par cette Chambre.
M. SUTHERLAND : Le ministre des Finances a dit que cela
n'était pas requis par la loi ou la constitution, mais
que c'était une question d'administration.
Sir CHARLES TUPPER : Je répondrai qu'il n'y a pas
la moindre divergence d'opinion dans le gouvernement, que toutes
ces idées sont le fait d'une imagination trop active chez
les honorables messieurs de la gauche. De fait, il n'y a, que
je sache, aucune raison de prétendre qu'il ait eu jusqu'à
présent une divergence d'opinion dans le gouvernement.
M. FRASER : Laquelle des deux opinions est admise de tous ?
Sir CHARLES TUPPER : L'honorable député ferait
mieux de taire ses questions, si elles sont toutes aussi insensées
que celle-là. Il est hors de doute, dis-je, que le gouvernement
a été unanime sur le principe, bien qu'il puisse
y avoir quelque divergence d'opinion sur les menus détails,
bien qu'un ministre puisse considérer la question plus
importante que ne le fait un autre. Le ministre des Finances a
parfaitement le droit de différer d'opinion avec moi sur
l'importance de ce bill, et ne pas le considérer aussi
important que je le considère ; mais cela ne touche
pas au principe, quant à la question de savoir si ce bill
rétablissant les droits et privilèges de la minorité
du Manitoba est une mesure sur laquelle nous avons été
unanimes depuis que je suis entré dans le gouvernement,
et que nous étions déterminés à soumettre
à l'étude de la Chambre tant que nous aurions le
moindre espoir de la faire adopter.
Qu'est-il arrivé ? L'arrêté réparateur
fut adopté par le gouvernement fédéral. Il
fut passé, je crois, je ne suis pas certain de la date,
le 21 mars.
Certains honorables membres de la gauche ont regardé cet
arrêté comme peu sage et d'une nature blessante pour
le gouvernement du Manitoba. Mais la Chambre ne doit pas oublier
ce qui est arrivé ensuite. Après un intervalle considérable,
une réponse fut envoyée par le gouvernement du Manitoba,
et un second arrêté fut adopté montrant combien
le Canada était désireux de voir le gouvernement
du Manitoba étudier et régler cette question. Cette
seconde invitation fut rejetée et le gouvernement se vit
forcé de recourir à la constitution et à
ce bill réparateur.
Quant à savoir si le gouvernement a traité le Manitoba
avec toute la courtoisie voulue, et si nous étions disposés
à adopter ces puissants moyens de conciliation recommandés
par le chef de l'opposition - et que j'approuve avec lui, car
tous les moyens doivent être épuisés pour
arriver à une solution satisfaisante de cette malheureuse
question - le comité possède maintenant des preuves
abondantes à l'effet que nous n'avons rien négligé.
Mon honorable ami de Montréal ouest (sir Donald Smith),
de son propre mouvement, et animé du désir patriotique
de voir le gouvernement du Manitoba régler cette question
à l'amiable, est allé là-bas dans le but
de voir ce que l'on pouvait faire. Après son retour, il
y eut certaines communications entre lui et le gouvernement du
Manitoba. Le premier avis que le gouvernement du Manitoba consentirait
à négocier avec le gouvernement fédéral
fut promptement pris en considération.
Les documents soumis à la Chambre prouvent que dès
le moment où M. Greenway donna à entendre qu'il
serait prêt à répondre à une invitation
officielle relativement à des négociations, le gouvernement
délégua tout de suite trois commissaires qui, je
l'ai cru alors et je le crois encore, ont été aussi
agréable au gouvernement manitobain que l'auraient pu être
tous autres délégués pour faire ces négociations.
Ils furent reçus avec la plus grande courtoisie par le
gouvernement du Manitoba et procédèrent à
l'étude de la question.
A-t-il été question d'une commission ? Parcourez
ces documents et vous n'y trouverez aucune recommandation à
l'effet que les faits n'étaient pas évidents et
connus de tout le monde.
Au lieu de dire, dès l'ouverture des négociations :
avant de pouvoir procéder, nous devons nous assurer des
faits et prendre des moyens pour cela ; tous les faits furent
admis comme exacts. Cela règle, et c'est fort heureux,
je pense, l'attitude que l'honorable député a maintenue
si longtemps et que, à la fin, dans un moment malheureux,
il a cru devoir abandonner.
On a répété à maintes reprises que
le gouvernement avait rendu plus difficile le règlement
de cette question par la manière dure dont nous avons traité
le Manitoba. Trouve-t-on, dans ces documents, quelque chose qui
se prêtât à un autre genre de négociations ?
Nous pouvons, je crois, considérer comme réfutée
cette objection des adversaires du bill. Les commissaires ont
entamé ces négociations de la meilleure manière
possible, sans qu'il y ait eu aucune plainte de faite à
ce sujet. La seule difficulté est venue au sujet des délibérations
en cette Chambre.
L'honorable député de Simcoe-nord (M. Carthy), on
se rappellera la chose, a demandé que l'on retardât
à mardi l'étude du bill, et une partie considérable
de la presse a prétendu, à tort, que c'était
là l'entente. On trouve dans les Débats la
reproduction verbatim de ce qui a été dit,
et il est établi que le chef de l'opposition et moi, nous
avons choisi le vendredi pour étudier le bill en comité.
Nos délégués virent la déclaration
relative au mardi, et ils ne virent pas celle relative au vendredi.
Ils crurent alors qu'il n'y aurait rien de fait avant mardi. C'est
là le seul point qui ait soulevé une difficulté,
et l'explication donnée par nos collègues fut reçue
avec courtoisie par le gouvernement du Manitoba.
Je fais allusion à ces faits pour démontrer que
tout ce qu'a pu faire le gouvernement a été ratifié,
autant que l'on peut voir, et l'objection imaginaire soulevée
par quelques honorables députés a été
détruite par la conduite des délégués.
Mais il est un autre point beaucoup plus important au sujet de
ces négociations, c'est que personne ne sauraient lire
les propositions des délégués de ce gouvernement,
sans en venir à la conclusion qu'ils étaient animés
du plus sincère désir de voir régler cette
question au Manitoba et non ici.
Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup à gagner par cette
tentative tendant à prouver que le gouvernement ne désirait
pas dès le commencement laisser au Manitoba le droit exclusif
de légiférer sur cette question d'instruction, et
de voir accepter la moindre des concessions rétablissant
les droits et privilèges de la minorité.
Il y a eu des doutes de soulevés par nombre de membres
de cette Chambre, qui parlent de la minorité d'un ton moqueur.
Ils voient là une question entre le gouvernement fédéral
et le gouvernement du Manitoba, et ils veulent que l'on traite
avec mépris tout énoncé, de quelque source
qu'il vienne, relativement à ce que pense la minorité
de cette question. Je n'interprète pas ainsi la constitution.
À mon avis, la constitution et les décisions du
comité judiciaire du Conseil privé établissent
que dans le cas où l'on a enlevé des droits et privilèges,
il est du devoir du gouvernement fédéral et du parlement
de rétablir ces droits et privilèges. Il devient
donc de la plus haute importance de savoir quels sont ces droits
et privilèges enlevés, et quel est le meilleur moyen
de les rétablir.
M. LAURIER. : Écoutez ! écoutez !
c'est précisément le point.
Sir CHARLES TUPPER. : Je le crois. Quels sont les droits,
quels sont les privilèges qui ont été enlevés ?
Un privilège peut n'être pas un droit, mais d'après
la constitution du pays, je ne vois aucune distinction importante
entre les droits et privilèges dont on jouissait et qui
ont été enlevés.
Les délégués devaient-ils, en dépit
du jugement, procéder sans tenir compte des sentiments
et des désirs de la minorité ? Je ne le pense
pas. Je crois qu'il était de leur devoir, connaissant la
décision rendue et les termes des instructions qu'ils avaient
reçues, de traiter la question de manière à
assurer le rétablissement des droits et privilèges
enlevés à la minorité par l'acte de 1890.
À mon avis, il est impossible pour toute personne étudiant
la question froidement d'en venir à la conclusion qu'ils
pouvaient faire plus qu'ils n'ont fait à ce sujet. Qu'ont-ils
recommandé pour le règlement de cette question ?
La législature du Manitoba devrait, durant sa présente
mission, passer une loi stipulant que, dans les villes ou villages
où il y a, disons, 25 enfants catholiques romains en âge
d'aller à l'école, et dans les grandes villes où
il y à, disons, 50 de ces enfants, le bureau des commissaires
devra décider que tels enfants auront une maison d'école
et des salles de classes pour leur propre usage, où l'enseignement
leur sera donné par un instituteur catholique romain ;
et les parents catholiques romains, ou les tuteurs, disons, au
nombre de dix, pourront interjeter appel devant le département
de l'instruction de toute décision ou négligence
du bureau relativement à ses devoirs d'après cette
disposition, et le bureau devra appliquer toutes décisions
ou recommandations du département dans le cas de tel appel.
J'ignore comment tout homme qui désire le rétablissement
de ces privilèges peut voir en cela quelque chose de déraisonnable.
Cette législation devra stipuler que les écoles
où la majorité des enfants est catholique devra
être exemptée des règlements relatifs aux
exercices religieux.
Le plus fort adversaire du bill ne saurait voir là rien
de révoltant. Que l'on force les enfants de recevoir un
enseignement religieux contraire au désir des parents,
c'est une chose qu'aucun homme de bon sens et de justice ne saurait
recommander.
On permettra, dans les écoles catholiques, des livres de
nature à ne pas blesser les idées de la minorité
et qui, au point de vue de l'enseignement, seront jugés
convenables par le bureau. En d'autres termes, ce doit être
des écoles de première classe, sous le contrôle
d'un corps nommé par le gouvernement du Manitoba pour choisir
un degré supérieur d'enseignement et assurer des
écoles aussi efficaces que les autres dans la province,
mais avec cette disposition qu'il n'y aura, dans les manuels,
rien de nature à blesser les susceptibilités des
catholiques romains :
Les catholiques devant être représentés dans
le bureau.
Maintenant, M. l'Orateur, je dois dire que le bon fonctionnement
de l'Acte concernant l'instruction de la Nouvelle-Écosse
est dû à la raison que, sans établir des écoles
séparées par La loi, il s'est en réalité
rendu au désir des catholiques et des protestants de cette
province, attendu que le conseil d'instruction étant le
gouvernement du jour, et que les catholiques sont toujours représentés
dans ce gouvernement, il est impossible de faire quelques règlements
ou arrangements qui ne soient approuvés tant par les catholiques
que par les protestants. C'est tout simplement reconnaître
les mêmes principes et que les catholiques seront représentés
dans le bureau. La nomination d'un catholique dans ce bureau de
8 ou 9 membres serait suffisante.
Les catholiques devant être représentés dans le bureau des examinateurs nommé pour examiner les instituteurs.
Je suis certain que personne ne voudra s'exposer à cela.
On veut aussi que les catholiques reçoivent de l'aide pour le maintien des écoles normales pour l'instruction des instituteurs.
Je ne vois pas pourquoi on leur refuserait le moyen de donner
à leurs instituteurs un aussi bon enseignement que celui
que l'on donne dans les écoles protestantes.
Le mode actuel de permis aux instituteurs non qualifiés
dans les écoles catholiques devra être maintenu,
disons, pendant deux ans, pour permettre à ces instituteurs
de prendre leurs diplômes, la chose devant être ensuite
entièrement abolie.
On a jugé cela nécessaire, dans les circonstances,
pour que bon nombre de personnes qui ne seraient peut-être
pas en état de subir, dans le moment, les examens requis
des instituteurs catholiques, puissent continuer d'enseigner si
elles se conforment aux autres exigences de la loi.
Sous tous autres rapports, les écoles des
catholiques devant être des écoles publiques et soumises
à toute disposition des lois scolaires alors en vigueur
dans le Manitoba.
Si les privilèges enlevés à cette minorité
doivent être rétablis, si ses droits doivent être
respects, je ne vois aucun arrangement plus modéré
et plus raisonnable pour tout gouvernement disposé è
rendre justice à la minorité.
Je n'ai pas l'intention de discuter les contre-propositions, car
cela n'est pas nécessaire ; mais je veux rappeler
un fait, et c'est qu'une des premières idées soumises
par le gouvernement du Manitoba était la sécularisation
des écoles.
L'honorable député de Winnipeg (M. Martin) aimerait,
je crois, à voir séculariser les écoles,
à voir bannir la Bible de l'enseignement religieux, mais
je doute qu'il se trouve plusieurs honorables députés
de son avis.
M. EDGAR : L'honorable député de Leeds (M.
Taylor) le chef des " whips " de gouvernement,
a exprimé cette opinion.
Sir CHARLES TUPPER : Je regrette d'apprendre cela, mais je
suis sûr que l'Église d'Angleterre ne se rendra pas
à cette idée, de même que l'Église presbytérienne,
l'Église wesléyenne et l'Église anabaptiste,
corps qui n'est peut-être pas très nombreux dans
le pays. Ainsi donc, cette idée, à mon avis, serait
contraire au sentiment de toutes les dénominations, catholiques
ou protestantes, de la province du Manitoba, et, conséquemment,
je considère cela comme un pas dans la fausse direction.
Quelle déception causerait un enseignement religieux, d'après
le mode proposé par le gouvernement du Manitoba. Que serait
cet enseignement ? Vous avez l'Église catholique,
l'Église d'Angleterre, les presbytériens, les wesleyens,
représentés dans chaque école et il leur
faudrait leurs jours respectifs, ce qui vous donnerait, en réalité,
une demie heure par semaine. Croyez-vous que cela contenterait
tout le monde, catholiques et protestants, qui désirent
cet enseignements religieux dans les écoles ? Assurément,
non.
Je n'ai pas l'intention de prolonger ces observations, car je désire ne pas retarder d'un instant la besogne du comité. Mais on nous a accusés de faire de l'obstruction au sujet de notre propre bill. Il s'est trouvé des hommes, malgré ce qui est connu de tout membre du comité, qui ont porté contre nous cette accusation. On a insinué qu'il y avait quelque influence occulte qui rendait le gouvernement désireux de retarder l'adoption de cette loi. Eh bien ! j'ai ici une copie de l'Evening Times de Hamilton, en date du 13 avril, qui fait voir l'attitude de l'opposition au sujet de ce bill :
Les Canadiens qui ne veulent pas de l'imposition des
écoles séparées au Manitoba, doivent remercier
les libéraux en parlement de s'opposer par tout les moyens
à cet outrage.
Ainsi, on donne tout le crédit aux libéraux
M. LAURIER : Ce journal n'est pas juste.
Sir CHARLES TUPPER : Les honorables membres de la gauche ont beaucoup parlé contre la manière de procéder de la semaine dernière.
Ce journal ajoute :
Le résultat dédommage de tous les ennuis
d'une séance de six jours et six nuits.
Ainsi, je crois juste de donner aux adversaires du gouvernement, je ne dis pas que ce sont tous des libéraux, le mérite de l'obstruction sans parallèle faite à cette mesure depuis le commencement.
Nous avons désiré vivement régler cette question, pour des raisons que j'ai souvent exposées et qu'il n'est pas nécessaire de répéter à la Chambre. Mon grand désir était d'écarter de l'arène politique une question de ce genre propre à nous empêcher d'obtenir un verdict sur les importantes questions politiques qui divisent les deux grands partis dans ce pays. Je crois aussi qu'il est fort regrettable de voir exciter les passions et les sentiments du peuple sur des questions religieuses, plus que sur tout autre au monde. Il est fort regrettable qu'une semblable question soit portée devant le peuple.
Cela est inutile, à mon avis, car le gouvernement, tout
en obéissant à la loi et à la constitution,
dans les mesures qu'il a prises, et bien qu'il ait déclaré
la nécessité absolue de rétablir les droits
et privilèges de la minorité du Manitoba, a montré,
dès le commencement, qu'il ne voulait recourir à
aucune mesure que l'on pourrait accuser d'être violente
ou extrême.
Je n'hésite pas à dire que la minorité, à mon avis, a été très raisonnable à ce sujet.
Les honorables messieurs de la gauche désirent si vivement détruire ce bill, qu'ils sont prêts à passer des jours et des nuits sur l'étude d'un article qui est une copie fidèle des lois en usage dans l'Ontario, et le Manitoba depuis nombre d'années, à la satisfaction générale.
Je ne comprends pas ce prétendu désir de l'opposition de faire subir une critique à ce bill en comité. Si la minorité est satisfaite du bill, tout imparfait qu'il puisse être, bien que, de l'avis du chef de l'opposition, il ne rétablisse pas complètement les droits enlevés à la minorité catholique, si cette minorité est satisfaite de la mesure, pourquoi quelques honorables députés s'y opposent-ils ? Nous nous appuyons sur la plus haute autorité pour dire que la minorité est satisfaite. Tout le monde sait le respect qu'a la population catholique pour les vues de ceux qui ont charge de ses intérêts religieux et d'éducation ; tout le monde sait la confiance que l'on a dans les évêques et les archevêques, qui peuvent ainsi être regardés comme représentant les vues de la population même.
Pour démontrer à la Chambre d'une manière
irréfutable que la minorité est satisfaite, je vais
lui citer le message suivant que j'ai reçu, et le premier
ministre en a reçu un semblable hier, de Montréal,
de l'archevêque de Saint-Boniface :
Au nom de la minorité catholique du Manitoba que je représente officiellement, je demande à la Chambre des Communes d'adopter le bill réparateur tel qu'il est maintenant modifié. Il sera satisfait pour la dite minorité qui le considérera comme un règlement substantiel, raisonnable et définitif de la question des écoles conformément à la constitution.
(Signé.) EDOUARD LANGEVIN
Je cite cela comme étant une réponse complète à tout honorable député qui prétend que ce bill ne donnera pas satisfaction à la minorité. Devant l'approbation de ce bill par un homme occupant une aussi haute position que Sa Grandeur l'archevêque, qui parle au nom de la minorité, personne n'osera plus prétendre, assurément, que cette mesure ne donnera pas satisfaction.
Je regrette que la mesure nécessaire n'ait pas été adoptée par le gouvernement du Manitoba. Ce serait infiniment plus satisfaisant, et le gouvernement fédéral n'a rien épargné pour assurer un règlement par le gouvernement provincial.
Je n'hésite pas à dire que l'adoption de ce bill, à mon avis, ferait cesser toute difficulté, car je crois que le gouvernement du Manitoba serait alors en état de dire au peuple de cette province qui est devenue excitée à ce sujet - et c'est là, je pense, une des difficultés que rencontre le gouvernement manitobain - il serait alors, dis-je, en état de dire au peuple : il nous faut régler les réclamations de cette minorité par notre propre législation, ou nous aurons, d'après la constitution du pays, une autorité divisée, ce qui n'est certainement pas désirable.
Je crois que si ce bill était adopté, le gouvernement fédéral ne serait peut-être jamais à la peine d'en appliquer les dispositions, car elles seraient promptement adoptées par le gouvernement du Manitoba, pour éviter l'autorité divisée dont j'ai parlé, et le gouvernement local aurait énormément plus de force en mettant ce bill dans les statuts.
Je désire maintenant dire un mot au sujet de l'obstruction.
Qui fait cette obstruction ?
M. WELSH : Voulez-vous exercer une coercition contre nous,
en nous tenant ici jour et nuit ? Vous êtres alors
ceux qui font l'obstruction.
Sir CHARLES TUPPER : Je dirai à mon honorable ami, s'il me permet de l'appeler ainsi, que personne moins que moi ne désire le retenir ici. Il s'agit d'un cas de nécessité. Nous avons cru devoir épuiser tous les moyens possibles pour faire adopter un bill que nous croyons de la plus haute importance de passer durant cette session. La session a été convoquée spécialement pour étudier cette mesure, c'est ce que le pays attend de nous, et nous avons cru devoir recourir à tous les moyens pour faire adopter cette mesure.
Mais je désire poser cette question aux honorables membres de la gauche : Qui fait de l'obstruction au sujet de ce bill ? Parmi les représentants, dans cette Chambre, des deux millions de catholiques du Canada, il n'en est pas un , je crois, qui veuille se lever et dire : je suis prêt à combattre cette loi et à en empêcher l'adoption. Je dirai alors, si ce bill est appuyé par le gouvernement de Canada qui se compose de catholiques et de protestants, si ce bill a l'appui d'un grand nombre des représentants des catholiques et des protestants, pourquoi en empêcher l'adoption ?
M. l'Orateur, il n'est pas encore trop tard. Le bill a été préparé avec le plus grand soin par les officiers en loi de la Couronne.
M. DAVIES (I.P.E.) : Avec soin !
Sir CHARLES TUPPER : Je ne crois pas qu'il soit possible
de rédiger un bill qui puisse subir sans qu'il en souffre
la critique des avocats depuis le lundi matin jusqu'au samedi
soir. Mais je ne considère pas pour cela que le bill soit
imparfait. Les articles ont été tournés en
tous sens, changés et modifié par les honorables
membres de la gauche, dans leur désir non pas de le perfectionner,
mais de le détruire. Je dis que le bill tel que soumis
à la Chambre eut été parfaitement satisfaisant.
Les officiers en loi de la Couronne y avaient apporté une
soigneuse attention, et un homme de haute réputation dans
le pays et de grands talents, M. Ewart, qui a consacré,
je pourrais dire, des années da sa vie à l'étude
de cette question, y a consacré tout son talent et sa puissance.
Il a eu l'occasion de lutter contre un autre homme de grand talent,
l'honorable députe de Simcoe-nord. On a dit que le fer
aiguise le fer, je dis ainsi qu'après ce conflit d'opinion
sur cette question, dans toutes ses phases, ce bill rencontre
l'approbation de l'avocat de la minorité du Manitoba. Il
est aussi approuvé par le ministre de la Justice et le
comité du gouvernement fédéral, comité
composé de catholiques et de protestants. Comme n'appartenant
pas à la profession, j'aurais été prêt
à l'accepter tel qu'il était, et je dis que la partie
la plus essentielle de cette mesure a maintenant été
étudiée, et je crois qu'il est du devoir du comité
de laisser adopter les autres articles. Si cette mesure est imparfaite,
les honorables membre de la gauche n'en sont pas responsable ;
le gouvernement du pays en est responsable.
M. LAURIER : Non ; pas le gouvernement, mais le pays.
Sir CHARLES TUPPER : Nous réglerons ce point un peu
plus tard. Je dis que le gouvernement du Canada a été
appuyé par une majorité de 99 contre 7 dans cette
Chambre ne faveur de l'abandon de toute obstruction et de l'adoption
de ce bill.
Dans ces circonstances, je ferai un dernier appel aux honorables
membres de la gauche de nous laisser régler cette malheureuse
question qui a été la cause de tant d'ennuis, de
laisser le gouvernement porter devant le pays la responsabilité
de ses fautes, les énormités de cette mesure, quelles
qu'elles soient. Nous sommes prêts à prendre cette
responsabilité. Nous croyons que ce sera dans l'intérêt
du pays, dans l'intérêt de la paix et de la bonne
entente entre les catholiques et les protestants de ce pays, et
j'espère que, dans ces circonstances, il nous sera permis
de mettre ce bill dans nos statuts, à cette phase avancée
de la session, et que nous pourrons prendre en considération
les autres questions importantes qu'il est nécessaire de
régler avant la prorogation du parlement.